Google This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project to make the world's bocks discoverablc online. It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the publisher to a library and finally to you. Usage guidelines Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. We also ask that you: + Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for Personal, non-commercial purposes. + Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. + Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. + Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. About Google Book Search Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web at |http: //books. google .com/l Google A propos de ce livre Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne. Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression "appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difficilement accessibles au public. Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. Consignes d'utilisation Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. Nous vous demandons également de: + Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un quelconque but commercial. + Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. + Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas. + Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. A propos du service Google Recherche de Livres En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl BIBLIOTHEQUE SCIENTIFIQUE INTERNATIONALE PUBLIÉE sons LA DIRECTION DE M. ÉM. ALGLAVE XLIII BIBLIOTHEQUE SCIENTIFIQUE INTERNATIONALE PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. ÉM. ALGLAVE Volumes in-8°, reliés en tdile anglaise. — Prix : 6 fr. Avec reliure d'amateur, tranche sup. dorée, dos et coins en veau. 10 fr. La Bibliothèque scientifique inteimationle n'est pas une entreprise de librairie ordinaire. C'est une œuvre dirigée par les auteurs mêmes, en vue des intérêts de la science, pour la populariser sous toutes ses formes, et faire connaître immédiatement dans le monde entier les idées originales, les directions nouvelles, les découvertes importantes qui se font chaque jour dans tous les pays. Chaque savant expose les idées qu'il a introduites dans la science et condense pour ainsi dire ses doctrines les plus origi- nales. On peut ainsi, sans quitter la France, assister et participer au mouve- ment des esprits en Angleterre, en Allemagne, en Amérique, en Italie^ tout aussi bien que les savants mêmes de chacun de ces pays. La Bibliothèque scientifique internationale ne comprend pas seulement des ouvrages consacrés aux sciences physiques et naturelles, elle aborde aussi les sciences morales, comme la philosophie, l'histoire, la politique et l'économie sociale, la haute législation, etc. ; mais les livres traitant des sujets de ce genre se rattacheront encore aux sciences naturelles, en leur empruntant les méthodes d'observation et d'expérience qui les ont ren- dues si fécondes depuis deux siècles. VOLUMES PARUS J. Tyndall. Les glaciers et les transformations de l'eau, suivis d'une étude de M. Helmholtz sur le même sujet, avec 8 planches tirées à part et nombreuses figures dans le texte. 3e édition. . . C fr. W. Bagehot. Lois scientifiques du développement des nations. 4e édi- tion C fr. J. Marey. La machine animale, locomotion terrestre et aérienne, avec 117 figures dans le texte. 3^ édition G fr. A. Bain. L'esprit et le corps considérés au point de vue de leurs relations, avec figures. ¥ édition 6 fr. Pettigre^w. La locomotion chez les animaux, avec 130 figures. . 6 fr. Herbert Spencer. Introduction a la science sociale. 6® édition. 6 fr. Oscar Schmidt. Descendance et darwinisme , avec figures. 3^ édi- tion 6 fr. H. Maudsley. Le crime et la folie. 4® édition 6 fr. P.-J. Van Beneden. Les commensaux et les parasites dans le règne animal, avec 83 figures dans le texte. 3e édition 6 fr. Balfour Stew^art. La conservation de l'énergie, suivie d'une étude sur La nature de la force, par P. de Saint-Robert. 4® édition. 6 fr. Draper. Les conflits de la science et de la religion. 7e édition. 6 fr» Léon Dumont. Théorie scientifique de la sensibilité. 3® édit. 6 fr. Schutzenberger. Les fermentations, avec 28 figures. 3® édition. 6 fr. "Whitney. La vie du langage. 3® édition 6 fr. Cooke et Berkeley. Les^champignons, avec 110 figures. S^ édit. 6 fr. Bernsteln. Les sens, avec 91 figures dans le texte. 3^ édition. . 6 fr. Berthelot. La synthèse chimique. 4® édition 6 fr. Vogel. La photographie et la chimie de la lumière, avec 95 figures dans le texte et un frontispice tiré en photoglyptie. 3® édition. 6 fr. Luys. Le cerveau et ses fonctions, avec figures. 4« édition. . . 6 fr. W. Stanley Jevons. La monnaie et le mécanisme de l'échange. 4e édi- tion 6 fr. Fuchs. Les volcans et les tremblements de terre, avec 36 figures dans le texte et une carte en couleurs. 3^ édition 6 fr. Général Briahnont. La défense des États et les camps retranchés,^ avec nombreuses figures et deux planches hors texte. 2« édit. 6 fr. A. de Quatrefages. L'espèce humaine. 7® édition 6 fr. Blaserna et Helmholtz. Le son et la musique, avec 50 figures dans le texte. 2e édition 6 f r. Rosenthal. Les muscles et les nerfs. 1 vol. in-8, avec 75 figures dans le texte. 2® édition 6 fr. Brucke et Helmholtz. Principes scientifiques des beaux-arts, suivis de L'optique et la peinture. 1 vol., avec 39 figures. 3° édition. 6 fr. Wurtz. La théorie atomique. 1 vol. in-8, avec une planche hors texte. 3« édition 6 fr. Secchi. Les étoiles. 2 vol. in-8, avec 60 figures dans le texte et 17 plan- ches en noir et en couleurs, tirées hors texte. 2® édition. . . 12 fr. N. Joly. L'homme avant les métaux. Avec 150 figures. 3® édition. 6 fr. A. Bain. La science de l'éducation. 1 vol. in-8. 3® édition. . . 6 fr. Thurston. Histoire de la machine a vapeur, revue, annotée et aug- mentée d'une Introduction par J. Hirsch, 2 vol., avec 140 figures dans le texte, 16 planches tirées à part et nombreux culs-de-lampe. 12 fr. R. Hartmann. Les peuples de l'Afrique. 1 vol. in-8, avec 93 figures dans le texte 6 fr. Herbert Spencer. Les bases de la morale évolutionniste. 1 volume in-8. 2« édition 6 fr. Th.-H. Huxley. L'écrevisse, introduction à Tétude de la zoologie, avec 82 figures. 1 vol. in-8 6 fr. De Roberty. La sociologie. 1 vol. in-8 6 fr. O.-N. Rood. Théorie scientifique des couleurs et leurs applications à l'art et à J'industrie. 1 vol. in-8, avec 130 figures dans le texte et une planche en couleurs 6 fr. G. de Saporta et Marion. L'évolution du règne végétal. Les crypto- games, 1 vol. avec 85 figures dans le texte 6 fr. Charlton Bastian. Le système nerveux et la pensée, 2 vol., avec 184 fig. dans le texte 12 fr. James Sully. Les illusions des sens et de l'esprit. 1 vol. . . 6 fr. Alph. de Candolle. L'origine des plantes cultivées. 1 yoI, . 6 fr. Young. Le soleil, avec 86 figures. 1 vol 6 fr. VOLUMES SUR LE POINT DE PARAITRE Semper. Les conditions d'existence des animaux. 2 vol., avec 106 fig. et 2 cartes. E. Cartailhac. La France préhistorique d'après les sépultures, 1 vol. avec figures. Ed. Perrier. La philosophie zoologique jusqu'à Darwin. G. de Saporta et Marion. L'évolution du règne végétal. Tome II, Les phanérogames, E. Oustalet. L'origine des animaux domestiques, avec fig. G. Pouchet. La vie du sang, avec figures. Angot. La météorologie. © ORIGINE DES PLANTES CULTIVÉES l'A H Alph. de CANDOLLE Associé étranger de rAcadémîe des sciences de l'Institut de France. Membre étranger des sociétés royales de Londres, Edimbourg et Dublin, des Académies de Saint-Pétersbourg, Stockholm, Berlin, Munich. Bruxelles, Copenhague, Amsterdam, Rome, Turin, Madrid, Boston, etc. PARIS LIBRAIRIE GERMER BÂILLIÈRE ET G 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1883 Tous droits réservés. ^5^5^ OHT 311883 S nu£. Il %^, Çw....-C, ^ okin, auteur américain sur les coutumes des indigènes, dit que ceux-ci mettaient des morceaux de Topinambour (Jérusalem artichok-e) dans leurs potages *. Les analogies botaniques et les témoignages de contemporains s'accordent, comme on voit, dans le sens de l'origine du nord- est de TAmérique. Le D*" Asa Gray, voyant qu'on ne trouvait pas la plante sauvage, l'avait supposée une forme de VH, doro- nicoides de Lamarck, mais on dit maintenant qu'elle est spon- tanée dans l'état d'Indiana^. Le nom Topinambour paraît venir de quelque nom réel ou supposé des langues américaines. Celui des Anglais, Jérusalem articàoke, est une corruption de l'italien Girasole (Tournesol), combinée avec une allusion au goût d*artichaut de la racine. Salsifis. — Tragopogon porrifoUmn^ Linné. Le salsifis ou, comme on écrivait jadis, Sercifi ^, était plus cultivé il y a un siècle ou deux qu'à présent. C'est une Com- posée bisannuelle, qu'on trouve à l'état sauvage en Grèce, en Dalmatie, en Italie et même en Algérie *. Elle s'échappe assez souvent des jardins dans l'ouest de l'Europe et se naturalise à moitié ^ . Les commentateurs ^ attribuent le nom Tragopogon (barbe de bouc) de Théophraste tantôt à l'espèce actuelle et tantôt au Tragopogon crocifolium, qui croît également en Grèce. Il est difficile de savoir si les anciens cultivaient le Salsifis ou le re- cueillaient dans la campagne. Dans le xvi« siècle, Olivier de Serres dit que c'était une culture nouvelle pour son pays, le midi de la France. Notre mot Salsifis vient de l'italien Sassefrica^ qui frotte les pierres, sens qui n'a rien de raisonnable. Scorsonère d'Espace. — Scorzonera hispanica^ Linné. On donne quelquefois à cette plante le nom de Salsifis ou Salsifis d'Espagne, parce qu'elle ressemble au salsifis {Trago- pogon porrifolium) ; mais sa racine est brune extérieurement : d'où viennent le nom botanique et celui à'^écorce noire, usité dans quelques provinces. Elle est spontanée en Europe, depuis l'Espagne, où elle est commune, le midi de la France et l'Allemagne, jusqu'à la ré- gion du Caucase et peut-être jusqu'en Sibérie, mais elle manque \. Kckering, Chronol. arrang., p. 749, 972. 2. Catalogue of Indiana plants y 1881, p. 15. 3. Olivier de Serres, Théâtre de Vagriculture, p. 470. 4. Bois8ier, Flora orient., III, p. 745; Visiani, FI. dalmat., II, p. 108; Berto- loni, FI. ital., VIII, p. 348; Gussone, Synopsis fl. sicul^e, II, p. 384; Munby, Catal, Alger., éd. 2, p. 22. 5. A. de CandoUe, Géogr. bot. vaisonnée, p. 671. 6. Fraas, Synopsis fl. class., p. 196; Lenz, Botanik der Alten, p. 485. 36 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES à la Sicile et la Grèce *. Dans plusieurs localités d'Allemagne, l'espèce est probablement naturalisée à la suite des cultures. Il ne paraît pas qu'on cultive cette plante depuis plus de cent ou cent cinquante ans. Les botanistes du xvi® siècle n'en par- lent que comme d'une espèce sauvage, introduite quelquefois dans les jardins botaniques. Olivier de Serres ne la mentionne pas. On avait prétendu jadis que c'était un antidote contre la morsure des vipères, et on appelait quelquefois la plante vipé- rine. Quant à 1 étymologie du nom Scorzonère, elle est si évi- dente qu'on ne comprend pas pourquoi d'anciens auteurs, même Tournefort ^^ ont avancé que l'origine est escorso, vipère, en espagnol ou en catalan. Vipère se dit plutôt, en espagnol, vibora. Il existe en Sicile un Scorzonera deliciosa, Gmsone^ dont la racine extrêmement sucrée sert à confectionner des bonbons et des sorbets à Païenne ^. Gomment n'a-t-on pas essayé de la cul- tiver ? Je conviens qu'on m'a servi, à Naples, des glaces à la Scorzonera^ que j'ai trouvées détestables, mais elles étaient faites peut-être avec l'espèce ordinaire (Scorzonera hispanica). Pomme de terre. — Solanum tuberosum^ Linné. J'ai exposé, en 1855, et discuté ce qu'on savait alors sur l'ori- gine de la Pomme de terre et sur son introduction en Europe *. J'ajouterai maintenant ce qu'on a découvert depuis un quart de siècle. On verra que les données acquises autrefois sont deve- nues plus certaines et que plusieurs questions accessoires un peu douteuses sont restées telles, avec des probabilités cependant plus fortes en faveur de ce qui me paraissait jadis vraisemblable. Il est bien prouvé qu'à 1 époque de la découverte de l'Amé- rique la culture de la Pomme de terre était pratiquée, avec toutes les apparences d'un ancien usage, dans les régions tem- pérées qui s'étendent du Ghili à la Nouvelle-Grenade, à des hau- teurs différentes selon les degrés de latitude. Gela résulte du témoignage de tous les premiers voyageurs, parmi lesquels je rappellerai Acosta "^ pour le Pérou, et Pierre Gieca, cité par ae L'Ecluse ®, pour Quito. Dans les parties tempérées orientales de l'Amérique méridio- nale, par exemple sur les hauteurs de la Guyane et du Brésil, la Pomme de terre n'était pas connue des indigènes, ou, s'ils 1. Willkomm et Lange, Prodromus florœ hispanicse^ II, p. 223 ; de Can- doUe, Flore française, IV, p. 59 ; Koch, Synopsis fl, germ,, éd. 2 p., 488 ; Ledebour, Flora rossica, II, p. 794 ; Boissier, FL orient, III, p. 767 ; Bertoloni, Flora italica, VIII, p. 365. 2. Tournefort, Eléments de botanique, p. 379. 3. GussoiïE, Synopsis florœ sicuUe, 4. A. de CandoUe, Géogr. bot, raisonnée, p. 810 à 816. 5. Acosta, p. 163, verso. 6. De L'Ecluse (soit Clusius), Rariarum plantarum historia, 1601, pars 2, p. 79, avec figure. POMME DE TERRE 37 connaissaient une plante analogue, c'était le Solanum Corn- mersonii, qui a aussi des tubercules et se trouve sauvage à Mon- tevideo et dans le Brésil méridional. La vraie Pomme de terre est bien cultivée aujourd'hui dans ce dernier pays, mais elle y est si peu ancienne qu'on lui a donné le nom de Batate des Anglais *. D'après de Humboldt, elle était inconnue au Mexique *, circonstance confirmée par le silence des auteurs subséquents, mais contredite, jusqu'à un certain point, par une autre donnée historique. On dit, en effet, que Walter Raleigh, ou plutôt son compa- gnon dans plusieurs voyages, Thomas Herriott, avait rapporté, en 1585 ou 1586, des tubercules de Pomme de terre de la Vir- ginie ^ en Irlande. Le nom du pays était Openawk (prononcez Openauk). D'après la description de la plante par Herriott, citée par sir Joseph Banks *, il n'y a pas de doute que c'était la pomme de terre et non la Batate, qu on confondait quelquefois avec elle à cette époque. D'ailleurs Gérard ^ nous dit avoir reçu de Virginie la Pomme de terre, qu'il cultivait dans son jardin en 1597 et dont il donne une figure parfaitement conforme au Solanum tuberosum. Il en était si fier que son portrait, à la tête de l'ouvrage , le représente ayant en main un rameau fleuri de cette plante. Comment l'espèce était-elle en Virginie ou dans la Caroline au temps de Raleign, en 1585, tandis que les anciens Mexicains ne la possédaient pas et que la culture ne s'en était point répandue chez les indigènes au nord du Mexique? Le D' Roulin, qui a beaucoup étudié les ouvrages concernant l'Amérique septen- trionale, m'affirmait jadis qu'il n'avait trouvé aucune indica- tion de la Pomme de terre aux Etats-Unis avant l'arrivée des Européens. Le D»" Asa Gray me le disait aussi, en ajoutant que M. Harris, un des hommes les plus versés dans la connaissance de la langue et des usages des tribus du nord de l'Amérique, avait la même opinion. Je n'ai rien lu de contraire dans les pu- blications récentes, et il ne faut pas oublier qu'une plante aussi facile à cultiver se serait répandue, même chez des peuples nomades, s'ils l'avaient possédée. La probabilité me paraît être que des habitants de la Virginie — peut-être des colons anglais — auraient reçu des tubercules par les voyageurs espagnols ou autres, qui trafiquaient ou cherchaient des aventures pendant les quatre-vingt-dix ans écoulés depuis la découverte de l'Amé- rique. Evidemment, à dater de la conquête du Pérou et du Chili, en 1535, jusqu'en 1585, beaucoup de vaisseaux ont pu emporter !. De Martius, Flora h^asiLj vol. 10, p 12. 2. De Humboldt, Nouvelle-Espagne^ éd. 2, vol. 2, p. 451 ; Essai sur la géographie des plantes^ p. 29. 3. A cette époque, on ne distinguait pas la Virginie de la Caroline. 4. Banks. Transactions of the horticult. Society^ 1805, vol. 1, p. 8. 5. Gérard, Herbaly 1597, p. 781, avec figure. 38 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES des tubercules de Pommes de terre comme provision, et W. Ra- leigh, faisant une guerre de flibustier aux Espagnols, lui ou un autre peut avoir pillé quelque vaisseau qui en contenait. Ceci est d'autant moins invraisemblable que les Espagnols avaient introduit la plante en Europe avant 1585. Sir Joseph Banks * et Dunal ^ ont eu raison d'insister sur ce fait de l'introduction première par les Espagnols, attendu que pendant longtemps on a parlé surtout de Walter Raleigh, qui a été le second introducteur, et même d'autres Anglais, qui avaient apporté, non la Pomme de terre, mais la Batate, plus ou moins confondue avec elle ^, Un botaniste célèbre, de L'Ecluse *, avait pourtant précisé les faits d'une manière remarquable. C'est lui qui a publié la première bonne description et bonne figure de la Pomme de terre, sous le nom significatif de Papas Perua- norum. D'après ce qu'il dit, l'espèce a bien peu changé par TefTet d'une culture de près de trois siècles, car elle donnait à l'origine jusqu'à 50 tubercules de grosseur inégale, ayant de un à deux pouces de longueur, irrégulièrement ovoïdes, rougeâtres, qui mûrissaient en novembre (à Vienne) . La fleur était plus ou moins rose à l'extérieur et rosée à l'intérieur, avec cinq raies longitudinales de couleur verte, ce qu'on voit souvent aujour- d'hui. On a obtenu sans doute de nombreuses variétés, mais l'état ancien n'est pas perdu. De L'Ecluse compare le parfum des fleurs à celui du tilleul, seule diflerence d'avec nos plantes actuelles. Il sema des graines qui donnèrent une variété à fleurs blanches, comme nous en voyons quelquefois. Les plantes décrites par de L'Ecluse lui avaient été envoyées €n 1588 par Philippe de Sivry, seigneur de Waldheim, gouver- neur de Mons, qui les tenait de quelqu'un de la suite du légat du pape en Belgique. De L'Ecluse ajoute que l'espèce avait été reçue en Italie d'Espagne ou d'Amérique (certum est vel ex His- paniis, vel ex America habuissej, et il s'étonne qu'étant de- venue commune en Italie, au pomt qu'on la mangeait comme des raves et qu'on en donnait aux porcs, les savants de l'école de Padoue en avaient eu connaissance par les tubercules qu'il leur envoya d'Allemagne. Targioni ^ n'a pas pu constater que la Pomme de terre eût été cultivée aussi fréquemment en Italie à la fin du xvi* siècle que le dit de L'Ecluse, mais il cite le Père Magazzini, de Valombrosa, dont l'ouvrage posthume, publié 1. Banks, /. c. 2. Dunal, Histoire naturelle des Solanurrij in-4. 3. La plante apportée par sir Francis Drake et sir John Hawkins était clairement la Batate, dit sir J. Banks ; d'où il résulte que les questions discutées par de Humboldt sur les localités visitées par ces voyageurs ne s'appliquent pas à la Pomme de terre. 4. De L'Ecluse, Le. 5. Targioni-Tozzetti, Lezzioni, II, p. 10; Cenni storici sulla introduztom di varie pianie nelV agricoltura di Toscana, 1 vol. in-8, Florence, 1853, p. 37. POMME DE TERRE 39 €n 1623, mentionne l'espèce comme apportée précédemment, sans indication de date, d'Espagne ou de Portugal, par des carmes déchaussés. Geserait donc vers la fin du xvio siècle ou au commencement du xvii® que la culture se serait répandue en Toscane. Indépendamment de ce que disent de L'Ecluse et l'agro- nome de Valombrosa sur l'introduction par la péninsule espa- gnole, il n'est nullement probable que les Italiens aient eu des rapports avec les compagnons de Raleigh. Personne ne peut douter que la Pomme de terre ne soit origi- naire d'Amérique ; mais, pour connaître de quelle partie précisé- ment de ce vaste continent, il est nécessaire de savoir si la plante s'y trouve à l'état spontané et dans quelles localités. Pour répondre nettement à cette question, il faut d'abord écarter deux causes d'erreurs : l'une qu'on a confondue avec la Pomme de terre des espèces voisines du genre Solanum ; l'autre que les voyageurs ont pu se tromper sur la qualité de plante spontanée. Les espèces voisines sont le Solanum Commersonii de Dunal, dont j'ai déjà parlé; le S, Maglia de Molina, espèce du Chili; le jS. immite de Dunal, qui est du Pérou; et le S. verrucosum de Schlechtendal, qui croît au Mexique. Ces trois sortes de Solanum ont des tubercules plus petits que le S. tubermum et diffèrent aussi par d'autres caractères indiqués dans les ouvrages spéciaux •de botanique. Théoriquement, on peut croire que toutes ces formes et d'autres encore croissant en Amérique, dérivent d'un seul état antérieur; mais, à notre époque géologique, elles se présentent avec des diversités qui me paraissent justifier des distinctions spécifi,ques, et il n'a pas été fait d'expériences pour prouver qu'en fécondant l'une par l'autre on obtiendrait des produits dont les graines (et non les tubercules) continueraient îa race *. Laissons de côté ces questions plus ou moins douteuses sur les espèces. Cherchons si la forme ordinaire du Solanum tuberosum a été trouvée sauvage, et notons seulement que l'abondance des Solanum à tubercules croissant en Amérique •dans les régions tempérées, du Chili ou de Buenos- Ayres jusqu'au Mexique, confirme le fait de Torigine américaine. On ne saurait rien de plus que ce serait une forte présomption sur la patrie primitive. La seconde cause d'erreur est expliquée très nettement par le botaniste Weddell ^, qui a parcouru avec tant de zèle la Bolivie et les contrées voisines. « Quand on réfléchit, dit-il, que dans l'aride cordillière les Indiens établissent souvent leurs petites 1. Le Solanum verrucosum^ dont j*ai raconté, en 1855, l'introduction dans le pays de Gex, près de Genève, a été abandonné, parce que ses tuber- cules sont trop petits et qu'il ne résistait pas à l'oïdium, comme on s'en -était flatté. 2, Chloris Andina, in-4, p. 103, 40 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES cultures sur des points qui paraîtraient presque inaccessibles à la grande majorité de nos fermiers d'Europe, on comprend qu'un voyageur visitant par hasard une de ces cuHures depuis longtemps abandonnées, et y rencontrant un pied de Solanum tuberosum qui y a accidentellement persisté, le recueille, dans la persuasion qu'il y est réellement spontané; mais où en est la preuve? » Voyons maintenant les faits. Ils sont nombreux pour ce qui concerne la spontanéité au Chili. En 1822, Alexandre Galdcleugh *, consul anglais, remet à la Société d'horticulture de Londres des tubercules de Pommes de terre qu'il avait recueillis « dans des ravins autour de Valpa- raiso ». Il dit que ces tubercules sont petits, tantôt rouges et tantôt jaunâtres, d'un goût un peu amer ^ « Je crois, ajoute-t-il, que cette plante existe sur une grande étendue du littoral, car elle se trouve dans le Chili méridional, où les indigènes l'aDellent Maglia. » Il y a probablement ici une confusion avec le S, maglia des botanistes; mais les tubercules de Valparaiso, plantés à Londres, ont donné la vraie Pomme de terre, ce qui saute aux yeux en voyant la planche coloriée de Sabine dans les Transactions de la Société d'horticulture. On continua quelque temps à cul- tiver cette plante, et Lindley certifia de nouveau, en 1847, son identité avec la Pomme de terre commune ^. Voici ce qu'un voyageur expliquait à sir William Hooker * sur la plante de Valparaiso : « J ai noté la Pomme de terre sur le littoral jus- qu'à 15 lieues au nord de cette ville, et au midi, mais sans savoir jusqu'à quelle distance. Elle habite sur les falaises et les collines près de la mer, et je n'ai pas souvenir de l'avoir vue à plus de deux ou trois lieues de la côte. Bien qu'on la trouve dans les endroits montueux, loin des cultures, elle n'existe pas dans le voisinage immédiat des champs et des jardins où on la plante, excepté lorsqu'un ruisseau traverse ces terrains et porte des tubercules dans les endroits non cultivés. » Les Pommes de terre décrites par ces deux voyageurs avaient des fleurs blan- ches, comme cela se voit dans quel(jues variétés cultivées en Europe, et comme la plante semée jadis par de L'Ecluse. On peut présumer que c'est la couleur primitive pour l'espèce ou, au moins, une des plus fréquentes à l'état spontané. Darwin, dans son voyage à bord du Beagle, trouva la Pomme de terre sauvage dans l'archipel Chonos, du Chili méri- dional, sur les sables du bord de la mer, en grande abondance, 1. Sabine, Transactions of the horticultural Society^ vol. 5, p. 249. 2. II ne faut pas attacher de l'importance à cette saveur, ni à la qualité aqueuse de certains tubercules, attendu que dans les pays chauds, même dans le midi de l'Europe , la Pomme de terre est souvent médiocre. Une exposition à la lumière verdit les ti:Q)ercules, qui sont des rameaux souter- rains de la tige, et les rend amers. 3. Journal of the hortic. Society^ vol. 3, p. 66. 4. Hooker, Èotanical miscelL, 1831, vol. 2, p. 203. POMME DE TERRE 41 et végétant avec une vigueur singulière, qu'on peut attribuer à riiumidité du climat. Les plus grands individus avaient quatre pieds de hauteur. Les tubercules étaient petits, quoique Tun d'eux eût deux pouces de diamètre. Ils étaient aqueux, insipides, mais sans mauvais goût après la cuisson. « La plante est mdu- bitablement spontanée », dit l'auteur *, et l'identité spécifique a été confirmée par Henslow d'abord et ensuite par sir Joseph Hooker, dans son Flora antarctica ^. Un échantillon de notre herbier recueilli par Claude Gay, attribué au Solarium tuberosum par Dunal, porte sur l'étiquette : « Au centre des cordillières de Talcagoué et de Cauquenès, dans les endroits que .visitent seulement les botanistes et les géologues, » Le même auteur. Cl. Gay, dans son Flora chilena ', insiste sur la fréquence de la Pomme de terre sauvage au Chili, jusque chez les Araucaniens, dans les montagnes de Malvarco, où, dit-il, les soldats de Pincheira allaient les chercher pour se nourrir. Ces témoignages constatent assez l'indigénat au Chili pour que j'en omette d'autres moins probants, par exemple ceux de Molina et de Meyen, dont les échantillons du Chili n'ont pas été examinés. Le climat des côtes du Chili se prolonge sur les hauteurs en suivant la chaîne des Andes, et la culture de la Pomme de terre est ancienne dans les régions tempérées du Pérou, mais la qualité spontanée de l'espèce y est beaucoup moins démontrée qu'au Chili. Pavon * prétendait l'avoir trouvée sur la côte, à Chancay et près de Lima. Ces localités paraissent bien chavdes pour une espèce qui demande un climat tempéré ou même un peu froid. D'ailleurs l'échantillon de l'herbier de M. Boissier recueilli par Pavon, appartient, d'après Dunal, à une autre espèce qu'il a nommée ^ Solanum immite. J'ai vu l'échantillon authentique et n'ai aucun doute que ce ne soit une espèce distincte du *S'. tube- rosum. Sir W. Hooker ® cite un échantillon, de Mac Lean, des col- lines autour de Lima, sans aucune information sur la sponta- néité. Les échantillons (plus ou moins sauvages ?) que Matthews a envoyés du Pérou à sir W. Hooker appartiennent, d'après sir Joseph ', à des variétés un peu diff'érentes de la vraie Pomme de terre. M. Hemsley ®, qui les a vus récemment dans l'herbier de Kew, les juge « des formes distinctes, pas plus cependant que certaines variétés de l'espèce. » Weddelt,'*dont nous connaissons la prudence dans cette ques- tion, s'exprime ainsi ' : a Je n'ai jamais rencontré au Pérou le 1. Jowmal of the voyage^ etc., éd. 1852, p. 285. 2. Vol. 1, part. 2, p. 329. 3. Vol. 5, p. 74. 4. Ruiz et Pavon, Flora peruviana, II, p. 38. 5. Dunal, Prodromus^ 13. sect. 1, p. 32. 6. Hooker, Bot. miscell.y II, 7. Hooker, ^Flora antarctica, 1. c. 8. Journal of the royal hortic, Society , new serieS; vol. 5. 9. Weddell, Chloris Andina, 1. c. 42 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES Solanum tuberosum dans des circonstances telles qu'il ne me restât aucun doute qu'il fût indigène; je déclare même que je ne crois pas davantage à la spontanéité d'autres individus rencon- trés de loin en loin sur les Andes extra-chiliennes et regardés jusqu'ici comme en étant indigènes. » D'un autre côté, M. Ed. André * a recueilli, avec beaucoup de soin, dans deux localités élevées et sauvages de la Colombie et dans une autre près de Lima, sur la montagne des Amancaes, des échantillons qu'il pensait pouvoir attribuer au S, tuberosum, M. André a eu l'obligeance de me les prêter. Je les ai comparés attentivement avec les types des espèces de Dunal dans mon herbier et dans celui de M. Boissier. Aucun de. ces Solanum, à mon avis, n'appartient au S. tuberosum^ quoique celui de La Union, près du fleuve Gauca, s'en rapproche plus que les autres. Aucun, et ceci est encore plus certain, ne répond au S, immite, de Dunal. Ils sont plus près du "S. Colombianum, du même auteur, que du tuberosum ou de Yimmite. L'échantillon du mont Quindio présente un caractère bien singulier. Il a des baies ovoïdes et pointues ^. Au Mexique, les Solanum tubéreux attribués au aS. tuberosum^ ou, selon M. Hemsley ^, à des formes voisines, ne paraissent pas pouvoir être considérés comme identiques avec la plante culti- vée. Ils se rapportent au S, Fendleri^ que M. Asa Gray a con- sidéré d'abord comme espèce propre et ensuite * comme une forme du S. tujberosum ou du S, verrucosum. Nous pouvons conclure de la manière suivante : 1° La pomme de terre est spontanée au Chili, sous une forme qui se voit encore dans nos plantes cultivées. 2° Il est très douteux que l'habitation naturelle s'étende jus- qu'au Pérou et à la Nouvelle-Grenade. 3° La culture était répandue, avant la découverte de l'Amé- rique, du Chili à Nouvelle-Grenade. 4*^ Elle s'était introduite, probablement dans la seconde moitié du xvi« siècle, dans la partie des Etats-Unis appelée aujourd'hui Virginie et Caroline du Nord. 5« Elle a été importée en Europe, de 1580 à 1585, d'abord par les Espagnols, et ensuite par les Anglais, lors des voyages de Raleigh en Virginie ^. Batate ou Patate, Siveet Potatoe (en anglais) — Convoi- volus Batatas, Linné. Batalas edulis, Choisy. 1. André, dans Illustration horticole^ 1877, p. H4. 2. La forme des baies n'est pas encore connue dans les S. Colombianum et immite. 3. Hemsley, 1. c. 4. Asa Gray, Synoptical flora of N. Am,^ II, p. 227. 5. Sur l'introduction successive dans différentes parties deFEurope, voir: Clos, Quelques documents sur l'histoire de la pomme de terre, in-8, 1874, dans Journal d*agric. pratiq. du midi de la France, BATATE 43 Les racines de cette plante, renflées en tubercules, ressemblent aux Pommes de terre, d'où il est résulté que les navigateurs du XVI® siècle ont appliqué le même nom à ces deux espèces très différentes. La Batate est de la»famille des Convolvulacées, la Pomme de terre de celle de Solanées ; les parties charnues de la première sont des racines, celles de la seconde des rameaux souterrains *. La Batate est sucrée, en même temps que farineuse. On la cul- tive dans tous les pays intertropicaux ou voisins des tropiques, plus peut-être dans le nouveau monde que dans l'ancien % Son origine est douteuse d'après un grand nombre d'auteurs. De Humboldt ^, Meyen *, Boissier ^, indiquent une origine amé- ricaine; Bojer ^, Ghoisy ''y etc., une origine asiatique. La même diversité se remarque dans les ouvrages antérieurs. La question est d'autant plus difficile que les Convolvulacées sont au nom- bre des plantes les plus répandues dans le monde, soit depuis des époques très anciennes, soit par l'effet de transports mo- dernes. En faveur de l'origine américaine, il y a des motifs puissants. Les 15 espèces connues du genre Batatas se trouvent toutes en Amérique, savoir 11 dans ce continent seul et 4 à la fois en Amé- rique et dans l'ancien monde, avec possibilité ou probabilité de transports. La culture de la Batate commune est très répandue en Amérique. Elle remonte à une époque reculée. Marcgraff ® la cite pour- le Brésil, sous le nom de Jetica, Humboldt dit que le nom Camote vient d'un mot mexicain. Le mot de Batatas (d'où par transposition erronée on a fait Potatoe, pomme de terre) est donné pour américain. Sloane et Hughes ^ parlent de la Batate comme d'une plante très cultivée, ayant plusieurs variétés aux Antilles. Ils ne paraissent pas soupçonner une origine étrangère. Clusius, qui l'un des premiers a parlé de la Batate, dit en avoir mangé dans le midi de l'Espagne, où l'on prétendait l'avoir reçue du nouveau monde *°. 11 indique les noms de Batatas^ Ca- motes, Amotes, Ajes ^\ qui étaient étrangers aux langues de 1. Turpîn a publié de bonnes figures qui montrent clairement ces faits» Voy. Mémoires du Muséum^ in-4, vol. 19, pi. 1, 2 et 5. 2. Le Dr Sagot a donné des détails intéressants sur le mode de culture, le produit, etc., dans le Jowmal de la Société d'hortic. de France, vol. 5, 5« série, p. 450-458. 3. Humboldt, Nouv. -Espagne, éd. 2, vol. 2, p. 470. 4. Meyen, Grundrisse Pflanz. geogr.y p. 373. 5. Boissier, Voyage botanique en Espagne, 6. Bojer, Hort. maurit., p. 225. 7. Choisy, dans Prodromus, 9, p. 338. 8. Marcgraff, Bres., p. 16, avec fig. 9. Sloane, Hist. Jam., I, p. 150 ; Hughes, Baj^b. p. 228. 10. Clusius, hist,, 11, p. 77. 11. Ajes était un nom de l'igname (Humb., Noiiv-Esp., 2« édit., vol. 2, p. 467, 468;. 44 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES l'ancien monde. Son livre date de 1601. Humboldt * dit que, d'après Gomara, Christophe Colomb, lorsqu'il parut pour la •première fois devant la reine Isabelle, lui offrit divers produits du nouveau monde, entre autres ^es Bâtâtes. Aussi, ajoute-t-il, la culture de cette plante était-elle déjà commune en Espagne dès le milieu du xvi« siècle. Oviedo *, qui écrivait en 1526, avait vu la Batate très cultivée par les indigènes de Saint-Domingue, et l'avait introduite lui-même à Avila, en Espagne. Rumphius ' dit positivement que, selon l'opinion commune, les Batatas ont été apportées par les Espagnols d'Amérique à Manille et aux Molu- ques, d'où les Portugais les ont répandues dans l'archipel indien. Il cite des noms vulgaires , qui ne sont pas malais et qui indiquent une introduction par les Castillans. Enfin, il est cer- tain que la Batate était inconnue aux Grecs, aux Romains et aux Arabes ; qu'elle n'était pas cultivée en Egypte, et cela même il y a quatre-vingts ans *, ce qui ne s'expliquerait guère si l'on sup- pose une origine de l'ancien monde. D'un autre côté, il y a des arguments pour une origine asiati- que. L'Encyclopédie chinoise d'agriculture parle de la Batate et mentionne diverses variétés ^ ; mais le D*^ Bretschneider ® a constaté que l'espèce est décrite pour la première fois dans un livre du ii<» ou me siècle de notre ère. D'après Thunberg ', la Ba- tate a été apportée au Japon par les Portugais. Enfin la plante cultivée à Taïti, dans les îles voisines et à la Nouvelle-Zélande, sous les noms Ûmara^ Guman^a et Gumalla, décrite par Forster ^ sous le nom de Convolvolus chrysorhizus, est la Batate, d'après sir Joseph Hooker ^. Seemann *^ fait observer que ces noms res- semblent au nom quichuen de la Batate, en Amérique, qui est, dit-il, Cumar. La culture de la Batate était répandue dans l'Inde au xviii* siècle ". On lui attribue plusieurs noms vulgaires, et même, selon Piddington *^, un nom sanscrit, Ruktaloo (prononcez Roktalou)^ qui n'a d'analogie avec aucun nom à moi connu et n'est pas dans le dictionnaire sanscrit de Wilson. D'après une note que m'avait donnée Adolphe Pictet, Ruktaloo semble un nom bengali composé du sanscrit Alu {Rutka^ plus a/w, nom de l'Arum campanulatum). Ce nom, dans les dialectes modernes, désigne l'Igname et la Pomme de terre. Cependant Wallich *^ in- 1. Humboldt, Nouv.-Esp., 1. c. 2. Oviedo, trad. de Ramusio, vol. III, part. IIL 3. Rumphius, Amboin., V, p. 368. 4. Forskal, p. 54 ; Delile, lit. 5. D'Hervey Saint-Denys, Rech. sur Vagric. des Chin,^ 1850, p. 109. 6. Study and value of chinese bot. works, p. 13. 7. Thunberg, Flora japon., p. 84. 8. Forster, Plantée escul.^y. 56. 9. Hooker, Handb. New Zealand. florOf-p. 194. 10. Seemann, Journal of bot., 1866, p. 328. 11. Roxburgh, édit. Wall., II, p. 69. 12. Piddington, Index. 13. Wallich, Flora Ind.y 1. c. BATATE 45 dique plusieurs autres noms que Piddington omet. Roxburgh * ne cite aucun nom sanscrit. Rheede * dit que la plante était cul- tivée au Malabar. Il cite des noms vulgaires indiens. Les motifs sont beaucoup plus forts, ce me semble, en faveur de l'origine américaine. Si la Batate avait été connue dans rinde à l'époque de la langue sanscrite, elle se serait répandue dans l'ancien monde, car sa propagation est aisée et son uti- lité évidente. Il parsût, au contraire, que les îles de la Sonde, TEgypte, etc., sont restées étrangères pendant longtemps à cette culture. Peut-être un examen attentif ramènera-t-il à l'opinion de G. P. W. Meyer, qui distinguait ' la plante asiatique des espèces américaines. Cependant on n'a pas suivi généralement cet au- teur, et je soupçonne que, s'il y a une espèce asiatique différente, ce n'est pas, comme le croyait Meyer, la Bàtate décrite par Rum- phius, que celui-ci dit apportée d'Amérique, mais la plante indienne de Roxburgh. On cultive des Bâtâtes en Afrique; mais, ou leur culture est rare, ou les espèces sont différentes. Robert Brown * dit que le voyageur Lockhardt n'avait pas vu la Batate, dont les mission- naires portugais mentionnaient la culture. Thonning ^ ne Tin- dique pas. Vogel a rapporté une espèce cultivée sur la côte occidentale, qui est certainement, d'après les auteurs du Flora Nigritiaruiy le Batatas paniculata Ghoisy. Ce serait donc une plante cultivée pour ornement ou comme espèce officinale, car la racine en est purgative®. On pourrait croire que, dans certains pays de l'ancien ou du nouveau monde, Ylpomœa tuberosa L. aurait été confondu avec la Batate; mais Sloane ^ nous avertit que ses énormes racines ne sont pas bonnes à manger ®. Une Gonvolvulacée à racine comestible qui peut bien être con- fondue avec la Batate, mais dont les caractères botaniques sont pourtant distincts , est VIpomœa mammosa , Ghoisy [Convoi- tmliLS mammosuSy Loureiro Batata mammosa y Rumphius, Amb.^ 1. 9, tab. 131). Gette espèce croit spontanément près d'Amboine (Rumphius), où elle est aussi cultivée. Elle est estimée en Go- chinchine. Quant à la Batate [Batatas edulis)^ aucun botaniste, à ma con- 1. Roxburgh, éd. 1832, vol. i, p. 483. 2. Rheede, Mal., 7, p. 95. 3. Meyer, Primitise Fl. Esseq., p. 103. 2. Rheede, Ma/., 7, p. 95. Fl. Esseq., p. 4. R. 'Brown, Bot. Congo, p. 55. 5. Thonning, PI. Guin, 6. Wallich, dans Roxburgh, Fl. Ind., II, p. 63. 7. Sloane, Jam., I, p. 152, 8. Plusieurs Convolvulacées ont des racines (plus exactement des souches) volumineuses, mais alors c'est la base de la tige avec une partie de la racine qui est épaissie, et oette souche radicale est toujours purgative (Jalaps, Turbith, etc.), tandis que dans la Batate ce sont les racines laté- rales, organe différent, qui s'épaississent. 46 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES naissance, ne dit Tavoir trouvée lui-même sauvage, ni dans l'Inde, ni en Amérique *. Clusius ^ affirme, sur ouï-dire, qu'elle croit spontanée dans le nouveau monde et dans les îles voisines. Malgré la probabilité d'une origine américaine, il reste, comme nous venons de le voir, bien des choses inconnues ou incertaines sur la patrie primitive et le transport de cette espèce, qui joue un rôle considérable dans les pays chauds. Quelle que fût son origine, du nouveau ou de l'ancien monde, comment expliquer qu'elleeût été transportée d'Amérique en Chine au commencement de notre ère et dans les îles de l'océan Pacifique à une époque ancienne, ou d'Asie et d'Australie en Amérique dans un temps assez reculé pour que la culture s'en soit répandue jadis des Etats-Unis méridionaux jusqu'au Brésil et au Chili? Il faut sup- poser des communications préhistoriques entre l'Asie et l'Amé- rique, ou se livrer à un autre genre d'hypothèses, qui, dans le cas actuel, n'est pas inappliquable. Les Convolvulacées sont une des rares familles de Dicotylédones dans lesquelles certaines espèces ont une aire, ou extension géographique, très étendue et même divisée entre des continents éloignés ^. Une espèce qui supporte actuellement le climat de la Virginie et du Japon peut avoir existé plus au nord avant l'époque de la grande extension des glaciers dans notre hémisphère, et les hommes préhistoriques l'auraient transportée vers le midi quand les conditions de climat ont changé. Dans ces hypothèses, la culture seule aurait con- servé l'espèce, à moins qu'on ne finisse par la découvrir sauvage en quelque point de son ancienne habitation, peut-être, par exemple, au Mexique ou en Colombie. Betterave, Bette, Poirée. — Beta vulgaris eiB. mantîma, Linné. — Beta vulgaris^ Moquin Elle est cultivée tantôt pour ses racines charnues (Betterave) et tantôt pour ses feuilles, employées comme légume (Bette, Poirée), mais les botanistes s'accordent généralement à ne pas distinguer deux espèces. On sait, par d'autres exemples, que des plantes à racines minces dans la nature prennent facilement des racines charnues par un effet du sol ou de la culture. La forme appelée nette ^ à racines maigres, est sauvage dans les terrains sablonneux, surtout du bord de la mer, aux îles Canaries, et dans toute la région de la mer Méditerranée, jusqu'à la mer Caspienne, la Perse et Babylone *, peut-être même dans 1. Le n<* 701 de Schomburgk, coll. 1, est spontané dans la Gayane. Selon M. Choisy, c'est une variété du Batatas edulis; selon M. Bentham (Hook, Journ, bot.,, V, p. 352\ c'est le Batatas paniculata. Mon échantillon, assez imparfait, me semble différer des deux. 2. Clusms, Hist., 2, p. 77. 3. A. de Candolle, Géog. bot, raisonnée, p. 1041-1043 et p. 516, 518. 4. Mo^uin-Tandon, dans Prodromus, vol. 13, part. 2, p. 55 ; Boissier, Flora orienlalis, 4, p. 898 ; Ledebour, F/, rossica, 3, p. 692. MANIOC 47 l'Inde occidentale, d'après un échantillon rapporté par Jaque - mont, sans que la qualité spontanée en soit certifiée. La flore dellnde de Roxburgh, et celle, plus récente, du Punjab et du Sindh, par Aitchison, ne mentionnent la plante que comme cul- tivée. Elle n'a pas de nom sanscrit *, d'où Ton peut inférer que les Aryens ne l'avaient pas apportée de TAsie tempérée occidentale, où elle existe. Les peuples de leur race émigrés en Europe anté- rieurement ne la cultivaient probablement pas non plus, car je ne vois pas de nom commun aux langues indo-européennes. Les anciens Grecs, qui faisaient usage des feuilles et des racines, ap- pelaient l'espèce Teutlion ^, les Romains Beta. M. de Heldreich * donne aussi comme nom ancien grec Sevkle ou Sfekelie, qui ressemble au nom arabe Selg, chez les Nabathéeris Silq *. Le nom arabe a passé en portugais, Selga, On ne connaît point de nom hébreu. Tout indique une culture ne datant pas de plus de quatre à six siècles avant Tère chrétienne. Les anciens connaissaient déjà les racines rouges et blanches, mais le nombre des variétés a beaucoup augmenté dans les temps modernes, surtout depuis qu'on a cultivé la Betterave en grand, pour la nourriture des bestiaux et la production du sucre. C'est une des plantes les plus faciles à améliorer par sélection,. comme les expériences de Vilmorin l'ont prouvé ^, Manioc. — Manlhot utilissimay Pohl. — Jatropha Manihot, Linné . Le Manioc est un arbuste ou arbrisseau de la famille des Buphorbiacées, dont plusieurs racines se renflent dès la pre- mière année, prennent une forme ellipsoïde irrégulière et ren- ferment de la fécule (Tapioca), avec un suc plus ou moins véné- neux. La culture en est commune dans les régions équatoriales ou tropicales, surtout en Amérique, du Brésil aux Antilles. En Afrique, elle est moins générale et parait moins ancienne. Dans certaines colonies asiatiques, elle est décidément d'introduction moderne. On la pratique au moyen de boutures des tiges. Les botanistes se sont divisés sur la convenance de regarder les innombrables formes de Maniocs comme appartenant à une, à deux ou même plusieurs espèces difl'érentes. Pohl ^ en admet- tait plusieurs à côté de son Manlhot utilissima^ et le D"" J. Mûller "^^ 1. Roxburgh, Flcyra indica^ 2, ç. 59 ; Piddington, Index. 2. Théophraste et Dioscoride cités par Lenz, Botanik der Griechen und RÔmer, p. 446 ; Fraas, Synopsis fl. class., p. 233. 3. Heldreich, Die Nutzpflanzen Griecfienlands, p. 22. 4. Alawwftm, Agriculture nabathéenne (premiers siècles de l'ère chrét. ?), d'après E. Meyer, Geschichte der Botanik, 3, p. 75. 5. Notices sur V améliorât ion des plantes par le semis, p. 15. 6. Pohl, Plantarum Brasilise icônes et descriptiones, in-folio, vol. 1. 7. J. Mûller, dans Prodromus, XV, sect. 2, p. 1062, 1064. 48 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES dans sa monographie des Euphorbiacées, rapporte à une espèce voisine {M, palmata) la forme Aipi, qui est cultivée au Brésil avec les autres et dont la racine n'est pas vénéneuse. Ce dernier caractère n'est pas aussi tranché qu'on le croirait d'après certains ouvrages et même d'après les indigènes. Le D' Sagot S qui a comparé une douzaine de variétés de Manioc cultivées à Gayenne, dit expressément : « Il y a des Maniocs plus vénéneux les uns que les autres ; mais je doute qu'aucun soit absolument exempt de principes nuisibles. » On peut se rendre compte de ces singulières différences de propriétés entre des plantes fort semblables par l'exemple de la Pomme de terre. Le Manihot et le Solanum tuberosum appar- tiennent tous deux à des familles suspectes (Euphorbiacées et Solanacées). Plusieurs de leurs espèces sont vénéneuses dans certains de leurs organes; mais la fécule, où qu'elle se trouve, ne peut pas être nuisible, et il en est de même du tissu cellulaire lavé de tout dépôt, c'est-à-dire réduit à la cellulose. Or dans la préparation de la Cassave (farine de Manioc), on a grand soin de racler Fécorce extérieure de la racine, ensuite de piler ou écraser la partie charnue, de manière à en expulser le suc plus ou moins vénéneux, et finalement on soumet la pâte à une cuis- son qui chasse des parties volatiles *. Le tapioca est de la fécule pure, sans mélange des tissus qui existent encore dans la cas- save. Dans la pomme de terre, la pellicule extérieure prend des qualités nuisibles quand on la laisse verdir en l'exposant à la lu- mière, et il est bien connu que des tubercules mal mûrs ou viciés, contenant une trop faible proportion de fécule avec beau- coup de sucs, sont mauvais à manger et feraient positivement du mal aux personnes, qui en consommeraient une certaine quan- tité. Toutes les Pommes de terre, comme probablement tous les Maniocs, renferment quelque chose de nuisible, dont on s'aper- çoit jusque dans les produits de la distillation, et qui varie par plusieurs causes; mais il ne faut se défier que des matières autres que la fécule. Les doutes sur le nombre des espèces à admettre dans les Manihots cultivés ne nous embarrassent nullement pour la ques- tion de l'origine géographique. Au contraire, nous allons voir que c'est un moyen important de constater l'origine améri- caine. L'abbé Raynal avait répandu jadis l'opinion erronée que le Manioc aurait été apporté d'Afrique en Amérique. Robert Brown le niait en 1818 % sans donner des motifs à l'appui, et de Hum- 1. Sa^otj dans Bull, de la Société botanique de France du 8 décembre 1871. 2. J'indique la préparation dans ce qu'elle a d'essentiel. Les détails diffèrent suivant les pays. Voir à cet égard : Aublet, Guyane^ 2, p. 67 ; Descourtilz, Flore des Antilles, 3, p. 113 ; Sagot, /. c, etc. 3. R. Brown, Botany of Congo, p. 50. MANIOC 49 boldt *, Moreau de Jonnes *, Auguste de Saint-Hilaire ' ont in- sisté sur l'origine américaine. On ne peut guère en douter, d'après les raisons suivantes : 1« Les Manihots étaient cultivés par les indigènes du Brésil, de la Guyane et des parties chaudes du Mexique avant l'arrivée des Européens, comme le témoignent tous les anciens voyageurs. Aux Antilles, cette culture était assez commune dans le xvi® siècle, d'après Acosta ^, pour qu'on puisse la croire également d'une certaine ancienneté. 2° Elle est moins répandue en Afrique, surtout dans les régions éloignées de la côte occidentale. On sait que le Manioc a été in- troduit dans l'île de Bourbon par le gouverneur de Labour- donnais ^. Dans les contrées asiatiques, où probablement une culture aussi facile se serait propagée si elle avait été ancienne sur le continent africain, on la mentionne çà et là, comme un objet de curiosité d'origine étrangère ^. 3° Les indigènes d'Amérique avaient plusieurs noms anciens pour les variétés de Maniocs, surtout au Brésil ^, ce qui ne pa- rait pas avoir existé en Afrique, même sur la côte de Guinée *. Ap Les variétés cultivées au Brésil, à la Guyane et aux Antilles sont très nombreuses,, par où l'on peut présumer une culture très ancienne. Il n'en est pas de même en Afrique. 5" Les 42 espèces connues du genre Manihot , en dehors de M. utilissima, sont toutes spontanées en Amérique; la plu- part au Brésil, quelques-unes à la Guyanne, au Pérou et au Mexique ; pas une dans l'ancien monde *. 11 est très invraisem- blable qu'une seule espèce, et encore celle qu'on cultive, fut originaire à la fois de l'ancien et du nouveau monde, d'autant plus que dans la famille des Euphorbiacées les habitations des espèces ligneuses sont généralement restreintes et qu'une com- munauté entre l'Afrique et l'Amérique est toujours rare dans les plantes Phanérogames. L'origine américaine du Manihot étant ainsi démontrée, on peut se demander comment l'espèce a été introduite en Guinée et au Congo. Probablement c'est un résultat des communications fréquentes, au xvi« siècle, des trafiquants portugais et des négriers. 1. De Uumboldt, Nouvelle- Espagne, éd. 2, vol. 2, p. 398. 2. Histoire de VAcad. des sciences ^ 1824. 3. Giiillemin, Archives de botanique, 1, p. 239. 4. Acosta, Hist. nat. des Indes, trad. fraoç. 1598, p. 163, 5. Thomas, Statistique de Bourbon ^ 2, p. 18. 6. Le catalogue du jardin botanique de Buitenzorg, 1866, p. 222, dit expressément que le Manihot utilissima vient de Bourbon et d Amérique. *. Aypi, Mandioca, Manihot, Manioch, Yuca, etc., dans Pohl, Icônes et descr., 1, p. 30, 33. Martius, Beitràge z. Ethnographie, etc., Brasilien's, 2, p. 122, indique une quantité de noms. 8. Thonning (dans Schumacher, Plant, guin.), qui cite volontiers les noms vulgaires, n'en donne aucun pour le Manihot. 9. J. MûUer, dans Prodromus, 15, sect. 1, p. 1057. , De Candolle. 4 80 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES Le Manihot utilissima^ et l'espèce voisine ou variété appelée Aîfd, que Ton cultive également, n'ont pas été trouvés à Tétat sauvage d'une manière certaine. Humboldt et Bonpland ont bien recueilli sur les bords de la Magdalena, un pied de Manihot utilissima qu'ils ont dit presque spontané *, mais le D*" Sagot me certifie qu'on ne Ta point découvert à la Guyane, et les botanistes qui ont exploré la région cbaude du Brésil n'ont pas été plus heureux. Gela ressort des expressions de Pohl, qui a beaucoup étudié ces plantes, qui connaissait les récoltes de Martius et ne doutait pas de l'origine américaine. S'il avait re- marqué une forme spontanée identique avec celles qu'on cul- tive, il n'aurait pas émis l'hypothèse que le Manioc provient de son Manihot pusilla ^ de la province de Goyaz, dont la stature est minime et qu'on regarde comme une véritable espèce ou comme une variété du Manihot palmata ^. De Martius déclarait en 1867, c'est-à-dire après avoir reçu de nombreuses informa- tions postérieures à son voyage, qu'on ne connaissait pas la plante à l'état sauvage *. Un ancien voyageur, ordinairement exact, Piso % parle d'un Mandihoca sauvage dont les Tapuyeris, indigènes de la côte au nord de Rio-de- Janeiro, mangeaient les racines. Il est, dit-il, « très semblable à la plante cultivée » ; mais la figure qu'il en donne a paru bien mauvaise aux auteurs qui ont étudié les Manihots. Pohl la rapporte à son M, Aïpi^ et le D' Millier la passe sous silence. Quant à moi, je suis disposé à croire ce que dit Piso, et sa planche ne me paraît pas absolu- ment mauvaise. Elle vaut mieux que celle de Vellozo d'un Ma- nihot sauvage qu'on rapporte avec doute au M, Aïpi *. Si l'on ne veut pas accepter cette origine du Brésil oriental intertropical, il faut recourir à deux hypothèses : ou les Manihots cultivés proviennent de l'une des espèces sauvages modifiée par la cul- ture ; ou ce sont des formes qui subsistent seulement par l'action de l'homme, après la disparition de leurs semblables de la végé- tation spontanée actuelle. Ail. — Allium sativum^ Linné. Linné, dans son Species^ indique la Sicile comme la patrie de l'ail commun ; mais dans Ynortus cliffortianus^ où il est ordinairement plus exact, il ne donne pas d'origine. Le fait est que d'après les flores les plus récentes et les plus com- plètes de Sicile, de toute l'Italie, de la Grèce, de France, d'Espagne, et d'Algérie, l'ail n'est pas considéré comme indi- 1. Kunth, dans Humb. et B., Nova Gênera^ 2, p. 108. 2. Pohl, Icônes et descript., 1, p. 36, pi. 26. 3. MûUer, dans le Proaromus. 4. De Martius, Beitràge zur Ethnographie, etc. 1, p. 19, 136. 5. Piso, Historia naturalis BrasilÙBy m-folio, 1658, p. 55, cum icône. 6. Jatropia sylvestris VelL FI. flum., 16, t. 83. Voir Mûller, dans Pro- dvomiis, 15 p. 1063, AIL 81 gène, quoique çà et là on en ait recueilli des échantillons qui avaient plus ou moins l'apparence de l'être. Une plante aussi habituellement cultivée et qui se propage si aisément peut se répandre hors des jardins et durer quelque temps, sans être d'ori- gine spontanée. Je ne sais sur quelle autorité Kunth cite l'es- pèce en Egypte *. D'après des auteurs plus exacts sur les plantes •de ce pays ^, elle y est seulement cultivée. M. Boissier, dont l'herbier est si riche en plantes d'Orient, n'en possède aucun échantillon spontané. Le seul pays où l'ail ait été trouvé à l'état sauvage, d'une manière bien certaine, est le désert des Kirghis de Soongarie, d'après des bulbes rapportées de là et cultivées à Dorpat ^ et des échantillons vus ensuite par Regel *. Ce der- nier auteur dit aussi avoir vu un échantillon que Wallich avait recueilli comme spontané dans l'Inde anglaise ; mais M. Baker **, qui avait sous les yeux les riches herbiers de Kew, n'en parle pas dans sa revue des AUium des Indes, de Chine et du Japon. Voyons si les documents historiques et linguistiques confirment une origine uniquement du sud-ouest de la Sibérie. L'Ail est cultivé depuis longtemps en Chine sous le nom de Suan, On l'écrit en chinois par un signe unique, ce qui est ordinai- rement l'indice d'une espèce très anciennement connue et même spontanée *. Les flores du Japon ^ n'en parlent pas, d'où je pré- sume que l'espèce n'était pas sauvage dans la Sibérie orientale et la Daourie,mais que les Mongols l'auraient apportée en Chine. D'après Hérodote (Hist., 1. 2, c. i2o), les anciens Egyptiens en faisaient grand usage. Les archéologues n'en ont pas trouvé la preuve dans les monuments, mais cela tient peut-être à ce que la plante était réputée impure par les prêtres *. Il existe un nom sanscrit, Mahoushouda ', devenu Loshoun en bengali, et dont le nom hébreu Schoum^ Schumin *®, qui a pro- duit le Thoum ou Toum des Arabes, ne paraît pas éloigné. Le nom basque, Baratchouria^ a été rapproché des noms aryens par M. de Charencey **. A l'appui de son hypothèse, je airaî que le nom berbère, Tiskert, est tout différent, et que par consé- quent les Ibères paraissent avoir reçu la plante et son nom des Aryens plutôt que de leurs ancêtres probables du nord de l'Afrique. Les Lettons disent KiplohkSy les Esihoniens Krunslauk, d'où probablement le Knoblauch des Allemands. L'ancien nom 1. Kunth. Enum., 4, p. 381. 2. Schwemfùrth et Ascherson, Aufzàhlung, p. 294. 3. Ledebour, Flora altaica, 2, p. 4; Flora rossica, 4, p. 162. 4. Regel, Allior. monogr., p. 44. 5. Baker, dans Joum. of. bot., 1874, p. 295. 6. Bretschneider, Study and valite, etc., p. 15, 47 et 7. 7. Thunberg, FI. jap.; Franchet et Savatier, Enumevatio, 1876, vol. 2. 82 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES grec paraît avoir été Scorodon, en grec moderne S cordon. Les noms chez les Slaves d'Illyrie sont Bili^ Cesan. Les Bretons disent Quinen J. Les Gallois Crafy Cenhinen ou Garlleg^ d'où le Garlic des Anglais. L'Allium des Latins a passé dans les langues d'origine latine *. Cette grande diversité de noms fait présumer une ancienne connaissance de la plante et même une ancienne culture dans l'Asie occidentale et en Europe. D'un autre côté, si l'espèce n'avait existé que dans le pays des Kirghis, où on la trouve maintenant, les Aryas auraient pu la cultiver et l'avoir transportée dans l'Inde et en Europe ; mais alors pourquoi tant de noms celtiques, slaves, grecs, latins, diffé- rents du sanscrit ? Pour expliquer cette diversité, il faudrait sup- Eoser une extension de la patrie primitive vers l'ouest de l'ha- itation connue aujourd'hui, extension qui aurait été antérieure aux migrations des Aryas. Si le genre Allium était une fois, dans sa totalité, l'objet d'un travail aussi sérieux que celui de J. Gay sur quelques-unes de ses espèces ^, on trouverait peut-être que certaines formes sponta- nées en Europe, comprises par les auteurs dans les A, arena- rium L., ou A,arenarium Sm., ou A. ScorodoprasumL., ne sont que des variétés de l'A. sativum. Alors tout concorderait ; les peuples les plus anciens d'Europe et de l'Asie occidentale auraient cultivé l'espèce telle qu'ils la trouvaient depuis la Tartarie jusqu'en Espagne, en lui donnant des noms plus ou moins diffé- rents. Oignon. — Allium Cepa, Linné. Je dirai d'abord ce qu'on savait en 1855 *. J'ajouterai ensuite des observations botaniques récentes qui confirment ce qu'on pouvait présumer d'après les données hnguistiques. L'Oignon est une des espèces le plus anciennement cultivées. Son habitation primitive est inconnue, d'après Kunth ^. Voyons s'il est possible de la découvrir. Les Grecs modernes appellent Krommudi l'AUium Gepa, qu'ils cultivent beaucoup®. G est une bonne raison pour croire que le Krommuon de Théophraste ^ est la même espèce , comme les auteurs du xvi® siècle le pensaient 1. Davies, Welsh botanology. 2. Tous ces noms vulgaires se trouvent dans mon dictionnaire compilé par Moritzi, d'après les flores. J'aurais pu en citer un plus grand nomnre et mentionner des étymologies probables d'après les philologues, par exemple d'après l'ouvrage de Hehn, Kulturpflanzen -aus Asien, p. 171 et suivantes; mais ce n'est pas nécessaire pour indiquer le fait crorigines^ géographiques multiples et de la culture ancienne en divers pays. 3. Annales des se. nat., 3» série, vol. 8. 4. A. de CandoUe, Géogr. bot, raisonnée, 2, p. 828, 5. Kunth, Enum., 4, p. .394. 6. Fraas, Syn. fl, class,, p. 291. 7. Théophraste?, HisL^ 1. 7, c. 4. OIGNON 53 déjà ^ Pline ^ traduisait ce mot par Cœpa. Les anciens en con- naissaient plusieurs variétés, qu'ils distinguaient par des noms de pays : Gyprium, Gretense, Samothraciae, etc. On en cultivait une en Egypte ', si excellente qu'elle recevait des hommages, comme une divinité, au grand amusement des Romains *. Les Egyptiens modernes désignent l'A. Gepa sous le nom de Basai ^ ou Bussul ^, d'où il est probable que le Betsalim ou Bezalim des Hébreux est bien la même espèce, comme le disent les commen- tateurs ^. Il y a des noms sanscrits tout à fait différents : Palandu^ Latarka, Sukandaka ®, et une foule de noms indiens modernes. L'espèce est généralement cultivée dans l'Inde, en Gochinchine, en Chine ^, et même au Japon *^. Les anciens Egyptiens en fai- saient une grande consommation. Les dessins de leurs monu- ments montrent souvent cette espèce '*. Ainsi la culture remonte dans l'Asie méridionale et dans la région orientale de la mer Méditerranée à une époque partout très reculée. En outre, les noms chinois, sanscrits, nébreux, grecs et latins n'ont pas de connexité apparente. De ce dernier fait, on peut déduire l'hy- pothèse que la culture aurait été imaginée après la séparation des peuples indo-européens, l'espèce se trouvant à portée dans divers pays à la fois. Ge n'est pourtant pas l'état , actuel des choses, car on trouve à peine des indices vagues de la qualité spontanée de l'A. Cepa. Je n'en ait point découvert dans les flores européennes ou du Caucase ; mais Hasselquist ** a dit : « Il croit dans les plaines près de la mer, aux environs de Jéricho. » Le docteur Wallich a mentionné dans sa Liste de plantes in- diennes, no 5072, des échantillons qu'il a vus dans des localités du Bengale, sans dire qulls fussent cultivés. Cette indication, quoi- que peu suffisante, l'ancienneté des noms sanscrits et hébreux et les communications qu'on sait avoir existé entre les peuples de rinde et les Egyptiens me font présumer que l'habitation était vaste dans l'Asie occidentale, s'étendant peut-être de la Palestine à l'Inde. Des espèces voisines, prises quelquefois pour ie Cepa, existent en Sibérie *^. On connaît mieux maintenant les échantillons recueillis par les botanistes anglo-indiens dont Wallich avait donné une pre- 1. J. Baiihin, Hist., 2, p. 548. 2. Pline, Hist., 1. 19, c. 6. 3. Plioe, 1. c. 4. Juvenalis, Sat., 15. 5. Forskal, p. 65. 6. Ainslies, Mat. med. Ind., 1, p. 269. 7. Hiller, Hieroph., 2, p. 36 ; Rosenmûller, Handb. bibl. Alterk.^ 4, p. 96. 8. Piddington, Index; Ainslies, /. c. 9. Roxburgh, FI. ind., 2; Loureiro, FI. cochinch., p. 249. 10. Thanberg, FI. jap.y p. 132. 11. Unger, Pflanzen d. Alt. j^gypt., p. 42, fig. 22, 23, 24. 12. Hasselquist, Voy. and trav., p. 279. 13. Ledebour, FI. ross., 4, p. 169. 84 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES mière notion. Stokes a découvert VAllium Cepa indigène dans le Belouchistan. Il dit : « Sauvage sur le Chehil Tun. » Griffith Ta rapporté de l'Afghanistan et Thomson de Lahore, sans parler d'autres collecteurs qui ne se sont pas expliqués sur la nature spontanée ou cultivée*. M. Boissier possède un échantillon spon- tané recueilli dans les régions mon tueuses du Khorassan. Les ombelles sont plus petites que dans la plante cultivée, mais d'ail- leurs il n'y a pas de difTérence. Le D^ Regel fils l'a trouvé au sud de Kuldscha, Sibérie occidentale ^. Ainsi mes conjectures d'autrefois sont tout à fait justifiées; et il n'est pas improbable que l'habitation s'étende jusqu'en Palestine, comme le disait Hasselquist. L'Oignon est désigné en Chine par un caractère unique (or- thographié Tsung)^ ce qui peut faire présumer une ancienne existence à titre de plante indigène ^. Je doute cependant beau- coup que l'habitation s'étende aussi loin vers Test. Humboldt ^ dit que les Américains connaissaient de tout temps les oignons, en mexicain XonacatL « Gortès, dit-il en parlant des comestibles qui se vendaient sur le marché de l'ancien Tenoch- titlan, cite des oignons, des poireaux et de l'ail. » Je ne puis croire cependant que ces divers noms s'appliquent à nos espèces cultivées en Europe. Sloane, dans le xvii« siècle, n'avait vu qu'un seul Allium cultivé à la Jamaïque (A. Cepa), et c'était dans un jardin, avec d'autres légumes d'Europe ^. Le mot Xonacati n'est pas dans Hermandez, et J. Acosta * dit expressément que les Oignons et les Aulx du Pérou sont originaires d'Europe. Les espèces du genre Allium sont rares en Amérique. Ciboule commune. — Allium fistulosum, Linné. Pendant longtemps, cette espèce a été mentionnée dans les flores et les ouvrages d'horticulture comme étant d'une origine inconnue ; mais les botanistes russes lont trouvée sauvage en Sibérie, vers les monts Altaï, du pays des Kirghis au lac Baïcal '. Les anciens ne la connaissaient pas ^. Elle doit être arrivée en Europe par la Russie, dans le moyen âge ou peu après. Un auteur du xvi® siècle, Dodoens ®, en a donné une figure, peu reconnaissable, sous le nom de Cepa oblonga, 1. Aitchison, A catalogue of the plants of Punjab and Sindh, iii-8, 1869, p. 19 ; Baker, dans Journal of bot., 1874, p. 295. 2. m. hortic, 1877, p. 167. 3. Bretschneider, Study and value, etc, p. 47 et 7. 4. De Humboldt, Nouv.-Esp.j 2* édit., 2, p. 476. 5. Sloane, Jam., 1, p. 75. 6. Acosta, Hist. nat, des Indes, trad. franc., p. 165. 7. Ledebour, Flora rossica, 4, p. 169. 8. Lenz, Botanik dei^ ait Griechen und Rœme?', p. 295, 9. Dodoens, Pemptades, p. 687. ÉCnALOTE 55 Echalote. — AlHum Ascalonicum, Linné. On croyait, sur le dire de Pline S que le nom était tiré de la ville d'Ascalon, en Judée ;mais M. le D** E. Fournier * pense que Fauteur latin s'est trompé sur le sens du mot Askalônion de Théophraste. Quoi qu'il en soit, ce nom s'est conservé dans nos langues modernes sous la forme d'Echalote en français, Chalote en espagnol, Scalogno en italien, Aschafuch ou Escklauck en allemand, etc. En 1855, j'avais parlé de cette espèce de la manière suivante ' : « D'après Roxburgh *, on cultive beaucoup V AlHum Ascalo- nicum dans l'Inde. On lui attribue le nom sanscrit de Pulandoo (prononcez Poulandou)^ mot presque identique avec Palandxi^ attribué à V AlHum Cepa ^, Evidemment la distinction entre ces deux espèces n'est pas claire dans les ouvrages indiens ou anglo- indiens. « Loureiro dit avoir vu V AlHum Ascalonicum cultivé en Go- chinchine ®, mais il ne cite pas la Chine, et Thunberg n'indique Ï>as cette espèce au Japon. Ainsi, vers la région orientale de 'Asie, la culture n'est pas générale. Ce fait et le doute sur le nom sanscrit me font croire qu'elle n'est pas ancienne dans l'Asie méridionale. Malgré le nom de l'espèce, je ne suis pas persuadé qu'elle existât non plus dans l'Asie occidentale. Rau- wolf, Forskal et Delile ne l'indiquent pas en Sibérie, en Arabie et en Egypte. Linné ' cite Hasselquist comme ayant trouvé l'es- pèce en Palestine. Malheureusement il ne donne pas de détails sur la localité ni sur la condition de spontanéité. Dans les Voyages de Hasselquist ®, je vois un Cepa montana croissant au mont Thabor et sur une montagne voisine ; mais rien ne prouve que ce soit l'espèce. Dans son article sur les Oignons et Aulx des Hébreux (p. 290), il ne mentionne que V AlHum Cepa, puis les Porrum et sativum, Sibthorp ne l'a pas trouvé en Grèce *, et Fraas ne l'indique pas comme cultivé actuellement dans ce pays ^^. D'après Koch ", il s'est naturalisé dans les vignes près de Fiume. Toutefois M. de Visiani " n'en parle que comme cul- tivé en Dalmatie. « D'après l'ensemble des faits, je suis amené à l'idée que l'A/- 1. Pline, HisL, 1. 19, c. 6. 2. Il doit en parier dans une publication intitulée Cibaria, qui va paraître. 3. Géographie bot. raisonnée, p. 829. 4. Roxburgh, FI. ind., éd. 1832, vol. 2. p. 142. 5. Piddington, Index. 6. Loureiro, FI. cochinch., p. 251. 7. Linné, Species, p. 429. 8. Hasselquist, Voy. and trav., 1766, p. 281, 282. 9. Sibthorp, Prodr, 10. Fraas, Syn. fl. class., p. 291. 11. Koch, Synops. fl. Germ., 2« éd., p. 833. 12. Visiani, Flora dalmat., p. 138. 86 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES Hum Ascalonicum n'est pas une espèce. Il suffit, pour concevoir des doutes sur son existence primitive, de voir que : -1° Théo- phraste et les anciens, en général, en ont parlé comme d'un état de YAlHum Cepa, ayant même importance que les variétés culti- vées en Grèce, en Thrace et ailleurs; 2° on ne peut pas prouver qu'il existe à l'état sauvage ; 3» on le cultive peu ou point dans les pays où l'on présume qu'il a pris naissance, comme la Syrie, l'Egypte, la Grèce; 4° il est ordinairement sans fleurs, d'où venait le nom de Cepa sterilis, donné par G. Bauhin, et la multi- plicité des caïeux se lie tout naturellement à ce fait ; 5° lorsqu'il fleurit, les organes de la fleur sont semblables à ceux du Cepa^ ou du moins on n'a pas découvert de difi'érence jusqu'à pré- sent, et, d'après Koch *, la seule différence est d'avoir la hampe et les feuilles moins renflées, quoique fîstuleuses. » Telle était mon opinion ^. Les faits publiés depuis 1855 ne dé- truisent pas mes doutes. Ils les justiflent au contraire. M. Regel, en 1875, dans sa monographie des Allium, déclare qu'il a vu l'échalote seulement à l'état cultivé. Aucher Eloy a distribué une plante de l'Asie Mineure sous le nom d'A. Ascalonicum (n° 2012), mais d'après mon échantillon ce n'est certainement pas cette espèce. M. Boissier me donne l'information qu'il n'a jamais vu l'A. Ascalonicum en Orient et n'en a pas dans son herbier. La plante de Morée portant ce nom dans la flore de Bory et Ghaubard est une espèce toute différente, nommée par lui A. gomphrenoides, M. Baker ' dans sa revue des Allium des Indes, de laGhine et du Japon, cite l'A. Ascalonicum dans des localités du Bengale et du Punjab, d'après des échantillons de Griffith et d'Aitchison ; mais il ajoute : « Probablement ce sont des plantes cultivées. » Il rapporte h. V Ascalonicum V Allium Sulvia Ham., du Népaul, plante peu connue et dont la qualité de spontanée est incertaine. L'échalote produit beaucoup de caïeux qui peuvent se propager ou se conserver dans le voisi- nage des cultures et induire en erreur sur l'origine. En définitive, malgré le progrès des investigations botaniques en Orient et dans l'Inde, cette forme d'Alîium n'a pas été trouvée sauvage d'une manière certaine. Elle me paraît donc plus que jamais une modification du Cepa, survenue à peu près au commencement de l'ère chrétienne, modification moms con- sidérable que beaucoup de celles qu'on a constatées pour d'au- tres plantes cultivées, par exemple dans les choux. Rocambole. — Allium Scorodoprasum^ Linné, Si l'on jette les yeux sur les descriptions et la synonymie de l'A. Scorodoprasum dans les ouvrages de botanique depuis Linné 1 . Koch, Synops. fl. Germ. 2. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, p. 829. S.Baker, dans/owm. ofbot,, 1874, p. 295. CIBOULETTE 57 jusqu'à nos jours, on verra que le seul point sur lequel s'accor- dent les auteurs est le nom vulgaire de Rocambole, Quant aux caractères distinctifs, tantôt ils rapprochent et tantôt ils éloi- gnent la plante de VAllium sativum. Avec des définitions aussi différentes, il est très difficile de savoir dans quel pays se trouve, à Tétat sauvage, la plante bien connue cultivée sous le nom de Rocambole. D'après MM. Cosson et Germain, elle croît aux envi- rons de Paris *. D'après Grenier et Godron *, la même forme croît dans Test de la France. M. Burnat dit avoir trouvé Tespèce bien spontanée dans les Alpes-Maritimes, Il en a donné des échantillons à M. Boissier. MM. Willkomm et Lange ne la re- gardent pas comme spontanée en Espagne ^, quoique F un des noms français de la plante cultivée soit Ail ou Echalote d'Espa- gne, Beaucoup d'autres localités européennes me paraissent douteuses, vu l'incertitude sur les caractères spécifiques. Je note cependant que, d'après Ledebour *, la plante qu'il nomme A, Scorodoprasum est très commune en Russie, depuis la Finlande jusqu'en Grimée. M. Boissier en a reçu un échantillon de la Do- brutscha, communiqué par le botaniste Sintenis. L'habitation naturelle de l'espèce viendrait donc toucher à celle de VAllium sativum, ou bien une étude attentive de toutes les formes prouvera qu'une seule espèce, comprenant plusieurs variétés, s'étend sur une grande partie de l'Europe et de ses confins en Asie. La culture de la Rocambole ne parait pas très ancienne. Il n'en est pas question dans les ouvrages sur la Grèce et Rome, ni dans rénumération des plantes recommandées par Gharlemagne aux intendants de ses jardins ^. Olivier de Serres n'en parle pas non plus. On ne peut citer qu'un petit nombre de noms vulgaires, originaux, chez des peuples anciens. Les plus distincts sont dans le nord : Skovlôg en Danemark, Keipe et Rackenboll en Suède ^. Rockenbolle, d'où vient le nom français, est allemand. Il n'a pas le sens qui lui est attribué par Littré. Son étymologie est Bx)lle, oignon, croissant parmi les rochers, Rocken '^, [f Ciboulette, Civette. — Allium Schœnoprasum, Linné. L'habitation de cette espèce est très étendue dans l'hémi- sphère boréal. On l'indique dans toute l'Europe, de la Corse ou la Grèce jusqu'à la Suède méridionale; en Sibérie jusqu'au Kamtschatka, et aussi dans l'Amérique septentrionale, mais seu- i. Cosson et Germain, Flore, 2, p. 553. 2. Grenier et Godron, Flore de France^ 3, p. 197. 3. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp.^ 1, p. 885. 4. Ledebour, Flora rossica, 4, p. 163. 5. Le Grand d'Aussy, Histoire de la vie des Français, vol. 1, p. 122. 6. Nemnich, Polyglott, Lexicon, p. 187. 7. Nemnich, /. c. 88 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES lement près des lacs Huron, Supérieur et plus aii nord *, cir- constance assez singulière, comparée à l'habitation européenne. La forme qui se trouve dans les Alpes est la plus rapprochée de celle qu'on cultive ^, Les anciens devaient certainement connaître l'espèce, puis- qu'elle est sauvage en Italie et en Grèce. Targioni croit que c'est le Scorodon Schiston de Théophraste, mais il s'agit de mots sans descriptions, et les auteurs spéciaux dans l'interprétation des textes grecs, comme Fraas et Lenz, ont la prudence de ne rien affirmer. Si les noms anciens sont douteux, le fait de la culture à cette époque Test encore plus. Il est possible qu'on eût l'habitude de récolter la plante dans la campagne. Golocase. — Arum esculentum^ Linné. — Colocasia anti- quorum^ Schott ^. On cultive cette espèce, dans les localités humides de la plu- part des pays intertropicaux, à cause du renflement de la partie mférieure de la tige, qui forme un rhizome comestible, analogue à la partie souterraine des Iris. Les pétioles et les jeunes feuilles sont utilisés accessoirement comme légume. Depuis que les différentes formes de l'espèce ont été bien classées et qu'on possède des documents plus certains sur les flores du midi de l'Asie, on ne peut plus douter que cette plante ne soit spontanée dans l'Inde, comme le disait jadis Roxburgh*, et plus récemment Wight *, et autres ; à Geylan ®, à Sumatra "^ et dans plusieurs îles de l'archipel indien ^. Les livres chinois n'en font aucune mention avant un ou- vrage de l'an 100 de notre ère ®. Les premiers navigateurs européens l'ont vue cultivée au Japon et jusqu'au nord de la Nouvelle-Zélande *^ , par suite probablement d'introductions anciennes sans coexistence certame avec des pieds sauvages. Lorsqu'on jette des fragments de la tige ou du tubercule ils se naturalisent aisément au bord des cours d'eau. C'est peut- être ce qui est arrivé aux îles Fidji et au Japon, d'après les localités indiquées par les auteurs **. On cultive la Golocase çà 1. Asa Gray, Botany ofnorthern States, éd. 5, p. 534. 2. De Candolle, Flore française, 4, p. 227. 3. Arum Mgyptium, Columna, Ecphrasis 2, p. 1, tab. 1 ; Rumphias, Am- hoin.y vol. 5, lab. 109. — Arum Colocasia et A. esculentum, Linné. — Colo- casia antiquomfn, Schott, Melet., 1, 18; Engler in D, C, Monogr, Phaner., 2, p. 491. 4. Roxburgh, FI. ind., 3, p. 495. 5. Wight, Icônes, t. 786. 6. Thwaites, Enum, plant. Zeytan., p. 335. 7. Miquel, Sumatra, p. 258. 8. Runiphius, Amboin., vol. 5, p. 318. 9. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, p. 12. 10. Fors ter. Planta escul.,ja. 58. 11. Franchet et Savatier, Enum., p. 8; Seemann, Flora Vitiensis, p. 284. COLOCASE 89 et là aux Antilles et ailleurs dans TAmérique tropicale, mais beaucoup moins qu'en Asie ou en Afrique, et sans la moindre indication d'une origine américaine. Dans les pays où l'espèce est spontanée, il y a des noms vul- gaires, quelquefois très anciens, qui diffèrent complètement les uns des autres, ce qui confirme une origine locale. Ainsi le nom sanscrit est Kuchoo (prononcez Koutschou), qui subsiste dans les langues modernes de l'Inde, par exemple dans le bengali*. A Geylan, la plante sauvage se nomme Gahala, la plante cultivée Kandalla *. Les noms malais sont Kelady ^, Tallus, Tallas, Taies ou Taloes *^ duquel vient peut-être le nom si connu des 0-taïtiens et Novo-Zélandais de Tallo ou Tarro ^, aux îles Fidji Dalo •. Les Japonais ont un nom tout à fait distinct, Imo ', qui montre une existence très ancienne, soit originelle soit de culture. Les botanistes européens ont connu la Golocase d'abord par l'Egypte, où elle est cultivée depuis un temps qui n'est peut-être pas très reculé. Les monuments des anciens Egyptiens n'en ont fourni aucun indice, mais Pline ^ en a parlé sous le nom d'Arum jEgyptium, Prosper Alpin l'avait vue dans le xvi^ siècle et en parle longuement ^. 11 dit que le nom dans le pays est Culcas, qu'il faut prononcer Coulcas, et que Delile *° a écrit Qolkas et Koul/cas. On aperçoit dans ce nom arabe des Egyptiens quelque analogie avec le sanscrit Koutschou, ce qui appuie Phypothèse, assez probable, d'une introduction de l'Inde ou de Geylan. De L'Ecluse *^ avait vu la plante cultivée en Portugal, comme venant d'Afrique, sous le nom Alcoleaz, évidemment d'origine arabe. Dans quelques localités du midi de l'Italie où l'espèce a été naturalisée, elle se nomme Aro di Egitto^ selon Parlatore *^ Le nom Colocasia donné par les Grecs à une plante dont la racine était employée par les Egyptiens peut venir évidemment de Colcas, mais par transposition à une autre plante que le vrai Golcas. En effet, Dioscoride l'applique à la Fève d'Egvpte ou Nelumbium *^, qui a une grosse racine ou plutôt un rhizome, dans le sens botanique, assez filandreux et mauvais à manger. 1. Roxburgh, /. c. 2. Tbwaites, /. c. 3. Rumphius, /. c. 4. Miquel, Sumatra^ p. 258 ; Hasskarl, CataL horti bogor, alter, p. 55. 5. Forster, l. c. 6. Seemann, /. c. 7. Franchet et Savatier, /. c. 8. Pline, Hist., 1. 19, c. 5. 9. Alpinus, Hist. Mgypt. naturalisa éd. 2, vol. 1, p. 166 ; 2, p. 192. 10. Delile, Flora Egygt ilL, p. 28. De la Colocase des anciens, br. in-8, 1846. 11. Clusius, Historia, 2, p. 75. 12. Parlatore, FI. ital., 2, p. 255. 13. Prosper Alpinus, /. c; Coliimna; Delile, Ann, du Mus., 1, p. 375, De la colocase des anciens ; Reynier, Economie des Egyptiens, p. 321. 60 PLANTES CULTIVÉES ï>OUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES Les deux plantes sont très différentes, surtout par la fleur. L'une est une Aracée, l'autre une Nymphéacée; l'une est de la classe des Monocotylédones , l'autre des Dicotylédones. Le Nelumbium , originaire de l'Inde, a cessé de vivre en Egypte, tandis que la Golocase des botanistes modernes s'est conservée. S'il y a eu confusion chez les auteurs grecs, comme cela paratt probable, il faut l'expliquer par le fait que le Colcas fleurit rarement, du moins en Egypte. Au point de vue de la nomenclature bota- nique il importe peu qu'on se soit trompé jadis sur les plantes qui devaient s'appeler Golocase. Heureusement, les noms scien- tifiques modernes ne s'appuient pas sur les définitions douteuses des anciens, et il suffît de dire aujourd'hui, si l'on tient aux étymologies, que Golocasia vient de Colcas, à la suite d'une erreur. Alocase à grande racine. — Alocasia macrorrhiza Schott. — Arum 7nacrorr1iizum^ Linné [FL ZeyL, 327). Cette Aracée, que Schott rapportait tantôt au genre Golocasia et tantôt à l'Alocasia, et dont la synonymie est bien plus com- pliquée qu'il ne semble d'après les noms indiqués ci-dessus *, est cultivée moins souvent que la Golocase ordinaire, mais de la même façon et à peu près dans les mêmes pays. Ses rhizomes atteignent la longueur d'un bras. Ils ont une saveur acre bien prononcée, qu'il est indispensable de faire disparaître au moyen de la cuisson. Les indigènes d'0-Taïti la nomment Apé et ceux des îles des Amis Kappe *. A Ceylan, le nom vulgaire est Habara^ d'après Thwaites ^ Elle a d'autres noms dans l'archipel indien, ce qui fait présumer une existence plus ancienne que les peuples actuels de ces régions. La plante paraît sauvage surtout dans l'île d'0-Taïti *. Elle l'est aussi à Ceylan, d'après M. Thwaites, qui a herborisé long- temps dans cette île. On l'indique encore dans l'Inde ^ et même en Australie ®, mais sans affirmer la qualité de plante sauvage, toujours difficile à établir pour une espèce cultivée au bord des ruisseaux et qui se propage par caïeux. En outre, elle est quel- quefois confondue avec le Coîocasia indica Kunth, qui végète de la même manière, qu'on trouve çà et là dans les cmtures, et qui se voit, spontanée ou naturalisée, dans les fossés ou les ruis- seaux de l'Asie méridionale, sans que son histoire soit encore bien connue. 1. Voir Engler, dans nos Monographie Phanerogainirriy 2, p. 502. 2. Forster, De plantis esculentis insularum Oceani australis, p. 58. 3. Thwaites, Enum. plant. Zeyl., 336. 4. Nadeaud, Enum, des plantes indigènes^ p. 40. ^. Engler, /. c. ■6. Bentham, Flora austral 8, p. 155. IGNAMES 61 KoDjak. — Amorphophallus Konjak, C. Koch. — Amorpho- phallus Jtivieri, du Hieu, var. Konjak, Engler ^ Le Konjak, cultivé en grand par les Japonais, et sur lequel le Dr Vidal a donné des détails agricoles très complets dans le Bulletin de la Société d'acclimatation de îuillet 1877, est une Klante bulbeuse de la famille des Aracées. Elle est considérée par [. Engler comme une variété de TAmorphophallus Rivieri, de Cochinchine, dont les journaux d'horticulture ont donné plusieurs figures depuis quelques années *. On peut la cultiver dans le midi de l'Europe, à la manière des Dahlias, comme une sorte de curiosité ; mais, pour apprécier la valeur comestible des bulbes, il faudrait leur faire subir la préparation au lait de chaux, usitée par les Japonais, et s'assurer du produit en fécule pour une surface donnée. M. Vidal n'a pas de preuve que la plante du Japon soit sau- vage dans le pays. Il le suppose d'après le sens du nom vulgaire, qui est, dit-il, Konniyakou ou Yamagonnivakou, Yama signi- fiant montagne. MM. Franchet et Savatier ** n'ont vu la plante que dans les jardins. La forme cochinchinoise, qu'on croit de la même espèce, est venue par les jardins, sans qu'on puisse affir- mer qu'elle soit sauvage dans le pays. Ignames. — Dioscorea sativa, D, Batatas^ D, japonica et Z>. alata. Les Ignames , plantes monocotylédones , de la famille des Dioscorées, constituent le genre vioscorea, dont les botanistes ont décrit à peu près deux cents espèces, répandues dans tous les pays intertropicaux ou subtropicaux. Elles ont ordinairement des rhizomes, c'est-à-dire des tiges ou ramifications de tiges sou- terraines, plus ou moins charnues, qui grossissent quand la partie aérienne et annuelle de la plante est près de finir *. Plu- sieurs espèces sont cultivées en divers pays pour ces rhizomes farineux, qu'on mange cuits, comme les pommes de terre. La distinction botanique des espèces a toujours offert des diffi- cultés, parce que les fleurs mâles et femelles sont sur des indi- vidus différents et que les caractères à tirer des rhizomes et du bas des tiges aériennes ne se voient pas dans les herbiers. Le dernier travail d'ensemble est celui deKunth ^, qui date de 1850. Il devrait être revu, à cause des nombreux échantillons rapportés par les voyageurs depuis quelques années. Heureusement, lors- 1. Engler, dans DC. Monogr, Phaner., vol. 2, p. 313. 2. Gardener's Chronicle, 1873, p. 610; Flore des serres et Jardins ^ t. 1958» 1959 ; Hooker, Bot. mag., t. 6195. 3. Franchet et Savatier, Enum. plant, Japonix, 2, p. 7. 4. M. Sagot, Buli de la Soc. bot. de France^ 1871, p. 306, a très bien décrit la manière de végéter et la culture des ignames, telle qu'il les a obser- vées & Cavenne. 5. Kuntn, Enumeratio, vol. 5. 62 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES qu'il s'agit de Torigine des espèces cultivées, certaines considéra- tions historiques et linguistiques peuvent guider, sans qu'il soit absolument besoin de connaître et d'apprécier les caractères bo- taniques de chacune. Roxburgh énumère plusieurs Dipscoreas * cultivés dans l'Inde, mais il n'en a trouvé aucun à l'état sauvage, et ni lui ni Pid- dington * ne citent des noms sanscrits. Ce dernier point fait pré- sumer une culture peu ancienne, ou jadis peu répandue dans l'Inde, provenant soit d'espèces indigènes encore mal définies, soit d'espèces étrangères cultivées ailleurs. Le nom générique bengali et hindou est Aloo (prononcez A/om), précédé d'un nom spécial pour chaque variété ou espèce, par exemple Kam Aloo, pour Dioscorea alata. L'absence de noms distincts dans chaque province fait encore présumer une culture peu ancienne. A Geylan M. Thwaites * indique six espèces spontanées, et il ajoute que les Dioscorea saliva L., D, alata L., et D, purpurea Roxb, sont cultivés dans les jardins, mais non sauvages. U Igname de Chine, Dioscorea Batatas de Decaisne *, cultivé en grand par les Chinois, sous le nom de Sain-In et introduit par M. de Montigny dans les jardins d'Europe, où il reste comme un légume de luxe, n'a pas été trouvé sauvage en Chine jusqu'à présent. D'autres espèces moins connues sont aussi cultivées par les Chinois, en particulier le Chou-Yu, Tou-Tchou, Chan-Yu, mentionné dans leurs anciens ouvrages d'agriculture et qui a des rhizomes sphériques (au lieu des fuseaux pyriformes du D. Batatas). Les noms signifient, d'après Stanislas Julien, Arum de montagne, par où l'on peut inférer une plante véritablement du pays. Le D"" Bretschneider ^ indique trois Dioscoreas comme 4îultivés en Chine {Dioscorea Batatas, alata, saliva), et il ajoute : « Le Dioscorea est indigène en Chine, car ij est mentionné dans le plus ancien ouvrage de matière médicale, celui de l'empereur Schen-nung. » Le Dioscorea japonica, Thunberg, cultivé au Japon, a été ré- colté aussi dans les taillis de localités diverses, sans qu'on sache positivement, disent MM. Franchet et Savatier *, jusqu'à quel point il est indigène ou répandu par un effet de la culture. Une autre espèce, plus souvent cultivée au Japon, se propage çà et là dans la campagne, d'après les mêmes auteurs. Ils la rappor- tent au Dioscorea sativa de Linné, mais on sait que l'illustre Suédois avait confondu plusieurs espèces asiatiques et améri- caines sous ce nom, qu'il faut ou abandonner, ou restreindre à 1 . Ce sont les D. globosa, alata, rubella, purpurea, fasciculata, dont deux ou trois paraissent de simples variétés. 2. Pidaington, Index. 3. Thwaites, Envm. plant, Zeylan, p. 326. 4. Decaisne, Histoire et culture de tlgname de Chine, dans Revue horti- cole, 1" juillet et déc. 1853 ; Flore des serres et jardins X, pi. 971. î). Bretschneider, Study and value of chinese botanical works, p. 12. 6. Franchet et Savatier, Enum, plant, Japonia, 2, p. 47. IGNAMES 63 Tune des esçèces de TArchipel indien. Si l'on adopte ce dernier parti, le vrai D. sativa serait la plante cultivée à Geylan, dont Linné avait eu connaissance, et que Thwaites nomme effective- ment Dioscorea sativa^ Linné. Divers auteurs admettent l'identité de la plante de Geylan avec d'autres cultivées au Malabar, à Sumatra, à Java, aux Philippines, etc. Blume * prétend que le D. sativa L., auquel il attribue la planche 51 de Rheede (Ma- labar, vol. 8), croît dans les lieux humides des montagnes de Java et du Malabar. Il faudrait, pour ajouter foi à ces assertions, que la question de l'espèce eût été étudiée soigneusement, d'après des échantillons authentiques. L'Igname la plus généralement cultivée dans les îles de la mer Pacifique, sous le nom de Ubi (prononcez Oubi), est le Dioscorea alata de Linné. Les auteurs des xvii® et xviir siècles en parlent comme étant très répandue à Taïti, à la Nouvelle-Guinée, aux Moluques, etc. ^ On en distingue plusieurs variétés, suivant la forme des rhizomes. Personne ne prétend avoir trouvé cette espèce à l'état sauvage, mais la flore des îles d'où elle est proba- blemenl originaire, en particulier celle des Gélèbes, de la Nouvelle- Guinée, etc., est encore peu connue. Transportons-nous en Amérique. Là aussi, plusieurs espèces de ce genre croissent spontanément, par exemple au Brésil, dans la Guyane, etc., mais il semble que les formes cultivées ont été plutôt introduites. En effet, les auteurs indiquent peu de variétés ou espèces cultivées (Plumier une, Sloane deux), et peu de noms vulgaires. Le plus répandu est Yam^ Igname ou inhame, qui est d'origine africaine, suivant Hugues, ainsi que la plante cul- tivée de son temps aux Barbades ^. Le mot Yam^ d'après lui, signifie manger^ dans les idiomes de plusieurs des nègres de la côte de Guinée. Il est vrai que deux voyageurs plus rapprochés de la découverte de l'Amérique, cités par M. de Humboldt *, auraient entendu prononcer le nom d Igname sur le continent américain : Vespucci, en 1497, sur la côte de Paria; Gabral, en 1500, au Brésil. D'après celui-ci, le nom s'appliquait à une racine dont on faisait du pain, ce qui convienarait mieux au Manioc et me fait craindre une erreur, d'autant plus qu'un passage de Vespucci, cité ailleurs par M. de Humboldt ^, montre la confusion qu'il faisait entre le Manioc et rigname. Le D, Cliffbrtiana Lam. croît sauvage au Pérou ^ et au Brésil ', mais il ne m'est pas prouvé qu'on le cultive. Presl 1. Blume, Enum. plant, Javse, p. 22. 2. Forster, Plant, esculent.^ p. 56; Rumphius, Amboin.^ vol. o, pi. 120, 121 etc. 3! Hughes, Hist. nat, Barb-., p. 226 et 1750. 4. De Humboldt, Nouv, Esp,, 2« éd., vol. 2, p. 468. 5. De Humboldt, ihid», p. 403. 6. Hsenke, dans Presly Rel., p. 133. 7. Martius^ Flora brasiliensis, V, p. 43. 64 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES dit « verosimiliter colitur », et le Flora brasiliensis ne parle pas de culture. Dans la Guyane française, d'après le D"" Sagot *, on cultive surtout le Discorea triloba Lam, appelé Igname indien, qui est répandu aussi au Brésil et aux Antilles. Le nom vulgaire fait présumer une origine du pays, tandis qu'une autre espèce, D. Cayennensls Kunth, aussi cultivée à la Guyane, mais sous le nom d'Igname pays-nègre^ aurait été plutôt apportée d'Afrique, opi- nion d'autant plus vraisemblable que sir W. Hooker assimile au />. Cayennensls Tlgname cultivée en Afrique au bord du Nun et du Quorra ^. Enfin V Igname franche de la Guyane est. selon M. Sagot, le D, alata^ introduit de Tarchipel malais et de rOcéanie. En Afrique, il y a moins de Dioscoreas indigènes qu'en Asie ou en Amérique, et la culture des Ignames est moins répandue. Sur la côte occidentale, on ne cultive qu'une ou deux espèces d'après Thonning ^. Lockhard, au Congo, n'en avait vu qu'une et dans un seul endroit *. Pour l'île Maurice, Bojer ^ énumère 4 espèces cultivées, qu'il dit originaires d'Asie, et une, le /). bulbifera Lam., qui serait de l'Inde, si le nom est exact. Il prétend qu'elle est venue de Madagascar et s'est répandue dans les forêts, hors des plan- tations. A Maurice, elle porte le nom de Cambare marron. Or Cambare se rapproche assez du nom indien Kam, et marron indique une plante échappée des cultures. Les anciens Egyptiens ne cultivaient pas d'Ignames, ce qui fait présumer une culture moins ancienne dans l'Inde que celle de la Golocase. Forskal et Delile ne mentionnent pas d'Ignames cultivées en Egypte à l'épo- que moderne. En résumé, plusieurs Dioscoreas sauvages en Asie (surtout dans l'archipel asiatique) et d'autres, moins nombreux, croissant en Amérique et en Afrique, ont été introduits dans les cultures comme plantes alimentaires, à des époques probablement moins reculées que beaucoup d'autres espèces. Cette dernière conjecture repose sur l'absence de nom sanscrit, sur la faible extension géogra- phique des cultures et la date, qui ne paraît pas très ancienne, des habitants des îles de la mer Pacifique. Arro"W-root. — Maranla aymndinacea^ Linné. Plante de la famille des Scitaminées, voisine du genre Canna^ dont les drageons souterrains * produisent l'excellente fécule appelée arrow-root. On la cultive aux Antilles et dans plusieurs autres pays intertropicaux de l'Amérique continentale. Elle a \. Sagot, Bull. Soc. bot. France, 1871, p. 305. 2. Hooker, Flora nignt., p. 53. 3. Thonning, Plantée guineenses, p. 447, 4. Brown, Congo, p. 49. 5. Bojer, Hortus mauritianus. 6. Voir la description de Tusaac, Flore des Antilles, 1, p. 183. ARROW-ROOT 65 •été introduite aussi dans l'ancien monde, par exemple sur la côte de Guinée ^ . Le Maranta arundinacea est certainement américain. D'après les indications de Sloane 2, il avait été apporté de la Dominique aux Barbades et de là à la Jamaïque, ce qui fait présumer qu'il «l'est pas originaire des Antilles. Le dernier auteur qui ait étudié le genre Maranta, Kôrnicke ^, a vu plusieurs échantillons re- cueillis à la Guadeloupe, à Saint-Thomas, au Mexique, dans l'Amérique centrale, à la Guyane et au Brésil ; mais il ne s'est pas occupé de savoir s'ils venaient de plantes spontanées, culti- vées ou naturalisées. Les collecteurs ne l'indiquent presque jamais, et l'on manque pour le continent américain, excepté pour les Etats-Unis, de flores locales et surtout de flores faites par des botanistes ayant résidé dans le pays. D'après les ou- vrages publiés, je vois l'espèce indiquée comme cultivée *, ou venant dans les plantations ^, ou sans aucune explication. Une localité du Brésil, dans la province peu habitée de Matto grosso, citée par Kôrnicke, fait présumer l'absence de culture. Seemann * indique l'espèce dans les endroits exposés au soleil près de Panama. On cultive aussi aux Antilles une espèce, Maranta indica^ que Tussac dit avoir été apportée de l'Inde orientale. Kôrnicke lui rapporte le M, ramosissima de Wallich, trouvé à Sillet, dans l'Inde, et pense que c'est une variété du M. arundinacea. Sur trente-six espèces plus ou moins connues du genre Maranta, une trentaine au moins sont d'Amérique. Il est donc assez impro- bable que deux ou trois autres soient asiatiques. Jusqu'à ce que la Flore de l'Inde anglaise de sir J. Hooker soit achevée, ces ques- tions sur les espèces de scitaminées et leurs origines seront très obscures. Les Anglo-Indiens tirent de l'arrow-root d'une autre plante de la même famille qui croît dans les forêts du Deccan et au Ma- labar^ le Curcuma angustifolia Roxhurgh '^. Je ne sais si on la <5ultive. 1. Hooker^ Nigei^ flora^ p. 331. 2. Sloane, Jamaïca, 1707, vol. 1, p. 234. 3. Dans^i^//. Soc. des natur. de Moscou^ 1862, vol. 1, p. 34. 4. Aublet, Guyane^ 1, p. 3. 0. Meyer, Flotta Esseguebo., p. H. 6. Seemann, Boiaay of Heraldj p. 213. 7. Roxbur^h, FI. indica^ 1, p. 31 ; Porter, The tropical agricultuvist, p. 241; Ainsbes, Materia medica, 1, p. 19. De Candolle. t o CHAPITRE II PLANTES CULTIVEES POUR LEURS TIGES OU LEURS FEUILLES- Article 1. — E.ég;uiiies. Chou ordinaire. — Brassica oleracea^ Linné. Le Chou, tel qu'il est figuré dans ÏFnglish botany^ t. 637, le Flora Danica^ t. 2056, et ailleurs, se trouve sur les rochers dti bord de la mer : i® dans Tîle de Laland en Danemark, Tile Heligoland, le midi de l'Angleterre et de l'Irlande, la Nor- mandie, les îles de Jersey et Guernesey et la Gharente-Infé^ rieure * ; 2° sur la côte septentrionale de la Méditerranée, près de Nice, Gênes et Lucques ^. Un voyageur du siècle der- nier, Sibthorp, disait l'avoir trouvé au mont Athos, mais aucun botaniste moderne ne l'a confirmé, et l'espèce parait étrangère à la Grèce, aux bords de la mer Caspienne, de même qu'à la Sibérie, où Pallas disait jadis l'avoir vue, et à la Perse ^. Non seulement les nombreux voyageurs qui ont exploré ces pays ne l'ont pas trouvée, mais les hivers paraissent trop rigoureux pour elle dans l'Europe orientale et la Sibérie. La distribution sur des points assez isolés, et dans deux régions différentes de l'Europe, peut faire soupçonner ou que des pieds en apparence indigènes seraient le résultât, dans plusieurs cas, d'une dissémination provenant des cultures *, ou que l'espèce aurait été autrefois plus commune et tendrait à disparaître. La 1. Pries, Summa, p. 29 ; Nylander, Conspectus, p. 46 ; Bentham, Bandb, brit. flora^ éd. 4 p. 40 ; Mackay, FI. hibem., p. 28 ; Brebisson, Flore de Normandie, éd. 2, p. 18; Babington, Primitiœ fl. sarnicae,^, 8; Clavaud^ Floi^e de la Gironde^ I, p. 68, 2. Bertoloni, Fl. ital.y 7, p. 146 ; Nylander, /. c. 3. Ledebour, Fl. ross.\ Grisebach, Spicilegium fl. rumel; Boissier, FL or. y etc. 4. Watson, si attentif aux questions de ce genre, doute de i'indigénat en Angleterre. (Compendium of the Cybele, p. 103), mais la plupart de» auteurs de flores britanniques l'admettent. LÉGUMES. — CHOU ORDINAIRE 67 présence dans les îles de l'Europe occidentale est favorable à cette dernière hypothèse, mais l'absence dans celles de la mer Méditerranée lui est contraire * . Voyons si le^ données historiques et linguistiques ajoutent quelque chose aux faits de la géographie botanique. Et d'abord c'est en Europe que les variétés innombrables de choux se sont formées ^, principalement depuis les anciens Grecs. Théophraste en distinguait trois, Pline un nombre dou- ble, Tournefort une vingtaine, de Gandolle plus de trente. Ce n'est pas d'Orient que sont venues ces modifications, — nouvel indice d'une ancienne culture en Europe et d'une origine euro- péenne. Les noms vulgaires sont également nombreux dans les lan- gues européennes et rares ou modernes dans les asiatiques. Sans répéter une foule de noms que j'ai cités autrefois ^, je dirai qu'en Europe ils se rattachent à quatre on cinq racines dis- tinctes et anciennes : Kap ou Aaô, dans plusieurs noms celtiques et slaves. Notre nom français Cabus en dérive. L'origine est évidemment la même qae pour Caput, à cause de la forme en tète du chou. Cauly Kohl^ de plusieurs langues latines {CauliSy signifiant tige et chou), germaniques (Chôli en ancien allemand, Kokl en allemand moderne, Kaal en danois) et celtiques {Cal en irlan- dais, Kaol et Kol en breton) ^, Bresic , Bresych^ Brassic^ des langues celtiques ^ et latines (Brassica)^ d'où probablement Berza et Verza des Espagnols et Portugais, Varza des Roumains ^. Aza^ des Basques (Ibères), que M. de Gharencey ' regarde comme propre à la langue euskarienne, mais qui diffère peu des précédents. Kramhai^ Crambe, des Grecs et des Latins. La variété des noms dans les langues celtiques concorde avec l'existence de l'espèce sur les côtes occidentales d'Europe. Si les Aryens Celtes avaient apporté la plante d'Asie, ils n'auraient probablement pas inventé des noms tirés de trois sources diffé- rentes. Il est aisé d'admettre, au contraire, que les peuples aryens, voyant le Chou indigène et peut-être employé déjà en 1. Les Brassica àalearica et Br, cretica sont vivafies, presque ligneux, non bisannuels. On s'accorde à les séparer du Br. oleracea. 2. Aug. Pyr. de Gandolle a publié, sur les divisions et subdivisions du Brassica oleracea, un mémoire spécial (Transactions of tke hortic. Soc, vol. 5, traduit en allemand, et en français dans la Bihl. univ, agricult., vol. 8), qui est souvent cité comme un modèle dans ce genre. 3. Alpn. de Gandolle, Géogr, bot. maisonnée, p. 839. 4. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. i, p. 380. 5. Alph. de Gandolle, /. c. ; Ad. Pictet, /. c. 6. Brandza, Pi^odr, fl romane, p. 122. 7. De Gharencey, Recherches sur les noms basques, dans Actes de Ix So- ciété philologique, 1" mars 1869. 68 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES Europe par les Ibères od les Ligures, ont créé des noms ou se sont servis de ceux des peuples plus anciens dans le pays. Les philologues ont rattaché le Krambai des Grecs au nom persan Karamby Karam^ Kalam. kourde Kalam, arménien Ga- ghamb * ; d'autres à une racine de la langue mère supposée des Aryens, mais ils ne s'accordent pas sur les détails. Selon Fick *, Karambha, dans la langue primitive indo-germanique, signifie « Gemusepflanze (légume), Kohi (chou), Karambha voulant dire tige, comme caulis. » Il ajoute que Karambha en sanscrit est le nom de deux légumes. Les auteurs anglo-indiens ne citent pas ce nom prétendu sanscrit, mais seulement un nom des langues modernes de l'Inde, Kopee '. Ad. Pictet, de son côté, parle du mot sanscrit Kalamba^ « tige de légume, appliqué au chou. » J'ai beaucoup de peine, je l'avoue, à admettre ces étymologies orientales du mot gréco-latin Crambe, Le sens du mot sanscrit est très douteux (si le mot existe), et, quant au mot persan, il faudrait savoir s'il est ancien. J'en doute, car, si le chou avait existé dans l'ancienne Perse, les Hébreux l'auraient connu *. Par tous ces motifs, l'espèce me paraît originaire d'Europe. La date de sa culture est probablement très ancienne, anté- rieure aux invasions aryennes, mais on a commencé sans doute par récolter la plante sauvage avant de la cultiver. Cresson alénois. — Lepidium sativum^ Linné. Cette petite Crucifère, usitée aujourd'hui comme salade, était recherchée dans les temps anciens pour certaines propriétés des graines. Quelques auteurs pensent qu'elle répond un Car- damon de Dioscoride ; tandis que d'autres appliquent ce nom à ÏErucaria aleppica ^. En l'absence de description suffisante, le nom vulgaire actuel étant Cardamon ^, la première des deux suppositions est vraisemblable. La culture de l'espèce doit remonter à des temps anciens et s'être beaucoup répandue, car il existe des noms très différents: en arabe Heschad, en persan Turehtezuk ^, en albanais, langue dérivée des Pelasges, Diéges *, sans parler de noms tirés de l'ana- logie de goût avec le cresson {Nasturtium officinale). Il y a des noms très distincts en hindoustani et bengali, mais on n'en con- naît pas en sanscrit ^. Aujourd'hui, la plante est cultivée en Europe, dans l'Afrique 1. Ad. Pictet. /. c. 2. Fick, Vorterb, d. indo-germ. Sprachen^ p. 34. 3. Piddington, Index ; Ainsiies, Mat, méd, ind, 4. Roseomûller, BibL Alterk., ne cite aucun nom. 5. VoirFraas, Syn. fl. class., p. 120, 124; Lenz, Bot. rf. Alteny p. 617. 6. Sibthorp, Proar. fl. graec, 2, p. 6; Heldreich, Nutzpfl, Griechenl., p. 47. 7. Ainsiies, Mat. méd. ind., 1, p. 95. 8. Heldreich, /. c, 0. Piddington, Index; Ainsiies, /. c. LÉGUMES. — CRESSON. ~ POURPIER 69 septentrionale, TAsie occidentale, l'Inde et ailleurs ; mais, d'où est-elle originaire ? C'est assez obscur. Je possède plusieurs échantillons recueillis dans l'Inde, où sir J. Hooker* ne regarde pas l'espèce comme indigène. Kotschy Ta rapportée de l'île Karek ou Karrak , du golfe Persique. L'éti- quette ne dit pas que ce fût une plante cultivée. M. Boissier^ en parle, sans ajouter aucune réflexion, et il mentionne ensuite des échantillons d'Ispahan et d'Jilgypte recueillis dans les cultures. Olivier est cité pour avoir vu le Cresson alénois en Perse, mais on ne dit pas si c'était à l'état vraiment spontané '. On répète dans les livres que Sibthorp l'a trouvé dans l'île de Chypre, et, quand on remonte à son ouvrage, on voit que c'était dans les champs *. Poech ne l'a pas mentionné à Chypre ^. Unger et et Kotschy ^ ne le disent pas spontané dans cette île. D'après Ledebour '', Koch l'a trouvé autour du couvent du Mont Ararat, Pallas près de Sarepta, Falk au bord de l'Oka, affluent du Volga; enfin H. Martius l'a cité dans sa flore de Moscou; mais on n'a pas de preuves de la spontanéité dans ces diverses localités. Lindemann *, en 1860, ne comptait pas l'espèce parmi celles de Russie, et, pour la Crimée, il l'indique seulement comme cultivée *. D'après Nyman *°, le botaniste Schur l'aurait trouvée sauvage en Transylvanie, tandis que les flores de l'Au triche- Hongrie ne citent pas Fv^spèce, ou la disent cultivée ou croissant dans les terrains cultivés. Je suis porté à croire, d'après l'ensemble de ces données plus ou moins douteuses, que la plante est originaire de Perse, d'où elle a pu se répandre, après l'époque du sanscrit, dans les jar- dins de l'Inde, de la Syrie, de la Grèce, de l'Egypte et jusqu'en Abyssinie ". Pourpier. — Portulaca oleracea, Linné. Le pourpier est une des plantes potagères les plus répandues dans l'ancien monde , depuis des temps très reculés. On l'a transportée en Amérique, où elle se naturalise, comme en Europe, dans les jardins, les décombres, au bord des che- mins, etc. C'est un légume plus ou moins usité, une plante offi- cinale et en même temps une excellente nourriture pour les porcs. 1. Booker, FL brit. India, 1, p. 160. 2. Boissier. FI. orient., vol. 1. 3. De Candolle, Syst., 2, p. 533. 4. Sibthorp et Smith, Prodr. fl. gi^œcœ, 2, p. 6. 5. Poech, Enum. plant. Cypi^i^ 1842. 6. Unger et Kotschy, Inseln Cypern, p. 331. 7. Ledebour, F. ross., 1, p. 203. 8. Lindemann, Index plant, in Ross.,, Bull. Soc. nat. ilfo^c., 1860, vol. 33. 9. Lindemann, Prod7\ fl. Cherson. p. 21. 10. Nyman, Conspectus fl. europ., 1878, p. 65. 11. Schweinfurth, Beitr. fl. Mth., p. 270. 70 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES On lui connaît un nom sanscrit, Lonica ou Lounia, qui se re- trouve dans les langues modernes de Tlnde *. Les noms grec Andrackne et latin Fortulaca sont tout autres, de même que le groupe des noms Cholza en persan, Khursa ou Koursa en hin- doustani, Kourfa Kara-or en arabe, en tartare, qui paraissent l'origine de Kurza-noga en polonais, Kurj-noha en bohème, Kreusel en allemand, sans parler du nom Schrucha des Russes et de quelques autres de l'Asie orientale *. Il n'est pas néces- saire d'être linguiste pour voir certaines dérivations dans ces noms, indiquant que les peuples asiatiques dans leurs migra- tions diverses ont transporté leurs noms de la plante ; mais cela ne prouve pas qu'ils l'aient transportée elle-même. Ils peuvent l'avoir reconnue dans les pays où ils arrivaient. D'un autre côté l'existence de trois ou quatre racines différentes fait présumer que des peuples européens antérieurs aux migrations des Asia- tiques avaient déjà des noms pour l'espèce, et que celle-ci, par conséquent, est très ancienne en Europe comme en Asie. L'état cultivé, naturalisé autour des cultures ou spontané est bien difficile à connaître pour une plante si répandue et qui se propage facilement au moyen de ses petites graines; en nombre immense. A l'est du continent asiatique, elle ne paraît pas aussi ancienne que dans l'ouest, et jamais les auteurs ne disent que ce soit une plante spontanée ^. Dans l'Inde, c'est bien différent. SirJ. Hooker dit * : Croissant dans l'Inde jusqu'à 5000 p. dans l'Himalaya. II indique aussi dans le nord-ouest de l'Inde la variété à tige dressée qu'on cultive, avec l'ordinaire, en Europe. Je ne trouve rien de positif sur les localités de Perse, mais on en mentionne de si nombreuses et dans des pays si peu cultivés, sur les bords de la mer Caspienne, autour du Caucase, et même dans la Russie méridionale ^, qu'il est difficile de ne pas admettre Tindigénat dans cette région centrale d'où les peuples asiatiques ont envahi l'Europe. En Grèce, la plante est spontanée aussi bien que cul- tivée ^. Plus loin, vers l'ouest, en Italie, etc., on recommence à trouver dans les flores pour toute indication les champs, les jardins, les décombres et autres stations suspectes ^. Ainsi les documents linguistiques et botaniques concourent à faire regarder l'espèce comme originaire de toute la région qui s'étend de l'Himalaya occidental à la Russie méridionale et la Grèce. 1. PiddingtoD, Index to indian plants. 2. Nemnich, Polygl. Lexicon Naturgesch., % p. 1047. 3. Loureiro, FI. Cochinch. 1, p. 359 ; Franchet et Savatier, Enum. plant Japon., i, p. 53; Bentham, Fl. Hongkong^ p. 127. 4. Hooker, Fl. brit. Ind., 1, p. 240. 5. Ledebour, FL ross., 2, p. 145. Lindemann, Prodr. fl. Chers., p. 74, dit : fn desertis et arenosis inter Cherson et Berislaw, circa Odessam. 6. LeDz, Bot. d. Alt., p. 632 ; Heldreich, Fl. attisch. Ebene, p. 483. 7. Bertol., ^7. it.^ v. 5 ; Gussone, Fl. sic, vol. 1 ; Moris, Fl. sard,, v. 2; Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp.^ v. 3. LÉGUMES. — CÉLERI — CERFEUIL 71 Tétragone étalée. — Tetragonia expama^ Munray. Les Anglais appellent cçtie plante Epmard de la Nouvelle-Zé- iande^ parce qu elle avait été rapportée de ce pays et cultivée par sir Joseph Banks, lors du célèbre voyage du capitaine Gook, C'est une plante singulière, sous deux points de vue. D'abord elle est la seule espèce cultivée qui provienne de la Nouvelle-Zélande; ensuite elle appartient à une famille de plantes ordinairement charnues, les Ficoïdes, dont aucune autre «spèce n'est employée. Les horticulteurs * la recommandent, •comme un léçume annuel, dont le goût est à peu près celui de l'Epinard, mais qui supporte mieux la sécheresse et devient par ce motif une ressource dans la saison où TEpinard fait défaut. Depuis le voyage de Gook, on Ta trouvée sauvage, principale- aiient sur les côtes de la mer, non seulement à la Nouvelle-Zé^ lande, mais en Tasmanie, dans le sud et Touest de TAustralie, au Japon et dans TAmérique australe *. Reste à savoir si, dans ces dernières localités, elle n'est pas naturalisée, car elle est in- diquée près des villes, au Japon et au Chili '. Céleri caltivé. — Apium graveolens, Linné. Comme beaucoup d'Ombellifères, des lieux humides, le Céleri «auvage a une habitation étendue. Il existe depuis la Suède jusqu'à l'Algérie, l'Egypte, TAbyssinie, et en Asie depuis le Caucase jusque dans le Belouchistan et les montagnes de l'Inde anglaise *. Il en est question déjà dans V Odyssée, sous le nom de Selinon, et dans Théophraste ; mais plus tard Dioscoride et Pline ^ dis- tinguent le Céleri sauvage et le Céleri cultivé. Dans celui-pi, on fait blanchir les feuilles, ce qui diminue beaucoup l'amertume. L'ancienneté de la culture fait comprendre pourquoi les variétés de jardin sont nombreuses. Une des plus différentes de l'état naturel est le Céleri rave, dont la racine charnue se mange €uite. Cerfeuil. — Scandix Cerefolium^ Linné. -^ Anthriscus Cere» folium^ Hoffmann. Il n'y a pas longtemps que l'origine de cette petite Ombel- ilifère, si commune dans nos jardins, était inconnue. Gomme 1. Boianical magazine, t. 2362; Bon jardinier^ 1880, p. 567. 2. Sir J. Hooker, Handbook of New Zealand flora, p. 84 ; Bentham, Flo7'a australiensis, 3, p. 327; Franchet et Savatier, Enum. plant. Japonix, 1, p. 177. 3. Cl. Gay, Flora chilena, 2, p. 468. 4. Friea, Summa veget. Scandinavie ; Munby, CataL Alger, ^ p. 11 ; £oissier, Flora orientalis, 2, p. 856 ; Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhlung^ p. 272 ; Hooker, Flora of brii, India, 2 p. 679. 5. Dioscoride, Mat med.j l. 3, c. 67, 68; Pline, HisL, 1. 19, c. 7, 8; Lenz, Bot d, alten Gi^iechen und Bœmery p. 557. 72 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES beaucoup d'espèces annuelles, on la voyait paraître dans les décombres, les bords de haies, les .terrains peu cultivés, et Ton ne savait pas s'il fallait la regarder comme spontanée. Dans l'Europe occidentale et méridionale, elle semble adventive, plus ou moins naturalisée; mais, dans le sud-est dé la Russie et dans l'Asie occidentale tempérée, elle parait spontanée. Steven * l'in- dique dans « les bois de la Grimée, çà et là ». M. Boissier * a reçu plusieurs échantillons des provinces au midi du Caucase, de Turcomanie et des montagnes de la Perse septentrionale, loca- lités probablement naturelles de l'espèce. Elle manque aux flores de l'Inde et de TAsie orientale. Les auteurs grecs n'en ont pas parlé. La première mention chez les anciens est dans Golumelle et Pline ', c'est-à-dire au commencement de l'ère chrétienne. On la cultivait. Pline l'ap- pelle Cerefolium. Probablement l'espèce s'était introduite dans le monde gréco-romain depuis Théophraste, c'est-à-dire dans le laps des trois siècles qui ont précédé l'ère actuelle.* PersiL — Petroselinum sativum, Moench Cette Ombellifère bisannuelle est sauvage dans le midi de l'Europe, depuis l'Espagne jusqu'en Macédoine. On l'a trouvée aussi à Tlemcen en Algérie et dans le Liban *. Dioscoride et Pline en ont parlé sous le nom de Pet?'oselinon et Petroselinum^ mais comme d'une plante sauvage et ofBci- nale ^. Rien ne prouve qu'elle fût cultivée de leur temps. Dans le moyen âge Gharlemagne la comptait parmi les plantes qu'il ordonnait de cultiver dans ses jardins *. Olivier de Serres, au xvie siècle, cultivait le Persil. Les jardiniers anglais l'ont reçu en 1548 ^ Quoique la culture ne soit pas ancienne et importante, il s'est produit déjà deux races, qu'on appellerait des espèces, si on les voyait à l'état spontané : le Persil à feuilles frisées et celui dont la racine charnue est comestible. Ache ou Maceron. — Smyrnium Olus-atrum^ Linné. De toutes les Ombellifères servant de légumes, celle-ci a été une des plus communes dans les jardins pendant environ quinze siècles, et maintenant elle est abandonnée. On peut suivre ses commencements et sa fin. Théophraste en parlait comme d'une plante officinale sous le nom de Ippos e linon ^ mais trois cents an» 1. Steven, Verzeichniss iaurischen Halbinseln, p. 183. 2. Boissier, Flora orient.^ 2, p. 913. 3. Lenz, Botanik der alten Griechen und Rœmer, p. 572. 4. Munby, Catal. Alger., éd. 2, p. 22; Boissier, Flora orientalis, 2 p., 857- 5. Dioscorides, Mat, médical 1. 3, c. 70 ; Pline, Hist., 1. 20, c. 12. 6. La liste de ces plantes est dans Meyer, Geschichte der Botanik j 3, p. 401. " 7. Phillips, Companion to kitchen garden, 2, p. 35. LÉGUMES. — PERSIL. — ACHE. — MACHE. — ARTICHAUT 73 plus tard Dioscoride * dit qu'on en mangeait la racine ou les feuilles, à volonté, ce qui fait supposer une culture. Les Latins l'appelaient Olus-atrum^ Charlemagne Olisatum, et il ordon- nait d'en semer dans ses fermes ^. Les Italiens Font beaucoup employée, sous le nom de Macerone '. A la fin du xviii» siècle, la tradition existait en Angleterre que cette plante était jadis cultivée ; ensuite les horticulteurs anglais ou français n'en par- lent plus *. Le Smyrnium Olus-atrum est spontané dans toute l'Europe méridionale, en Algérie, en Syrie et dans l'Asie Mineure ". Mâche ou Doucette. — Valerianella oHtoria, Linné. Cultivée fréquemment pour salade, cette plante annuelle, de la famille des Valérianées, se trouve à l'état spontané dans toute l'Europe tempérée jusqu'au 60^ degré environ, dans l'Europe méridionale, aux îles Canaries, Madère et Açores, dans le nord de l'Afrique, l'Asie Mineure et les environs du Caucase ^. Elle y est souvent dans les terrains cultivés , aux abords des vil- lages, etc., ce qui rend assez difficile de savoir où elle existait avant d'être cultivée. On la cite cependant, en Sardaigne et en Sicile, dans les prés et pâturages de montagnes ^. Je soupçonne qu'elle est originaire de ces îles seulement, et que partout ailleurs elle est adventive ou naturalisée. Ce qui me le fait penser, c'est qu'on n'a découvert chez les auteurs grecs ou latins aucun nom qui paraisse pouvoir lui être attribué. On ne peut même citer,, d'une manière certaine, aucun botaniste du moyen âge ou du xvi° siècle qui en ait parlé. Il n'en est pas question non plus parmi les légumes usités en France au xvii^ siècle, d'après le Jardinier français de 1651 et l'ouvrage de Laurenberg, Horticul- tura (Francfort, 1632). La culture et même l'emploi de cette salade paraissent donc modernes, ce qui n'avait pas été re- marqué. Gardon. — Cynara Cardunculus^ Linné . Artichaut. — Cynaî^a Scolymus, Linné. — C. CardunculuSy var. sativa, Moris. Depuis longtemps, quelques botanistes ont émis l'idée que 1. Theophrastes, Hist.y 1. 1, 9; 1. 2, 2; I. 7, 6 ; Dioscorides, Mat. med.. I. 3, c. 71. 2. E. Meyer, Geschichte der Botanik, 3, p. 401. 3. Targioni, Cenni storici, p. 58. 4. English botany, t. 230; Phillips, Companion to the kitchen garden; Le bon jardinier. 5. Boissier, Flora orientalis, 2, p. 927. 6. Krok, Monographie des Valerianella, Stockolm, 1864, p. 88 ; Boissier, Flora 07nent.f 3, p. 104. 7. Bertoloni, Flora ital., 1, p. 185; Moris, Flora sardoa, 2, p. 314; Gussone, Synopsis fl. Siculse, éd. 2, vol. 1, p. 30. 74 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES l'artichaut est probablement une forme obtenue, par la cul- ture, du Cardon sauvage *. Aujourd'hui, de bonnes obser- vations en ont donné la preuve. Moris *, par exemple, ayant cultivé, dans le jardin de Turin, la plante spontanée de Sar- daigne à côté de l'Artichaut, afOrme qu'on ne pouvait plus les distinguer par de véritables caractères. MM. Wilkomm et Lange ^, qui ont bien observé, en Espagne, la plante spontanée et l'Artichaut qu'on y cultive, ont la même opinion, D'iulleuES l'Artichaut n'a pas été trouvé hors des jardins, et comme la région de la Méditerranée, patrie de tous les Cynara, a été explorée à fond, on peut affirmer qu'il n'existe nulle part spon- tané. Le Gardon dans lequel il faut comprendre le C, koî^rida, de Sibthorp, est indigène à Madère et aux Gamaries, dans les mon- tagnes du Maroc près de Mogador, dans le midi et l'orient de la péninsule ibérique, le midi de la France, de l'Italie, de la Grèce et dans les îles de la mer Méditerranée, jusqu'à celle de Chypre *. Munby ^ n'admet pas le C. Cardunculus comme spontané en Algérie, mais bien le Cynara humilis Linné, qui est considéré par quelques auteurs comme une variété. Le Gardon cultivé varie beaucoup au point de vue de la division des feuilles, du nombre des épines et de la taille, diver- sités qui indiquent une ancienne culture. Les Romains man-. geaient le réceptacle qui porte les fleurs, et les Italiens le man- gent aussi sous le nom de glrello. Les modernes cultivent le Gardon pour la partie charnue des feuilles, usage qui n'est pas i^ncore introduit en Grèce ^. L'Artichaut présente moins de variétés, ce qui appuie Topinion qu'il est une dérivation obtenue du Gardon. Targioni % dans un excellent article sur cette plante, raconte que l'Artichaut a été apporté de Naples à Florence en 1466, et il prouve que les anciens, même Athénée, ne connaissaient pas l'Artichaut, mais seulement les Gardons sauvages et cultivés. Il faut citer cepen- dant, comme indice d'ancienneté dans le nord de l'Afrique, la circonstance que les Berbères ont deux noms tout à fait particu- liers pour les deux plantes : Addad pour le Gardon, Taga pour l'artichaut ^. On croit que les Kactos, Kinara et ScoHmos des Grecs et le 1. Dodoens, Hist, plant, p. 724; Linné, Species, p. 1159; de Gandolle' Frodromus, 6, p. 620. 2. Moris, Flora sardoa, 2, p. 61. .3. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp.^ 2, p. 180. 4. Webb, PhyL Canar., 3, sect. 2, p. 384; Bail, Spicilegium fl. maroçc, p. 524 ; Willkomm et Lange, /. c. ; Bertoloni, fl. ital., 9 p. 86 ; Boissiw, fl. orient., 3, p. 357 ; Unger et Kotschy, Insein Cypern, p. 246. 5. Munby, CataL, éd. 2. 6. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenland^s, p. 27. 7. Targioni, Cenm storici, p. 52. 8. Dictionnaire français-berbère, publié par le gouvernement, 1 vol. in-8. LÉGUMES. — LAITUE 75 Carduus des horticulteurs romains étaient le Cynara Cardun- culus *, quoique la description la plus détaillée, celle des Théo- phraste, soit assez confuse. « La plante, disait-il, croît en Sicile » ce qui est encore vrai; et il ajoutait : « non en Grèce. » 11 est donc possible que les pieds observés de nos jours dans ce pays soient le résultat de naturalisations par le fait des cultures. D'après Athénée * le roi d'Egypte Ptolomée Euergètes, du II® siècle avant Jésus-Christ, avait trouvé en Lybie une grande quantité de Kinara sauvages, dont ses soldats avaient profité. Malgré la proximité de l'habitation naturelle de l'espèce je doute beaucoup que les anciens Egyptiens aient cultivé le Gardon ou l'artichaut. Pickering et Unger ^ ont cru le reconnaître dans quelques dessins des monuments ; mais les deux figures que Unger regarde comme le plus admissibles me paraissent extrê- mement douteuses. D'ailleurs on ne connaît aucun nom hébreu, et les Juifs auraient probablement parlé de ce légume s'ils l'avaient vu en Egypte. L'extension de l'espèce doit s être faite en Asie assez tardivement. 11 y a un nom arabe, Hirschuff ou Ker- schouffei un nom persan, Kunghir *, mais pas de nom sanscrit, et les Hindous ont pris le nom persan Kunjir ^, ce qui montre l'époque tardive de l'introduction. Les auteurs chinois n'ont mentionné aucun Cynara ^. En Angleterre, la culture de l'Arti- chaut n'a été introduite qu'en 1548 ^ L'un des faits les plus curieux dans l'histoire du Cynara Cardunculus est sa naturali- sation, dans le siècle actuel, sur une vaste étendue des pampas de Buenos-Ayres, au point de gêner les communications ^. Il devient incommode également au Chili ®. On ne dit pas que l'Artichaut se naturalise de cette manière nulle part, ce qui est encore l'indice d'une origine artificielle. Liaitiie. — Lactuca Scariola, var. sativa. Les botanistes s'accordent à considérer la laitue cultivée comme une modification de l'espèce sauvage appelée Lactuca Scariola *®. !. Theophrastes, Hiitt,^ 1. 6, c. 4 ; Pline, Hist., 1. 19, c. 8 ; Lenz, Botanik der cUten Griechen und Rœmer, p. 480. 2. Athénée, Deipn,, 2, 84. 3. Pickering, Ùhronol. arrangement, p. 71 ; Unger, Pflanzen des alten JSgyptens, p. 46, fig. 27 et 28. 4. Âinslies, Mat. méd. ind., 1, p. 22. 5. Piddington, Index. 6. Bretschneider, Study, etc., et Lettres de 1881. 7. Phillips, Companion to the kitchengarden^ p. 22. 8. Aug. de Saint-Hilaire, Plantes remarq. du Brésil, Introd., p. 58 ; Darwin, Animais and plants under domestication, 2, p. 34. 9. Cl. Gay, Flora chilena, 4, p. 317. 10. L'auteur qui a examiné cette question avec le plus de soin est Bis- chofif, dans ses Beitràge zur flora Deutschlands und dei" Schweiz, p. 184. Voir aussi Moris, FI. sardoa, 2, p. 330. 76 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES Celle-ci croît dans l'Europe tempérée et méridionale, aux îles Canaries et Madère *, en Algérie *, en Abyssinie ' et dans l'Asie occidentale tempérée. M. Boissier en cite des échantillons de l'Arabie Pétrée jusqu'à la Mésopotamie et le Caucase *. Il mentionne une variété à feuilles crispées, par conséquent ana- logue à certaines laitues de nos jardins , que le voyageur Hausknecht lui a apportée d'une montagne du Kurdistan. J'ai un échantillon de Sibérie, près du fleuve Irtysch, et on sait main- tenant d'une manière certaine que l'espèce croît dans l'Inde septentrionale, du Cachemir au Nepaul ^. Dans tous ces pays, elle est souvent près des cultures ou dans les décombres, mais souvent aussi dans des rocailles, des taillis ou des prés, comme une plante bien spontanée. La laitue cultivée se sème fréquemment dans la campagne, hors des jardins. Personne, à ma connaissance, ne l'a suivie dans ce cas pendant quelques générations ou n'a essayé de cultiver le Z. Scariola sauvage, pour voir si le passage d'une forme à l'autre est facile. Ils se pourrait que l'habitation pri- mitive de l'espèce se fût étendue par la diffusion de laitues cultivées faisant retour à la forme sauvage. Ce qui est connu, c'est l'accroissement du nombre des variétés cultivées, de[)uîs environ 2000 ans. Théophraste en indiquait trois ^; Le Bon jar- dinier^ de 1880, une quarantaine, existant en France. Les anciens Grecs et les Romains cultivaient la laitue, sur- tout comme salade. En Orient, la culture remonte peut-être à une époque plus ancienne. Cependant, d'après les noms vul- gaires originaux, soit en Asie, soit en Europe, il ne semble pas que cette plante ait été généralement et très anciennement cultivée. On ne cite pas de nom sanscrit, ni hébreu, ni de la langue reconstruite des Aryens. Il existe un nom grec, Tridax; latin, Lactuca ; persan et hindoustani, Kahu^ et l'analogue arabe Chuss ou Chass, Le nom latin existe aussi, légèrement modifié, dans plusieurs langues slaves et germaniques *^, ce qui peut signifier ou que les Aryens occidentaux l'ont répandu, ou que la culture s'est propagée plus tard, avec le nom, du midi au nord de l'Europe. Le D*" Bretschneider a confirmé ma supposition * que la Laitue n'est pas très ancienne en Chine et qu'elle y a été intro- duite de l'ouest. Il dit que le premier ouvrage où elle soit men- tionnée date de 600 à 900 de notre ère ^ 1. Webb, Phytoar, canar,, 3, p. 422 ; Lowe, FL of Madeii^a, p. 544. 2. Mnnbjr, Catal., éd. 2, p. 22, sous le nom de L. sylvestins. 3. Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhlung ^ p. 285. 4. Boissier, FI. orient,, 3, p. 809. 5. Glarke, Compos, indicx, p. 263. 6. Theophrastes, 1. 7, caj). 4. 7. Nemnich, Polygl. Lexicon. 8. A. de Candolle, Géogr. bot. rais,, p. 843. P. Bretschneider, Stuay and value of chinese botanical works, p. 17. LÉGUMES. — CHICORÉES 77 Chicorée sauvage. — Cichonum Intyôusy Linné. La Chicorée sauvage, vivace, qu'on cultive comme légume, ue 1 I}iUrU|JC «Jiicutaic a X xxigAxaujLsi/Ciii et ic AJCiuuuiiisiclll , UailS le Punjab et le Cachemir ^ et de la Russie au lac Baïkal en Sibérie *. La plante est certainement spontanée dans la plupart de ces pays; mais, comme elle croît souvent au bord des chemins et des champs, il est probable qu'elle a été transportée par rhomme en d'ehors de sa patrie primitive. Ce doit bien être le cas dans Tlnde, car on ne cite aucun nom sanscrit. Les Grecs et les Romains employaient cette espèce, sauvage et cultivée **, mais ce qu'ils en disent est trop abrégé pour être clair. D'après M. de Heldreich, les Grecs modernes emploient sous le nom général de Lachana, comme légume et salade, dix-sept Cichoracées différentes, dont il donne la liste ^. Selon lui, l'espèce ordinairement cultivée est le Cichorium divaricatum, Schousboe (C.pumilum, Jacquin), mais il est annuel, et la Chicorée dont parl^ Théophraste était vivace. Chicorée Endive. — Cichoriu7n Endivia^ Linné. Les Chickorées blanches, Endives ou Scarole, des jardins, se dis- tinguent du Cichorium Intybus en ce qu'elles sont annuelles et d'une saveur moins amère. En outre, les lanières de leur aigrette au-dessus de la graine sont quatre fois plus longues, et inégales, au lieu d'être égales. Aussi longtemps qu'on comparait cette plante avec le C. Intybus, il était difficile de ne pas admettre deux espèces. On ne connaissait pas l'origine du C. Endivia. Lorsque nous reçûmes, il y a quarante ans, des échantillons d'un Cichorium de l'Inde appelé par Hamilton C, Cosmia, ils nous parurent tellement semblables à l'Endive que nous eûmes l'idée de voir l'origine de celle-ci dans l'Inde, comme on l'avait quel- quefois supposé ^ ; mais les botanistes anglo-indiens disaient, et ils affirment de plus en plus, que la plante indienne est seule- ment cultivée ^. L'incertitude continuait donc sur l'origine géo- graphique. Dès lors, plusieurs botanistes ® ont eu l'idée de comparer l'Endive avec une espèce annuelle, spontanée dans la 1. Bail, Spicilegium FL marocc, p. 534; Munby, Catal., éd. 2, p. 21. 2. Boissier, /ï. orient., 3 p. 715. 3. Clarke, Compos. ind., p. 250. 4. Ledebour, FI. ross., 2, p. 774. 5. Dioscorides, II, cap. 160; Pline, XIX, cap. 8; Palladius, XI, cap. H. Voir d'autres auteurs cités aans Leuz, Botanik d. Alten, p. 483. 6. Heldreich, Die Nutzpflanzen Griechenland's, p. 28 et 76. 7. Aug. ^yr. de Ganaolle, Prodr. 7 p. 84; Alph. de Candolle, Géoyr. bot. p. 845. 8. Clarke, Compos. ind., p. 250. 9. De Visiani, F/ora dalmat., II, p. 97; Schultz, dans Webb, Phyt. canar., «ect. II, p. 391 ; Boissier, FI. orient., III, p. 716. 78 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES région méditerranéenne, le Cichorium pumilunij Jacquin (C. di- varicatum, Schousboe), et les différences ont été trouvées si légères que les uns ont soupçonné, les autres ont affirmé l'identité spécifique. Quant à moi, après avoir vu des échantil- lons sauvages, de Sicile, et comparé les bonnes figurés publiées par Reichenbach {Icônes, vol. 19, pi. 1357 et 1358), je n'ai aucune objection à prendre les Endives cultivées pour des variétés de la même espèce que le C. pumilum. Dans ce cas, le nom le plus ancien étant C. Fndivia, c'est celui qu'on doit con- server, comme Ta fait Schultz. Il rappelle d'ailleurs un nom vulgaire commun à plusieurs langues. La plante spontanée existe dans toute la région dont la Méditerranée est le centre, depuis Madère \ le Maroc a et l'Algérie ', jusqu'à la Palestine *, le Caucase et le Turkestan ^ Elle est commune surtout dans les îles de la Méditerranée et en Grèce. Du côté ouest, par exemple en Espagne et à Madère, il est probable qu'elle s'est naturalisée par un effet des cultures, d'après les stations qu'elle occupe dans les champs et au bord des routes. On ne trouve pas, dans les textes anciens, une preuve positive de l'emploi de cette plante chez les Grecs et les Romains®; mais il est probable qu'ils s'en servaient comme de plusieurs autres Chicoracées. Les noms vulgaires n'indiquent rien, parce qu'ils ont pu s'appliquer aux deux espèces de Cichorium, Ils sont peu variés ^ et font présumer une culture sortie du milieu gréco-romain. On cite un nom hindou, Kasnl, et tamul, Koschi *, mais aucun nom sanscrit, ce qui indique une extension tardive de la culture dans l'est. Epinard. — Spinacia oleracea^ Linné. Ce légume était inconnu aux Grecs et aux Romains ^. Il était nouveau en Europe au xvp siècle ^°,et l'on a discuté pour savoir s'il devait s'appeler Spanachia, comme venant d'Espagne, ou Spinacia^ à cause des épines du fruit **. La suite a montré que le nom vient de l'arabe Isfânâdscky Esbanach ou Sebanach^ suivant les auteurs '*. Les Persans disent /sjoawy ou Ispanaj^^,ei 1. Lowe, Floy^a of Madeira^ p. 521. 2. Bail, Spicileg., p. 534. 3. Munby, Cat.y éd. 2, p. 21. 4. Boissier, /. c. 5. Bunge, Beitr. zur flora Russland's und Central-Asieri's, p. 197. 6. Lenz, Botanik der Alten^ p. 483, cite les passages des auteurs. Voir aussi Heldreich, Die Nutzpflanzen Gviechenl.^ p. 74. 7. Nemnich, Polygl. Lextc, au mot Cichorium Endivia, 8. Royle, ///. HimaL, p. 247 ; Piddiugton, Index. 9. J. Bauhin, Hist., II, p. 964 ; Fraas, Syn, fl. class,; Lenz, Bot. d. Alten. 10. Brassavola, p. 176. 11. Malhioli, éd. Valçr. p. 343. 12. Ebn Baithar, ueberttz von Sondtheimer, I, p. 34 ; Forskal, Egypt, p. 77 ; Delile, lU. JEgypt, p. 29. 13. Roxbur^h, Fl. tnd.j éd. 1832, v. III, p. 771, appliqué au Spinacia tetrandra, qui parait, la même espèce. LÉGUMES. — ÉPINARD 79 les Hindous Isfany ou Palak, d'après Piddington, ou encore Pinnis^ d'après le même etRoxburgh. L'absenee de nom sans- crit indique une culture peu ancienne dans ces régions. Loureiro a vu TEpinard cultivé à Canton, et M. Maximowicz en Mand- schourie * ; mais M. Brestschneider nous apprend que le nom chinois signifie Herbe de Perse, et que les légumes occidentaux ont été introduits ordinairement en Chine un siècle avant l'ère chrétienne 2. Il est donc probable que la culture a commencé en Perse depuis la civilisation gréco-romaine, ou qu'elle ne s'est pas répandue promptement à l'est ni à l'ouest de son origine persane. On ne connaît pas de nom hébreu, de sorte que les Arabes doivent avoir reçu des Persans la plante et le nom. Rien ne fait présumer qu'ils aient apporté ce légume en Espagne. Ebn Baithar, qui vivait en 1235, était de Malaga ; mais les ou- vrages arabes qu'il cite ne disent pas où la plante était cultivée, si ce n'est Tun d'eux qui parle de sa culture commune à Ninive et Babylone. L'ouvrage de Herrera sur l'agriculture espagnole ne mentionne l'espèce que dans un supplément, de date moderne, d'où il est probable que l'édition de 1513 n'en parlait pas. Ainsi la culture en Europe doit être venue d'Orient à peu près dans le xv« siècle. On répète dans quelques livres populaires que l'Epinard est originaire de l'Asie septentrionale, mais rien ne peut le faire présumer. Il vient évidemment de l'ancien empire des Mèdes et des Perses. D'après Bosc ', le voyageur Olivier en avait rapporté des graines recueillies, en Orient, dans la campagne. Ce serait une preuve positive si le produit de ces graines avait été exa- miné par un botaniste pour s'assurer de l'espèce et de la variété. Dans l'état actuel des connaissances, il faut convenir qu'on n'a pas encore trouvé l'Epinard à l'état sauvage, à moins qu'il ne soit une modification cultivée du Spinacia tetrandra Steven, qui est spontané au midi du Caucase, dans le Turkestan, en Perse et dans l'Afghanistan, et qu'on emploie comme légume sous le nom de Schamum *. Sans entrer ici dans une discussion purement botanique, je dirai qu'en lisant les descriptions cité^ par M. Boissier, en re- gardant la planche de Wight ^ du Spinacia tetrandra Roxb.. cultivé dans l'Inde, et quelques échantillons d'herbier, je ne vois pas de caractère bien distinctif entre cette plante et l'Epi- nard cultivé à fruits épineux. Le terme de tetrandra exprime ridée que l'une des plantes aurait cinq et l'autre quatre éta- mines, mais le nombre varie dans nos Epinards cultivés ^. 1. Maximowicz, Primitif fl, A^nuv,, p. 222. 2. Bretschneider, Study^ etc., of chinese bot. works, p. 17 et 15. 3. Dict. d'agric, V, p. 906. 4. Boissier, Fl. orient^ VI, p. 234. :i. Wight, Icônes, t. 818. G. Nées, Gen. plant, fl. germ., livr. 7, pi. 15. 60 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES Si, comme cela paraît probable, les deux plantes sont deux variétés, Tune cultivée, l'autre tantôt sauvage et tantôt cultivée, le nom le plus ancien S, oleracea doit subsister, d'autant plus que les deux plantes se voient dans les cultures du pays d'ori- gine. UEpinard de Hollande ou gros Ej)inard, dont le fruit n'a pas d'épines, est évidemment un produit des jardins. Tragus, soit Bock, en a parlé le premier dans le xvie siècle ^ Brède de Malabar. — Amarantus gangeticus, Linné. Plusieurs Amarantes annuelles sont cultivées, comme légume vert, dans les îles Maurice, Bourbon et Seychelles, sous le nom de Bipède de Malabar *. Celle-ci paraît la principale. On la cul- tive beaucoup dans l'Inde. Les botanistes anglo-indiens l'ont prise pendant quelque temps pour VAmarantus oleraceus de Linné, et Wight en a donné une ûgure sous ce nom ', mais on a reconnu qu'elle en diffère et qu'elle se rapporte à l'A. gange- ticus. Ses variétés, fort nombreuses, de taille, de couleur, etc., portent dans la langue télinga le nom de Tota Kura^ avec addi- tion quelquefois d'un adjectif pour chacune. Il y a d'autres noms en bengali et hindoustani. Les jeunes pousses remplacent quelquefois les asperges sur la table des Anglais *. lu A, melan- cholicus^ souvent cultivé dans les jardins d'Europe pour l'orne- ment, est regardé comme une des formes de l'espèce. Le pays d'origine est peut-être l'Inde, mais je ne vois pas qu'on y ait récolté la plante à l'état spontané ; du moins les auteurs ne l'afûrment pas. Toutes les espèces du genre Ama- rante se répandent dans les terrains cultivés, les décombres, les bords de routes, et se naturalisent ainsi à moitié, dans les pays chauds comme en Europe. De là une extrême difficulté pour distinguer les espèces et surtout pour deviner ou constater leur origine. Les espèces les plus voisines du gangeticus paraissent asiatiques. L'A. aangeticus est indiqué comme spontané en Egypte et en Abyssinie, par des auteurs très dignes de confiance ^ ; mais ce n'est peut-être que le fait de naturalisations du genre de celles dont je parlais. L'existence de nombreuses variétés et de noms divers dans l'Inde rend l'origine indienne très probable. Les Japonais cultivent comme légume les Amarantus cau- datus , mangostanus et melanckolicus (ou gangeticus) , de Linné ®, mais rien ne prouve qu'aucun d'entre eux soit indigène. 1. Bauhin, Hist.^ II, p. 965. 2. A. gangeticus, tristis et hybridus, de Linné, d'après Baker, Flora of Mauritius, p. 266. 3. Wight, Icônes^ pi. 715. 4. Roxburgb, Flora indica, éd. 2, vol. III, p. 606. 5. Boissier, Flora orientalisy IV, p. 990 ; Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhlung, etc.^ p. 289. 6. Francnet et Savatier, Enum. plant. Japonix, I, p. 390. FOURRAGES. — LUZERNE 81 A Java, on cultive VA. polystachyus, Blume, très commun dans les décombres, au bord des chemins *, etc. Je parlerai plus loin des espèces cultivées pour leurs graines. Poireau ou Porreau. — A llium Ampeloprasum^ var. Porrum . D'après la monographie très soignée de J. Gay *, le Porreau. conformément aux soupçons d'anciens auteurs ', ne serait qu'une variété cultivée de VAllium Ampeioprasum de Linné, si commun en Orient et dans la région de la mer Méditerranée, spéciale- ment en Algérie, lequel, dans l'Europe centrale, se naturalise quelquefois dans les vignes et autour d'anciennes cultures *. Gay semme s'être défié beaucoup des indications des flores du midi de l'Europe, car, à l'inverse de ce qu'il fait pour les autres es- pèces dont il énumère les localités hors de l'Algérie, il ne cite dans le cas actuel que les localités algériennes, admettant néan- moins la synonymie des auteurs pour d'autres pays. La forme du Porrum cultivé n'a pas été trouvée sauvage. On la cite seulement dans des localités suspectes, comme les vignes, les jardins, etc. Ledebour ^ indique, pour -l'A. Ampeioprasum^ les confins de la Grimée et les provinces au midi du Caucase. Wallich en a rapporté un échantillon de Kamaon, dans l'Inde ^, mais on ne peut pas être sûr qu'il fût spontané. Les ouvrages sur la Cochinchine (Loureiro), la Chine (Bretschneider), le Japon (Franchet et Savatier) n'en parlent pas. Article 9. — fourrage». Liuzeme. — Medicago sativa, Linné. La Luzerne était connue des Grecs et des Romains. Ils l'appe- laient en grec Médical^ en latin Medlca ou Herba medica^ parce qu'elle avait été apportée de Médie, lors de la guerre contre les Perses, environ 470 ans avant l'ère chrétienne ^. Les Romains la cultivaient fréquemment, du moins depuis le commencement du i«' ou 11^ siècle. Gaton n'en parle pas ^, mais bien Varron, Golumelle, Virgile, etc. De Gasparin ^ fait remarquer que Gres- cenz, en 1478, n'en faisait pas mention pour l'Italie, et qu'en 1. Uasskarl, Plantœ javan. rariores^ p. 431. 2. Gay, Ann, des se. nat., 3® série, vol. 8. 3. Linné, Species; de Candolle, FI. franc. ^ III, p. 219. 4. Koch, Synopsis fl, germ. ; Babington, Monual of Irit, fl, ; English bo- tany, etc., etc. 5. Ledebour, Flora ross., IV, p. 163. 6. Baker, Journal of bot., 1874, p. 295. 7- Strabon, 12, p. 560 ; Pline, livre 18, chap. 10. 8. Hehn, Cultwrpflanzen, etc., p. 355. 9. Gasparin, Cours d'agric, iV, p. 424. De Candolle. 6 8â PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES 1711 Tull ne Tavait pas vue au delà des Alpes. Targioni cepen- dant, qui n'a pas pu se tromper sur ce point, dit que la culture de la Luzerne s'est maintenue en Italie, surtout en Toscane, depuis les anciens*. Dans la Grèce moderne, elle est rare *. Les cultivateurs français ont souvent appliqué à la Luzerne le nom de Sainfoin (jadis Sain foin), qui est celui de VOnobrychis sativa , et cette transposition existe encore aux environs de Ge- nève, par exemple. Le nom de Luzerne a été supposé venir de la vallée de Luzerne, en Piémont, mais il y a une autre origine plus probable. Les Espagnols avaient un ancien nom , Eruye, cité par J. Bauhin ', et les Catalans disent llserdas *, d'où vient peut-être le nom patois du midi de la France, Laouzerdo^ très voisin de Luzerne, La culture en était si commune en Espagne que les Italiens ont quelquefois appelé la plante Herba spagna ^. Les Espagnols, outre les noms indiqués, disent Mielga ou Melga^ qui paraît venir de Medica, mais ils emploient surtout les noms tirés de l'arabe Alfafa^ Alfasafat^ Alfalfa, Dans le xiii« siècle, le célèbre médecin Abn Baithar, qui écrivait à Malaga, emploie le mot arabe Fisftsat^ qu'il rattache au nom persan Isftst ®. On voit que si l'on se fiait aux noms vulgaires l'origine de la plante serait ou l'Espagne, ou le Piémont, ou plutôt la Perse. Heureusement les botanistes peuvent fournir des preuves directes et positives sur la patrie de l'espèce. Elle a été recueillie spontanée, avec toutes les apparences d'une plante indigène , dans plusieurs provinces de l'Anatolie, au midi du Caucase, dans plusieurs localités de Perse, en Afgha- nistan, dans le Belouchistan ^ et en Cachemir ^. D'autres loca- lités dans le midi de la Russie, indiquées par les auteurs, sont peut-être le résultat des cultures, comme cela se voit dans l'Eu- rope méridionale. Les Grecs peuvent donc avoir tiré la plante de l'Asie Mineure aussi bien que de la Médie, qui s'entendait surtout de la Perse septentrionale. Cette origine, bien constatée, de la Luzerne, me fait aperce- voir, comme une chose singulière, qu'on ne lui connaît aucun nom sanscrit ®. Le Trèfle et le Sainfoin n'en avaient pas non plus, ce qui fait supposer que les Aryens n'avaient pas de prairies artiiicielles. 1. Targioni, Cenni storici, p. 34. 2. Fraas, Synopsis florœ classicsBy p. 63 ; Heldreich, Die Nutzpflanzen ChnechenlandSf p. 70. 3. Bauhin, Htst, plant,, II, p. 381. 4. Colmeiro, Catal, 5. Tozzetti, Dizion. bot, 6. Ebn Baithar, Heil und Nahrungsmitiel, trad. de l'arabe par Sontheimer, vol. 2, p. 257. 7. Boissier, FI, orient., II, p. 94. 8. Royle, ///. Himal., p. 197. 9. Piddington, Index, FOURRAGES. SAINFOIN 83 Sainfoin. Esparcette. — Hedysarum Onobryckis , Linné. — Ombrychis saliva. Lamarck. Cette Légumineuse, dont l'utilité est incontestable dans les terrains secs et calcaires des régions tempérées, n'est pas d'un usage ancien. Les Grecs ne la cultivaient pas, et aujourd'hui encore leurs descendants ne Font pas introduite dans leur agri- culture *. La plante nommée Onobryckis dans Dioscoride et Pline est V Onobryckis Caput-Galli des botanistes modernes ^, espèce sauvage en Grèce et ailleurs, qu'on ne cultive pas. L'E'.s*- parcette^ Lupinella des Italiens, était fort estimée, comme four- rage, dans le midi de la France, à l'époque d'Olivier de Serres ^, c'est-à-dire au xvi® siècle; mais en Italie c'est surtout dans le xviii* que la culture s'en est répandue, particulièrement en Toscane *. L'Esparcette ou Sainfoin (autrefois Sain foin) est une plante vivace qui croît spontanément dans l'Europe tempérée, au midi du Caucase, autour de la mer Caspienne ^ et même au ■delà du lac Baïkal ^. Dans le midi de l'Europe, elle est seulement sur les collines. Gussone ne la compte pas dans les espèces spon- tanées de Sicile, ni Moris dans celles de Sardaigne, ni Munby dans celles d'Algérie. On ne connaît pas de nom sanscrit, persan ou arabe. Tout indique pour la culture une origine du midi de la France, peut- être aussi tardive que le xv® siècle. Sulla ou Sainfoin d'Espagne. — Hedysaimm coronarium, Linné. La culture de cette Légumineuse, analogue au Sainfoin, dont on peut voir une bonne figure dans la Flore des sentes et des jar- dins^ vol. 13, pi. 1382, s'est répandue, dans les temps modernes, •en Italie, en Sicile, à Malte et dans les îles Baléares ^ Le mar- quis Grimaldi, qui l'a signalée le premier aux agriculteurs, eu 1766, l'avait vue à Seminara, dans la Calabre ultérieure ; de Oasparin ® la recommande pour l'Algérie, et il est probable que les agriculteurs de pays analogues en Australie, au Cap et dans t'Amérique méridionale ou le Mexique feraient bien de l'essayer La plante a péri aux environs d'Orange par un froid de — 6** C. h' Hedysarum coronarium croit en Italie, depuis Gènes jusqu'à 1. Heidreich, Nutzpflanzen Griechenlands^ p. 72. 2. Fraas, Synopsis n, class., p. 58 ; Lenz, Boi, ait, Griechen und Rœmet\ p. 731. 3. 0- de Serres, Théâtre de Cagric, p. 242, 4. Targioni Tozzetti, Cenni storici, p. 34. 5. Ledebour, FI. ross., I, ç. 708; Boissier, FI, or,, p. 532. 6. Turczaninow, Flora baical. Dahur., 1, p. 340. 7. Targioni Tozzetti, Cenni storici, p. 35; Mares et Vigineix, Catal, des Baléares, p. 100. S. De Gasparin, Cours d'agric, 4, p. 472. 84 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES la Sicile et la Sardaigne S dans le midi de UEspagne * et en Al- gérie, où elle est indiquée comme rare '. C'est donc une espèce assez limitée quant à son aire géographique. Trèfle. — TrifoUum pratense, Linné. La culture du Trèfle n'existait pas dans l'antiquité, quoique sans doute la plante fût connue de presque tous les peuples d'Eu- rope et de l'Asie tempérée occidentale. L'usage s'en est introduit d'abord dans les Flandres, au xvi® siècle, peut-être même plus tôt, et, d'après Schwerz, les protestants expulsés par les Espagnols la portèrent en Allemagne, où ils s'établirent sous la protection de l'Electeur palatin. C'est aussi de Flandre que les Anglais la reçu- rent, en 1633, par l'influence de Weston, comte de Portland, lord Chancelier *. Le Trifolium pratense est indigène dans toutes les parties de l'Europe, en Algérie ^, sur les montagnes de l'Anatolie, en Armé- nie et dans le Turkestan *, en Sibérie vers l'Altaï ', et dans le Cachemir et le Garwall ^ L'espèce existait donc, en Asie, dans la région des peuples aryens, mais on ne lui connaît pas de nom sanscrit, d'où l'on peut inférer qu'elle n'était pas cultivée. Trèfle incarnat ou Farouch — Trifoliumincarnatum^ Linné. Fourrage annuel, dont la culture, dit Vilmorin, longtemps li- mitée à quelques-uns des départements méridionaux, devient tous les jours plus générale en France ^ De Candolle, au commence- ment du siècle actuel, ne l'avait vue effectivement que dans l'Ariège *°. Elle existe, depuis à peu près soixante ans, aux en- vironè de Genève. Targioni ne pense pas qu'elle soit ancienne en Italie **, et le nom très insignifiant de Trafogliolo di^^mQ cette opinion. Les noms catalans Fé^ Fench *^, et des patois du midi de la France*^ Farrac^e (Roussillon), Farratage{Ldiï\g\]iQàoQ)^Féroutgé (Gascogne), d'où le nom de Farouche ont au contraire une ori- 1. Bertoloni, Flora itaL, 8, p. 6. 2. Willkomm et Lauge, Prodr. fl. hisp,, 3, p. 262. 3. Munby, Catal., éd. 2, p 12. 4. De Gasparin, Cours d'agriculture , 4, p. 445, d'après Schwerz et A. Young. 5. Munby, Catal., éd. 2, p. 11. 6. Boissier, Flora orient,, 1, p. 115. 7. Lodebour, Flora ross., 1, p. 548. 8. Baker, dans, Hooker, Flora of brit, India, 2, p. 86. 9. Bon jardinier, 1880, part. 1, p. 618. 10. De Candolle, Flm^e franc, 4, p. 528. 11. Targioni, Cenni storici, p. 35. 12. Costa, Introd. fl. di Catal., p. 60. 13. Moritzi, Dict. mss. rédigé d'après les flores publiées avant ïe milieu da siècle actuel . FOURRAGES. — TRÈFLES. — ERS 88 ginalité qui dénote une culture ancienne autour des Pyrénées. Le terme, usité quelquefois, de Trèfle du Boussillon,\e montre éga- lement. La plante spontanée existe en Galice, dans la Biscaie et la Ca- talogne *, mais non dans les îles Baléares *; elle est en Sardai- gne ' et dans la province d'Alger *. On l'indique dans plusieurs localités de France, d'Italie, deDalmatie, de la région danubienne et de la Macédoine, sans savoir, dans beaucoup de cas, si ce n'est point l'effet des cultures voisines. Une localité singulière, qui paraît naturelle, au dire des auteurs anglais, est la côte de Gornouaille, près de la pointe de Lizard. Il s'agit dans ce cas, dit M. Bentham, de la variété jaune pâle, qui est vraiment sau- vage sur le continent, tandis que la variété cultivée à fleurs rouges est seulement naturalisée, en Angleterre, par suite des cultures^. Je ne sais jusqu'à quel point cette observation de M. Bentham sur la spontanéité de la seule forme à couleur jaunâtre (var. Molinerii, Seringe) sera confirmée dans tous les pays où croît l'espèce. Elle est la seule indiquée en Sardaigne par Moris et en Dalmatie par Visiani *, dans des localités qui paraissent natu- relles (in pascuis collinis, in montanis, in herbidis). Les auteurs du Bon jardinier ^ affirment, comme M. Bentham, que le Trèfle Molinerii est spontané dans le nord de la France, celui à fleurs Touges étant importé du midi, et, tout en admettant l'absence de i)onne distinction spécifique, ils notent que, dans la culture, la forme Molinerii est d'une végétation plus lente, souvent bisan- nuelle, au lieu d'être annuelle. Trèfle d'Alexandrie. — Trifolium alexandrinum^ Linné. On cultive beaucoup en Egypte, comme fourrage, cette espèce annuelle de Trèfle, dont le nom arabeest J9ersym ou Berzun ^. Rien ne prouve que ce soit un usage ancien. Le nom n'est pas dans les livres sur la botanique des Hébreux ou des Araméens. L'espèce n'est pas sauvage en Egypte, mais elle l'est certaine- jnent en Syrie et dans l'Asie Mineure ^. Ers. — Er\)um Ervilia^ Linné. — Vicia Frvilïa, Willdenow. Bertoloni *° ne mentionne pas moins de dix noms vulgaires ita- liens, Ervo^ Lero, Zirlo, etc. C'est un indice de culture générale 1. AVillkomm et Lange, Prodr. fl. hisp., 3, p. 366. 2. Mares et Virgineix, Catal. 1880. 3 Moris, Flora sardoa^ 1, p. 467. 4. Munby, Catal.^ éd. 2. 5. Bentham, Handbook of bristish flora^ éd. 4, p. 117. 6. Moris, Flora sardoa, 1, p. 467; Visiani, Fl. aalmat,, 3, p. 290. 7. Bon jardinier, 1880, p. 619. 8. Forstal, Flora segypt., P» 71; Delile, Plant, cuit, en Egypte, p. 10; ^^ilkinson, Manners and cusioms of ancient Egyptians, 2, p. 398, 9. Boissier, Flora orient., 2, p. 127. 10. Bertoloni, FL it., 7, p. 500. 86 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES et ancienne. M. de Heldreich * dit que les Grecs modernes culti- vent la plante en abondance, pour fourrage. Ils la nomment liobai, de l'ancien grec Orobos, de même que Ervo% vient du latin Èrvum. La culture de l'espèce est indiquée dans les auteurs de l'antiquité grecque et latine ^. Les anciens Grecs se servaient des graines, car on en a retrouvé dans les fouilles de Troie ^ On cite beaucoup de noms vulgaires en Espagne, même des noms arabes * ; mais l'espèce y est moins cultivée depuis quel- ques siècles^. En France, elle Test si peu que bien des ouvrages modernes d'agriculture n'en parlent pas. Elle est inconnue dans^ rinde anglaise ^. Les ouvrages généraux indiquent V Ervum Brvi lia comme croissant dans l'Europe méridionale; mais, si l'on prend l'une après l'autre les flores plus estimées, on voit qu'il s'agit de loca- lités telles que les champs, les vignes ou les terrains cultivés. De même dans l'Asie occidentale, où M. Boissier* parle d'échan- tillons de Syrie, de Perse et de l'Afghanistan. Quelquefois, dans des catalogues abrégés ^, la station n'est pas indiquée, mais nulle part je ne rencontre l'assertion que la plante ait été vue spon- tanée dans des endroits éloignés des cultures. Les échantillons de mon herbier ne sont pas plus probants à cet égard. Selon toute vraisemblance, l'espèce étaitjadis sauvage en Grèce, en Italie, et peut-être en Espagne et en Algérie, mais la fréquence de sa culture, dans les terrains mêmes où elle existait, empêche de voir maintenant des pieds sauvages. Vesce. — Vicia sativa, Linné. Le Vicia saliva est une Légumineuse annuelle, spontanée dans toute l'Europe, à l'exception de la Laponie. Elle est commune également en Algérie **^ et au midi du Caucase, jusqu'à la province de Talysch". Roxburgh la donne pour indigène dans le nord de l'Inde et au Bengale; ce que sir Joseph Hooker admet seulement en ce qui concerne la variété appelée angustifolià *^. On ne lui connaît aucun nom sanscrit, et dans les langues modernes de l'Inde seulement des noms hindous *^ Targioni croit que c'est le 1. Heldreich, f^utzpflanzen Gnechenlands, p. 71. 2. Voir Lenz, Botanik d, Alten, ^. 727; Fraas, FL class., p. 54. 3. Wittmack, Sitzungsber. bot. Vereins Brandenburg, 19 déc. 187ÎT. 4. Willkomm et Lange, Prodr. fl, hisp,, 3, p. 308.' 0. Baker, dans Hooker, FI. brit. India. 6. Herrera, Agricultura, éd. 1819, 4, p. 72. 7. Baker, dans Hooker, FI. brit. India, 8. Boissier, FI. orient.^ 2, p. 595. 9. Par exemple : Munby, Catal. plant. Algeriœ, éd. 2, p. 12. 10. Munby, Catal., éd. 2. 11. Ledebour, FI. ross. 1, p. 666; Hohenacker, Emim, plant. Talych, p. 113; C.-A. Meyer, Verzeichniss^^, 147. 12. Roxburgh, FI. ind., éd. 1832, v. 3, p. 323; Hooker, FI. brit. India, 2, p. 178. 13. Piddington, Index^ eu indique quatre. FOURRAGES. — VESCE. — JAROSSE 87 ILetsach des Hébreux *. J'ai reçu des échantillons du Cap et de Californie, L'espèce n'y est certainement pas indigène , mais naturalisée hors des cultures. Les Romains semaient cette plante, comme fourrage et pour les graines, déjà du temps de Gaton *, Je n'ai pas découvert de preuve d'une culture plus ancienne. Le nom Vik^ d'où Vicia, est d*une date très reculée en Europe, car il existe dans l'albanais ', qu'on regarde comme la langue des Pélasges, et chez les peuples slaves, suédois et germains, avec de légères modifications. Cela ne prouve pas que l'espèce fût cultivée. Elle est assez distincte et assez utile aux herbivores pour avoir reçu de tout temps des noms vulgaires. » Jarosse, Garousse, Gessette. — Lathyrus Cicera, Linné. Légumineuse annuelle, estimée comme fourrage, mais dont la graine, prise comme aliment dans une certaine proportion, pré- sente des dangers ^. On la cultive en Italie sous le nom deMochî°. Quelques auteurs soupçonnent que c'est le Cicera de Columelle et ïErvilïa de Varron, mais le nom vulgaire italien est très différent de ceux-ci. L'espèce n'est pas cultivée en Grèce ^ Elle l'est, plus ou moins, en France et en Espagne, sans indice que l'usage y remonte à des temps anciens. Cependant M. Wittmack ^ lui attribue, avec doute, certaines graines rapportées par M. Virchow des fouilles de Troie. D'après les flores, elle est évidemment spontanée dans des endroits secs, hors des cultures, en Espagne et en Italie ^. Elle l'est aussi dans la basse Egypte, d'après MM. Schweinfurth et Ascherson *° ; mais on n'a aucun indicé d'ancienne culture dans ce pays ou par les Hébreux. Vers l'orient, la qualité spontanée devient moins certaine. M. Boissier indique la plante dans «les terrains cultivés depuis la Turquie d'Europe et l'Egypte jusqu'au midi du Caucase et à Babylone ** ». Elle n'est mentionnée dans l'Inde ni comme spontanée ni comme cultivée ** et n'a pas le nom sanscrit. 1. Targioni, Cenni storici,^. 30. 2. Cato, De re rustica, éd. 153o, p. 34; Pline, 1. 18, c. 15. 3. fleldreich, Nutzpflanzen GriecUenlands , p. 71. Dans la langue an- térieure aux Indo-Européens Vik a un autre sens, celui de hameau (Fick, Vorterb. indo-germ,y p. 189). 4. y iXvDiOnn, Bon jardinier, 1880, p. 603. 5. Targioni, Cenni storici, p. 31; Bertoloni, F. ital, 7, p. 444, 447. 6. Lenz, Botanik d. Alten, p. 730. 7. Fraas, FI. class. ; Heldreich, Nutzftanzen Griechenlands, 8. Wittmack, Sitz. bef\ bot. Vereins Brandenburg, 19 déc. 1879. 9. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp., 3, p. 313; Bertoloni, U c, 10. Schweinfurth et Ascherson, Aufàhlung^ etc., p. 257. 11. Boissier, FL orient, 2, p. 605. 12. J. Baker, dans Hooker, Fl. of bvit. India, 88 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES Probablement, Tespèce est originaire de la région comprise entre TEspagne et la Grèce, peut-être aussi d'Algérie *, et une culture, pas très ancienne, Ta propagée dans l'Asie occidentale. Gesse. — Lathyrus sativus, Linné. Légumineuse annuelle, cultivée dans le midi de l'Europe, depuis un temps fort ancien, comme fourrage et accessoirement pour les graines. Les Grecs la nommaient Lathyros * et les Latins Cicercuia '. On la cultive aussi dans l'Asie occidentale tempérée et même dans l'Inde septentrionale * ; mais elle n'a pas de nom hébreu ^ ni sanscrit *, ce qui fait présumer que la culture n'en est pas très ancienne dans ces régions. Presque toutes les flores du midi de l'Europe et La flore de Russie par Ledebour * indique de nombreuses localités autour du Caucase, sans parler de spontanéité, ce qui peut signifier une espèce na- turalisée. En Crimée, en Grèce et en Italie, il est seulement à l'état de culture ^. Une variété tatarica, souvent cultivée dans le raidi de la Russie, s'est naturalisée près du Volga *. Si le Mûrier blanc n'existait pas primitivement en Perse et vers la mer Caspienne, il doit y avoir pénétré depuis longtemps. Je citerai pour preuve le nom de Tut, Tuth, Tuta, qui est persan, arabe, turc et tartare. Il y a un nom sanscrit, Tula ', qui doit se rattacher à la même racine que le nom peirsan ; mais on ne connaît pas de nom hébreu, ce qui vient à l'appui de l'idée d'une extension successive vers l'Asie occidentale. Ceux de mes lecteurs qui désirent des renseignements plus détaillés sur l'introduction des Mûriers et des vers à soie les trouveront surtout dans les savants ouvrages de Targioni et de Ritter que j'ai cités. Les découvertes faites récemment par divers botanistes m'ont permis d'ajouter des données plus 1. Ant. Targioni, Cenni storici sulla introd. di varie piante nelV agricolt. toscana, p. 188. 2. Boissier, Flora orient,, 4, p. 1153. 3. Buhse, Aufzàhlung der Transcaucasien und Persien Pfîanzen, p. 203. 4. Ledebour, FI. ross., 3, p. 643. 5. Steven, Verzeichniss d. taurisch. Halbins, p. 313; Heidreich, Pflanzen des attischen Ebene, p. 508; Bertoloni, FI. ital., 10, p. 177; Carue», FI. Tos- canttf p. 171. 6. Bureau, /. c. 7. Roxburgh, FI. ind.; Piddington, Index, MURIER NOIR lâl précises qae celles de Ritter sur rorigine, et, s'il y a quelques contradictions apparentes entre nos opinions sur d'autres points^ cela vient surtout de ce que Tillustre géographe a considéré une foule de variétés comme des espèces, tandis que les botanistes les ont réunies après un examen attentif. Mûrier noir. — Morus nigra^ Linné. Il est plus recherché pour ses fruits que pour ses feuilles, et, d'après cela, je devrais Ténumérer dans la catégorie des arbres fruitiers. Cependant on ne peut guère séparer son histoire de celle du Mûrier blanc. D'ailleurs on emploie sa feuille dans beaucoup de pays pour Félève des vers à soie, sans se laisser arrêter par la cpalité inférieure du produit. Le Mûrier noir se distingue du blanc par plusieurs caractères, indépendamment de la couleur noire du fruit, qui se trouve également chez certaines variétés du M, alba *. Il n'a pas une iminité de formes comme celui-ci, ce qui peut faire présumer une culture moins ancienne, moins active, et une patrie primi- tive moins étendue. Les auteurs grecs et latins, même les poètes, ont souvent mentionné le morm nigra, qu'ils comparaient au Ficus Syco- morus j et qu'ils confondaient même dans l'origine avec cet ftri>re égyptien. Les commentateurs répètent depuis deux siècles une foiue de passages qui ne laissent aucun doute à cet égard, mais ne présentent guère d'intérêt en eux-mêmes *. Us ne four- nissent aucune preuve sur l'origine de l'espèce, qu'on présume de Perse, à moins de prendre au sérieux la fable de Pyrame et Thisbé, dont la scène était en Babylonie, d'après Ovide. Les botanistes n'ont pas constaté d'une manière bien certaine l'indigénat en Perse. M. Boissier, qui possède plus de matériaux que personne sur l'Orient, se contente de citer Hohenacker comme ayant trouvé le M. nigra dans lés forêts de Lenkoran, «ur la côte méridionale de la nier Caspienne, et il ajoute : « pro- bablement spontané dans la Perse septentrionale vers la mer Caspienne ' ». Avant lui, Ledebour, dans sa flore de Russie, indiquait, d'après divers voyageurs, la Grimée et les provinces au midi du Caucase *; mais Steven nie que l'espèce existe en Grimée autrement qu'à l'état de culture ^. M. de TchihatchefF et C. Koch ® ont trouvé des pieds de Mûrier noir dans des localités i. Reichenbacb a publié de bonnes figures des deux espèces dans ses icônes flor» germ,, t. 657 et 658. 2. Fraas, Synopsis fl, class.^ p. 236; Lenz, Botanik d. alten Griechen und Rœmer, p. 419; Kitter, Erdkunde^ 17, p. 482; Hehn, Cultwyflanzen, éd. 3, p. 336, sans parler d'auteurs plus anciens. 3. Boissier, Flora orient, y 4, p. 1153 (publiée en 1879). 4. Ledebour, Fl. ross,^ 3, p. 641. 5. Steven, Verzeichniss d. taurischen Halbins. Pflanzen^ p. 313. 6. Tcbihatcheff, traduction de Grisebach, Végétation du globe, 1, p. 424. 122 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES élevées et sauvages d'Arménie. Il est bien probable que, dans la région au midi du Caucase et de la mer Caspienne, le Morus nigra est spontané, originaire, plutôt que naturalisé. Ce qui me le fait croire, c'est : 1** qu'il n'est pas connu, même à l'état cul- tivé, dans l'Inde, en Chine ou au Japon; 2" qu'il n'a aucun nom sanscrit; 3° qu'il s'est répandu de bonne heure en Grèce, pays dont les communications avec l'Arménie ont été anciennes. Le Morus nigra s'était si peu propagé au midi de la Perse qu'on ne lui connaît pas, d'une manière certaine, un nom hébreu ni même un nom persan distinct de celui du Morus alba. On le cultivait beaucoup en Italie, jusqu'à ce qu'on eût reconnu la supériorité du Mûrier blanc pour la nourriture des vers à soie. En Grèce, le Mûrier noir est encore le plus cultivé *. Il s'est na- turalisé çà et là dans ces pays et en Espagne *. Maguey. — Agave americana, Linné. Cette plante ligneuse, de la famille des Amaryllidées, est cultivée, depuis un temps immémorial, au Mexique, sous les noms de Maguey ou Metl^ pour en extraire, au moment où se développe la tige florale, le vin dit pulque, Humboldt a décrit clairement cette culture ^, et il nous dit ailleurs * que l'espèce croit dans toute l'Amérique méridionale, jusqu'à 1600 toises d'élévation. On la cite ^ dans la Jamaïque, à Antigua, à la Domi- nique, à Cuba;mais il faut remarquer qu'elle se multiplie facile- ment de drageons et qu'on la plante volontiers loin des habitations, pour en former des haies ou en tirer le fil appelé pite, ce qui em- pêche de savoir dans quel pays elle existait primitivement. Transportée depuis longtemps dans la région de la mer Médi- terranée, on la rencontre avec toutes les apparences d'une e^èce indigène, quoique son origine ne soit pas douteuse ®. Probable- ment, d'après les emplois variés qu'on en faisait au Mexique avant l'arrivée des Européens, c'est de là qu'elle est sortie. Canne à sucre. — Saccharum officinarum, Linné. Les origines de la Canne à sucre, de sa culture et de la fabri- cation du sucre ont été l'objet d'un travail très remarquable du géopraphe Karl Ritter \ Je n'ai pas à le suivre dans les détails 1. Heldreich. Nutzpflanzen Griechenlands, p. 19. 2. Bertoloni, F/ora ital., 10, p. 179; Visiani, FI. dalmat,, i, p. 220; Will- komm et Lange, Prodr. fl, hisp,, 1, p. 250. 3. De Humboldt, Nouvelle-Espagne, éd. 2, p. 487. 4. De Humboldt, dans Kuntn, Nova Gênera, 1, p. 297. 5. Grisebach, Flora ofbrit. W. India, p. 582. 6. Alph. de CandoUe, Géogr. bot. raisonnée, p. 739; H. Hoffmann, dan» Regel, Gartenflcïray 1875, p. 70. 7. K. Ritter, Uebei" die geographische Verbreitung des Zuckerrohrs, 1840, in-4, 108 pag. (d'après Pritzel, Thés. lit. bot.); Die cultur des Zuckerrohrs^ Saccharum, in Asten, Geogr. Verbreitung, etc., etc., in-8», 64 pages, sans date. C'est une monographie pleine d'érudition et de jugement, digne de AGAVE, CANNE A SUCRE 123 uniquement agricoles et économiques; mais pour l'habitatioa primitive de Fespèce, qui nous intéresse particulièrement, c^est le meilleur guide, et les faits observés depuis quarante ans ap- puient, en général, ou confirment ses opinions. La Canne à sucre est cultivée aujourd'hui dans toutes les régions chaudes du globe, mais il est démontré par une foule de témoi- gnages historiques qu'elle a été employée d'abord dans TAsie méridionale, d'où elle s'est répandue en Afrique et plus tard en en Amérique. La question est donc de savoir dans quelles parties du continent, ou des îles du midi de l'Asie, la plante existe ou existait quand on a commencé à s'en servir. Ritter a procédé selon les bonnes méthodes pour arriver à une solution. Il note d'abord que toutes les espèces connues à l'état sau- vage et rapportées, avec sûreté, au genre Saccharum, croissent dans rinde, excepté une qui est en Egypte *. On a décrit depuis cinq espèces des îles de Java, la Nouvelle-Guinée, Timor ou les Philippines *. La probabilité est toute en faveur de l'origine en Asie si l'on part des données de la géographie botanique. Malheureusement aucun botaniste n'avait trouvé à l'époque de Ritter et n'a encore trouvé le Saccharum ofHcinarum sauvage dans l'Inde, dans les pays adjacents ou dans l'Archipel au midi de l'Asie. Tous les auteurs anglo-indiens, Roxburgh, Wallich, Royle, etc., et plus récemment Aitchison ' ne mentionnent la plante que comme cultivée. Roxburgh, qui a herborisé si long- temps dans l'Inde, dit expressément : « Where wild I do not know. » Va famille des Graminées n'a pas encore paru dans la flore de sir J. Hooker. Pour l'île de Ceylan, Thwaites a si peu trouvé l'espèce spontanée qu'il ne l'énumère pas même comme plante cultivée *. Rumphius, qui a décrit soigneusement la culture dans les possessions hollandaises, ne dit rien sur la patrie de l'espèce. Miquel, Hasskarl, Blanco {FI. Filip,) ne parlent d'aucun échantillon sauvage dans les îles de Sumatra, Java ou les Phi- lippines. Grawfurd aurait voulu en découvrir et n'y est pas par- venu ^. Lors du voyage de Cook, Forster ne trouva la Canne à sucre qu'à l'état de plante cultivée dans les petites îles de la mer Pacifique ^. Les indigènes de la Nouvelle Calédonie cultivent une quantité de variétés de la Canne et en font un usage con- la belle époçiue de la science allemande, lorsque les ouvrages anglais ou français étaient cités par tous les auteurs, avec le même soin que les allemands. 1. Kunth, Enumeratio plantanim (1838), vol. 1, p. 474. Il n'existe pas de travail descriptif moins ancien pour la famille des Graminées, ni pour le genre Saccharum. 2. Miquel, Flora Indix batavœ (1855) vol., 3, p. 511. 3. Aitchison, Catalogue of PuDJab and Sindn plants, 1869, p. 173. 4. Thwaites, Enum. Ceyloniœ. 5. Grawfurd, Indian archip., 1, p. 475. 6. Forster, Plantœ esculentœ. 424 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES tinuel en suçant la matière sucrée ; mais Vieillard * a eu soin de dire : « De ce qu'on rencontre fréquemment au milieu des brous- sailles et même sur les montagnes des pieds isolés de Saccharum officinarum^ on aurait tort d'en conclure que cette plante est indigène, car ses pieds, faibles et rachi tiques, accusent simple- ment d'anciennes plantations, ou proviennent de fragments de Cannes oubliés par les naturels, qui voyagent rarement sans avoir un morceau de canne à sucre à la main. » En 1861, M. Ben- tham, qui avait à sa disposition les riches herbiers de Kew, s'exprimait ainsi dans la flore de l'île de Hongkong: « Nous n'avons aucune preuve authentique et certaine d'une localité où la Canne à sucre ordinaire soit spontanée. » Je ne sais cependant pourquoi Ritter et tout le monde a négligé une assertion de Loureiro dans la flore de Gochînchine * : « Habitat, et colilur abundantissime in omnibus provinciis regni 'Cochinchinensis : simul in aliquibus imperii sinensis, sed minori copia. » Le mot habitat^ séparé du reste par une virgule, est bien affirmatif. Loureiro n'a pas pu se tromper sur le Saccharum officinarum^ qu'il voyait cultivé autour de lui et dont il énumère les principales variétés. H doit avoir vu des pieds spontahés, au moins en apparence. Peut-être venaient-ils de quelque culture du voisinage, mais je ne connais rien qui rende invraisemblable la spontanéité dans cette partie chaude et humide du continent asiatique. Forskal ® a cité l'espèce comme spontanée dans les montagnes de l'Arabie Heureuse, sous un nom qu'il croit indien. Si elle était d'Arabie, elle se serait répandue depuis longtemps en Egypte, et les Hébreux l'auraient connue. Roxburgh avait reçu au jardin botanique de Calcul ta, en 1796, et avait introduit dans les cultures du Bengale, un Saccharum qu'il a nommé S. sinense et dont il a publié une figure dans son grand ouvrage des Plantae Coromandelianœ (vol. 3, pi. 232). Ce n'est peut-être qu'une forme du S. officinarum^ et d ailleurs, comme elle n'est connue qu'à l'état cultivé, elle n'apprend rien sur la patrie soit de cette forme, soit des autres. Quelques botanistes ont prétendu que la canne à sucre fleurit plus souvent en Asie qu'en Amérique ou en Afrique, et même que sur les bords du Gange elle donne des graines *, ce qui se- rait, d'après eux, une preuve d'indigénat. Macfadyen le dit sans fournir aucune preuve. C'est une assertion qu'il a reçue, à la Jamaïque, de quelque voyageur; mais sir W. Hooker a soin d'ajouter en note : « Le D' Roxburgh, malgré sa longue rési- dence au bord du Gange, n'a jamais vu de graines de la canne à 1. Vieillard, Ann. des se. nat., série 4, vol. 16, p. 32. 2. Loureiro, FI. Cochinch.y éd. 2, vol. 1, p. 66. 3. Forskal, FI, Mgypto-arabica, p. 103. 4. Macfadven, On the botanical characters of the sugar cane^ dans Hooker, Bot, miscell. 1, p. 101 ; Maycock, FL Barbad,, p. 50] CANNE A SUCRE 135 sucre. » Elle fleurit et surtout fructifie rarement, comme en gé- néral les plantes qu'on multiplie par boutures ou drageons, et, si quelque variété ae la canne était disposée à donner des graines, elle serait probablement moins productive de sucre, et bien vite on l'abondonnerait. Rumphîus, meilleur observateur que beau- coup de botanistes modernes et qui a si bien décrit la canne cultivée dans les lies hollandaises, fait une remarque intéres- sante ^ « Elle ne produit jamais de fleurs ou de graines, à moins qu'elle ne soit restée pendant quelques années dans un endroit pierreux. » Ni lui, ni personne, à ma connaissance, n'a décrit ou figuré la graine. Au contraire, les fleurs ont été souvent figu- rées, et j'en ai un bel échantillon de la Martinique •. Schacht est le seul qui ait donné une bonne analyse de la fleur, y compris le pistil ; il n'a pas vu la graine mûre '. De Tussac ^, qui a donné une analyse fort médiocre, parle de la graine, mais il ne l'a vue que jeune, à l'état d'ovaire. A défaut de renseignements précis sur Tindigénat, les moyens accessoires, historiques et linguistiques, de prouver l'origine asiatique, ont de l'intérêt. Ritter les donne avec soin. Je me con- tenterai de les résumer. Le nom de la canne à sucre en sanscrit était Ikshu, Ikshura ou Ikshava; mais le sucre se nommait Sarkara ou Sakkara, et tous les noms de cette substance dans nos langues européennes d'origine aryenne, à partir des anciennes comme le grec, en sont clairement dérivés. C'est un indice de l'origine asiatique et de l'ancienneté du produit de la canne dans les régions méri- dionales de l'Asie avec lesquelles le pleuple parlant le vieux sanscrit pouvait avoir eu des rapports commerciaux. Les deux mots sanscrits sont restés en bengali sous la forme delk et Akh °. Mais dans les autres langues, au delà de l'Indus, on trouve un& variété singulière de noms, du moins quand elles ne descendent pas de celle des Aryens, par exemple : Panchadara en telinga, &yam chez les Birmans, Mia en Gochinchinois, Kan et Tche ou Tsche en chinois, et plus au midi, chez les peuples malais, Tubu ou Tabu^ pour la plante, et ffw/a, pour le produit. Cette diver- sité montre une ancienneté très grande de la culture dans les^ régions asiatiques, où déjà les indications botaniques font pré- sumer l'origine de l'espèce. L'époque d'introduction de la culture en divers pays concorde avec l'idée d'une origine de l'Inde, de la Gochinchine ou de l'archipel Indien. En effet, les Chinois ne connaissent pas la canne à sucre depuî» un temps très reculé, et ils l'ont reçue de l'ouest. Ritter contredit 1. Rumphias, Amboin, vol. 5, p. 186. 2. Hahn» n* 480. 3. Schacht, Madeira und Tenenffe, t. l. 4. Tussac (de), Flore des Antilles^ i, p. 153, pi. 23. 5. PiddJDgtoD, Index, 126 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES les auteurs qui avaient admis une culture très ancienne, et j'en vois la confirmation la plus positive dans l'opuscule du D*" Bret- Schneider, rédigé àPéking avec les ressources les plus complètes sur la littérature chinoise ^ «Je n'ai pu découvrir, dit-il, aucune allusion à la canne à sucre dans les plus anciens livres chinois (les cinq classiques). » Elle paraît avoir été mentionnée pour la première fois par les auteurs du ii® siècle avant J.-G. La pre- mière description se trouve dans le Nan-fang-tsao-mu-chuang, au IV® siècle : « Le Chê-chê, Kan-chê (fCan, doux; che, Bambou] croit, dit-il, en Gochinchine {Kiaochi), Il a plusieurs pouces de circonférence et ressemble au Bambou. La tige, rompue pai fragments, est mangeable et très douce. Le jus qu'on en tire est séché au soleil. Après quelques jours, il devient du sucre (ici un caractère chinois composé), qui se fond dans la bouche.... Dans l'année 286 (de Tère chrétienne), le royaume de Funan (dans rinde, au delà du Gange) envoyait du sucre en tribut. » Selon le Pent-sao, un empereur qui a régné dans les années 627 à 65C de notre ère avait envoyé un homme dans la province indienne de Bahar, pour apprendre la manière de fabriquer le sucre. Il n'est pas question dans ces ouvrages de spontanéité eu Chine, et au contraire l'origine cochinchinoise , indiquée pai Loureiro, se trouve appuyée d'une manière inattendue. L'habi- tation primitive la plus probable me paraît avoir été de la Go- chinchine au Bengale. Peut-être s'étendait-elle dans les îles de la Sonde et les M oluques, dont le climat est très semblable ; mais il y a tout autant de raisons de croire à une introduction an- cienne venant de Gochinchine ou de la péninsule malaise. La propagation de la canne à sucre à l'occident de l'Inde esl bien connue. Le monde gréco-romain avait une notion approxi- mative du roseau (calamus), que les Indiens se plaisaient à sucei et duquel ils obtenaient le sucre ^. D'un autre côté, les livres hébreux ne parlent pas du sucre ', d'où l'on peut inférer que la culture de la canne n'existait pas encore à l'ouest de l'Indus à Tépoque de la captivité des JuifsàBabylone. Ge sont les Arabes, dans le moyen âge, qui ont introduit cette culture en Egypte, en Sicile et dans le midi de l'Espagne *, où elle a été florissante, jusqu'à ce que l'abondance du sucre des colonies ait obligé d'> renoncer. Don Henrique transporta la canne à sucre de Sicile â Madère, d'où elle fut portée aux îles Ganaries en 1503 ^. De c€ 1. Bretschneider, On the study and value of chinese botan. works, etc, p. 45-47. 2. Voir les citations de Strabon, Dioscoride, Pline, etc., dans Lenx Botanik der Griechen und Rômer, 1859, p. 267; FiDgerhut, dans Flora, 1839 vol. 2, p. 529; et beaucoup d'autres auteurs. 3. Rosenmûller, Handbuch bibl. Alterk. 4. Calendrier imral de Harib, écrit dans le x* siècle pour TEspagne, tra- duit par Dureau de La MaUe, dans sa Climatologie de ntalie et de l'Anda' loîisie, p. 71. 5. Von Buch, Canar. Insein, CANNE A SUCRE iH point, elle fut introduite au Brésil dans le commencement du XVI* siècle *. Elle a été portée à Saint-Domingue vers Tan 1520 et peu après au Mexique '; à la Guadeloupe en 1644, à la Mar- timque vers 1650, à Bourbon dès Torigine de la colonie ^. La va- riété dite d'O'taïti — (jui n'est point spontanée dans cette île — et qu'on appelle aussi de Bourbon, a été introduite dans les colonies françaises et anglaises à la fin du siècle dernier et au commencement du siècle actuel *. Les procédés de culture et de préparation du sucre sont dé- crits dans un très grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels on peut recommander les suivants : en français : de Tussac, Flore des Antilles, 3 vol. in-folio, Paris, 1808, vol. 1, p. 151-182; en anglais : Macfadyen, dans Hooker, Botanical miscellanies, in.8% 1830, vol. 1, p. 103-H6. 1. Piso, Brésil, p. 49. 2. Hnmboldt, Nouv .-Espagne, éd. 2, vol. 3, p. 34. Z, Notices s f atistiq . sur les colonies françaises, 1, p. 207, 29, 83. 4. Macfodyen, dans Hooker, Misceîl., 1, p. iOl; Maycock, FI, Barbad,, p. 50. CHAPITRE III PLANTES CULTIVÉES POUR LES FLEURS OU LES ORGANES QUI LES ENVELOPPENT Giroflier. — Caryophyllus aromaticus, Linné. La partie de cette Myrtacée qu'on emploie dans l'éconoinie domestique sous le nom de clou de girofle est le calice, surmonté du bouton de la fleur. Quoique la plante ait été souvent décrite et très bien figurée, d'après des échantillons cultivés, il y a du doute sur sa nature à 1 état sauvage. J'en ai parlé dans ma Géographie botanique raisonnée en 1855, mais il ne paraît pas que la question ait lait le moindre progrès depuis cette époque , ce qui m'engage à reproduire simplement ce que j'avais dit. « Le Giroflier doit être originaire des Moluques, ainsi que le dit Rumphius *, car la culture en était limitée il y a deux siècles à quelques petites îles de cet archipel. Je ne vois cependant aucune preuve qu'on ait trouvé le véritable Giroflier, à pédon- cules et boutons aromatiques, dans un état spontané. Rum- phius regarde comme la même espèce une plante qu'il décrit et figure * sous le nom de Caryophyllum sylvestre et qui se trouve spontanée dans toutes les Moluques. Un indigène lui avait dit que les Girofliers cultivés dégénèrent en cette forme, et Rumphius lui-même avait trouvé un de ces Girofliers sylvestres dans une ancienne plantation de Girofliers cultivés. Cependant sa planche 3 diffère de la planche i du Giroflier cultivé, par la forme des feuilles et des dents du calice. Je ne parle pas de la planche % qui paraît une monstruosité du Giroflier cultivé. Rumphius dit que le Giroflier sylvestre n'a aucune qualité aromatique (p. 13); or, en général, les pieds sauvages d'une espèce ont les propriétés aromatiques plus développées que celles des pieds cultivées. Sonnerat ' publie aussi des figures du vrai Giroflier et d'un faux 1. II, p. 3. 3. II, tab. a. 3. Sonnerat, Voy, Nouv.-Guinée, tab. 19 et 20. GIROFLIER — HOUBLON 129 Giroflier, d'une petite lie voisine de la terre des Papous. Il est aisé de voir que son faux Giroflier difl^ère complètement par les feuilles obtuses du vrai Giroflier et aussi des deux Girofliers de Rum- phius. Je ne puis me décider à réunir ces diverses plantes, sau- vages et cultivées, comme le font tous les auteurs *. Il est sur- tout nécessaire d'exclure la planche 120 de Sonnerat, qui est admise dans le Botanical Magazine. On trouve dans cet ouvrage, dans le Dictionnaire (T agriculture et dans les dictionnaires d'his- toire naturelle l'exposé historique de la culture du Giroflier et de son transport en divers pays. S'il est vrai, comme le dit Roxburgh ^, que la langue sans- crite avait un nom, Luvunga^ pour le clou de girofle, le com- merce de cette épice daterait d'une époque bien ancienne, même en supposant que le nom fût plus moderne que le vrai sanscrit. Je doute de sa réalité, car les Romains auraient eu connaissance d'un objet aussi facile à transporter, et il ne paraît pas qu'on en ait reçu en Europe avant l'époque de la découverte des Molu- ques par les Portugais. Houblon. — Humulus Lupulus, Linné. Le Houblon est spontané en Europe depuis l'Angleterre et la Suède jusque sur les montagnes de la région de la mer Méditer- ranée, et en Asie jusqu'à Damas, jusqu'au midi de la mer Caspienne et de la Sibérie orientale ^; maison ne l'a pas trouvé dans l'Inde, le nord de la Chine et la région du fleuve Amour. Malgré l'apparence tout à fait sauvage du Houblon en Europe, dans des localités éloignées des cultures, on s'est demandé quel- quefois s'il n'est pas originaire d'Asie ^, Je ne pense pas qu'on puisse le prouver, ni même que cela soit probable. La circonstance que les Grecs et les Latins n'ont pas parlé de l'emploi du Hou- blon pour la bière s'explique aisément par le fait qu'ils connais- saient bien peu cette boisson. Si les Grecs n'ont pas mentionné la plante, c'est simplement peut-être parce qu'elle est rare dans leur pays. D'après le nom italien, Lupulo, on soupçonne que Pline en a parlé, à la suite d'autres légumes, sous le nom de Lupus sa- lictarius *. Que l'usage de brasser avec le Houblon se soit répandu seulement dans le moyen âge, cela ne prouve rien, si ce n'est Sue l'on employait jadis d'autres plantes, comme on le fait encore ans certaines localités. Les Celtes, les Germains, d'autres peuples 1. Thunberg, Dm., II, p. 326; de GandoUe, Prodr., Ill, p. 262 ; Hooker, Bot. mag.f tab. 2749 ; Hasskarl, Cat. h. Bogor. alt.y p. 261. 2. RoS)urgii. Flora indica, éd. 1832, vol. 2, p. 494. 3. Alph. de CandoUe, dans Prodromus^ vol. 16, sect. i, p. 29; Boissier. PI, orient,^ 4, p. 1152; Hohenacker, Enum. plant, Talysch, p. 30 ; Buhse, Aufzàhlung Transcaucasierij p. 202. 4. Hehn. Nutzpflanzen una Haiisthiere in ihren ûbergang aus Asien, éd. 3, p. 415. 5. Pline, Hist, 1. 21, c. 15. Il mentionne à cet endroit l'Asperge, et Ion sait que les jeunes pousses de Houblon se mangent de la même manière. De Cândolle. 9 130 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FLEURS du Nord et même des peuples du Midi qui avaient la vigne fai- saient de la bière ^ soit d'orge, soit d'autres grains fermentes, avec addition, dans certains cas, de matières végétales diverses, par exemple d'écorce de chêne, de Tamarix, ou de fruits du ^fy7nca Gale *. Il est très possible qu'ils n'aient pas remarqué de bonne heure les avantages du Houblon et qu'après en avoir eu connaissance ils aient employé le Houblon sauvage avant de le cultiver. La première mention d'une houblonnière est dans l'acte d'une donation faite par Pépin, père de Gharlemagne, en 768 ^. Au XIV® siècle, c'était une culture importante en Allemagne, mais en Angleterre elle a commencé seulement sous Henri VIII *. Les noms vulgaires du Houblon ne fournissent que des indi- cations en quelque sorte négatives sur l'origine. Il n'y a pas de nom sanscrit ^, ce qui concorde avec l'absence de Pespèce dans la région de l'Himalaya et fait présumer que les peuples aryens ne l'avaient pas remarquée et utilisée. J'ai cité jadis ^ quelques- uns des noms européens, en montrant leur diversité, quoique certains d'entre eux puissent dériver d'une souche commune. M. Hehn a traité de leur étymologie en philologue et a montré combien elle est obscure ; mais il n'a pas mentionné des noms tout à fait éloignés de Bumle, Hopf ou Hop et Chmeli, des lan» gués Scandinaves, gothiques et slaves, par exemple Apini en lette, Apirynis en lithuanien, Tapen esthonien, B lus t en illyrien', qui ont évidemment d'autres racines. Cette diversité vient à l'appui de l'idée d'une existence de l'espèce en Europe antérieu- rement à l'arrivée des peuples aryens. Plusieurs populations différentes auraient distingué, nommé et utilisé successivement la plante, ce qui confirme l'extension en Europe et en Asie avant Pusage économique. Garthame. — Carihamus tinctorius^ Linné. La Composée annuelle appelée Carthame est une des plus anciennes espèces cultivées. On se sert de ses fleurs pour colorer en jaune ou en rouge, et les graines donnent de l'huile. Les bandes qui entourent les momies des anciens Egyptiens sont teintes de Carthame ^, et tout récemment on a trouvé des fragments de la plante dans les tombeaux découverts à Deir el Bahari ^. La culture doit aussi être ancienne dans l'Inde, paia- 1. Tacite, Go^mania^ cap. 25 ; Pline, L 18, c. 7 ; Hehn, Kulturpflanzfirif etc., éd. 3, p. 125-137. 2. Volz, Éeitràge ziii' CuUurgpschichle, p. 149. 3. Volz, ibid, \. Beckuiann, Erfindunfjienf cité par Volz. 5. Piddiiifïton, Index; Fick, Wôf'ierb. Indo-Gei*m, Sprachen^ 1, Ursproche. 6. A. do CandoUe, Géogr. bot. rais., p. 857. 7. Dictionnaire manuscrit compilé d'après les flores, par Moritzi. 8. Ungtudy and valwu etc. y p. 15. 3. Voir Targioni, Ceuni storiri, p. 108. 4. Forskal, Flo7^a œqypt.^ p. 73; Ebn B.iitliar, trad. allemande, :2, p. 100, 293; 1, p. 18. o. Voir Gasparin, Coiu\ Les auteurs de flores récentes d'Asie n'hésitent pas à con- sidérer les Anona, en particulier VA. squajnosa, qu'on rencontre çà et là avec l'apparence spontanée, comme naturalisés autour des cultures et des établissements européens *. 3^ Dans les nouvelles flores africaines déjà citées, l'A. squa- mosa et les autres, dont je parlerai tout à l'heure, sont indiqués toujours comme des espèces cultivées. 4** L'horticulteur Mac Nab a trouvé l'A. squamosa dans les plaines sèches de la Jamaïque ^, ce qui confirme les anciens auteurs. Eggers ^ dit cette espèce commune dans les taillis ("tliickets) des îles Saint-Croix et Vierges. Je ne vois pas qu'on Tait trouvée sauvage à Cuba. S"* Sur le continent américain, on la donne pour cultivée *. Cependant M. André m'a communiqué un échantillon, d'une localité pierreuse de la vallée de la Magdelena, qui paraît ap- pstrtenir à cette espèce et être spontané. Le fruit manque, ce cjuii rend la détermination douteuse. D'après la note sur l'éti- quette, c'est un fruit délicieux, analogue à celui de l'A. squa- ^^ic$a. M. Warming ^ cite l'espèce comme cultivée à Lagoa- So.nta, du Brésil. Elle parait donc plutôt cultivée ou naturalisée ^ Para, à la Guyane et dans la Nouvelle-Grenade, par un effet n8 entrer ici dans les détails purement botaniques du mé- oire de Kolenati, non plus que dans ceux du travail plus cent de Regel sur le genre Vitis ^ ; mais il est bon de constater i*une espèce cultivée depuis un temps très reculé et qui a aintenant peut-être 2000 formes décrites dans les ouvrages fre, quand elle est spontanée dans la région où elle est très icienne, et a probablement offert avant toute culture, au moins (ux formes principales, avec d'autres d'une importance moin- e. Si l'on étudiait avec le même soin les vignes spontanées de Perse et du Gachemir, du Liban et de Grèce, on trouverait ut-être d'autres sous-espèces d'une ancienneté probablement éhistorique. l. Heer, /. c. î. Planchon, Etude sur les tufs de Montpellier, 1864, p. 63. \. De Saporta, La flore des tufs quaternaires de Provence, 1867, p. 15 et 27. L Kolenati, dans Bulletin de la Société impériale des naturalistes de }SCOU, 1846, p. 279. 5. Regel, dans Acta horti imp. petrop., 1873. Dans cette revue abrégée du tnre, M. Regel énonce l'opinion que les Vitis vinifera sont le produit 'bride et altéré par la culture de deux espèces sauvages, V. vulpina et . Labrusca; mais il n'en donne pas de preuves, et ses caractères pour les snx espèces sauvages sont bien peu satisfaisants. H est fort à désirer 16 les vignes d'Asie et d'Europe, spontanées ou cultivées, soient compa- tes dans leurs graines, qui fournissent d'excellentes distinctions, d'après 8 travaux d'Engelmann sur les Vignes d'Amérique. 154 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS L*idée de recueillir le jus des raisins et de profiter de sa fer- mentation a pu naître chez différents peuples, principalement dans l'Asie occidentale, où la Vigne abondait et prospérait. Adolphe Pictet \ qui a discuté, après de nombreux auteurs, mais d'une manière plus scientifique, les questions d'histoire, de lin- guistique et même de mythologie concernant la Vigne chez les peuples de l'antiquité, admet que les Sémites et les Aryas ont également connu l'usage du vin, de sorte qu'ils ont pu l'intro- duire dans tous les pays où ils ont émigré, jusqu'en Egypte, dans rinde et en Europe. Ils ont pu le faire d'autant mieux qu'ils trouvaient la plante sauvage dans plusieurs de ces contrées. Pour l'Egypte, les documents sur la culture de la Vigne et la vinification remontent à 5 ou 6000 ans ^. Dans l'ouest, la propa- gation de la culture par les Phéniciens, les Grecs et les Romains est assez connue ; mais, du côté oriental de l'Asie, elle s'est faite tardivement. Les Chinois, qui cultivent à présent la Vigne dans leurs provinces septentrionales, ne la possédaient pas antérieu- rement à Tannée 122 avant notre ère ^. On sait qu'il existe plu* sieurs Vignes spontanées dans le nord de la Chine, mais je ne puis admettre avec M. Regel que la plus analogue à notre Vigne, le Vitis Amurensis^ de Ruprecht, appartienne à notre espèce. Les graines dessinées dans le Gartenflora^ 1861, pi. 33, en sont trop différentes. Si le fruit de ces vignes de l'Asie orientale avait quelque valeur, les Chinois auraient bien eu l'idée d'en tirer parti. Jujubier commun. — Zizyphusvulgaris^ Lamarck. D'après Pline "*, le Jujubier aurait été apporté de Syrie à Rome, par le consul Sextus Papinius, vers la fin du règne d'Au- guste. Les botanistes remarquent cependant que l'espèce est commune dans les endroits rocailleux d'Italie -' et que d'ailleurs — chose singulière — on l'a pas encore trouvée sauvage en Syrie, bien qu'elle y soit cultivée, de même que dans toute la région qui s'étend de la mer Méditerranée à la Chine et au Japon ^. La recherche de l'origine du Jujubier, comme arbre spon- tané, vient à l'appui du dire de Pline, malgré les objections que je viens de mentionner. D'après les collecteurs de plantes et les 1. Ad. Pictet, Les ovUjines indo-européennes^ édition 2, vol. 1, p. 298 à 321. 2. M. Delchevalerie, dans V l llustration horticole, 1881, p. 28. Il men- tionne surtout le tombeau de Phtah-Hotep, qui vivait à Memphis, quatre mille ans avant Jésus-Christ. 3. Bretschneider, On the value and stiidtj of chinese botanical works, p. 16. 4. Pline, Hist.^h 15, c. U. 5. Bertoloni, FI. ital., 2, p. 66o ; Gussone, Synopsis FI. siculsp, 2 p. 276. 6. Wiiikomm et Lan^e, Prodr. FI. hispanic/p, 3 p. 480 ; Desfontaines, FI. Atlajit., l,p. 200; Boissier, FI. orient., 2, p. 12; J. Hooker, FL of brit. India, 1, p. 633; Bunge, Enum. plant, chin., p. J4; Franchet et Savatier, Emtm. plant. Japon. , 1, p. Si. JUJUBIER COMMUN 155 auteurs de flores l'espèce paraît plus spontanée et anciennement cultivée à Test qu'à Touest de sa grande habitation actuelle. Ainsi, pour le nord de la Chine, M. de Bunge dit qu'elle est a très commune et très incommode (à cause de ses épines) dans les endroits montueux. » Il a vu la variété sans épines dans les jardins. Le D"" Bretschneider * mentionne les jujubes comme un des fruits les plus recherchés par les Chinois, qui appellent l'espèce "du nom simple de Tsao, Il indique aussi les deux formes, épi- neuse et non épineuse ; la première sauvage ^. L'espèce manque au midi de la Chine et dans Tlnde proprement dite , à cause de la chaleur et de l'humidité du climat. On la retrouve sauvage dans le Punjab au nord-ouest de l'Inde anglaise, puis en Perse ^t en Arménie. Brandis * énumère sept noms difTérents du Jujubier commun {ou de ses variétés ?) dans les langues modernes de l'Inde, mais on ne connaît aucun nom sanscrit. D'après cela, l'espèce a peut- être été introduite de Chine dans l'inae, à une époque pas très éloignée, et des cultures elle serait devenue sauvage dans les provinces très sèches de l'ouest. Le nom persan est Anob^ chez les Arabes Unah. On ne connaît pas de nom hébreu, nouvel in- dice que l'espèce n'est pas très ancienne dans l'Asie occidentale. Les anciens Grecs n'ont pas parlé du Jujubier commun, mais seulement d'une autre espèce, Zizyphus Lotus. C'est du moins l'opinion du commentateur et botaniste moderne Lenz *. Il , faut convenir que le nom grec moderne, Pritzuphuia., n'a aucun rapport avec les noms attribués jadis dans Théophraste ou Dios- coride à quelque Zizyphus, mais approche du nom latin Zizy- phus (le fruit Zizyphum) de Pline, qui n'est pas dans les auteurs plus anciens et semble d'une nature orientale plus que latine. M. de Heldreich ^ n'admet pas que le Jujubier soit spontané en Grèce, et d'autres le disent « naturalisé, subspontané, » ce qui confirme l'hypothèse d'une existence peu ancienne. Les mêmes motife s'appliquent à l'Italie. L'espèce peut donc s'y être natu- . ralisée depuis l'introduction dans les jardins dont Pline a parlé. En Algérie, le Jujubier est seulement cultivé ou « subspon- tané ® ». De même en Espagne. Il n'est pas mentionné dans le Maroc, ni aux îles Canaries, ce qui fait supposer une existence peu ancienne dans la région de la mer Méditerranée. Il me paraît donc probable que l'espèce est originaire du nord de la Chine; qu'elle a été introduite et s'est naturalisée dans l'Asie occidentale après l'époque de la langue sanscrite, il y a peut-être 2500 ou 3000 ans; que les Grecs et les Romains i' Bretschneider, On the study, etc., p. 11. ^' Le Zizyphus chinensis de plusieurs auteurs est la même espèce. 3. Braudis, Forest flora of brit, India, p. 84. J- Lenz, Botanik der Âlten, p. 651. ^- Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 57. *• Munby, Catal., éd. 2, p. 9. 486 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS l'ont reçue au commencement de notre ère, et que ces dernierj Font portée en Barbarie et en Espagne, où elle s*est naturalisée partiellement, d'une manière souvent douteuse, à la suite dci cultures. Jujubier Lotus. — Zlzyphus Lotus, Desfontaines. Le fruit de ce Jujubier ne mérite pas d'attirer Fattention, si ce n'est au point de vue historique. G était, dit-on, la nourriture des Lotophages, peuple de la côte de Lybie, dont Homère et Hérodote * ont parlé avec plus ou moins d'exactitude. Il fallait qu'on fût bien pauvre ou bien sobre dans cette contrée, car une baie de la grosseur d'une petite cerise, fade ou médiocrement sucrée, ne contenterait pas des hommes ordinaires. Rien ne prouve que les Lotophages eussent l'habitude de cul- tiver ce petit arbre ou arbuste. Hs en recueillaient sans douti les fruits dans la campagne, car l'espèce est assez communi dans l'Afrique septentrionale. Une édition de Théophraste porti cependant qu'il y avait des Lotos sans noyaux, ce qui supposa une culture ^. On les plantait dans les jardins, comme cela w fait encore de nos jours en Egypte * ; mais il ne semble pas qu< l'usage en ait été fréquent, même chez les anciens. Du reste, il a été émis des opinions très différentes sur h Lotos des Lotophages *, et il ne faut pas insister sur un poin aussi obscur, où l'imagination d'un poète et l'ignorance popu- laire ont pu jouer un grand rôle. Le Jujubier Lotus est sauvage maintenant, dans les localités arides, depuis l'Egypte jusqu'au Maroc, dans le midi de l'Espa gne, àTerracine et autour de Palerme ^ Dans ces localilés ita- liennes isolées, c'est le résultat probablement de cultures. Jujubier de l'Inde ^. — Zizyphns Jujuba, Lamarck. — Ber des Hindous et Anglo-Indiens. — Masson, à l'île Maurice. Ce Jujubier est cultivé plus au midi que le commun, maù dans une étendue de pays non moins grande. Le fruit ressembla tantôt à une cerise avant maturité, tantôt à une olive, comm^ on peut le voir dans la planche publiée par Bouton daa Hooker, Journal of bofany, 1, pi. 140. Le nombre des variété 1. Odyssée, 1. 1, t*. 84; Hérodote, 1. 4, p. 177; traduits dans Léo Botanik der Alien, p. 653. 2. Théopbraste, Hist, I. 4, c. 4, éd. de 1644. L'édition de 1613 ne coi tient pas les mots relatifs à ce détail. 3. Schweinfurth et Asclierson, Beitr,, zur Flora éthiopiens, p. 263. 4. Voir l'article sur le Caroubier. 5. Desfontaines, FI. atlant., 1, p. 200; Munby, CataL Alger,, éd. 2. p- Ball, Spicil. FI, Maroc, p. 301 ; WMlkomm et Lange, Prodr. fl. htsp^y p. 481 ; Bertoloni, Fl. ital., 2, ç. 664. 6. Ce nom, peu usité, est déjà dans Bauhin, sous la forme de Jujt€^ indica. JUJUBIER DE L'INDE 157 connues indique une très ancienne culture. Celle-ci s'étend au- jourd'hui de la Chine méridionale, de l'archipel indien et de Queensland en Australie, par F Arabie et TEgypte, jusqu'au Maroc et même au Sénégal, en Guinée et dans l'Angola *. Elle se voit également à Tile Maurice, mais il ne paraît pas qu'on l'ait introduite jusqu'à présent en Amérique, si ce n'est au Brésil, d'après un échantillon de mon herbier *. Le fruit est préférable à la jujube ordinaire, d'après ce que disent les auteurs. Quelle était l'habitation de l'espèce avant toute culture? Ce n'est pas aisé à savoir, parce que les noyaux se sèment facile- ment et naturalisent la plante hors des jardins ^. Si nous nous laissons guider par la fréquence à l'état sau- vage, il semble que le pays des Burmans et l'Inde anglaise seraient la patrie ancienne. Je possède dans mon herbier plu- sieurs échantillons recueillis par Wallich dans le royaume bur- man, et Kurz l'a vue fréquemment dans les forêts sèches de ce pays, autour d'Ava et de Prome *. Beddone admet l'espèce comme spontanée dans les forêts de l'Inde anglaise, mais Brandis l'a trouvée seulement dans des localités de ce genre où il y avait eu des établissements d'indigènes ^. Avant ces auteurs, dans le xw siècle, Rheede ^ décrivait cet arbre comme spontané au Malabar, et les botanistes du xvi® siècle l'avaient reçu du Bengale. A l'appui de cette origine indienne, il faut mentionner l'exis- tance de trois noms sanscrits et de onze autres noms dans les langues indiennes modernes ' . L'introduction à Amboine, dans la partie orientale de l'Ar- chipel, était récente lorsque Rumphius y séjournait ®, et il dit lui-même que l'espèce est indienne. Peut-être était-elle ancien- nement à Sumatra et dans d'autres îles rapprochées de la péninsule malaise. Les anciens auteurs chinois n'en ont pas parlé ; du moins Bretschneider ne Ta pas connu. L'extension et les naturalisations au midi et à Test du continent indien parais- sent donc peu anciennes. En Arabie et en Egypte, l'introduction doit être encore plus récente. Non seulement on ne connaît aucun nom ancien, mais Forskal, il y a cent ans, et Delile, au commencement du siècle actuel, n'ont pas vu l'espèce, dont Schweinfurth a parlé récem- ^^t comme cultivée. Elle doit s'être répandue d'Asie à Zan- . *'.Sir J. Hooker, Flora of brit. India, 1, p. 632 ; Brandis, Forest flora of /J**^» ^)P.87; Bentham, F/, austral,, 1, p. 412; Boissier, FL orient,^ 2, p. 13; <^avep, rt. of tropical Africa, 1, p. 379. 5* Venant de Martius, n» 1070, du Cabo frio. f' «outOQ, /. c. ; Baker, FL of Mauritius, p. 61 ; Brandis, /. c. î* ^Urz, Forest flora of Burma, 1^ p. 266. va» ^^ddone, Forest flora of India, i, pi. 149 (représentant le fruit sau- *f ®> Plus petit que le cultive) ; Brandis, /. c. S* gJtieede, 4, pi. 141. «• ^iddington, Index. ^' Humphius, Amb,^ 2, pi. 36. 158 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS guebar, et de proche en proche au travers de l'Afrique ou par la navigation des Européens jusqu'à la côte occidentale. Ce serait même assez récent , puisque Robert Brown {Bot. of Congo) et Thonning n'ont pas eu connaissance de l'espèce en Guinée *. Pommier d'Acajou. — Anacardium occidentale^ Linné. — CasheWj des Anglais. Les assertions les plus fausses ont été émises autrefois sur l'origine de cet arbre ^, et, malgré ce que j'en ai dit en 1855 *, je les vois reproduites çà et là. Le nom français de Pommier d'Acajou est aussi ridicule que possible. Il s'agit d'un arbre de la famille des Térébintacées (soit Anacardiacées), très différente des Rosacées et des Méliacées auxquelles appartiennent les Pommiers et l'Acajou. La partie que l'on mange ressemble plus à une poire qu'aune pomme, et, botaniquement parlant, ce n'est pas un fruit, mais le pédoncule ou support du fruit, lequel ressemble à une grosse fève. Les deux noms, français et anglais, dérivent d'un nom des indi- gènes du Brésil, Acaju, Acajaiba, cité par d'anciens voyageurs *. L'espèce est certainement spontanée dans les forêts de l'Amé- rique interlropicale et même dans une grande étendue de cette région, par exemple au Brésil, à la Guyane, dans Tisthme de Panama et aux Antilles ^. Le D"" Ernst ^ la croit originaire seulement de la contrée voisine du fleuve des Amazones, bien qu'il la connaisse aussi de Cuba, Panama, l'Equateur et la Nou- velle-Grenade. Il se fonde sur ce que les auteurs espagnols du temps de la conquête n'en ont pas parlé, preuve négative, qu'il faut prendre pour une simple probabilité. Rheede et Rumphius avaient aussi indiqué cet arbre dans l'Asie méridionale. Le premier le dit commun au Malabar ". L'existence d'une même espèce tropicale arborescente en Asie et en Amérique était si peu probable qu'on a soupçonné d'abord quelque différence spécifique ou au moins de variété, qui ne s'est pas confirmée. Divers arguments, historiques et linguisti- ques, m'avaient démontré une origine étrangère à l'Asie. D'ail- leurs Rumphius, toujours exact , parlait d'une introduction 1. Le Zizyphiis abyssiniens y Hochst., pardt une espèce différente. 3. Géographie botanique raisonnée, p. 873. 4. Pisô et Marcgraf, tîistoria rerum naturalium Brasilise, 1648, p. 37. 5. Voir Piso et Marcgraf, /. c. ; Aiiblet, Guyane^ p. 392 ; Seeman, Bâtait ^^ ofthe Herald, p. 106 ; Jacquin, Amérig., p. 124 ; ivfac Fadyen, PL Jatnaïo-^^ p. 119 ; Grisebach, FI. of brit. W. India, p. 176. 6. Ernst, dans Seemann, Journal ofbot., 1867, p. 273. 7. Rheede. Malabar, 3, pi. 54. MANGUIER ISg* ancienne, par les Portugais, d'Amérique dans l'archipel asiati- que *. Le nom malais qu'il cite, Cadju, est américain; celui usité à Amboine signifiait fruit de Portugal ; celui de Macassar était tiré d'une ressemblance avec le fruit du Jambosa. L'es- pèce, dit Rumphius, n'était pas très répandue dans les îles; Garcia ab Orto ne l'avait pas trouvée- à Goa en 1550, mais Acosta l'avait vue ensuite à Gouchin, et les Portugais l'avaient multipliée dans l'Inde et l'Archipel indien. D'après Blume et Miguel, l'espèce est seulement cultivée à Java. Rheede dit, il est vrai, qu'elle abonde au Malabar (provenit ubique), mais il cite un seul nom qui paraisse indien, Kapa-rnava, et les autres dérivent du nom américain. Piddington n'indique aucun nom sanscrit. Enfin les botanistes anglo-indiens, après avoir hésité sur l'origine, admettent aujourd'hui l'importation d'Amérique à une époque déjà ancienne. Ils ajoutent que l'espèce s'est natu- ralisée dans les forêts de l'Inde anglaise *. L'indigénat en Afrique est encore plus contestable, et il est aisé d'en montrer la fausseté. Loureiro ^ avait vu l'espèce sur la côte orientale de ce continent, mais il la supposait d'origine américaine. Thonningne l'a pas vue en Guinée, et Brown ne l'indiquait pas au Congo *. Il est vrai que l'herbier de Kew a reçu des échantillons de ce dernier pays et des îles du golfe de Guinée, mais M. Oliver parle de l'espèce comme cultivée ^. Un arbre dont l'habitation est vaste en Amérique, et qui s'est natu- ralisé dans plusieurs régions de l'Inde depuis deux siècles, exis- terait dans une grande étendue de l'Afrique intertropicale s'il était indigène dans cette partie du monde. Mangaier. — Mangifera indica, Linné. Be la même famille que le Pommier d'Acajou, cet arbre donne cependant un véritable fruit, de la forme et de la couleur à peu près de l'abricot ^. On ne peut douter qu'il ne soit originaire de l'Asie méri- dionale ou de l'archipel indien quand on voit la multitude des variétés cultivées dans ces pays, la quantité des noms vulgaires anciens, en particulier un nom sanscrit'^, et l'abondance dans ^es jardins du Bengale, de la péninsule indienne et de Geylan, môme à l'époque de Rheede. Du côté de la Ghine la culture en «lait moins répandue, car Loureiro la mentionne seulement en Gochinchine'. D'après Rumphius % elle avait été introduite, de J- Rumphius, Herb. Amboin., 1, p. 177, 178. *• Beddone, Flora sylvatica, t. 163 ; Hooker, Flora of brit, India, 2, p. 20. ^' Loureiro, FL cochinch., p. 304. *• Brown, Congo, p. 12 et 49. «• Oliver, Flora of tropical Africa, 1, p. 443. j Voir la planche 4510 du Botanical magazine. g 2^oxburgh, Flora indica, éd. 2, vol. 2, p. 435; Piddington, Index. • ^Umphius, Herb, Amboin,, 1, p. 95. 160 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS mémoire d'homme, dans certaines îles de Tarchipel asiatique. Forster ne la mentionne pas dans son opuscule sur les fruits des îles de la mer Pacifique, lors de l'expédition de Gook. Le nom vulgaire aux Philippines, Manga *, montre une origine étran- gère, car c'est le nom malais et espagnol. Le nom vulgaire à Ceylan est Ambe^ analogue au sanscrit Amra et d'où viennent les noms persan et arabe Amb^^ les noms modernes indiens, et peut-être les noms malais Mangka^ Manga^ Manpelaan, indiqués par Rumphius. Il y a cependant d'autres noms usités dans les îles de la Sonde, des Moluques et en Gochinchine. La variété de €es noms fait présumer une introduction ancienne dans l'ar- chipel Indien, contrairement à l'opinion de Rumphius. Les Mangifera que cet auteur avait vus sauvages dans l'île de Java et le Mangifera sylvatica que Roxburgh avait découvert à Sillet sont d'autres espèces; mais le véritable Manguier est indiqué par les auteurs modernes comme spontané dans les forêts de Ceylan, les districts au pied de FHimalaya, surtout vers l'est, dans l'Arracan, le Pégu et les îles Anda'man ^. Miquel ne l'indique comme sauvage dans aucune des îles de l'archipel malais. Malgré l'habitation à Ceylan et les indications moins affirmatives,. il est vrai, de sir J. Hooker, dans la Flore de l'Inde anglaise, l'espèce est probablement rare ou seulement natura- lisée dans la péninsule indienne. La grosseur des graines est telle que les oiseaux ne peuvent pas les transporter, mais la fréquence de la culture amène une dispersion par l'homme. Si le Manguier est seulement naturalisé dans l'ouest de l'Inde anglaise, ce doit être depuis longtemps, vu l'existence d'un nom sanscrit. D'un autre côté les peuples de l'Asie occidentale doi- vent l'avoir connu assez tard, puisqu'ils n'ont pas transporté l'espèce en Egypte ou ailleurs vers l'ouest. Aujourd'hui, on la cultive dans l'Afrique intertropicale et même aux îles Maurice et Seychelles, où elle s'est un peu natu- ralisée dans les forêts *. L'introduction en Amérique a eu lieu d'abord au Brésil, car c'est de là qu'on fit venir des graines à la Barbade dans le milieu du siècle dernier ^. Un vaisseau français transportait des pieds de cet arbre de Bourbon à Saint-Domingue, en 1782, iorsquii fut pris par les Anglais, qui les portèrent à la Jamaïque, où il réussit à merveille. Quand les plantations de café furent aban- données, lors de l'émancipation des esclaves, le Manguier, dont 1. Blanco, FI. filip., p. 181. 2. Rumphius, l. c. ; ForskaL p. cvii. 3. Thwaites, Enum. plant. Ceyl.^ p. 75 ; Stuart et Brandis, Forest flora^ p. 126; Hooker, Flora of brit. India, 2 p. 13; Kurz, Forest flora of brii. Burma, 1, p. 304. 4. Oliver, Flora of ty^opical Africa, 1, p. 442 ; Baker, Flora of Mauritius^ and Seychelles, p. 63. 5. Hughes, Barbadoes, p. 177. FRAISIER 161 les nègres jetaient partout des noyaux, forma dans cette île des forêts, qui sont devenues une richesse à cause de leur ombrage et comme moyen de nourriture *. Il n'était pas encore cultivé à Cayenne dans le tenrps d'Aublet, à la fin du xviii« siècle, mais actuellement il y a des mangues de première qualité dans cette colonie. Elle sont greffées et Ton observe que leurs semis don- nent des fruits meilleurs que ceux tirés des pieds francs ^. Evi. — Spondias dulcis, Forster. Arbre de la famille des Anacardiacées, indigène dans les îles de la Société, des Amis et Fidji ^. Les naturels faisaient une grande consommation de ses fruits à Tépoque de l'expédition du capitaine Gook. Us ressemblent à un gros pruneau, couleur de pomme, et contiennent un noyau hérissé de longues pointes crochues *. Le goût en est excellent, disent les voyageurs. Ce n'est pas un des arbres fruitiers le plus répandus dans les co- lonies tropicales. On le cultive pourtant aux îles Maurice et Bourbon, sous le nom primitif polynésien Evi ou Hévl ^, et aux Antilles. Il a été introduit à la Jamaïque, en 1782, et de là à Saint-Domingue. L'absence dans beaucoup de contrées chaudes d'Asie et Afrique tient probablement à ce que l'espèce a été dé- couverte seulement il y a un siècle, dans de petites îles sans communications avec l'étranger. Fraisier. — Fragaria vesca, Linné. Notre Fraisier commun est une des plantes les plus répandues dans le monde, en partie, il est vrai, grâce à la petitesse de ses graines que les oiseaux, attirés par le corps charnu sur lequel elles se trouvent, transportent à de grandes distances. 11 est spontané en Europe, depuis les îles Shetland et la La- ponie • jusque dans les parties montueuses du midi : à Madère, en Espagne, en Sicile et en Grèce '. On le trouve aussi en Asie, depuis la Syrie septentrionale et l'Arménie ^, jusqu'en Daourie. Les fraisiers de l'Himalaya et du Japon ^, que divers auteurs ont rapportés à cette espèce, n'en sont peut-être pas *°, et cela me 1. Mac-Fadyen, Flora ofJatnaïca, p. 221 ; sir J. Hooker, Discours à V Insti- tution royale, traduit dans Ann. se, nat., série 6, vol. 6, p. 320. 2. Sagot, Jouimal de la Soc, centr, d'agric. de France, 1872. 3. Forster, De plantis esculentis insularum oceani australis, p. 33 ; See maiin, Flora Vitiensis, p. 51 ; Nadaud, Enum. des plantes de Taïti, p. 75. 4. Voir bonne figure coloriée, dans Tussac, Flore des Antilles, 3, pi. 28. 5. Bojer, Hortus mauritianus^ p. 81. 6. H.-C. Watson, Compendium Cybele brit., 1 p. 160; Pries, Summa ^eg, Scand,, p. 44. 7. Lowe, Manual fL of Madeira, p. 246 ; Willkomm et Lange, Prodr. fl. him, 3, p. 224 ; Moris, Fl. sardoa, 2, p. 17. 8. Boissier, /. c. 9. Ledebour, FL rossica, 2, p. 64. 10. Gay, ibid,; Hooker, FLorit. India, 2, p.3344 ; Franchet et Savatier, ^num. pL Japon., 1, p. 129. De Gandolle. |ll 162 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS fait douter de Thabitation en Chine donnée par un mission- naire *. Il est spontané en Islande *, dans le nord-est des États- Unis ^, autour du fort Guraberland et sur la côte nord- ouest *, peut-être même dans la Sierra Nevada de Californie ^. L'habita- tion s'étend donc autour du pôle arctique, à Texception de la Sibérie orientale et delà région du fleuve Amour, puisque l'espèce n'est pas citée par M. Maximowicz dans ses Primitide florœ amu- rensis. En Amérique l'habitation se prolonge sur les hauteurs du Mexique, car le Fragaria mexicana, cultivé au Muséum et exa- miné par J. Gay, est le F, vesca. Il existe aussi autour de Quito, d'après le même botaniste, très compétent dans la question *. Les Grecs et les Romains n'ont pas cultivé le fraisier. C'est probablement dans le xv*^ ou le xvi® siècle que la culture s'en est introduite. Champier, au xvi® siècle, en parlait comme d'une nouveauté dans le nord de la France ^ mais elle existait déjà dans le midi et en Angleterre ®. Transporté dans les jardins des colonies, le fraisier s'est natu- ralisé dans quelques localités fraîches, loin des habitations. C'est arrivé à la Jamaïque ®, dans l'île Maurice *°, et plus encore dans l'île de Bourbon, où des pieds avaient été mis par Com- merson dans la plaine élevée dite des Cafres. Bory Saint- Vin- cent raconte qu'en 1801 il y avait trouvé des espaces tout rouges de fraises et qu'on ne pouvait les traverser sans se teindre les pieds d'une véritable marmelade, mêlée de fange volcanique ". Il est probable qu'en Tasmanie, à la Nouvelle-Zélande et ail- leurs on verra des naturalisations semblables. Le genre Fragaria a été étudié avec plus de soin que beau- coup d'autres par Duchesne fils, le comte de Lambertye, Jacques Gay et surtout Mme Elisa Vilmorin, dont l'esprit d'observation était si digne du nom qu'elle portait. Un résumé de leurs tra- vaux, avec d'excellentes planches coloriées, se trouve dans le Jardin fruitier du Muséum^ par M. Decaisne. De grandes diffi- cultés ont été surmontées par ces auteurs pour distinguer les variétés et les hybrides qu'on multiplie dans les jardins, des véritables espèces, et pour établir celles-ci sur de bons carac- 1. Perny, Propaa, de la foi, cité dans Decaisne, Jardin fruitier du lius., p. 27 ; J. Gay, ioia., p. 27, n'indique pas la Chine. 2. Babington, Journal ofLinn. soc, 11, p. 303; Gay, /. c. 3. A. Gray, Botany ofthe northem States, éd. 1868, p. 156. 4. Sir W. Hooker, Fl. bor. amer., 1, p. 184. 5. A. Gray, Bot, of California, 1, p. 176. 6. J. Gay, dans Decaisne, Jardin fruitier du Muséum, Fraisier, p. 30. 7. Le Grand d'Aussy, Histoire de la vie privée des Français, 1, p. 233 et |é 8. Olivier de Serres, Théâtre dagric, p. 511 ; Gerara, d'après Phillips, Pomarium hritannicum, p. 334. 9. Purdie, dans Hooker, London journal of botany, 1844, p. 515. 10. Bojer, Hortus mauritianus, p. 127. 11. Bory Saint-Vincent, Comptes rendus de VAcad, des se. 1836, sem, St p. 109. CERISIER DES OISEAUX 163 tères. Quelques Fraisiers dont les fruits étaient médiocres ont été abandonnés, et les plus beaux maintenant sont le résultat du croisement des espèces de Virginie et de Chili, dont je vais parler. Fraisier de Virginie. — Fragaria virginiana^ Ehrahrt. — Fraisier écarlate des jardins français. Cette espèce, indigène au Canada et dans les États-l][nis orientaux, et dont une variété s'étend vers l'ouest jusqu'aux montagnes Rocheuses, peut-être même jusqu'à TOrégon ^ a été introduite dans les jardins anglais en 1629 ^ On la cultivait beaucoup en France dans le siècle dernier; mais ses hybrides avec d'autres espèces sont maintenant plus estimés. Fraisier du Chili. — Fragaria Chiloensis ^Buchesne. Espèce commune dans le Chili méridional, à Conception, Val- divia et Chiloe ', et souvent cultivée dans ce pays. Elle a été apportée en France, par Frezier, dans l'année 1715. Cultivée alors au Muséum d'histoire naturelle de Paris, elle s'est ré- pandue bientôt en Angleterre et ailleurs. Grâce à ses fruits énormes, d'une saveur excellente, on a obtenu par divers croise- ments, surtout avec le F, virginiana, les fraises Ananas, Victoria, Trollope, Rubis ^ etc., si recherchées à notre époque. Cerisier des oiseaux. — Prunus avium^ Linné. — Sûss- kirschbaum des Allemands. J'emploie le mot Cerisier parce qu'il est usuel et sans incon- vénient pour les espèces ou variétés cultivées, mais l'étude des espèces voisines non cultivées confirme l'opinion de Linné que les Cerisiers ne peuvent pas être séparés, comme genre, des Pru- niers; Toutes les variétés de Cerisiers cultivés se rapportent à deux •espèces, qu'on trouve à l'état sauvage, savoir : 1** Prunus avium, Linné, d'une taille élevée, à racines ne poussant pas de reje- tons, ayant le dessous des feuilles pubescent, le fruit d'une «aveur douce ; 2<» Prunus Cerasus, Linné, moins élevé, poussant •des rejetons sur les racines, à feuilles entièrement glabres et fruit plus ou moins acide ou amer. La première de ces espèces, de laquelle on pense que les Bi- •^arreautiers et Merisiers sont pro venus, se trouve sauvage en Asie : dans les forêts du Ghilan (nord de la Perse), des pro- 1. Asa Gray, Manual ofbot of the north. States, éd. 1868, p. 155; Botany of Califomia, 1, p. 177. 2. PhiUips, Pomarium brit., p. 335. 3. Cl. Gay, Hist. Chili, Botanica, 2, p. 305. 164 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS vinces russes du midi du Caucase et deTArménie *; en Europe : dans le midi de la Russie, et généralement depuis la Suède méridionale jusque dans les parties montueuses de la Grèce, de ritalie et de l'Espagne *. Elle existe même en Algérie ^ . A mesure qu'on s'éloigne de la région située au midi de la mer Caspienne et de la mer Noire, l'habitation du Cerisier des oiseaux parait moins fréquente, moins naturelle et déterminée davantage, peut-être, parles oiseaux qui recherchent avidement ses fruits et les portent de proche en proche *. On ne peut pas douter qu'elle s'est naturalisée de cette manière, à la suite des cultures, dans le nord de l'ïnde ^, dans beaucoup de plaines du midi de l'Europe, à Madère ^, et çà et là aux États-Unis ^ ; mais il est probable que pour la plus grande partie de l'Europe cela est arrivé dans des temps anciens, préhistoriques, attendu que les oiseaux agissaient avant les premières migrations des peu- ples, avant même qu'il y eût des hommes en Europe. L'habita- tion se serait étendue aans cette région lorsque les glaciers ont diminué. Les noms vulgaires dans les anciennes langues ont été l'objet d'un savant article d'Adolphe Pictet ®, mais on ne peut rien en déduire sous le rapport de l'origine, et d'ailleurs les diverses espèces ou variétés ont été souvent confondues dans la nomen- clature populaire. Il est bien plus important de savoir si l'ar- chéologie nous apprend quelque chose sur la présence du Ceri- sier des oiseaux en Europe, dans les temps préhistoriques. M. Heer a figuré des noyaux du Prunus avium dans son mémoire sur les palafîttes de la Suisse occidentale *. D'après ce qu'il a bien voulu m'écrire, en date du 14 avril 1881, ces noyaux venaient d'une tourbe au-dessus des anciens dépôts de l'âge de pierre. M. de Mortillet *° a constaté des noyaux semblable» dans les habitations palafîttes du lac de Bourget d'une époque peu reculée, postérieure à l'âge de pierre. M. le D'' Gross m en a communiqué de la station, également peu ancienne, de Cor- celette, dans le lac de Neuchâtel, et MM. Strobel et Pigorini en ont découvert dans la « terramare » de Parme ".Ce sont toujours des stations moins anciennes que l'âge de pierre et 1. Ledebour, FL ross., 2, p. 6; Boissier, FL orient., 2, p. 649. 2. Ledebour, / c. ; Fries, bumma Scandiv, p. 46 ; Nyman, Conspecttis /ï- europ, p. 213; Boissier, /. c; Willkomm et Lange, Proar, fL hisp., 3, p. 245» 3. Munby, Catal. Alg., éd. 2, p. 8. 4. Gomme les cerises mûrissent après la saison où les oiseaux énodgrent, c'est surtout dans le voisinage des plantations qu'ils dispersent les- noyaux. 5. Sir J. Hooker, FL of brit. India. 6. Lowe, Manual of Madeira, p. 235. 7. Darlington, FI. cestrica, éd. 3, p. 73. 8. Ad. Pictet, (hngines indo-européennes y éd. 2, vol. 1, p. 281. 9. Heer, Pflanzen der Pfahlbauteny p. 24, fig. 17, 18, et p. 26. 10. Dans Perrin, Etudes préhistoriques sur la Savoie, p. 22. 11. Atti Soc. ital. se. nat., vol. 6. CERISIER COMMUN OU GRIOTTIER 465 peut-être d'un temps historique. Si Ton ne découvre pas des noyaux plus anciens de cette espèce en Europe, il deviendra vraisemblable que la naturalisation n'est pas antérieure aux migrations des Aryas. Cerisier commun ou Griottier. — Prunus Cerasus, Linné -r- Cerasus vulgaris^ Miller. — Baumweichsel, Sauerkirschen, des Allemands. Sour cherry, des Anglais. Les Cerisiers de Montmorency, les Griottiers et quelques autres catégories des horticultures proviennent de cette espèce *. Hohenacker * a vu le Prunus Cerasus à Lenkoran, près de la mer Caspienne, et C. Koch ' dans les forêts de TAsie Mineure, ce qui veut dire, d'après le pays qu'il a parcouru, dans le nord- est de cette contrée. D'anciens auteurs l'ont trouvé à Elisa- bethpol et Erivan, d'après Ledebour *. Grisebach ^ l'indique au mont Olympe de Bithynie et ajoute qu'il est presque spontané dans les plaines de la Macédoine. L'habitation vraie et bien ancienne paraît s'étendre de la mer Caspienne jusqu'aux envi- rons de Constantin ople ; mais, dans cette contrée même, on ren- contre plus souvent le Prunus avium. En effet, M. Boissier et M. de Tchihatcheff ne paraissent pas avoir vu le Prunus Ce- rasus même dans le Pont, quoiqu'ils aient reçu ou rapporté plusieurs échantillons du Pr. avium ^. Dans l'Inde septentrionale, le Pr. Cerasus est seulement à l'état cultivé ^ Les Chinois ne paraissent pas avoir eu connais- sance de nos deux Cerisiers. On peut croire, d'après cela, que l'introduction dans l'Inde n'est pas fort ancienne, et ce qui le confirme, c'est l'absence de nom sanscrit. Nous avons vu que le Pr. Cerasus est presque spontané en Macédoine, d'après Grisebach. On l'avait dit spontané en Crimée, mais Steven ^ ne l'a vu que cultivé, et Rehmann ^ ne mentionne dans la Russie méridionale comme spontanée que l'espèce voisine appelée Pr» chamœcerasusj Jacquin. Je doute beaucoup de la qualité spontanée dans toute localité au nord du Caucase. Même en Grèce, où Fraas disait avoir vu cet arbre sauvage, M. de Heidreich le connaît seulement comme cultivé *°. En Dalmatie ", 1. Pour les variétés si nombreuses et oui ont des noms vulgaires si variables selon les provinces, on peut consulter le nouveau Duhamel, vol. 5, où se trouvent de bonnes figures coloriées. 2. Hohenacker, Plantx Talysch., p. 128. 3. Koch, DendrologiCy 1, p. 110. 4. Ledebour, FI. 7*oss., 2, p. 6. 5. Gnseheich^ Spicilegium fl. rumelicœy p. 86. 6. Boissier, FI. orientalis, 2, p. 649; TchihoXchefSj Asie Mineure, Bot.,^, 198. 7. Sir J. Hooker, FI. of brit. India, 2, p. 313. 8. Steven, Vei^zeichniss Halbinselm, etc., p. 147. 9. Rehmann, Verhandl. Nat. Ver. Brunn, X, 1871. 10. Heidreich, Ntctzpflanzen Griechenlands, p. 69; Pflanzen d. attisch. Ebene, p. 477. li. Visiani, FI. Dalmat., 3, p. 258. \ 166 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS on trouve, à Tétat bien spontané, une variété particulière ou espèce voisine, le Prumus Marasca, dont le fruit sert à fabriquer le marasquin . Le Pr, Cerasus est sauvage dans les districts mon- tueux de l'Italie * et dans le centre de la France ^ ; mais plus loin, dans l'ouest, le nord et en Espagne, on ne cite plus Fes- pèce que comme cultivée, se naturalisant çà et là sous la forme souvent de buisson. Evidemment l'apparence en Europe est — plus que pour le Cerisier des oiseaux — celle d'un arbre d'origine étrangère médiocrement établi. En lisant les passages de Théophraste, Pline et autres anciens auteurs souvent cités ^, aucun ne parait s'appliquer au Prunus Cerasus, Le plus significatif, celui de Théophraste, convient au Prunus avium, à cause de la grandeur de l'arbre, caractère distinctif d'avec le Prunus Cerasus *. Kerasos étant le nom du Cerisier des oiseaux dans Théophraste , comme aujourd'hui Kerasaia chez les Grecs modernes, je remarque un signe lin- guistique d'ancienneté du Prunus Cerasus : les Albanais, des- cendants des Pélasges, désignent celui-ci sous le nom de Vyssiney ancien nom qui se retrouve dans l'allemand Wechsel et l'italien Visciolo ^. Comme les Albanais ont aussi le nom Keraste, pour le Pr, avium^ on peut croire que leurs ancêtres ont distingué et nommé les deux espèces depuis longtemps, peut-être avant l'arrivée des Hellènes en Grèce. Autre signe d'ancienneté : Yirgile dit en parlant d'un arbre : Pullulai ab radice aliis densissima sylva Ut cerasis ulmisque. (Georg., II, 17.) Ce qui s'applique au Pr, Cerasus^ non au Pr, avium,^ On a trouvé à Pompeia deux peintures de Cerisier, mais il ne paraît pas qu'on puisse savoir exactement si elles s'appliquent à l'une ou à l'autre des deux espèces ^ M. Cornes les indique sous le titre du Prunus Cerasus, Quelque découverte archéologique serait plus probante. Les- noyaux des deux espèces présentent une différence dans le sillon qui n'a pas échappé à la sagacité de MM. Heer et Sordelli. Malheureusement, on n'a trouvé dans les stations préhistoriques d Italie et de Suisse qu'un seul noyau, attribuable au Prunus 1. Bertoloni, FL it, 5, p. 131. 2. Lecoq et Lamotte, (fatal, du plateau central de la France, p. 148. 3. Theophrastes, Hist. plant. ^ 1. 3, c. 13 ; Pline, 1. 15, c. 25, et autre» cités dans Lenz, Botanik der Alten, p. 710. 4. Une partie des expressions qui suivent dans Théophraste résulte- d'une confusion avec d'autres arbres. 11 dit en particulier que le noyau est mol. 5. Ad. Pictet, l. c, cite des formes du même nom en persan, turc, russe, et fait dériver de là notre nom français de Guigne, transporté à des variétés- 6. Schouw, Die Erde, p. 44 ; Cornes, ///. deïle piante, etc, in-4, p. 56. CERISIER COMMUN OU GRIOTTIER 167 Cerasus, et encore la couche de laquelle on l'a sorti n'a pas été suffisamment constatée. Il paraît que c'était une couche non archéologique *. D'après l'ensemble de ces données, un peu contradictoires et assez vagues, je suis disposé à admettre que le Prunus Cerasus était connu et se naturalisait déjà au commencement de la civi- lisation grecque, et un peu plus tard en Italie, avant l'époque à laquelle LucuUus apporta un Cerisier de l'Asie Mineure. On pourrait écrire des pages en citant les auteurs , même modernes, qui attribuent, à la suite de Pline, l'introduction du Cerisier en Italie à ce riche Romain, l'an 64 avant l'ère chré- tienne. Puisque l'erreur se perpétue, grâce à sa répétition inces- sante dans les collèges classiques, il faut dire encore une fois qu'il y avait des Cerisiers — au moins celui des oiseaux — en Italie avant Lucullus, et que l'illustre gourmet n'a pas dû recher- cher l'espèce à fruits acides ou amers. Je ne doute pas qu'il n'ait gratifié les Romains d'une bonne variété cultivée dans le Pont et que les cultivateurs ne se soient empressés de la propager par la greffe, mais c'est à cela que s'est borné le rôle de Lu- cuUus. D'après ce qu'on connaît maintenant de Cérasonte et des an- ciens noms des Cerisiers, j'oserai soutenir, contrairement à l'opinion commune, qu'il s'agissait d'une variété du Cerisier des oiseaux, comme, par exemple, le Bigarreau tier ou le Merisier, dont le fruit charnu est de saveur douce. Je m'appuie sur ce que Kerasos, dans Théophraste, est le nom du Prunus avium, lequel est de beaucoup le plus commun des deux dans l'Asie Mineure. La ville de Cérasonte en avait tiré son nom, et il est probable que l'abondance du Prunus avium dans les forêts voi- sines avait engagé les habitants à chercher les arbres qui don- naient les meilleurs fruits, pour les planter dans leurs jardins. Assurément, si Lucullus a apporté de beaux bigarreaux, ses compatriotes, qui connaissaient à peine de petites cerises sau- vages, ont pu s'exclamer et dire : « C'est un fruit que nous n'avions pas. » Pline n'a rien affirmé de plus. Je ne terminerai pas sans énoncer une hypothèse sur les deux Cerisiers. Ils diffèrent peu de caractères, et, chose bien rare, les deux patries anciennes le mieux constatées sont semblables (de la mer Caspienne à l'Anatolie occidentale). Les deux espèces se sont répandues vers l'ouest, mais inégalement. Celle qui est la plus commune dans le pays d'origine et la plus robuste {Pr, avium) a été plus loin, à une époque plus ancienne, et s'est mieux natu- ralisée. Le Prunus Cei^asus est donc peut-être une dérivation de l'autre, survenue dans un temps préhistorique. J'arrive ainsi,, par une voie différente, à une idée émise par M. Caruel ^ ; seu- 1. Sordelli, Fiante délia torbiera di Lagozza, p. 40. 2. Caruel, Flora toscanay p. 48. 168 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS lement, au lieu de dire qu'on ferait peut-être bien de réunir les deux espèces , je les vois actuellement distinctes et me con- tente de présumer une descendance, que du reste on ne pourra pas facilement démontrer. Pruniers cultivés. Pline parle de Fimmense quantité de prunes qu'on connaissait à son époque. « Ingens turba prunorum \ » Aujourd'hui, les hor- ticulteurs en comptent plus de trois cents. Quelques botanistes ont essayé de les rapporter à des espèces sauvages distinctes, mais ils ne sont pas toujours d'accord, et surtout, d'après les noms spécifiques, ils semblent avoir des idées très différentes. La diversité roule sur deux points : tantôt sur la descendance probable de telle ou telle forme cultivée, et tantôt sur la dis- tinction des formes spontanées en espèces ou variétés. Je n'ai pas la prétention de classer les innombrables formes cultivées, et je crois ce travail assez inutile au point de vue des questions d'origine géographique, car les différences existent surtout dans la forme, la grosseur, la couleur et le goût du fruit, c'est-à-dire dans des caractères que les horticulteurs ont eu intérêt à propager quand ils se sont présentés et même à créer autant qu'ils ont pu le faire. Mieux vaut s'attacher aux distinc- tions des formes observées dans l'état spontané, surtout à celles dont les hommes ne tirent aucun avantage et qui sont restées probablement ce qu'elles étaient avant qu'il y eût des jardins. C'est depuis une trentaine d'années seulement que les bota- nistes ont donné des caractères vraiment comparatifs pour les trois espèces ou races qui existent dans la nature *. On peut les résumer de la manière suivante : Prunus domestica, Linné; arbre ou arbuste élevé, non épineux; jeunes rameaux glabres ; fleurs naissant en même temps que les feuilles, a pédi- celles ordinairement pubescents ; fruit penché, oblong, d'une saveur douce. Prunus insititia, Linné ; arbre ou arbuste élevé, non épineux ; jeunes rameaux pubescents veloutés; fleurs naissant en même temps que les feuilles, à pédicelles finement pubescents ou glabres; fruit penché, glo- buleux ou légèrement ellipsoïde, d'une saveur douce. Prunus spihosa, Linné ; arbuste très épineux, à rameaux étalés à angle droit ; jeunes rameaux pubescents ; fleurs épanouies avant la naissance des feuilles ; pédicelles glabres ; fruit dressé, globuleux, de savear acerbe. Evidemment, cette troisième forme, si commune dans nos haies, s'éloigne des deux autres. Aussi, à moins de vouloir interpréter, par hypothèse, ce qui a pu arriver avant toute ob- 1. Pline, Hist., 1. 15, c. 13. 2. Koch. Synopsis fl, germ., éd. 2, p. 228 ; Cosson et Germain, Flore des environs de Parts, 1, p. 165. PRUNIER DOMESTIQUE 169 servalion, il me paraît impossible de considérer les trois formes comme constituant une seule espèce, à moins qu'on ne montre des transitions de Tune à Fautre dans les organes que la culture n'a pas altérés, ce qu'on n'a pas fait jusqu'à présent. Tout au plus peut-on admettre la fusion des deux premières catégories. Les deux formes à fruit naturellement doux se présentaient dans quelques pays. Elles ont dû tenter les cultivateurs, plus que le Prunus spinosa, dont le fruit est acerbe. C'est donc à elles qu'il faut s'efforcer de rapporter les Pruniers cultivés. Je vais en parler, pour plus de clarté, comme de deux espèces * . Prunier domestique. — Prunus domestica^ Linné. — Zwet- chen des Allemands. Plusieurs botanistes ^ l'ont trouvé, à l'état sauvage, dans toute l'Anatolie, la région au midi du Caucase et la Perse septentrio- nale, par exemple autour du mont Elbrouz. Je ne connais pas de preuve pour les localités du Cachemir, rfu pays des Kirghis et de Chine, dont il est question dans quel- ques flores. L'espèce en est souvent douteuse, et il s'agit plutôt réBcox ou Préecocium, tandis que les mots vieux français, Armègne, ita- lien Armentlli, etc., viennent de Mailon armeniacon. Noir d'autres détails »\ur les noms de l'espèce dans ma Géographie bot. raisonnée. p. 880. 6. Ledebour, FI. ross., 2, p. 3. 7. Boissier, FI, orient., 2, p. 652. 172 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS autre côté, M. de Tchihatcheff % qui a traversé l'Anatolie et r Arménie à plusieurs reprises, ne parait pas avoir vu l'Abricotier sauvage, et ce qui est plus significatif encore, Karl Koch, qui a parcouru la région au midi du Caucase avec l'intention d'ob- server ce genre de faits, s'exprime de la manière suivante * : « Patrie inconnue. Du moins, pendant mon séjour prolongé en Arménie, je n'ai trouvé nulle part l'Abricotier sauvage, et même je ne l'ai vu cultivé que rarement. » Un voyageur, W.-J. Hamilton ^, disait bien l'avoir trouvé spontané près d'Orgou et d'Outch Hisar, en Anatolie ; mais cette assertion n'a pas été vérifiée par un botaniste. Le prétendu Abricotier sauvage des ruines de Balbeck, décrit par Eusèbe de Salle *, est absolument différent de l'Abricotier ordinaire d'après ce qu'il dit de la feuille et du fruit. M. Boissier et les divers collecteurs qui lui ont envoyé des plantes de Syrie et du Liban ne paraissent pas avoir vu 1 espèce. Spach ^ prétend qu'elle est indigène en Perse, mais sans en donner aucune preuve. MM. Boissier et Buhse ^ n'en parlent pas dans leur énu- mération des plantes de la Transcaucasie et de Perse. Il est inutile de chercher l'origine en Afrique. Les Abricotiers que Reynier "^ dit avoir vus « presque sauvages » dans la Haute Egypte devaient venir de noyaux jetés hors des cultures, comme cela se voit en Algérie ^. MM. Schweinfurth et Ascherson ®, dans leur catalogue des plantes d'Egypte et Abyssinie,ne mentionnent l'espèce que comme cultivée. D'ailleurs, si elle avait existé jadis dans le nord de l'Afrique, les Hébreux et les Romains en auraient eu connaissance de bonne heure. Or il n'y a pas de nom hébreu, et Pline dit que l'introduction à Rome datait de trente années lorsqu'il écrivait son livre. Poursuivons notre recherche du côté de l'Orient. Les botanistes anglo-indiens *^ s'accordent à dire que l'Abri- cotier, généralement cultivé dans le nord de l'Inde et au Thibet, n'y est pas spontané ; mais ils ajoutent qu'il tend à se naturaliser ou qu'on le trouve sur l'emplacement de villages abandonnés. MM. Schlagintweit ont rapporté plusieurs échantillons du nord- ouest de l'Inde et du Thibet, que M. A. Wesmael " a vérifiés; 1. Tchihatcheff, Asie Mineure, Botanique, vol. 1. 2. K. Koch, Dendrologie, 1, p. 87. 3. Nouv. ann. des voyages, févr. 1839, p. 176. 4. E. de Salle, Voyage, 1, p. 140. 5. Spach, Hist. des vég. phanérog., 1, p. 389. 6. Boissier et Buhse, Aufzàhlun^ der auf eine Reise, eéc, in-4, 1860. 7. Reynier, Economie des Egyptiens, p. 371. 8. Munbjr, CataL, FI. d'Algérie, p. 49 ; éd. 2. 9. Schweinfurth et Acherson, Beitrsege zur flora éthiopiens, in-4, ISS?, p. 259. 10. Hoyle, ///. of Himalaya, p. 205 j Aitchison, Catal. of Punjab anc Sindh, p. 56 ; sir J. Hooker, FI. of brit, India, 2, p. 313 ; Brandis, Fmtm< flora o/ N. W. and central India, 191. H. Wesmael, dans Bull. Soc. bot. Belgiq-, 8, p. 219. ABRICOTIER 173 mais, d'après ce qu'il a bien voulu m'écrire, il ne peut pas affîmer la qualité spontanée, l'étiquette des collecteurs ne don- nant aucune information à cet égard. je lis dans le curieux opuscule Schneider*, rédigé à Pékin, le passage suivant, qui me paraît tran- cher Ja question en faveur de l'origine chinoise : Sing^ comme on le sait bien, est l'abricot [Prunus Armeniacà), Le caractère (un signe chinois imprimé p. iO) n'existe, comme indiquant un fruit, ni dans le Shu-King ou les Shi-King, Gihouh, etc. ; mais le Shan-hai King dit que plusieurs Sing croissent sur les collines (ici un caractère chinois). En outre, le nom de l'abricot est représenté par un caractère particulier, ce qui peut démontrer Qu'il est indigène en Chine. » Le Shan-hai-King est attribué à 1 empereur Yu, qui vivait en 2205-2198 avant Jésus-Christ. De- caisne ', qui a soupçonné le premier l'origine chinoise de l'abri- cot, avait reçu récemment du Dr Bretschneider des échantillons accompagnés de la note suivante : « N° 24, Abricotier sauvage des montagnes de Peking, où il croit en abondance. Le fruit est petit (2 cent. 1/2 de diamètre). Sa peau est jaune et rouge; sa chair est jaune rougeâtre, d'une saveur acide, mais mangeable. — N» 25, noyaux de l'Abricotier cultivé aux environs de Peking. Le fruit est deux fois plus gros que le sauvage *. » Decaisne ajou- tait dans la lettre qu'il avait bien voulu m'écrire : « La forme et la surface des noyaux sont absolument semblables à celles de nos petits abricots; ils sont lisses et non rugueux. » Les feuilles qu'il m'a envoyées sont bien de l'Abricotier. On ne cite pas l'abricotier dans la région du fleuve Amur, ni au japon ^. Peut-être le froid de l'hiver y est-il trop rigoureux. Si l'on réfléchit au défaut de communications, dans les temps anciens, entre la Chine et l'Inde, et aux assertions de l'indigénat de l'espèce dans ces deux pays, on est tenté de croire au premier aperça que la patrie ancienne s'étendait du nord-ouest de linde à la Chine. Cependant, si Ton veut adopter cette hypo- thèse, il faut admettre aussi que la culture de TAbricotier se serait répandue bien tard du côté de l'ouest. On ne lui connaît eu effet aucun nom sancrit ni hébreu, mais seulement un nom Wudou, Zard-alu, et un nom persan, Misckmisch , qui a passé dans J* Roxburgh, FL ind.y éd. 2, v. 2, p. 501. 2. Bretschneider, On the study and value of chinese works of botany, MO et 49. 3* Decaisne, Jardin fruitiei' du Miiséum, vol. 8, article Abricotier. *• Le D' Bretschneider confirme ceci dans son opuscule récent : Notes 0» botanical questions, p. 3. „ 5. Le Prunus Armeniaca de Thunber^ est le Pr, Mume de Sieboid et «uccarini. L'Abricotier n'est pas mentionné dans VEnumeratio, etc, de "anchet et Savatier. 174 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS i'arabe *. Gomment supposer qu'un fruit aussi excellent et qui s'obtient en abondance dans l'Asie occidentale se serait répandu si lentement du nord-ouest de Tlnde vers le monde gréco- romain? Les Chinois le connaissaient deux ou trois mille ans avant Tère chrétienne. Chang-Kien était allé jusqu'en Bactriane, un siècle avant cette ère, et il est le premier qui ait fait con- naître rOccident à ses compatriotes *. C'est peut-être alors que l'Abricotier a été connu dans l'Asie occidentale et qu'on a pu le <;ultiver et le voir se naturaliser, çà et là, dans le nord-ouest de l'Inde et au pied du Caucase, par l'effet de noyaux jetés hors des plantations. Amandier. — Amygdalus communis^lÀnné, — Pruni species, Bâillon. — Prunus Amygdalus, Hooker fils. L'Amandier se présente, avec l'apparence tout à fait spontanée ou quasi spontanée , dans les parties chaudes et sèches de la •région méditerranéenne et de l'Asie occidentale tempérée. Gomme les noyaux sortis des cultures naturalisent facilement l'espèce, il faut recourir à des indications variées pour deviner la patrie ancienne. Ecartons d'abord l'idée d'une origine de l'Asie orientale. Les flores japonaises ne parlent pas de l'amandier. Celui que M. de Bunge a vu cultivé dans le nord de la Chine, était le Persica Davidiana '. Le D"^ Bretschneider *, dans son opuscule classique, nous apprend qu'il n'a jamais vu l'Amandier cultivé en Ghme, et que la compilation publiée sous le nom de Pent-sào, dans le x« ou xie siècle de notre ère, le décrit comme un arbre du pays des Mahométans, ce qui signifie le nord-ouest de l'Inde ou la Perse. Les botanistes anglo-indiens ^ disent que l'Amandier est cultivé. dans les régions fraîches de l'Inde, mais quelques-uns ajoutent qu'il n'y prospère pas et qu'on fait venir beaucoup d'amandes de Perse ^. On ne connaît aucun nom sanscrit, ni même des langues dérivées du sanscrit. Evidemment, le nord-ouest de l'Inde est hors de la patrie originelle de l'espèce. Au contraire, de la Mésopotamie et du Turkestan jusqu'en Algérie, il ne manque pas de localités dans lesquelles d'excel- lents botanistes ont trouvé l'Amandier tout à fait sauvage. M. Boissier "^ a vu des échantillons recueillis dans les rocaillesen 1. Piddington, /nrfex;Roxburgh, FI. ind,,\, c.;For8kal, FL Bgypt. ; De- lile, ///. Egypt. 2. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical works, 3. Bretschneider, Early european researches. p. 149. 4. Bretschneider, Study and value, etc.,B, 10, et Early researches^ p. 149. 5. Brandis, Forest flora ; sir J. Hooker, FI. of brit. India, 3, p. 313. 6. Roxburgh, FL md., éd. 2, vol. 2, p. 500; Royle, ///. Him(U.^ p. 204. "7. Boissier, FL or,, 3, p. 641. AMANDIER 175 Mésopotamie, dans TAderbijan, le Turkestan, le Kurdistan et dans les forêts de l'Antiliban. Karl Koeh * ne l'a pas rencontré à Tétat sauvage au midi du Caucase, ni M. de Tchihatcheff en Asie Mineure, M. Cosson * a trouvé des bois naturels d'Aman- diers près de Saïda, en Algérie. On le regarde aussi comme sauvage sur les côtes de Sicile et de Grèce ^; mais là, et plus encore dans les localités où il se montre en Italie, en France ou en Espagne, il est probable ou presque certain que c'est le résultat de noyaux dispersés par hasard à la suite des cul- tures. L'ancienneté d'existence dans l'Asie occidentale est prouvée par le fait de noms hébreux, Schaked, Luz ou Lus (qui est encore le nom arabe Louz)^ et de Schekedim, pour l'amande *. Les Persans ont un autre nom, Badam^ dont j'ignore le degré d'ancienneté. Théophraste et Dioscoride ^ mentionnent l'Aman- dier sous un nom tout différent, Amugdalai y traduit par les latins en Amygdalus, On peut en inférer que les Grecs n'avaient pas reçu l'espèce de l'intérieur de l'Asie, mais l'avaient trouvée chez eux ou au moins dans l'Asie Mineure. L'Amandier est figuré plusieurs fois dans les peintures découvertes à Pom- peia ®. Pline "^ doute que l'espèce fût connue en Italie du temps de Gaton, parce qu'elle était désignée sous le nom de noix grecque. Il est bien possible que l'Amandier eut été introduit des îles de la Grèce à Rome. On n'a pas trouvé d'amandes dans les € Terramare » du Parmesan, même dans les couches supé- rieures. J'avoue que le peu d'ancienneté de l'espèce chez les Romains et l'absence de naturalisation hors des cultures en Sardaigne et en Espagne ' me font douter de l'indigénat sur la côte septen- trionale d'Afrique et en Sicile. Ce sont plutôt, à ce qu'il semble, des naturalisations remontant à quelques siècles. A l'appui de cette hypothèse, je remarque le nom berbère de l'amande Talouzet •, qui se rattache évidemment à l'arabe Louz, c'est-à- dire à la langue des conquérants venus après les Romains. Au contraire, dans l'Asie occidentale et même dans certains points de la Grèce, on peut regarder l'indigénat comme préhistorique, 1. K. Koch, Dendrologie, 1, p. 80 ; Tchihatcheff, Asie Mineure, Bota- f^ique, 1, p. 108. 2. Ann, des se. nat,, série 3, vol. 19, p. 108. 3. Gussone, Synopsis fl. siculx, 1, p. 552 ; de Heldreich, Nutzpflanzen <^rHechenland*Sf p. 67. 4. Hiller, Hierophyton, 1, p. 215 ; Rosenmûller, Handb, bibl. Alterk.j *> p. 263. 5. Théophrastes, HisL, 1. 1, c. 11, 18, etc. ; Dioscorides, 1. 1, c. 176. €. Schouw, Die Erde, etc.; Cornes, ///. piante net dipinti pompeiani, p. 13. "7. Pline, HisL, 1. 16, c. 22. S. Moris, Flora Sardoa, 2, p. 5 ; Willkomm et Lange, Prodr, FL hisp., 3, p. 243. 9. Dictionnaire français-berbère, 1844. 476 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS je ne dis pas primitif, car tout a été précédé de quelque chose. Notons, en terminant, que la différence des amandes douces et amères était déjà connue des Grecs et même des Hé- breux. Pêcher. — Amygdalus Persica, Linné. — Persica vulgarisy Miller. — Pi^nus Persica^ Bentham et Hooker. Je citerai l'article * dans lequel j'avais naguère indiqué la pêche comme originaire de Chine, contrairement à l'opinion qui régnait alors et que des personnes, peu au courant de la science, continuent à reproduire. Je donnerai ensuite les faits découverts depuis 1855. a Les Grecs et les Romains ont reçu le Pécher à peu près au commencement de l'ère chrétienne. » Les noms de Persica^ Ma- lum persicum indiquaient d'où ils l'avaient tiré. Je ne reviens pas sur ces faits bien connus ^. On cultive aujourd'hui divers Pêchers dans le nord de l'Inde'; mais, chose remarquable, on ne leur connaît aucun nom sans- crit * : d'où Ton peut inférer une existence et une culture peu anciennes dans ces régions. Roxburgh, ordinairement si explicite pour les noms indiens modernes, ne mentionne que des noms arabes et chinois. Piddington n'indique aucun nom indien, et Royle donne seulement des noms persans. Le Pêcher ne réussit pas ou exige de très grands soins pour réussir dans le nord-est de l'Inde ^. En Chine, au contraire, sa culture remonte à la plus haute antiquité. Il existe dans ce pays une foule d'idées superstitieuses et de légendes sur les pro- priétés de diverses variétés de pêches * ; le nombre de ces va- riétés est très considérable ^; en particulier, on y trouve la 1. Alph. de CandoUe, Géogr, bot. rais., p. 881. 2. Theophra8tes, Hist., IV, c. IV; Dioscorides, 1. 1, c. CLXIV; Pline, édit de Genève, l. XV, c. XIII. 3. Royle, ///. Htm., p. 204. 4. Roxburgh, FI. Ind., 2* édit., II, p. 500 ; Piddington, Index; Royle, /. c. 5. Sir Jos. Hooker, Joutm. of bot., 1850, p. 54. 6. Rose, chef du commerce français à Canton, les avait recueillies d'après des manuscrits chinois, et Noisette {Jard. fruit., 1, p. 76) a transcrit textuellement une partie de son mémoire. Ce sont des mits dans le genre de ceux-ci : Les Chinois considèrent les pêches allongées en pointe et bien rouges d'un côté comme le symbole d'une longe vie. En censé- .quence de cette antique persuasion, ces pêches entrent dans tous les or> nements, en peinture et en sculpture, et siu*tout dans les présents de congratulations, etc. Selon le livre de Chin-noug-king, la pêche Yu- prévient la mort ; si Ton n'a pas pu la manger à temps, elle préserve ao^ moins le corps de la corruption jusqu'à la fin du monde. On cite tougourss la pêche dans les fruits d'immortalité dont on a bercé les espérances de Tsinchi-Hoang, de Vouty, des Han et autres empereurs qui prétendaient ié l'immortalité, etc. 7. Lindley, Trans. hort, soc, V, p. 121. PÉCHER 177 forme singulière de la pêche déprimée *, qui paraît s'éloigner plus qu'aucune autre de Tétat naturel de l'espèce; enfin, un nom simple, celui de 7b, est donné à la pêche ordinaire *. « D'après cet ensemble de faits, je suis porté à croire que le Pêcher est originaire de Chine plutôt que de l'Asie occidentale. S'il avait existé de tout temps en Perse ou en Arménie, la con- naissance et la culture d'un arbre aussi agréable se seraient répandues plus tôt dans l'Asie Mineure et la Grèce. L'expédition d'Alexandre est probablement ce qui l'avait fait connaître à Théophraste (322 avant J.-G.) , lequel en parle comme d'un fruit de Perse. Peut-être cette notion vague des Grecs remonte- t-elle à la retraite des Dix mille (401 avant J.-C.) ; mais Xéno- phon ne mentionne pas le Pêcher. Les livres hébreux n'en font aussi aucune mention. Le Pêcher n'a pas de nom en sanscrit, et cependant le peuple parlant cette langue était venu dans l'Inde du nord-ouest, c'est-à-dire de la patrie ordinairement pré- sumée pour l'espèce. En admettant cette patrie, comment expli- quer que ni les Grecs des premiers temps de la Grèce, ni les Hébreux, ni le peuple parlant sanscrit, qui ont tous rayonné de la région supérieure de l'Euphrate ou communiqué avec elle, n'auraient pas cultivé le Pêcher ? Au contraire, il est très possi- ble que des noyaux d'un arbre fruitier cultivé de toute ancien- neté en Chine aient été portés, au travers des montagnes, du centre de l'Asie en Cachemir, dans la Bouckarie et la Perse. Les Chinois avaient découvert cette route depuis un temps très reculé. L'importation aurait été faite entre l'époque de l'émi- ' gi'ation sanscrite et les relations des Perses avec les Grecs. La culture du Pêcher, une fois établie dans ce point, aurait mar- ché facilement, d'un côté vers l'occident, de l'autre, par le Caboul, vers le nord de l'Inde, où elle n'est pas très ancienne. « A l'appui de l'hypothèse d'une origine chinoise, on peut ajouter que le Pêcher a été introduit de Chine en Cochinchine ^, et que les Japonais donnent à la pêche le nom chinois de Tao *. M. Stanislas Julien a eu l'obligeance de me lire en français quelques passages de VEncyclopédie japonaise (liv. LXXXVI, p. 7), où le Pêcher Tao est dit un arbre des contrées occidentales, chose qui doit s'entendre des parties intérieures de la Chine, rela- tivement à la côte orientale, puisque le fragment est tiré d'un auteur chinois. Le Tao est déjà dans les livres de Confucius, au V® siècle avant l'ère chrétienne, et même dans le Rituel, du x« siècle avant Jésus-Christ. La qualité de plante spontanée 1. Trans, hort. soc. Lond., IV, p. 512, tab. 19. 2. Roxburgh, /. c. 3. Loureiro, FI. coch., p. 386. 4. Kaempfer, Amoen., p. 798 ; Thunber^, FI. Jap., p. 199. Kaempfer et Thunberg indiquent aussi le nom de Momu, mais M. de Siebold {FI. Jap., 1, p. 29) attribue un nom assez semblable, Mume, à un Prunier, Prunus Mume, Sieb. et Z. De Candolle. 12 178 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS n'est pas spécifiée dans V Encyclopédie dont je viens de parler; mais, à cet égard, les auteurs chinois sont peu attentifs. Après quelques détails sur les noms vulgaires de la pêche dans diverses langues, je disais : « L'absence de noms sanscrits et hébreux reste le fait le plus important, duquel on peut inférer une introduction dans l'Asie occidentale venant de plus loin, c'est-à-dire de Chine. » « Le Pécher a été trouvé spontané dans plusieurs points de l'Asie; mais on peut toujours se demander s'il y était d'origine primitive, ou par le fait de la dispersion des noyaux provenant de pieds cultivés . La question est d'autant plus nécessaire que ces noyaux germent facilement et que plusieurs des modifica- tions au Pécher sont héréditaires ^ Des pieds en apparence spontanés ont été trouvés fréquemment autour du Caucase. Pallas ^ en a vu sur les bords du Terek, où les habitants lui donnent un nom qu'il dit persan, Scheptala ^. Les fruits en sont velus, âpres (austeri), peu charnus, à peine plus gros que ceux du Noyer; la plante petite. Pallas soupçonne que cet arbuste provient de Pêchers cultivés. Il ajoute qu'on le trouve en Crimée, au midi du Caucase et en Perse; mais Marshall Bieberstein, C.-A. Meyer et Hohenacker n'indiquent pas de Pêcher sauvage autour du Caucase. D'anciens voyageurs, Gmelin, Gûldenstsedt ^t Georgi, cités par Ledebour, en ont parlé. C. Koch * est le seul botaniste moderne qui dise avoir trouvé le Pêcher en abondance' dans les provinces caucasiennes. Ledebour ajoute cependant avec prudence : Est-il spontané? Les noyaux que Bruguière et Olivier avaient apportés dlspahan, qui ont été semés à Paris et ont donné une bonne pêche velue, ne venaient pas, comme le disait Bosc ^, d'un Pêcher sauvage en Perse, mais d'un arbre des jardins d'Ispàhan *. Je ne connais pas de preuves d'un Pé- cher trouvé sauvage en Perse, et, si des voyageurs en indiquent, on peut toujours craindre qu'il ne s'agisse d'arbres semés. Le docteur Royle ' dit que le Pêcher croît sauvage dans plusieurs endroits du midi de l'Himalaya, notamment près de Mussouri; mais nous avons vu que dans ces régions la culture n'en est pas ancienne, et ni Roxburgh ni le Flora nepalensis de Don n'indi- quent de Pêcher sauvage. M. Bunge * n'a trouvé dans le nord de la Chine que des pieds cultivés. Ce pays n'a guère été exploré, et les légendes chinoises semblent indiquer quelquefois des Pè- 1. Noisette, Jard, fr., p. 77 ; Trans, Soc. hort. Lond.^ IV, p. 513. 2. Pallas, FI. ross.y p. 13. 3. Shuft-aloo (proDoncez Schouft-alou)^ est le mot persan de la pêche lisse, d'après Royle (///. Him., p. 204). 4. Ledebour, FI. ross. 1, p. 3. voir, p. 181, l'opinion subséquente de Koch. o. Bosc, Dict. d'agj\, IX, p. 481. 6. Thouin, Ann. Mm., VIlI, p. 433. 7. Royle, ///. Him., p. 204. 8. Bunge, Enum. plant, chin., p. 23. PÊCHER 179 chers spontanés. Ainsi, le Ckotù-y-ki, d'après Tauteur cité pré- cédemment, porte : « Quiqonque mange des pêches de la mon- tagne de Kouoliou obtient une vie éternelle. » Pour le Japon, Thunberg * dit : « Grescit ubique vulgaris, praecipue juxta Nagasaki'. In omni horto colitur ob elegantiam florum. » Il semble, d'après ce passage, que l'espèce croit hors des jardins et dans les jardins: mais peut-être il s'agit seulement, dans le premier cas, de Pêchers cultivés en plein vent. « Je n'ai rien dit encore de la distinction à établir entre les dif- férentes variétés ou espèces de Pêchers. C'est que la plupart sont cultivées dans tous les pays, du moins les catégories bien tran- chées que l'on pourrait considérer comme des espèces botani- ques. Ainsi la grande distinction des pêches velues et des pêches lisses, sur laquelle on a proposé deux espèces [Persica vulgaris^ Mill, et P, lœvis^ D C.) se trouve au Japon ^ et en Europe, ainsi que dans la plupart des pays intermédiaires ^. On accorde moins d'importance aux distinctions fondées sur l'adhérence ou non- adhérence de la peau superficielle, sur la couleur blanche, jaune ou rouge de la chair, et sur la forme générale du fruit. Les deux grandes catégories de pêches, velues et lisses, offrent la plupart de ces modifications, et cela en Europe, dans l'Asie occidentale et probablement en Chine. Il est certain que dans ce dernier pays la forme varie plus qu'ailleurs, car on y voit, comme en Europe, des pêches allongées, et de plus des pêches dont je parlais tout à l'heure, qui sont entièrement dépri- mées, où le sommet du noyau n'est pas même recouvert de chair*. La couleur y varie aussi beaucoup ^. En Europe, les variétés les plus distinctes , en particulier les pêches lisses et velues, à noyau adhérent ou non adhérent, existaient déjà il y a trois siècles, car J. Bauhin les énumère avec beau- coup de clarté ®, et avant lui Dalechamp, eh 1587, indiquait aussi l^s principales '^. A cette époque, les pêches lisses étaient appelées rfucipersica^ à cause de leur ressemblance de forme, de grosseur et de couleur avec le fruit du Noyer. C'est dans le même sens que les Italiens les appellent encore Pescanoce, « J'ai cherché inutilement la preuve que cette pêche lisse existât chez les anciens Romains. Pline *, qui mélange dans sa compilation des Pêchers, des Pruniers, le Laurus Persea et d'autres arbres peut-être, ne dit rien qui puisse s'entendre d'un 1. Thunberg, FI. Jap., p. 199. 2. Thunberg, FL Jap.,i^. 199. 3. Les relations sur la Chine, que j'ai consultées, ne parlent pas de la pêche lisse ; mais^ comme elle existe au Japon, il est infiniment probable qu'elle est aussi en Chine. 4. Noisette, /. c; Trans, Soc. hovt.^ IV, p. 512, tab. 19. 5. Lindley, Trans. hort. Soc, V, p. 122. 6. J. Bauhin, Hist., 1, p. 162 et 163. 7. Dalechamp, Hist., 1, p. 29o. 8. Pline, 1. XV, eh. 12 et 13. 180 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS fruit pareil. On a cru quelquefois le reconnaître dans les Tuberes dont il parle *. C'était un arbre apporté de Syrie du temps d'Au- guste. Il y avait des Tuberes blanches et des rouges. D'autres (Tuberes? ou Mala?) des environs de Vérone étaient velues. Le reste du chapitre paraît concerner les Mala seulement. Des vers élégants de Pétrone, cités par Dalechanip 2, prouvent clairement que les Tuberes des Romains du temps de Néron étaient un fruit Il • *iAa 1T*1* Irw' 1 \ 1 v^ • égard ou s'est mis à critiquer l'assertion des autres ^. Peut-être y avait- il des Tuberes de deux ou trois espèces, comme le dit Pline, et Tune d'elles, qui se greffait sur les Pruniers *, était-elle la pèche lisse? Je doute qu'on puisse jamais éclaircir cette ques- tion ^ « En admettant même que le Nucipersica eût été introduit en Europe seulement au moyen âge, on ne peut se refuser à cons- tater le mélange dans les cultures européennes depuis plusieurs siècles, et au Japon depuis un temps inconnu, de toutes les qua- lités principales de pèches. Il semble que ces qualités diverses se soient produites partout au moyen d'une espèce primitive, qui aurait été la pèche velue. S'il y avait eu d'origine deux espèces, ou elles auraient été dans des pays différents, et leur culture se serait établie séparément, ou elles auraient été dans le même pays, et dans ce cas il est probable que les anciens transports auraient introduit ici une des espèces, ailleurs l'autre. » J'insistais, en 1855, sur d'autres considérations pour appuyer l'idée que la pèche lisse ou Brugnon [Nectarine des Anglais) est issue du Pêcher ordinaire; mais Darwin a cité un si grand nombre de cas dans lesquels une branche de Nectarine est sortie tout à coup d'un Pêcher à fruit velu, qu'il est inutile d'en parler davantage. J'ajouterai seulement que le Brugnon a toutes les apparences d'un arbre factice. Non seulement on ne l'a pas trouvé sauvage, mais il ne se naturalise pas hors des jardins, et chaque pied dure moins que les Pêchers ordinaires. C'est une forme affaiblie. « La facilité, disais-je, avec laquelle nos Pêchers se sont mul- tipliés de semis en Amérique et ont donné, sans le secours de la greffe, des fruits charnus, quelquefois très beaux, me fait croire que l'espèce est dans un état naturel, peu altéré par une 1. Pline, Dediv. gen, malotnim, I. 2, c. 14. 2. Dalechamp, Hist.f 1, p. 358. 3. Dalechamp, /. c. ; MaUhioli, p. 122; Cœsalpiniis, p. 107; J. Bauhia, p. 163, etc. 4. Pline, L 17, c. 10. 5. Je n'ai pas pu découvrir un nom italien de fruit glabre ou autre qui dérive de tuOe?' ou tuberes. C'est une chose singulière, car, en général, les anciens noms de fruits se sont conservés sous quelque forme. PÉCHER 181 longue culture ou par des fécondations hybrides. En Virginie et dans les Etats voisins, on a des pêches provenant d'arbres semés, non greffés, et leur abondance est si grande qu'on est obligé d'en faire de Teau-de-vie *. Sur quelques pieds, les fruits sont magnifiques *. A Juan-Fernandez, dit Bertero ', le Pêcher est si abondant, qu'on ne peut se faire une idée de la quantité de fruits qu'on en récolte ; ils sont en général très bons, malgré l'état sauvage dans lequel ils sont retombés. D'après ces exemples, il ne serait pas surprenant que les Pêchers sau- vages, à fruits médiocres, trouvés dans l'Asie occidentale, fus- sent tout simplement des pieds naturalisés sous un climat peu favorable, et que l'espèce fût originaire de Chine, où la culture parait la plus ancienne. » Le Dr Bretschneider *, entouré à Peking de toutes les res- sources de la littérature chinoise, après avoir lu ce qui précède, s'est contenté de dire : « Tao est le Pêcher. De GandoUe pense que la Chine est le pays natal de la Pêche. Il peut avoir raison (He maybe right). » L'ancienneté d'existence et la spontanéité de l'espèce dans l'Asie occidentale sont devenues plus douteuses qu'en 1855. Les botanistes anglo-indiens parlent du Pêcher comme d'un arbre uniquement cultivé ^, ou cultivé et se naturalisant dans le nord- ouest de l'Inde, avec une apparence spontanée ^. M. Boissier ' cite des échantillons recueillis dans le Ghilan et au midi du Caucase, mais il n'affirme rien quant à la qualité spontanée, et Karl Koch *, après avoir parcouru cette région, dit en parlant du Pêcher : « Patrie inconnue, peut-être la Perse. » M. Boissier a vu des pieds qui se sont établis dans les gorges du mont flymette, près d'Athènes. Le Pêcher se répand avec facilité dans les pays où on le cul- tive, de sorte qu'on a de la peine à savoir si tel individu est d'origine naturelle, antérieure à la culture, ou s'il est naturalisé; mais c'est en Chine qu'on a certainement commencé à le planter; c'est là qu'on en a parlé deux mille ans avant l'introduction 4ans le monde gréco-romain, un millier d'années peut-être avant l'introduction dans les pays de langue sanscrite. Le groupe des Pêchers (genre ou sous-genre) se compose -maintenant de cinq formes, que Decaisne ^ considérait comme des espèces, mais que d'autres botanistes appelleront volontiers 1. Braddick, Trans. hort. Soc. Lond., 2, p. 205. 2. Ibid,, pi. 13. 3. Bertero, dans Ann. se. nat.^ XXI, p. 350. 4. Bretschneider, On the study and value of chinese botanical work,, .p. 10. 5. Sir J. Hooker, FL ofbrit. India, 2, p. 313. 6. Brandis, Forest flora, etc., p. 191. 7. Boissier, Flora orientalis^ 2, p. 640. 8. K. Koch, Dendrologie, 1, p. 83. 9. Decaisne, Jardin fruitier au Muséum^ Pêchers, p. 42. 482 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS des variétés. L'une est le Pêcher ordinaire, la seconde est le Pêcher à fruit lisse, que nous savons être issu du premier; la troisième est le Pêcher à fruit déprimé {P,platycarpa^ Decaisne). cultivé en Chine, et les deux dernières sont indigènes en Chine {P. Simonii^ Decaisne, et P. Davidiiy Carrière) ; c'est donc un groupe essentiellement de Chine. Il est difficile, d'après cet ensemble de faits, de ne pas ad- mettre pour le Pêcher ordinaire l'origine chinoise que j'avais supposée jadis d'après des documents moins nombreux. L'ar- rivée en Italie au commencement de Tère chrétienne est con- firmée aujourd'hui par l'absence de noyaux de pêches dans les terramare, ou habitations lacustres de Parme et de Lombardie^ et par la présence du Pêcher dans les peintures des maisons- riches de Pompeia *. Il me reste à parler d'une opinion émise autrefois par A. Knight et soutenue par plusieurs horticulteurs, que le Pêcher serait une modification de l'Amandier. Darwin ^ a réuni les documents à l'appui de cette idée, sans oublier d'en citer un qui lui a paru contraire. Celasse résume en : 1° une fécondation croisée, qui a donné à Knight des résultats assez douteux ; 2° des formes \ intermédiaires, quant à l'abondance de la chair et au noyau, I obtenues de semis de pêches ou, par hasard, dans les cultures, formes dont la pêche-amande est un exemple connu depuis I longtemps. Decaisne ^ signalait des différences entre TAman- i dier et le Pêcher dans la taille et dans la longueur des feuilles^ j indépendamment des noyaux. Il traite l'idée de Knight de « sin- * gulière hypothèse ». La géographie botanique est contre cette hypothèse , car l'Amandier est un arbre originaire de l'Asie occidentale, qut n'existait pas autrefois dans le centre du continent asiatique et dont l'introduction en Chine, comme arbre cultivé, ne remonte pas au delà de l'ère chrétienne. Les Chinois, de leur côté, possé- daient, depuis des milliers d'années, différentes formes du Pécher ordinaire et en outre les deux formes spontanées dont j'ai parlé. L'Amandier et le Pêcher étant partis de deux régions très éloignées l'une de l'autre, on ne peut guère les considérer comme une même espèce. L'un était cantonné en Chine, l'autre en Syrie et Anatolie. Le Pêcher, après avoir été transporté de Chine dans l'Asie centrale et, un peu avant l'ère chrétienne, dans l'Asie occidentale, ne peut pas avoir produit alors l'Amandier, puisque ce dernier arbre existait déjà dans le pays des Hébreux. Et, si l'Amandier de l'Asie occidentale avait produit le pêcher, com- ment celui-ci se serait-il trouvé en Chine à une époque très reculée, tandis qu'il manquait au monde gréco-romain? 1. Cornes, Illustr, plante iiei dipinti Pompfianij p. 14. 2. Darwin, On variations^ e^c, 1, p. 338. 3. Decaisne, /. c, p. 2. POIRIER COMMUN 183 Poirier commun. — Pyrus communis Linné. Le Poirier se montre à l'état sauvage dans toute l'Europe tempérée et dans l'Asie occidentale, en particulier en Anatolie, au midi du Caucase et dans la Perse septentrionale *, peut-être même dans le Gachemir, mais ceci est très douteux ^. Quelques auteurs admettent que Thabitation s'étend jusqu'en Chine. Gela tient à ce qu'ils considèrent le Pyrus sinensis, Lindley, comme appartenant à la même espèce. Or l'inspection seule des feuilles, où les dentelures sont terminées par une soie fine, m'a convaincu de la diversité spécifique des deux arbres ^. Notre Poirier sauvage ne diffère pas beaucoup de certaines variétés cultivées. Il a un fruit acerbe, tacheté, de forme amincie dans le bas ou presque sphérique, sur le même pied *. Pour beaucoup d'autres espèces cultivées, on a de la peine à distinguer les individus venant d'une origine sauvage de ceux que le hasard des transports de graines a fait naître loin des habitations. Dans le cas actuel, ce n'est pas aussi difficile. Les Poiriers se trouvent souvent dans les forêts, et ils atteignent une taille élevée, avec toutes les conditions de fertilité d'une plante indigène ^. Voyons cependant si, dans la vaste étendue qu'ils occupent, on peut soup- çonner une existence moins ancienne ou moins bien établie dans certaines contrées que dans d'autres. . On ne connaît aucun nom sanscrit pour la poire, d'où il est Sermis d'affirmer que la culture dans le nord-ouest de l'Inde date 'une époque peu ancienne, et que l'indication, d'ailleurs trop vague, de pieds spontanés dans le Gachemir, n'a pas d'impor- tance. Il n'y a pas non plus de noms hébreux ou araméens ^, mais cela s'explique par le fait que le Poirier ne s'accommode pas des pays chauds dans lesquels ces langues étaient parlées. Homère , Théophraste et Discoride mentionnent le Poirier sous les noms d'Ochnai, Apios ou Ackras. Les Latins l'appelaient Pirus ou Pyrus \ et ils en cultivaient un grand nombre de 1. Ledebour, FI, ross., 2, p. 94; et surtout Boissier, FI, orient., 2, p. 653, qui a vérifié plusieurs échnntillone. 2. Sir J. Hooker, FI. brit. Jndia, 2, p. 374. 3. Le P. sinensis décrit par Lindley est mal figuré quant aux dentelures des feuilles dans la planche du Botamcal registei^ et au contraire parfaitement bien dans celle du Jardin fruitier du Muséum, de Decaisne. G est la même espèce que le P. ussuriensis, Maximowicz, de l'Asie orientale. 4. Il est figuré très bien dans le nouveau Duhamel, 6, pi. 59, et dans Decaisne, Jardin fruitier du Muséum, pi. \, fig. B et G. Le P. Balansse, pi. 6, du même ouvrage, paraît semblable, selon l'observation de M. Bois- sier. 5. C'est le cas, par exemple, dans les forêts de la Lorraine, d'après les observations de Godron, De l'origine probable des Poiriers cultivés, br. in- 8% 1873, p. 6. 6. RosenmûUer, BibL Altertk,: Lbw, Aramaeische Pflanzennamen, 1881. 7. L'orthographe Pyrus, adoptée par Linné, se trouve dans Pline, His- toria, éd. 1631, p. 301. Quelques botanistes ont voulu raffiner en écrivant Pirus, et il en résulte que, pour une recherche dans un livre moderne, il faut consulter Tindex dans deux endroits, ou risquer de croire que les 184 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS variétés, du moins à Tépoque de Pline. Les peintures murales de Pompeia montrent souvent cet arbre avec son fruit *. Les lacustres de Suisse et d'Italie récoltaient les pommes sauvages en grande quantité , et dans ces provisions il s'est trouvé quelquefois, mais rarement, des poires. M. Heer en a figuré une des stations de WangenetRobenhausen, sur laquelle on ne peut se méprendre. C'est un fruit aminci dans le bas, ayant 28 millimètres de long et 19 de large, coupé longitudinalement de manière à montrer une chair fort peu épaisse autour de la partie cartilagineuse centrale ^. On n'en a pas trouvé dans les stations du lac du Bourget, en Savoie. Dans celles de Lombardie, le professeur Ragazzoni ^ a trouvé une poire, coupée en long, ayant 25 millimètres sur 16. Elle était à Bardello, dans le lac de Varèse. Les poires sauvages figurées dans le Nouveau Duhamel ont 30-33 millimètres, sur 30-32, et celles du Laristan, figurées dans le Jardin fruitier du Muséum sous le nom de P, Balansœ, qui me paraissent de la même espèce et d'origine bien spontanée, ont 26-27 millimètres sur 24-25. Dans ces poires sauvages ac- tuelles la chair est un peu plus épaisse, mais les anciens lacus- tres avaient fait sécher leurs fruits après les avoir coupés en long, ce qui doit en avoir diminué l'épaisseur. Les stations indiquées n'accusent la connaissance ni des métaux ni du chanvre ; mais, vu leur éloignement de localités plus civilisées des temps anciens, surtout lorsqu'il s'agit de la Suisse, il est possible que les restes découverts ne soient pas antérieurs à la guerre de Troie ou à la fondation de Rome. J'ai cité trois noms de l'ancienne Grèce et un nom latin, mais il y en a beaucoup d'autres : par exemple, en arménien et géorgien, Pauta; en hongrois, Vatzkor ; dans les langues slaves, Gruscha (russe), Hrusska (bohème), Kruska (illyrien). Des noms analogues au Pyrus des Latins se trouvent dans les langues celtiques : Feir (irlandais), Per (cymrique et armoricain) *. Je laisse les linguistes laire des conjectures sur l'origine plus ou moins aryenne de plu- sieurs de ces noms et du Birn des Allemands, mais je note leur diversité et multiplicité comme un indice d'existence fort ancienne de l'espèce depuis la mer Caspienne jusqu'à l'Atlantique. Les Aryas n'ont sûrement pas emporté dans leurs migrations vers l'ouest des poires ou des pépins de poires ; mais, s'ils ont retrouvé en Europe un fruit qu'ils connaissaient, ils lui auront donné le nom ou les noms usités chez eux, tandis que d'autres noms an- Poiriers ne sont pas dans Vouvrage. En tout cas le nom des anciens est un nom vulgaire, mais le nom vraiment botanique est celui de Linné, fon- dateur de la nomenclature adoptée, et Linné a écrit Pyrus. 1. Comès, ///. plante dipinti Pompeiani, p. 59. 2. Heer, Pfahlbauten, p. 24, 26, fig. 7. 3. Sordelli, Notizie staz. lacustre ai Lagozza, p. 37. 4. Nemnich, Polyglott. Lexicon Naturgesch.; Ad. Pictet, Origines indo^uro» péennes, 1, p. 277; et mon Dictionnaire manuscrit de noms vulgaires» POIRIER SAUGER 188 térieurs ont pu continuer dans quelques pays. Comme exemple de ce dernier cas, je citerai deux noms basques du Poirier, Udarea et Madaria *, qui n'ont aucune analogie avec les noms asiatiques ou européens déjà connus. Les Basques étant proba- blement des Ibères subjugués et refoulés vers les Pyrénées par les Celtes, l'ancienneté de leur langue est très grande, et, pour Tespèce en question, il est clair qu'ils n'ont pas reçu les noms des Celtes ou des Romains. En définitive, on peut regarder Thabitation actuelle du Poirier de la Perse septentrionale à la côte occidentale de l'Europe tem- pérée , principalement dans les régions montueuses , comme préhistorique et même antérieure à toute culture. Il faut ajouter néanmoins que dans le nord de l'Europe et dans les îles britan- niques la fréquence des cultures a dû étendre et multiplier des naturalisations d'une époque relativement moderne, qu'on ne peut guère distinguer maintenant. Je ne saurais me ranger à l'hypothèse de Godron , que les nombreuses variétés cultivées proviennent d'une espèce asiatique inconnue *. Il semble qu'elles peuvent se rattacher, comme le dit Oecaisne, au P, communis ou au P, nivalis^ dont je vais parler, en admettant les effets de croisements accidentels, de la culture et d'une longue sélection. D'ailleurs on a exploré l'Asie occi- dentale assez complètement pour croire qu'elle ne renferme pas d'autres espèces que celles déjà décrites. Poirier Sauger. — Pyrus nivalis^ Jacquin . On cultive en Autriche, dans le nord de l'Italie et dans plusieurs départements de l'est et du centre de la France, un Poirier qui a été nommé par Jacquin Pyrus nivalis ^, à cause du nom allemand Schneebirn, motivé par l'usage des paysans autrichiens d'en consommer les fruits quand la neige couvre les montagnes. On le nomme en France Poirier Sauger^ parce que les feuilles ont en dessous un duvet blanc qui les fait ressembler à la Sauge. Decaisne * regardait toutes les variétés de Saugers -comme dérivant du Pyrus Kotschyana , Boissier ^ , qui croît spontanément dans l'Asie Mineure. Celui-ci prendrait alors le nom de nivalis^ qui est le plus ancien. Les Saugers cultivés en France pour faire du poiré sont de- venus sauvages, çà et là, dans les forêts ^. Ils constituent la 1. D'après une liste de noms de plantes communiquée par M. d'Abadie 2i M. le professeur Clos, de Toulouse. 2. Godron, /. c, p. 28. 3. Jacquin, tlora austriaca, 2, p. 4, pi. 107. *. Decaisne, Jardin fimitier du Muséum, Poiriers, pi. 21. 5. Decaisne, ibid., pi. 18, et introduction, p. 30. Plusieurs variétés de Saugers, dont quelques-unes ont de gros fruits, sont figurées dans le ^me ouvrage. Ô- Bureau, Flore du centre de la France, éd. 3, v. 2, p. 236. 186 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS masse des Poiriers dits à cidre^ qui se distinguent par la saveur acerbe du fruit, indépendamment des caractères de la feuille. Les descriptions des Grecs et des Romains sont trop impar- faites pour qu'on puisse constater s'ils possédaient cette espèce. On peut le présumer cependant, puisqu'ils faisaient du cidre *. Poirier de Chine. — Pyrus sinensis Lindley *. J'ai déjà mentionné cette espèce, voisine du Poirier commun, qui est sauvage en Mongolie et Manchourie ^ et qu'on cultive soit en Chine soit en Japon. Son fruit, plus beau que bon, est employé pour compotes. Û est trop nouveau dans les jardins européens pour qu'on ait cher- ché à le croiser avec nos espèces, ce qui arrivera peut-être sans qu'on le veuille. Pommier. — Pyrus Malus^ Linné. Le Pommier se présente à l'état sauvage dans toute l'Europe (à l'exception de l'extrême nord), dans TAnatolie, le midi du Caucase et la province persane de Ghilan *. Près de Trébizondè, le botaniste Bourgeau en a vu toute une petite forêt ^. Dans les montagnes du nord-ouest de l'Inde, il parait sauvage (appa- rently wild), selon l'expression de sir J. Hooker, dans sa flore de rinde anglaise. Aucun auteur ne le mentionne en Sibérie, en Mongolie ou au Japon ^. En Allemagne, on trouve deux formes spontanées, l'une à feuilles et ovaires glabres, l'autre à feuilles laineuses en dessous, et Koch ajoute que cette pubescence varie beaucoup '. En France, des auteurs très exacts signalent aussi deux variétés spontanées^ mais avec des caractères qui ne concordent pas complètemeM avec ceux de la flore d'Allemagne *. Cette diversité s'expliquerait si les arbres spontanés dans certaines provinces proviennent de variétés cultivées, dont les pépins auraient été dispersés. Lti question qui se présente est donc de savoir jusqu'à quel degré 1. Palladius, De re rusticay L 3, c. 25. On employait pour cela « Pira sylvestria, velasperi genens. » 2 . Le Coignassier de Chine avait été appelé par Thouin Pyrus sinen^. Malheureusement Lindley a donné le même nom à un véritable Pyrus. 3. Decaisne [Jai^din fruitier du Muséum, Poiriers, pi. 5) a vu des échan» tillons de ces deux pays. MM. Franchet et Savatier l'indiquent, au JapoB^ seulement comme cultivé. 4. Nyman, Conspectus florx europese, p. 240; Ledebour, Flora rassica^ 2, p. 96; Boissier, Flora orient. j 2, p. 656; Decaisne, Nouvelles Arch, Mus, 10, p, 153. r 5. Boissier, l. c. 6. Maximowicz, Primitive ussur. ; Regel, Opit florij etc. y sur les plantes de rUssuri, de Maak; Schmidt, Reisen Amur; Franchet et Savatier, Enum. Jap., n'en parlent pas. Bretschneider cite un nom chinois qu'il dit s^appli- quer à d'autres espèces. 7. Koch, Synopsis fl. gei^m,^ 1, p. 261. 8. Boreau, Flore du centre de ïa France, éd. 3, vol. 2, p, 23($. POMMIER 187 Tespèce est probablement ancienne et originelle en divers pays, et s'il n'y a pas une patrie plus ancienne que les autres, étendue graduellement par des semis accidentels de formes altérées par aes croisements et par la culture. Si l'on demande dans quel pays on a trouvé le Pommier avec l'apparence la plus indigène, c'est la région de Trébizonde au Ghilan qu'il faut citer. La forme qu'on y rencontre sauvage est à feuilles laineuses en dessous, à pédoncule court et fruit doux *, qui répond au Malus communis de France, décrit par Boreau. Voilà un indice que la patrie préhistorique s'étendait de la mer Caspienne jusque près de l'Europe.. Piddington citait, dans son Index, un nom sanscrit pour le Pommier, mais Adolphe Pictet * nous apprend que ce nom, Seba, est industani et provient du persan Sêb, Sêf, L'absence de nom plus ancien dans l'Inde fait présumer que la culture, actuellement fréquente, dans le Cachemir et le Thibet, et sur- tout celle dans les provinces du nord-ouest ou du centre de l'Inde sont plus anciennes. Le Pommier n'était probablement connu que des Aryas occidentaux. Ceux-ci ont eu, selon toute probabilité, un nom basé sur A6, Af, Av, Ob, car on remarque ce radical dans plusieurs langues européennes d'origine aryenne. Ad. Pictet cite : en irlandais khatl, Ubhal;en cymrique, Afal; en armoricain, Aval; en ancien allemand, Aphal; en anglo-saxon. Appel; en Scandinave, Apliy en lithuanien, Obolys;en ancien slave, Iabluko;en russe ^labloko, U semble, d'après cela, que les Aryas occidentaux, ayant trouvé le Pommier sauvage ou déjà naturalisé dans le nord de l'Europe, auraient conservé le nom sous lequel ils le connaissaient. Les Grecs ont dit Mailea ou Maila, les Latins Malus, Malum^ mots d'une origine fort incertaine, dit Ad. Pictet. Les Albanais, qui remontent aux Pélasges, disent Molé^, Théophraste * mentionne AesMaila sauvages et cultivés. Je citerai enfin un nom tout par- ticulier des Basques (anciens Ibères?), Sagara, qui fait supposer une existence en Europe antérieure aux invasions aryennes. Les habitants des « terramare » de Parme et des palafittes des lacs de Lombardie, de Savoie et de Suisse faisaient grand usage des pommes. Ils le& coupaient toujours en long et les con- servaient desséchées, comme provisions pour Thiver. Les échan- tillons sont souvent carbonisés, à la suite d'incendies, mais on reconnaît d'autant mieux alors la structure interne du fruit. M. Heer ^, qui a montré une grande sagacité dans l'observation de ces détaus, distingue dans les pommes des lacustres suisses, d'une époque oii ils n'avaient pas de métaux, deux variétés 1. Boissier, L c. 2. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, l,p. 276. 3. De Heldreich, fîutzpflanzen Griechenlanas^ p. 64 . 4. Théophraste, De causis, 1. 6, cap. 24. 5. Heer, Pfahlbauten^ p. 24, f. 1-7. 188 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS quant à la grosseur. Les plus petites ont un diamètre longitu- dinal de 15 à 24 millimètres et environ 3 millimètres de plus en travers (à Tétat séché et carbonisé) ; les plus grosses, 29 à 32 millimètres sur 36 de large (à l'état séché, non carbonisé). Ces dernières répondent à une pomme des vergers de la Suisse alle- mande appelée aujourd'hui Campaner. Les pommes sauvages en Angleterre, figurées dans VFnglisk botany^ pi. 179, ont 17 milli- mètres de hauteur sur 22 millimètres de largeur. Il est possible que les petites pommes des lacustres fussent sauvages; cependant leur abondance dans les provisions peut en faire douter. M. le D*" Gross m'a communiqué deux pommes des palafittes moins anciens du lac de Neuchâtel, qui ont (à l'état carbonisé) Tune 17, l'autre 22 millimètres de diamètre longitudinal. A Lagozza, en Lombardie, M. Sordelli * indique pour une pomme 17 milli- mètres de long sur 19 de large, et pour une autre 19 sur 27. Dans un dépôt préhistorique du lac de Varèse, à Bardello, M. Ragazzoni a trouvé une pomme un peu plus grosse que les autres parmi celles d'une provision. D'après l'ensemble de ces faits, je regarde l'existence du Pona- mier en Europe, à l'état sauvage et à l'état cultivé, comme pré- historique. Le défaut de communications avec l'Asie avant les invasions aryennes fait supposer que l'arbre était aussi indigène en Europe que dans l'Anatolie, le midi du Caucase et la Perse septentrionale, et que la culture a commencé partout ancien- nement. Cognassier. — Cydonia vulgaris^ Persoon. Il est spontané, dans les bois, au nord de la Perse, près de la mer Caspienne, dans la région au midi du Caucase et en Anato- lie ^.Quelques botanistes l'ont recueilli aussi en Crimée et dans le nord de la Grèce, avec des apparences de spontanéité ?, mais on peut déjà soupçonner d'anciennes naturahsations dans ces parties orientales de l'Europe, et plus on avance vers ritalie, surtout vers le sud-ouest de l'Europe et l'Algérie, plus il est probable que l'espèce y est naturalisée, d'ancienne date, autour des villages, dans les haies, etc. On ne connaît pas de nom sanscrit pour le Cognassier, d'où Ion peut inférer que l'habitation ne s'étendait pas vers le centre de l'Asie. 11 n'y a pas non plus de nom hébreu, quoique l'espèce soit sauvage sur le mont Taurus *. Le nom persan est Haivah ', mais je ne sais s'il remonte au zend. Le même nom existe en russe, Aivay pour le Cognassier cultivé, tandis que le nom de la » 1. Sordelli, Sulle piante délia stazione délia Lagozza, p. 35. 2. Boissier, FI. orient., 2, p. 656; Ledebour, FÎ. ross., 2, p. 55. 3. Steven, VerzeicUniss Taurien, p. 150; Sibthorp, Prodr. fl, gréecspfif p. 344. 4. Boissier, l. c. 5. Nemnich, Polygl. Lexicon. GRENADIER 189 plante sauvage est Armud^ qui vient de l'arménien Armuda *. Les Grecs avaient greffé sur une variété commune, Strutlon, une qualité supérieure venant de Gydon, dans Tile de Crète, d'où est venu le nom de xuSwvtov {kudônion), traduit par Malum cotoneum des Latins, par Cydonia et tous les noms européens tels que Codogno en italien, Coudougner et plus tard Coing en français, Quitte en allemand, etc. Il y a des noms polonais, Pigiva^ slave, Tunja ^, et albanais (pélasge?) Ftua ^, qui diffèrent tota- lement des autres. Cette variété de noms fait présumer une connaissance ancienne de l'espèce à l'ouest de sa patrie origi- nelle, et le nom albanais peut même indiquer une existence antérieure aux Hellènes. Pour la Grèce, l'ancienneté résulte aussi des superstitions, mentionnées par Pline et Plutarque, que le fruit du Cognassier éloignait les mauvaises influences, et de ce qu'il entrait dans les rites du mariage prescrits par Solon. Quelques auteurs ont été jusqu'à soutenir que la pomme disputée par Junon , Vénus et Minerve était un coing. Les personnes que ces questions peuvent intéresser trouveront des indications détaillées dans le mémoire de M. Comès sur les végétaux figurés dans les peintures de Pom- peia *. Le Cognassier y est représenté deux fois. Ce n'est pas surprenant puisque cet arbre était déjà connu du temps de Caton ^. La probabilité me paraît être une naturalisation dans l'Europe orientale avant l'époque de la guerre de Troie. Le coing est un fruit que la culture a peu modifié. Il est aussi acerbe et acide à l'état frais que du temps des anciens Grecs. Grenadier. — Punica Granalum, Linné. Le Grenadier est sauvage dans les endroits rocailleux de la Perse, du Kurdistan, de l'Afghanistan et du Béloutchistan ^. Burnes en a vu des bois entiers dans le Mazanderan, au midi de la mer Caspienne '^. Il parait également spontané au midi du Caucase *. Vers l'ouest, c'est-à-dire dans l'Asie Mineure, la Grèce, en général dans la région de la mer Méditerranée, dans l'Afrique septentrionale et à Madère, l'apparence est plutôt que l'espèce se serait naturalisée à la suite des cultures et de la dis- persion des pépins par les oiseaux. Beaucoup de flores du midi de l'Europe en parlent comme d^une espèce « subspontanée » 1. Nemnichy Polygl, Lexicon. 2. Nemnich, l. c. 3. De Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands^ p. 64. 4. In-4% Napoli, 1879. S- Cato, De re imstica, 7, c. 2. 6. Boissier, FI. orient. ^ 2, p. 737; sir Joseph Hooker, FI. of british India. 2, p. 581. 7. Cité d'après Royle, ///. Himal., p. 208. 0- Ledebotir, FI. 7'ossica, 2, p. 104. 190 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS OU « naturalisée )>. Desfontaines, dans sa Flore atlantique, l'in- diquait comme spontanée en Algérie, mais les auteurs subsé- quents la disent plutôt naturalisée K Je doute de la qualité spontanée dans le Béloutchistan, où le voyageur Stocks l'a récoltée ^, car les botanistes anglo-indiens n'admettent pas comme certain Tindigénat à Test de llndus, et je remarque Tabsence de l'espèce dans les collections du Liban et de la Syrie, que M. Boissier cite toujours avec soin. En Chine, le Grenadier n'est qu'à l'état cultivé. Il y a été introduit, de Samarkande, par Ghang-Kien, un siècle et demi avant l'ère chrétienne ^ La naturalisation dans la région de la mer Méditerranée e^t si commune qu'on peut l'appeler une extension de l'ancienne habitation. Probablement elle date d'un terme reculé, car la <3ulture de l'espèce remonte à une époque très ancienne dans l'Asie occidentale. Voyons si les documents historiques et linguistiques peuvent apprendre quelque chose à cet égard. Je note d'abord l'existence d'un nom sanscrit, DaHmba^ d où viennent plusieurs noms de Tlnde moderne *. On peut en conclure que l'espèce était connue depuis longtemps dans les pays qui ont été traversés par les Aryas, lors de leur marche vers l'Inde. Le Grenadier est mentionné plusieurs fois dans l'Ancien Testa- ment sous le nom de Rimmon ^, qui est l'origine du nom arabe Rummân ou Bumân. G'était un des arbres fruitiers de la Terre promise, et les Hébreux l'avaient apprécié dans les jardins d'Egypte. Beaucoup de localités de la Palestine avaient reçu leur nom de cet arbuste, mais les textes n'en parlent que comme d'une espèce cultivée. Les Phéniciens faisaient figurer la fleuret le fruit du Grenadier dans leurs cérémonies religieuses, et la déesse Aphrodite l'avait planté elle-même dans l'île de Chypre*, ce qui fait supposer qu'il ne s'y trouvait pas alors. Les Grecs avaient connaissance de l'espèce déjà à l'époque d'Homère. II en est question deux fois dans V Odyssée^ comme d'un arbre des jardins des rois de Phseacie et Phrygie. Ils l'appelaient Roia ou Roa^ que les érudits disent venir du nom syriaque et hébreu ^ et aussi Sidai *, qui paraît venir des Pelasges, car le nom albanais actuel est Sège ^. Rien ne peut faire supposer que l'espèce fut 1. Munby, FL d'Alger, p. 49; Bail, Spicilegium florx maroccan^, p. 458. 2. Boissier, /. c. 3. Bretschneider, On study, etc. y p. 16. i. Piddington, Index. 3. Rosen millier, Biblische Naturyeschichie, 1, p. 273; Hamilton, La bota- nique de la Bible j Nice, 1871, p. 48. 6. Hehn, Cultur iind Hausthiere ans Asien, éd. 3, p. 106. 7. Hehn^ ibid. 8. Lenz, Botanik d. alten Griechen und Rœmer, p. 681. 9. De Heldreich, Die Nutzpflanzen GriechenlandK, p. 6i. POMME ROSE 191 spontanée en Grèce, où maintenant Fraas et Heldreieh affirment qu'elle est uniquement naturalisée ^ Le Grenadier entrait aussi dans les légendes et les cérémonies du culte des plus anciens Romains *. Gaton parle de ses pro- priétés vermifuges. Selon Pline ', les meilleures grenades étaient de Garthage. Le nom de Malumpmiicum en avait été tiré ; mais on n'aurait pas dû croire, comme cela est arrivé, que l'espèce fût originaire de l'Afrique septentrionale. Très probablement les Phéniciens l'avaient introduite à Garthage, longtemps avant les rapports des Romains avec cette ville, et sans doute elle y était cultivée, comme en Egypte. Si le Grenadier avait été jadis spontané dans l'Afrique septen- trionale et le midi de l'Europe il aurait eu chez les Latins des noms plus originaux que Granatum (venant de granum ?) et Malum punicum. On aurait peut-être à citer quelques noms lo- caux, dérivés d'anciennes langues occidentades, tandis que le nom sémite Rimmon a prévalu soit en grec, soit en arabe, et se trouve même, par l'influence arabe, chez les Berbères *. Il faut admettre gue l'origine africaine est une des erreurs causées par les mauvaises désignations populaires des Romains. On a trouvé dans le terrain pliocène des environs de Meximieux des feuilles et fleurs d'un Grenadier que M. de Saporta ^ décrit comme une variété du Punica Granatum actuel. Sous cette forme, l'espèce a donc existé, antérieurement à notre époque, avec plusieurs espèces les unes éteintes , les autres existant encore aujourd'hui dans le midi de l'Europe et d'autres enfin restées aux îles Ganaries, mais la continuité d'existence jusqu'à nos jours n'en est pas pour cela démontrée. En résumé, les arguments botaniques, historiques et linguis- tiques s'accordent à faire considérer l'espèce actuelle comme onginaire de la Perse et de quelques pays adjacents. La culture en a commencé dans un temps préhistorique, et son extension dans l'antiquité, vers l'occident d'abord et ensuite en Chine, a causé des naturalisations qui peuvent tromper sur la véritable origine, car elles sont fréquentes, anciennes et durables. J'était arrivé à ces conclusions en 1855 ^, ce qui n'a pas em- pêché de reproduire dans quelques ouvrages Terreur de l'origine africaine. Pomme rose. — Eugenia Jambos^ Linné. — Jambosa vul- gariSy de Gandolle Petit arbre, de la famille des Myrtacées. Il est cultivé au- 1. Fraas, FI. class.^ p. 79; Heldreieh, /. c. 2. Uelm, /. c. 3. Pline, 1. 13, c. 19. 4. Dictionnaire français-berbère, publié par le gouvernement français. ^. De Saporta, Bull. soc. géol. de France du 5 avril 1869, p. 767, 769. *. Géogr, bot. raisonnée, p. 891. 192 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS jourd'hui dans les régions tropicales de Tancien et du nouveau monde pour Félégance de son feuillage, autant peut-être que pour son fruit, dont la chair, qui sent la rose, est par trop mince. On peut en voir une figure excellente et une bonne des- cription dans le Botanical magazine, pi. 3356. La graine renferme une matière vénéneuse *. Gomme la culture de cette espèce était ancienne en Asie, on ne pouvait pas douter qu'elle ne fût asiatique, mais on ne savait pas bien où elle existe à l'état sauvage. L'assertion de Loureiro, qui la disait habiter en Gochinchine et dans plusieurs localités de rinde, méritait confirmation. Quelques documents modernes viennent à l'appui *. Le Jambos est spontané à Sumatra et ailleurs dans les îles hollandaises de l'archipel Indien. Kurz ne l'a pas rencontré dans les forêts de la Birmanie anglaise, mais lorsque Rheede vit cet arbre dans les jardins du Malabar il remarqua qu'on l'appelait Malacca-Sckamàu, ce qui montre bien une origine de la péninsule malaise. Enfin Brandis le dit spontané dans le Sikkim, au nord du Bengale. L'habitation naturelle s'étend probablement des îles de l'archipel Indien à la Gochinchine, et même au nord-est de l'Inde, où cependant il s'est peut-être naturalisé à la suite des cultures et par l'action des oiseaux. La naturalisation s'est en effet opérée ailleurs, par exemple à Hong-Kong, dans les îles Seychelles, Maurice et Rodriguez, ainsi que dans plusieurs des îles Antilles '. » Jamalac ou Jambosier de Malacca. Eugenia malaccensis^ Linné. — Jambosa malaccensis, de Gandolie. Espèce voisine de V Eugenia Jambos, mais différente par la disposition de ses fleurs et par son fruit obovoïde, au lieu d'être ovoïde, c'est-à-dire ayant la partie la plus étroite près de son point d'attache, comme serait un œuf sur son petit bout. Le fruit est plus charnu et sent aussi la rose, mais on l'estime beau- coup *, ou assez peu ^, suivant les pays et les variétés. Celles-ci sont nombreuses. Elles diffèrent par la couleur rosée ou rouge des fleurs et la grosseur, la forme et la couleur des fruits. Gette multiplicité de variétés montre une ancienne culture dans l'archipel Indien, d'où l'espèce est originaire. Comme confirmation, il faut noter que Forster la trouva établie dans les îles de la mer Pacifique, de Taïti aux Sandwich, lors du voyage de Gook ^. 1. Descourtilz, Flore médicale des Antilles, 5, pi. 315. 2. Miquel, Sumatra, p. 118; Flora Indix batavœ, 1, p. 425; Blume, Mu- séum Lugd.-Bat., 1, p. 93. 3. Hooker, Flora of hrit. India, 2, p. 474; Baker, Flora of Mauritius, etc., p. 115; Grisebach, FL ofbrit. W. Indian islands, p. 235. 4. Rumphius, Àmboin., 1, p. 121, t. 37. 5. Tu88ac, Flore des Antilles, 3, p. 89, pi. 25. 6. Forster, Planta esculentée, p. 36. GOYAVIER 193 Le Jambosier de Malacca est spontané dans les forêts de Tar- chipel asiatique et de la presqu'île de Malacca * . D'après Tussac, il a été apporté de Taïtià la Jamaïque en 1793. Maintenant il s'est répandu et naturalisé dans plusieurs des îles Antilles, de même qu'aux îles Maurice et Seychelles *. Goyavier. — Psidium Guayava^ Raddi. Les anciens auteurs, Linné et après lui quelques botanistes ont admis deux espèces dans cet arbre fruitier de la famille des Myrtacées, l'une ayant les fruits ellipsoïdes ou sphériques à chair rouge, Psidium pomiferum; l'autre à fruit pyriforme et chair blanche ou rosée, plus agréable au goût. De semblables diversités sont analogues à ce que nous voyons dans les poires, les pommes et les pêches; aussi a-t-on soupçonné de bonne heure qu'il valait mieux considérer tous ces Psidium comme une seule espèce. Raddi a pour ainsi dire constaté l'unité lorsqu'il a vu, au Brésil, des fruits pyriformes et d'autres presque ronds sur le même arbre ^. Aujourd'hui, la majorité des botanistes, surtout de ceux qui ont observé les Goyaviers dans les colonies, suit l'opinion de Raddi *, vers laquelle j'inclinais déjà, en 1855, par des raisons tirées de la distribution géographique ^, Low ®, qui a conservé dubitativement, dans sa flore de Ma- dère, la distinction en deux espèces, assure que chacune se conserve par les graines. Ce sont, par conséquent, des races, comme dans nos animaux domestiques et dans beaucoup de plantes cultivées. Chacune de ces races comprend des variétés ''. Les Goyaviers, lorsqu'on veut étudier leur origine, présentent au plus haut degré une difficulté qui existe dans beaucoup d'arbres fruitiers de cette nature : leurs fruits charnus, plus ou moins aromatiques, attirent les animaux omnivores, qui rejet- tent leurs graines dans les endroits les plus sauvages. Celles des Goyaviers germent rapidement et fructifient dès la troisième ou quatrième année. La patrie s'est donc étendue et s'étend encore par des naturalisations, principalement dans les contrées tropicales qui ne sont pas très chaudes et humides. 1. Blume, Muséum Lugd.-Bat, 1, p. 91; Miquel, FI. Indus hatavx, 1, p. 411; Hooker, FI brit. India, 2, p. 412. 2. Grisebach, FI. of brit. W. India, p. 235 ; Baker, FI. of Mauritius, p. 115. 3. Raddi, Di alcune specie di Pero indianOy ia-4, Bolofçna, 1821, p. 1. 4. Martius, Syst. mat. medicse bras., p. 32; Blume, Muséum Lugd.-Bat.y l, p. 71 ; Hasskarl, dans Flora, 1844, p. 589 ; sir J. Hooker, Flora of brit. India, 2, p. 468. 5. Géogr. bot. raisonnée, p. 893. 6. Low, A manual flora of Madeira^ p. 266. 7. Voir Blume, /. c; Descourtilz, Flore médicale des Antilles^ 2, p. 20, où se trouve une figure du Goyavier pyriforme ; Tussac, Flore des An- tilles, 2, p. 92, qui contient une bonne planche de la forme arrondie. Ces deux derniers ouvrages renferment des détails intéressants sur la manière d'employer les goyaves, sur la végétation de l'espèce, etc. De Gandolle. 13 194 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS Pour simplifier la recherche des origines, j'éliminerai d'abord l'ancien monde, car il est assez évident que les Goyaviers sont venus d'Amérique. Sur une soixantaine d'espèces du genre Psidium, toutes celles qu'on peut regarder comme suffisamment étudiées sont américaines. Les botanistes, depuis le xyi« siècle, ont trouvé, il est vrai, des Psidium Guayava (variétés pomifei^m et pytnferum)^ plus ou moins spontanés dans les îles de l'Archipel Indien et l'Asie méridionale *, mais tout fait présumer que c'était le résultat de naturalisations peu anciennes. On admet- lait pour chaque localité une origine étrangère; seulement on hésitait sur la provenance asiatique ou américaine. D'autres considérations justifient cette idée. Les noms vulgaires en ma- lais sont dérivés du mot américain Guiava, Les anciens auteurs chinois ne parlent pas dfes Goyaviers, bien que Loureiro les ait dits sauvages en Cochinchine il y a un siècle et demi. Forst^r ne les mentionne pas comme cultivés dans les îles de la mer Pacifique lors du voyage de Gook, ce qui est assez significatif quand on pense à la facilité de cultiver ces arbres et à leur dis- persion inévitable. Aux îles Maurice et Seychelles, personne ne doute de leur introduction et naturalisation récentes *. Nous aurons plus de peine à découvrir de quelles parties de l'Amérique les Goyaviers sont sortis. Dans le siècle actuel, ils sont certainement spontanés, hors des cultures, aux Antilles, au Mexique, dans l'Amérique cen- trale, le Venezuela, le Pérou, la Guyane et le Brésil ', mais depuis quelle époque? Est-ce depuis que les Européens en ont répandu la culture? Est-ce antérieurement, à la suite des trans- ports par les indigènes et surtout par les oiseaux? Ces ques- tions ne paraissent avoir fait aucun progrès depuis que j'en ai parlé en 1855 *. Cependant, aujourd'hui, avec un peu plus d'expérience dans ces sortes de problèmes, et Tunité spécifique des deux Goyaviers étant reconnue, j'essayerai d'indiquer ce qui me paraît le plus vraisemblable. J. Acosta^, un des premiers auteurs sur l'histoire naturelle du nouveau monde, s'exprime sur le Goyavier pomiforme de la manière suivante : « Il y a en Saint-Domingue et es autres îles, des montagnes toutes pleines de Goyavos, et disent, qu'il n'y avait point de telle sorte d'arbres avant que les Espagnols y arrivassent, mais qu'on les y a apportés de je ne sais où. » Ce serait donc plutôt du continent que l'espèce serait originaire. Acosta dit bien qu'elle croît en terre ferme, et il ajoute que les goyaves du Pérou ont une chair blanche bien préférable à 1. Rumphius, Amboin., 1, p. 141, 142; Kheode, Uort. malaô.y 3, t. 34. 2. Bojer, Hortus muuritianus ; Baker, Ftoru of Mauritiusy p. 112. 3. Toutes les flores, et Berg, daos Flora hrasitiensùy vol. 14, p. 196. 4. Géoyr. bot. raisonnée, p. 894 et 895. 5. Acosta, Hist, nnt. et morale des Indes orient, et occid., traduction frao- caise, 1598, p. 175, au verso. GOURDE, COUGOURDE, CALEBASSE 19g celle des fruits rouges. Ceci fait présumer une culture ancienne sur le continent. Hernandez * avait vu les deux formes sponta- nées au Mexique, dans les endroits chauds des plaines et des montagnes, près de Quauhnaci. Il donne une description et une figure très reconnaissable du Ps. pomiferum. Pison et Marcgraf* avaient aussi trouvé les deux Goyaviers sauvages au Brésil dans les plaines; mais ils notent qu'ils se répandent facilement. Marc- graf dit qu'on les croyait originaires du Pérou, ou de TAmé- rique septentrionale, ce qui peut s'entendre des Antilles ou du Mexique. Evidemment l'espèce était spontanée dans une grande partie du continent lors la découverte de l'Amérique. Si l'habi- tation a été une fois plus restreinte, il faut croire que c'était à une époque bien plus ancienne. Les noms vulgaires différaient chez les peuples indigènes. Au Mexique, on disait JTateocof/; au Brésil, l'arbre s'appelait Araca- Iba et le fruit Araca-Guacu; enfin le nom Guajavos ou Guajcœa est cité par Acosta et Hernandez à l'occasion des Goyaviers du Pérou et de Saint-Domingue, sans que l'origine en soit indiquée exactement. Cette diversité de noms confirme l'hypothèse d une très ancienne et vaste habitation. D'après ce que disent les premiers voyageurs d'une origine étrangère à Saint-Domingue et au Brésil, — assertion dont il est permis cependant de douter, — je soupçonne que l'habita- tion la plus ancienne était du Mexique à la Colombie et au Pérou, et qu'elle s'est peut-être agrandie du côté du Brésil avant la découverte de l'Amérique, et dans les îles Antilles après cette époque. L'état de l'espèce le plus ancien, qui se montre le plus à l'état sauvage, serait la forme à fruit sphérique, âpre et fortement coloré. L'autre forme est peut-être un produit de la culture . Gk>urde ^, Gougourde, Calebasse. — Lagenaria vulgaris, Seringe. — Cucurbita lagenaria^ Linné. Le fruit de cette Cucurbitacée a pris différentes formes dans les cultures ; mais, d'après l'ensemble des autres parties de la plante, les botanistes n'admettent qu'une espèce, divisée en plusieurs variétés *. Les plus remarquables sont la Gourde des pèlerins^ en forme de bouteille; la Cougourde, dont le goulot est allongé; la Gourde massue ou trompette, et la Calebasse, ordinairement grande et peu étranglée. D'autres variétés moins répandues ont le fruit turbiné ou déprimé et fort petit, comme 1. Hernandez, Novâs Hispanise Thésaurus^ p. 85. 2. Pison, Hist. brasil.^ p. 74; Marcçraf, ibid.^ p. 105. 3. En anglais, le mot Gourd s'applique au Potiron (Cucurbita maxima). C'est un des exemples de la confusion des noms vulgaires, et de la préci- sion supérieure des noms scientifiques. 4. Naudin, Annales des se. nat.^ série 4, vol. 12, p. 91; Cogniaux, dans nos Mon. Phan.y 3, p. 417. 196 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS la Gourde tabatière. On reconnaît toujours l'espèce à sa fleur blanche, et à la dureté de la partie extérieure du fruit, qui permet de l'employer comme vase pour les liquides ou réservoir d'air, propre à soutenir les nageurs novices. La chair intérieure est tantôt douce et mangeable, tantôt amère et même purgative. Linné * disait Tespèce américaine. De Candolle * Ta considérée comme probablement d'origine indienne, et la suite a confirmé cette opinion. On a trouvé, en eff'et, le Lagenaria vulgaris sauvage au Ma- labar et dans les forêts humides de Deyra Doon ^. Roxburgh * le considérait bien comme spontané dans l'Inde, quoique les flores subséquentes l'aient dit seulement cultivé. Enfin Rum- phius ^ indique des pieds sauvages, sur le bord de la mer, dans une localité des îles Moluques. Les auteurs mentionnent ordinai- rement la pulpe comme amère dans ces individus sauvages, mais elle l'est quelquefois aussi dans les formes cultivées. La langue sanscrite distinguait déjà la Gourde ordinaire, UlavoUy et une autre, amère, Kutou-Toumbi, à laquelle A. Pictet attribue aussi le nom Tiktaka ou Titkikâ ^. Seemam ^ a vu l'espèce « cul- tivée et naturalisée » aux îles Fidji. Thozet Ta recueillie sur la côte de Queensland, en Australie *, mais c'était peut-être le résultat de cultures dans le voisinage. Les localités de Hnde continentale paraissent plus sûres et plus nombreuses que celles des îles du midi de l'Asie. L'espèce a été trouvée, également sauvage, en Abyssinie, dans la vallée de Hieha, par Dilion, et parmi des buissons et des rocailles d'une autre localité, par Schimper ^. De ces deux régions de l'ancien monde, elle s'est répandue dans les jardins de tous les pays tropicaux et des pays tempérés ayant une chaleur estivale suffisante. Parfois elle s'est natu- ralisée hors des cultures, comme on l'a observé en Amérique *°. Le plus ancien ouvrage chinois mentionnant la Gourde est celui de Tchong-tchi-chou, du i®' siècle avant Jésus-Christ, cité dans un ouvrage du v^ ou vi® siècle, selon le D^ Bretschneider ". 1. Linné, Species plantarum, p. 1434, sous Cucurbita. 2. A. P. de Candolle, Flore française (1805), voL 3, p. 692. 3. Rheede, Malabar^ 8, pL 1, 5; Royle, lu. HimaL, p. 218. 4. Roxburjçh, Flora indica, éd. 1832, v. 3, p. 719. 5. Rumphius, Amboin., vol. 5, p. 397, t. 144. 6. Piddington, Index, au mot Cucurbita lagenaria (en changeant la cacographie anglaise) ; Ad. Pictet, Origines indo-europ., éd. 3, vol. 1, p. 386. 7. Seemann, Flora Vitiensis, p. 106. 8. Bentham, Flora australiensis, 3, p. 316. 9. Décrite d'abord sous le nom de Lagenaria idolatrica. A. Richard, Tentamen fl, abyss,, 1, p. 293, et ensuite Naudin et Cogniaux ont reconnu ridentité avec le L. vulgaris. 10. Torrey et Gray, Flora of North America^ 1, p. 543; Grisebach, Fhra of british W, India islands^ p. 288. 11. Bretschneider, lettre du 23 août 1881. GOURDE, COUGOURDE, CALEBASSE 197 Il s'agit dans ce cas de plantes cultivées. Les formes actuelles des jardins de Peking sont la Gourde massue, qui est mangeable, et la Gourde bouteille. Les auteurs grecs n'ont pas mentionné cette plante, mais les Romains en ont parlé depuis le commencement de Tempire. Elle est assez clairement désignée par des vers souvent cités * du livre X de Golumelle. Après avoir décrit les différentes formes du fruit : dabit illa capacem, Nariciae picis, aut Actœi meilis Hymetti, Aut habilem lymphis hamulam, Bacchove lagenam, Tum pueros eadem fluviis innare docebit. Pline * parle d'une Gucurbitacée dont on faisait des vases et des barriques pour le vin, ce qui ne peut s'appliquer qu'à celle-ci. Il ne paraît pas que les Arabes en aient eu connaissance de bonne heure, carïbn Alawàm et Ibn Baithar n'en ont rien dit *. Les commentateurs des livres hébreux n'ont pu attribuer aucun nom d'une manière positive à cette espèce, et cependant le climat de la Palestine était bien de nature à populariser l'usage des Gourdes, si on les avait connues. Il me paraît assez douteux, d'après cela, que les anciens Egyptiens aient possédé cette plante, malgré une figure unique de feuilles, vue dans une tombe, qui lui a été attribuée quelquefois *. Alexandre Braun, Ascherson et Magnus, dans leur savant mémoire sur les restes de plantes égyptiennes du musée de Berlin ^, indiquent plu- sieurs Gucurbitacées sans mentionner celle-ci. Les premiers voyageurs modernes, comme Rauwolf *, en 1374, l'ont vue dans les jardins de Syrie, et la Gourde dite des pèlerins, figurée, en 1539, par Brunfels, était probablement connue dès le moyen âge en Terre sainte. Tous les botanistes du xvi« siècle ont donné des figures de cette espèce, plus souvent cultivée alors, en Europe, qu'elle ne l'est aujourd'hui. Le nom ordinaire dans ces vieux ouvrages était Camei^aria, et l'on distinguait trois formes de fruits. A la couleur blanche de la fleur, toujours mentionnée, on ne peut douter de l'espèce. Je remarque aussi une figure, très mauvaise, il est vrai, où la fleur manque, mais où le fruit est exactement 1. Tragus, Stirp.^ p. 285; Ruellius, De natura stirpium, p. 498; Naudin, L c. 2. Pline, Hisi. plant., 1. 19, c. 5. 3. Ibn Alawâm, d'après E. Meyer, Geschichte dej' Botanik, 3, p. 60; Ibn Baithar^ trad. de Sondtheimer. 4. Unger, Pflanzen des alten jEgyptenSj p. 59; Pickering, Chronol, arran- geinent. p. 137. 5. In-8, 1877, p. 17. 7, p. 1 , Fîoi^a 6. Rauwolf, FÎ07^a orient., p. 125. 198 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS la gourde des pèlerins, qui présente ce grand intérêt d'avoir paru avant la découverte de TAmérique. C'est la planche 46 de YHerbarius Patavide impressus^ in-4o, 1485, ouvrage rare. Malgré certains synonymes des auteurs, je ne crois pas que la Gourde ait existé en Amérique avant l'arrivée des Européens. Le Taquera de Piso * et le Cucurbila lagenae forma de Marc- graf ^ sont peut-être bien le Lagenaria vulgarisy comme le disent les monographes ^, et les échantillons du Brésil cités par eux doivent être certains, mais cela ne prouve pas que Tespèce fût dans le pays avant le voyage d'Americ Vespuce, en 1504. Depuis lors jusqu'aux voyages de ces deux botanistes, en 1637 et 1638, il s'est écoulé un temps bien plus long qu'il ne faut le supposer pour l'introduction et la diffusion d'une espèce annuelle, cu- rieuse de forme, facile à cultiver et dont les graines conservent longtemps la faculté de germer. Elle peut même s'être natura- lisée à la suite des cultures, comme cela s'est vu ailleurs. A plus forte raison le Cucurbita Sicet^atia Molina, attribué tantôt à l'espèce actuelle et tantôt au Cucurbita maxlma *, peut- il avoir été introduit au Chili, entre 1538, époque de la découverte de ce pays, et 1787, date de l'édition en italien de Molina. Acosta * parle aussi de Calebasses dont les Péruviens se servaient comme de coupe ou de vase, mais l'édition espagnole de son livre est de 1591, plus de cent ans après laconguête. Parmi les naturalistes ayant indiqué l'espèce le plus rapprochée de la découverte de, l'Amérique (1492) estOviedo ^, qui avait visité la terre ferme et, après un séjour à Vera-Paz, était revenu en Europe en 1815, mais était retourné à Nicaragua en 1539 ^ D'après la compila- tion de Ramusio ^, il a parlé de zucchCy cultivées en quantité aux Antilles et à Nicaragua à l'époque de la découverte de l'Amérique et dont on faisait usage comme de bouteilles. Les auteurs de flores de la Jamaïque, au xvii^ siècle, ont dit l'espèce cultivée dans cette île. P. Browne ^ cependant indique une grande Gourde cultivée et une petite, sauvage, ayant une pulpe amère et purgative. Enfin, pour les Etats-Unis méridionaux, Elliott *® s'exprimait ainsi en 1824 : « Le Z. vul^aris se trouve rarement dans les bois et n'est certainement pas mdigène. Il paraît avoir été apporté par les anciens habitants de notre pays d'une contrée plus 1. Piso, Indix utnusouej etc. y éd. 1658, p. 264. 2. Marcçraf, Hist, nai. Brasiliœ^ 1648, p. 44. 3. Naudm, /. c. ; Cogniaux, dans Flora brasU.^ fasc, 78, p. 7, et dans de Candolle, Monoqr. Phaner., 3, p. 418. 4. Cl. Gay, Flora Chilena, 2, p. 403. 5. los. Acosta, trad. française, p. 167. 6. Pickering, ChronoL arrang., p. 861. 7. Pickering, /. c. 8. Ramusio, vol. 3, p. 112. 9. P. Brown, Jamaica^ éd. 2, p. 354. 10. Elliott, Sketch of the botany of S. Carolina and Georgia^ 2, p. 663. POTIRON 199 chaude. Maintenant, Tespèce est devenue spontanée autour des habitations, particulièrement dans les îles de la mer. » L'expres- sion : habitants de notre pays, aTair de signifier les colons plutôt que les indigènes. Entre la découverte de la Virginie, par Cabot en 1497, ou les voyages de W. Raleigh en 1584, et les flores des botanistes modernes, il s'est écoulé plus de deux siècles, et les indigènes auraient eu le temps de répandre la culture de l'espèce, s'ils l'avaient reçue des Européens. Mais le fait même de la culture par les Indiens à l'époque des premières relations sur leur compte est douteux. Torrey et Gray * l'avaient men- tionné comme certain dans leur flore, publiée en 1830-40, et plus tard le second de ces habiles botanistes *, dans un article sur les Gucurbitacées connues des indigènes, ne cite pas le Ca- labash ou Lagenaria. Je remarque la même omission dans un autre article spécial, sur le même sujet, pubhé plus récem- ment '. Potiron. — Cucurbita inaxlma, Duchesne. En commençant l'énumération des espèces du genre Cucur- àita, je dois expliquer que la distinction, autrefois très difficile, des espèces, a été fondée par M. Naudin * d'une manière scienti- fique, au moyen d'une culture assidue des variétés et d^expé- riences sur leur fécondation croisée. Il nomme espèces les groupes de formes qui ne peuvent pas se féconder mutuellement ou dont les produits n'ont pas été féconds et stables, et races ou variétés les formes qui se croisent entre elles et donnent des produits féconds et variés. La suite des expériences ^ l'a averti que l'établissement des espèces sur cette base n'est pas sans exceptions, mais dans le genre Cucurbita les faits physiologi- ques concordent avec les différences extérieures. M. Naudin a établi les véritables carïictères distinctifs des Cucurbita maxima «t C Pepo, La première a les lobes de la feuille arrondis, les pédoncules à surface unie et les lobes de la corolle recourbés à l'extérieur ; la seconde a les lobes de la feuille aigus, les pé- doncules marqués de côtes et sillons, la corolle rétrécie à la base, avec les lobes presque toujours dressés. Les principales formes du Cucurbita maxima sont le Potiron jaune, qui atteint quelquefois un poids énorme ^, le Potiron turban ou Giraumon, le Courgeron, etc. Les noms vulgaires et des anciens auteurs ne cadrant pas avec les définitions botaniques, il faut se défier des assertions 1. Torrey et Gray, Floj^a ofN, America, 1, p. 544. 2. A. Gray, dans American journal of science, 1857, vol. 24, p. 442. 3. Trumbull, dans Bulletin ofthe Torrey club of botany, vol. 6, ann. 1876, p. 69. 4. Naudin, dans Annales des se. nat., série 4, vol. 6, p. .5; vol, 12, p. 84. 5. Ann. se. nat., série 4, vol. 18, p. 160, vol. 19, p. 180. 6. Jusqu'à 100 kilogr., d'après Le bon jardinier, 1850, p. 180. 200 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS répandues autrefois sur les origines et sur Tintroduction de la culture de telle ou telle courge à certaine époque ou dans cer- taines contrées. C'est une des raisons pour lesquelles, quand je me suis occupé du sujet, en 1855, la patrie de ces plantes était restée pour moi inconnue ou très douteuse. Aujourd'hui, on peut scruter mieux la question. D'après sir Joseph Hooker \ le Cucurbita maxima a été trouvé par Barter sur les hords du Niger, en Guinée, « avec l'appa- rence indigène » (apparently indigenous) , et par Welwitsch dans l'Angola, sans affirmation de la qualité spontanée. Je ne vois aucune indication de spontanéité dans les ouvrages sur TAbyssinie, l'Egypte ou autres pays africains dans lesquels on cultive communément l'espèce. Les Abyssins se servent du mot Dubba, qui s'applique, en arabe, aux Courges, dans un sens très général. Longtemps on a soupçonné une origine indienne, en s'ap- puyant sur des noms tels que Courge dlnde^ donnés par des bo- tanistes du XVI® siècle, et, en particulier, sur le Pepo maximus indiens^ figuré par Lobel ^, qui rentre bien dans l'espèce actuelle; mais c'est un genre de preuve bien faible, car les indications, vulgaires d'origine sont souvent fausses. Le fait est que si les Potirons sont cultivés dans l'Asie méridionale, comme ailleurs entre les tropiques, on n'a pas rencontré la plante à l'état sau- vage ^. Aucune espèce seinblable ou analogue n'est indiquée dans les anciens ouvrages chinois, et les noms modernes des Courges et Potirons cultivés actuellement en Chine montrent une origine étrangère méridionale *. Il est impossible de savoir à quelle espèce s'appliquait le nom sanscrit Kurkarou, attribué par Roxburgh au Cucurbita Pepo, et l'incertitude n'est pas moins grande au sujet des Courges, Potirons et Melons cultivés par les Grecs et les Romains. On n'a pas constaté la présence d'un Po- tiron dans l'ancienne Egypte. Peut-être en cultivait-on dans ce pays et dans le monde gréco-latin? Les Pepones dont Gharle- magne ordonnait la culture dans ses fermes ^ étaient ou l'espèce actuelle ou le Cucurbita Pepo ; mais aucune figure ou descrip- tion reconnaissable de ces plantes n'a été donnée avant le XVI® siècle. Ceci pourrait faire présumer une origine américaine. L'exis- tence, à l'état spontané, en Afrique, est bien une objection, car les espèces de la famille des Cucurbitacées sont très locales; mais il y a des arguments en faveur de l'Amérique, et je dois les 1. Hooker, Flora of tropical A frica^ 2, p. 555. 2. Lobel, Icônes, t. 641. La figure est reproduite dans Dalecbamp , Hist., 1, p. 626. 3. Clarke, dans Hooker, Flora of hritish India, 2, p. 622. 4. Bretschneider, lettre du 23 août 1881 5. La liste est dans E. Meyer, Geschichte der Botanik. 3, p. 401. Les Cm- curbita dont il parle également devaient être la Gourde, Lagenaria, POTIRON 201 examiner avec d'autant plus de soin qu'on m'a reproché aux Etats-Unis de n'en avoir pas tenu suffisamment compte. D'abord, sur dix espèces connues du genre Gucurbita, six sont certainement spontanées en Amérique (au Mexique ou en Cali- fornie), mais ce sont des espèces vivaces, tandis que les Courges cultivées sont annuelles. La plante nommée Jurumu par les Brésiliens, figurée par PisonetMarcgraf *, est rapportée par les modernes au Cucurbita maxima, La planche et les courtes explications des deux auteurs conviennent assez, mais il parait que c'était une plante cultivée. Elle peut avoir été apportée d'Afrique ou d'Europe par les Européens, entre la découverte du Brésil, en 1504, et les voyages des .auteurs sus-mentionnés, qui ont eu lieu en 1637 et 1638. Personne n*a trouvé l'espèce sauvage dans l'Amérique méridio- nale ou septentrionale. Je ne rencontre dans les ouvrages sur le Brésil, la Guyane, les Antilles aucun indice de culture ancienne ou d'existence spontanée, soit d'après les noms, soit d'après des traditions ou opinions plus ou moins précises. Aux Etats-Unis, les savants qui connaissent le mieux les langues et les usages des indigènes, par exemple le D»* Harris autrefois, et M. Trum- buU plus récemment ^5 ont soutenu que les Cucurbitacées appe- lées Squash par les Anglo-Américains et Macock ou CashaWj Cushaw par d'anciens voyageurs en Virginie, répondent à des Courges. M. Trumbull dit que Squash est un mot indien. Je n'en doute pas, d'après son assertion, mais ni les plus habiles linguistes ni les voyageurs du xvii^ siècle ' qui ont vu les indigènes pourvus de fruits appelés dans leurs livres Citrouilles, Courges^ Pompions, Gourdes^ n'ont pu donner la preuve que ce fût telle ou telle des espèces reconnues distinctes aujour- d'hui par les botanistes. Cela nous apprend seulement que les indigènes, un siècle après la découverte de la Virginie, vingt à quarante ans après la colonisation par W. Raleigh, faisaient usage de certains fruits de Cucurbitacées. Les noms vulgaires sont encorie si confus aux Etats-Unis que le D"" Asa Gray, en 1868, indique Pumpkin et Squash comme répondant à des espèces de Cucwbita *, tandis que Darlington ^ attribue le nom de Pumpkin à la Courge ordinaire {Cucurbita Pepo), et celui de Squash aux variétés de celle-ci qui rentrent aans les formes Mdopepo des anciens botanistes. Ils n'attribuent pas un nom vulgaire, particulier et certain, au Potiron {Cucurbita maxima). En définitive, sans ajouter une foi implicite à l'indigénat sur les 1. Piso, BrasiL, éd. 1638, p. 264; Marcgraf, éd. 1648, p. 44. 2. Barris, American journal, 1857, vol. 24, p. 441; Trumbull, Bull, of Toireii's Club, 1876, vol. 6, p. 69. 3. Champlain, en 1604; Strachey, en 1610; etc. 4. Asa Gray, Botany of the northem states, éd. 1868, p. 186. 5. Darlington, Flora cestnca, 1853, p. 94. 202 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS bords du Niger, fondé sur le dire d'un seul voyageur, je persiste à croire l'espèce originaire de l'ancien monde et introduite en Amérique par les Européens . Courge Pépon. — Citrouille. — Cucurbita Pepo et C. Melo^ pepo, Linné. Les auteurs modernes comprennent dans le Cucw^bita Pepo la plupart des formes désignées sous ce nom par Linné et en outre celles qu'il nommait C. Melopepo. Ces formes sont exces- sivement variées quant aux fruits, ce qui montre une très an- cienne culture. On remarque dans leur nombre : la Courge ou Citrouille des Patagons, à fruits cylindriques énormes ; la Courge sucrière, dite du Érésil ; la Courge à la moelle ou Vegetaok mai^row des Anglais, à petits fruits allongés ; les BarbérlneSy à fruits bosselés ; le Pâtisson ou Bonnet d'électeur, à fruit conique, surbaissé et lobé d'une manière bizarre, etc. Il ne faut attacner aucune valeur aux noms de pays dans ces désignations de va- riétés, car nous avons vu souvent qu'ils expriment autant d'er- reurs que de vérités. Les noms botaniques rapportés à l'espèce par M. Naudin et M. Gogniaux sont nombreux, par suite de la mauvaise habitude qui existait il n'y a pas longtemps de décrire comme espèces des formes uniquement de jardins, sans tenir compte des effets prodigieux de la culture et de la sélection sur l'organe pour lequel on cultive une plante. La plupart des variétés existent dans les jardins des régions chaudes ou tempérées de l'ancien et du nouveau monde. L'ori- gine de l'espèce est regardée comme douteuse. J'hésitais, en 1855 S entre l'Asie méridionale et la région de la mer Médi- terranée. MM. Naudin et Gogniaux ^ admettent comme probable l'Asie méridionale, et les botanistes des Etats-Unis, de leur côté, ont donné des motifs pour croire à une origine américaine. La question mérite d'être examinée d'une manière précise. Je chercherai d'abord quelles formes, rapportées aujourd'hui à l'espèce, ont été indiquées comme croissant quelque part à l'état spontané. La variété ovée^ Cucurbita ovifera^ Linné, avait été recueillie jadis par Lerche, près d'Astrakhan ; mais aucun botaniste du siècle actuel n'a confirmé ce fait, et il est probable qu'il s'agis* sait d'une plante cultivée. D'ailleurs Linné n'affirme pas la qua- lité spontanée. J'ai consulté toutes les flores asiatiques et afri-r caines sans trouver la moindre indication d'une variété qui ffti sauvage. De l'Arabie, ou même de la côte de Guinée au Japon, l'espèce ou les formes qu'on lui rapporte sont toujours dites cul- tivées. Pour l'Inde, Roxburgh l'avait remarqué jadis, et ce n'est 1. Géogr. bot. raisonnes^ p. 902. 2. Naudin, Ann. se. nat., série o, vol. 6, p. 9; Gogniaux, dans de Can- dolle, Monogr. Phaner., 3, p. 546. COURGE PÉPON 203 sûrement pas sans de bons motifs que M. Glarke, dans la flore récente de l'Inde anglaise, n'indique aucune localité hors des cultures. Les faits sont tout autres en Amérique. Une variété texana^ Cucurbita texana, Asa Gray *, très voi- sine de Vovata, d'après cet auteur, et qu'on rapporte sans hésita- tion aujourd'hui au C. Pepo, a été trouvée par Lindheimer « au bord des fourrés et dans les bois humides, sur les rives du Guadalupe supérieur, avec les apparences de plante indigène. » Le D*" Asa Gray ajoute que c'est peut-être un efiet de naturalisa- tion. Cependant, comme il existe plusieurs espèces du genre Cucurbita sauvages au Mexique et dans le sud-ouest des Etats- Unisj on est amené naturellement à tenir l'assertion du collec- teur pour bonne. Il ne paraît pas que d'autres botanistes aient trouvé cette plante au Mexique ou aux Etats-Unis. Elle n'est mentionnée ni dans la Biologia centrali-americana de Hemsley, ni dans la flore récente de la Californie du D' Asa Gray. Quelques synonymes ou échantillons de rAmérique méridio- nale, attribués au C. Pepo, me paraissent bien douteux. Il est impossible de savoir ce que Molina ^ a entendu sous les noms de C, Siceratia et C. mammeata^ qui paraissent d'ailleurs avoir été des plantes cultivées. Deux espèces décrites brièvement dans le voyage de Spix et Martius (2, p. 536) et rapportées aussi au C, Pepo ^, sont indiquées, à l'occasion de plantes cultivées, sur les bords du Rio Francisco. Enfin Téchantillon de Spruce, 2716, du Rio Uaupès, affluent du Rio Negro, que M. Cogniaux * ne dit pas avoir vu et qu'il a rapporté d'abord au C. Pepo, ensuite au C. moschata, était peut-être cultivé ou naturalisé à la suite de quelque transport ou culture, malgré la rareté des habitants de cette contrée. Les indications botaniques sont donc en faveur d'une origine mexicaine ou du Texas. Voyons si les documents historiques sont conformes ou contraires à cette idée. Il est impossible de savoir si tel nom sanscrit, grec ou latin de Courge, s'applique à l'une des espèces plutôt qu'à une autre. La forme du fruit est souvent la même, et les caractères distinc- tifs ne sont jamais mentionnés par les anciens. Aucune Courge n'est figurée dans VHerbarius Patavias impressus, de 1485, antérieur à la découverte de l'Amérique; mais les auteurs du xvi« siècle ont publié des planches qui s'y rapportent. Je citerai les trois formes de Pepones figurées à la page 406 de Dodoens, édition de 1557. Une quatrième, Pepo •Totundus major, ajoutée dans l'édition de 1616, me paraît ren- trer dans le C maxima. Dans la figure du Pepo oblongm de 1. A. Gray, Plantée Lindheimerianx, part. 2, p. 193. 2. Molina, Hist. nat. du Chili, p. 377. 3. Cogniaux, /. c, et Flo7'a brasiL, fasc. 78, p. 21. 4. Cogniaux, FI. bras, et Monogr, Phan., 3, p. 547. 204 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS LoheX, Jcones^ 641, le caractère du pédoncule est nettement accusé. Les noms donnés à ces plantes expriment une origine étrangère ; mais les auteurs ne pouvaient rien affirmer à cet égard, d'autant plus que le nom Inde signifiait ou l'Asie méri- dionale ou l'Amérique. Ainsi les données historiques ne contredisent pas ropinion d'une origine américaine, sans l'appuyer cependant. Si l'habitation ppontanée se confirme en Amérique, on pourra dire désormais que les Courges cultivées par les Romains et dans le moyen âge étaient le Cucurbita maxima et celles des indigènes de l'Amérique du Nord, dans le xviP siècle, vues par divers voyageurs, le Cucurbita Pepo, Courge musquée, ou melonnée. — Cucurbita moschata^ Duchesne. Le Bon jardinier cite comme principales formes de cette espèce les Courges muscade de Provence, pleine de Naples et de Barbarie. Il va sans dire que ces noms ne signifient rien pour l'origine. L'espèce est facile à reconnaître par sa pubescence légère et douce, le pédoncule du fruit pentagone, épaté au sommet, le fruit plus ou moins couvert d'une efflorescence glauque, à chair copieuse, plus ou moins musquée. Les lobes du calice sont souvent terminés par un limbe foliacé *. Cultivée dans tous les pays tropicaux, elle s'avance moins que les autres Courges dans les pays tempérés. M. Gogniaux ^ soupçonne qu'elle est du midi de l'Asie, sans en donner la preuve. J'ai parcouru les flores de l'ancien et du nouveau monde et n'ai pu découvrir nulle part la mention d'un état vraiment spontané. Les indications qui en approchent le plus sont : 1" en Asie, dans l'île de Bangka, un échantillon vérifié par M. Gogniaux et que Miquel ^ ne dit pas cultivé ; 2° en Afrique , dans l'Angola , des échantillons que Welwilsch dit tout à fait spontai^és, mais « à la suite probai)lement d'une introduction * » ; 3o en Amérique, cinq échantillons du Brésil, de la Guyane ou de Nicaragua, mentionnés par M. Gogniaux, sans qu'on sache s'ils étaient cultivés, naturalisés ou spontsinés. Ce sont des indices tout à fait légers , et l'opinion des auteurs le confirme. Ainsi, pour l'Asie, Rumphius, Blume, Clarke (dans Flora of brit. India)^ et, pour l'Afrique, Schweinfurth (dans Baker, Tropical fiora), n'ont vu la plante absolument que cul- tivée. En Chine, la culture n'est pas ancienne *. En Amérique^ les flores mentionnent très rarement l'espèce. 1. Voir l'excellente planche de Wight, Icônes, t. 507, aoua le nom faux de Cucurbita maxima. 2. Gogniaux, dans Monogr. Phaner., 3, p. 547. 3. Miquel, Sumatra, soûs le nom de Gymnopetalum, p. 332. 4. Gogniaux, Ibid. 5. Bretschneider, lettre du 23 août 1881 . MELON 205 On ne connaît aucun nom sanscrit, et les noms indiens, malais et chinois ne sont ni très nombreux ni bien originaux, quoique la culture paraisse plus répandue dans l'Asie méridionale que dans les autres régions entre les tropiques. Elle Tétait déjà au XVII® siècle, d'après VHortus Malabaricus^ où l'on voit une bonne planche (vol. 8, pi. 2). Il ne paraît pas que les botanistes du xvi® siècle aient connu cette espèce, car la figure de Dalechamp (Hist,, 1, p. 616), que Seringe lui a attribuée, n'en a pas les caractères, et je ne puis découvrir aucune autre figure qui lui ressemble. Courge à feuilles de figuier. — Cncurbita ficifoUa, Bouché. ^ Cucurbita melanosperma, Braun. Il s'est introduit, depuis une trentaine d'années, dans les jar- dins, une Courge à graines noires ou quelquefois brunes, qui diffère des autres espèces cultivées en ce qu'elle est vivace. On l'appelle quelquefois Melon de Siam. Le Bon jardinier dit qu'elle vient de Chine. Le D»* Bretschneider ne m'en a pas parlé dans la lettre de 1881 , où il énumère les Courges cultivées par les Chinois. Jusqu'à présent, aucun botaniste ne l'a trouvée à l'état spon- tané. Je doute beaucoup qu'elle soit originaire d'Asie, car toutes les espèces connues de Cucurbita vivaces sont du Mexique ou de Californie. • Melon. — Cucumis Melo, Linné. La question de Torigine du Melon a changé complètement depuis les travaux de M. Naudin. Le mémoire qu'il a publié, en 1859, dans les Annales des sciences naturelles, série 4, vo- lume 11, sur le genre Cucumis, est aussi remarquable que celui «ur le genre Cucurbita, Il rend compte d'observations et d'ex- périences, suivies pendant plusieurs années, sur la variabilité des formes et la fécondation croisée d'une multitude d'espèces, races ou variétés venant de toutes les parties du monde. J'ai parlé ci-dessus (p. 199) du principe physiologique sur lequel il croit pouvoir distinguer des groupes de formes qu'il nomme des espèces, quoique certaines exceptions se soient manifestées et rendent le critère de la fécondation moins absolu. Malgré ces cas exceptionnels, il est évident que si des formes voisines se croisent facilement et donnent des produits féconds, comme cela se voit, par exemple, dans l'espèce humaine, on est obligé de les regarder comme constituant une seule espèce. Dans ce sens, le Cucumis Melo , d'après les expériences et observations faites par M. Naudin sur environ deux mille indi- vidus vivants, constitue bien une espèce, laquelle comprend un nombre extraordinaire de variétés et même de races, c'est-à-dire de formes qui se conservent par hérédité. Ces variétés ou races peuvent se féconder eatre elles et donnent des produits variés et 206 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS variables. Elles sont classées par l'auteur dans dix groupes» qu'il appelle Cantaloups^ Melons brodés^ SucrinSy Melons dhiver^ serpents^ forme de concombre^ Chito^ Dudahn^ rouges de Perse et sauvages^ chacun contenant des variétés ou races voisines les unes des autres. Celles-ci ont été nommées de 25 à 30 manières différentes par des botanistes qui, sans s'inquiéter des transi- tions de fiorme, de la faculté de croisement ou du peu de fixité dans la culture, ont désigné comme espèces tout ce qui diJOTere plus ou moins dans un temps et un lieu donnés. Il résulte de là que plusieurs formes qu'on avait trouvées à Tétat sauvage et qu'on décrivait comme espèces doivent être les types ou souches des formes cultivées, et M. Naudin fait la réflexion très juste que ces formes sauvages plus ou moins diffé- rentes l'une de l'autre ont pu donner des produits cultivés diffé- rents. C'est d'autant plus probable qu'elles habitent quelquefois des pays assez éloignés, comme l'Asie méridionale et l'Afrique tropicale, de sorte que les diversités de climat, combinées avec l'isolement, ont pu créer et consolider les différences. Yoici les formes que M. Naudin énumère comme sauvages : 1° Celles de l'Inde, qui ont été nommées par Willdenow Cw- cumis puhescens, et par Roxburgh C. turbinatus ou C. Maderas- patanus. Leur habitation naturelle est l'Inde anglaise dans toute son étendue et le Belouchistan. La qualité spontanée est évi- dente, même pour des voyageurs non botanistes *. Les fruits varient de la grosseur d'une prune à celle d'un citron. Ils sont unis, rayés bu bariolés à l'extérieur, parfumés ou sans odeur. La chair en est sucrée, fade ou aigrelette, différences qui rap- pellent beaucoup celles des Cantaloups cultivés. D'après Rox- burgh, les Indiens récoltent les fruits du turbinatus et du JUade^ raspatanusy qu'ils ne cultivent pas, mais dont ils aiment la saveur. Si l'on consulte la flore la plus récente de l'Inde anglaise, où M. Clarke a décrit les Cucurbitacées (2, p. 619), il semble que cet auteur ne s'accorde pas avec M. Naudin sur les formes in- diennes spontanées, quoique tous deux aient examiné les nom- breux échantillons de l'herbier de Kew. La différence d'opinion, plus apparente que réelle, tient à ce que l'auteur anglais rapporte à une espèce voisine, Cucumis trigofius^ Roxborgh, certainement sauvage, les formes que M. Naudin classe dans le Cucumis Melo. M. Cogniaux *, qui a vu depuis les mêmes échan- tillons, attribue seulement le C, turbinatus au trigonus. La dis- tinction spécifique des C Melo et C. triaonus est malheu- reusement obscure, d'après les caractères donnés par les trois auteurs. La principale différence est que le Melo est annuel, l'autre vivace, mais cette durée ne parait pas bien constante. 1. Gardener's chronicley articles si}4:né3 : J. H. H,, 1857, p. 153; 1858, p. 130. 2. Cogniaux, dans Monogr, Phaner., 3, p. 485. MELON 207 M. Glarke lui-même dit que le C. Melo est peut-être dérivé par la culture du C trigonus^ c'est-à-dire, selon lui, des formes attribuées par Naudin au C. Melo, paraissent appuyer 1 opinion d'une diversité spécifique admissible, car, si la fécondation a eu lieu, les produits ont été divers de formes et sont revenus souvent à l'un des ancêtres primitifs. 2** Les formes africaines. M. Naudin n'a pas eu des échantil- lons en assez bon état et assez certains sous le rapport de la spontanéité, pour affirmer d'une manière positive l'habitation en Afrique. 11 l'admet avec hésitation. Il attribue à l'espèce des formes cultivées ou d'autres spontanées, dont il n'a pas vu les fruits. Après lui, sir Joseph Hooker ^ a eu des échantillons plus probants. Je ne parle pas de ceux de la région du Nil, qui sont probablement cultivés ', mais de plantes recueillies par Barter, en Guinée, dans les sables au bord du Niger. Thonning * avait déjà trouvé dans les sables, en Guinée, un Cucumis, qu'il ^vait nommé arenmnus, et M. Gogniaux ^, après avoir vu un échantillon rapporté par ce voyageur, l'a classé dans le C. Meloj comme le pensait sir Joseph Hooker. Les nègres mangent le fruit de la plante recueilUe par Barter. L'odeur est celle d'un melon vert frais. Dans la plante de Thonning, le fruit est ovoïde, de la grosseur d'une prune. Ainsi, en Afrique, comme dans rinde, l'espèce a des petits fruits à Tétat spontané, ce qui n'est pas extraordinaire. Le Dudaïm s'en rapproche, parmi les va- riétés cultivées. La majorité des espèces du genre Cucumls est en Afrique ; une faible minorité se trouve en Asie ou en Amérique. D'autres espèces de Cucurbitacées sont disjointes entre l'Asie et l'Afrique, quoique les habitations soient ordinairement dans cette famille continues et restreintes. Le Cucumis Melo a peut-être été une fois spontané de la côte occidentale d'Afrique jusque dans l'Inde^ §ans intervalle, comme la Coloquinte {Citrullus Colocynthis), de la même famille. J'ai parlé jadis de la spontanéité douteuse du Melon au midi du Caucase, d'après d'anciens auteurs. Les botanistes subsé- quents ne l'ont pas confirmée. Hohenacker, qui avait trouvé, disait-on, l'espèce autour d'Elisabethpol, n'en fait aucune men- tion dans son opuscule sur les plantes de la province de Ta- lysch. M. Boissier n'admet pas le Cucumis Melo dans sa flore orientale. Il dit seulement qu'il se naturalise avec facilité dans 1. Naudin, Ann. se. 7iat., série 4, vol. 18, p. 171. 2. Hooker, dans Flora of tropical A fric a, 2, p. 546. 3. Schweinfurth et Ascherson, Aufzœhlung, p. 267. 4. Schumacher et Thonning, Guineiske planten, p. 426. 5. Gogniaux, /. c, p. 483. 208 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS les décombres et les terrains abandonnés. La même chose a été observée ailleurs, par exemple dans les sables de TUssuri, dans l'Asie orientale. Ce serait une raison pour se défier de la localité des sables du Niger, si la petitesse des fruits dans cet endroit ne rappelait les formes spontanées de llnde. La culture du Melon, ou de diverses variétés du Melon, a pa commencer séparément dans llnde et en Afrique. Son introduction en Chine parait dater seulement du viii® siècle de notre ère, d'après Tépoque du premier ouvrage qui en ait parlé '. Comme les relations des Chinois avec la Bactriane elle nord-ouest de l'Inde, par l'ambassade de Chang-Kien, remontent au ne siècle avant Jésus-Christ, il est possible que la culture de l'espèce ne fût pas alors très répandue en Asie. La petitesse du fruit spontané n'encourageait pas. On ne connaît aucun nom sanscrit, mais un nom tamoul, probablement moins ancien, Molam 2, qui ressemble au nom latin Melo. 11 n'est pas prouvé que les anciens Egyptiens aient cultivé le Melon. Le fruit figuré par Lepsius * n'est pas reconnaissable. Si la culture avait été usuelle et ancienne dans ce pays, les Grecs et les Romains en auraient eu connaissance de bonne heure. Qr il est douteux que le Sikua d'Hippocrate et de Théophraste, ou le Pepôn de Dioscoride, ou le Melopepo de Pline fussent le Melon. Les textes sont brefs et insignifiants; Galien * est moins obscur, lorsqu'il dit qu'on mange l'intérieur des Melopepones^ mais non des Pepones. On a beaucoup* disserté sur ces noms *, mais il faudrait des faits plutôt que des mots. La meilleure preuve que j'aie pu découvrir de Fexistence du Melon chez les Romains est un fruit figuré très exactement dans la belle mo- saïque des fruits au musée du Vatican. Le D»* Cornes certifie, en outre, que la moitié d'un Melon est représentée dans un dessin d'Herculanum ^. L'espèce s'est introduite dans le monde gréco- romain probablement à l'époque de l'empire, au commence- ment de l'ère chrétienne. La qualité en était, je suppose, mé- diocre, vu le silence ou les éloges modérés des auteurs, dans un pays où les gourmets ne manquaient pas. Depuis la Renaissance, une culture plus perfectionnée et des rapports avec l'Orient et l'Egypte ont amené de meilleures variétés dans les jardins. Nous savons cependant qu'elles dégénèrent assez souvent, soit par des intempéries ou de mauvaises conditions du sol, soit par un croisement avec des variétés inférieures de l'espèce. 1. Bretschneider, lettre du 26 août 1881. 2. Piddingtoiip Index. 3. Voir la copie dans Unger, Pflanzen des alten Mgyptens, fig. 25. 4. Galien, De alimentis, 1. 2, c. 5. 5. Voir toutes les Flottes de Virgile^ et Naudin, Ann, se, nat., série 4. vol. 12, p. m. 6. Cornes, III, mante nei dipinti pompeiani, in-4, p. 20, d'après Museo nazion., vol. 3, pi. 4. PASTÈQUE 209 Pastèque. — Citrullus vulgaris , Schrader — Cucurbita Citrullus, Linné. L'origine de la Pastèque, appelée aussi Melon cTeau, a été longtemps méconnue ou inconnue. D'après Linné, c'était une plante du midi de l'Italie '. L'assertion était tirée de Matthiole, sans faire attention que cet auteur disait l'espèce cultivée. Seringe *, en 1828, la supposait d'Afrique et de l'Inde, mais il n'en donnait aucune preuve. Je l'ai crue de l'Asie méridionale, à cause de sa culture très commune dans cette région. On* ne la connaissait pas à l'état spontané. Enfin on l'a trouvée indigène dans l'Afrique intertropicale, en deçà et au delà de l'équateur », ce qui tranche la question. Livingstone * a vu des terrains qui en étaient littéralement couverts. L'homme et plusieurs espèces d'animaux recherchaient ces fruits sauvages avec avidité. Ils sont ou ne sont pas amers, sans que rien le montre à l'extérieur. Les nègres frappent le fruit avec une hache et goûtent le suc pour savoir s'il est bon ou mauvais. Cette diversité dans des plantes sauvages, végétant sous le même climat et dans le même sol, est propre à faire réfléchir sur le peu de valeur du caractère dans les Gucurbitacées cultivées. Du reste, l'amertume fréquente de la Pastèque n'a rien d'extraordinaire, puisque l'espèce la pins voisine est la Coloquinte {Citrullus Colocynthis), M. Naudin a obtenu des métis féconds d'un croisement entre une Pastèque amère, spontanée au Cap, et une Pastèque cultivée, ce qui con- firme l'unité spécifique accusée par les formes extérieures. On n'a pas trouvé l'espèce sauvage en Asie. Les anciens Egyptiens cultivaient la Pastèque. Elle est figurée dans leurs dessins *. C'est déjà un motif pour croire que les Israélites connaissaient l'espèce et l'appelaient Abbatitckinu comme on le dit; mais en outre le mot arabe Battich, Batteca, qui dérive évidemment ^u nom hébreu, est le nom actuel de la Pastèque. Le nom français vient de l'hébreu, par l'arabe. Une preuve de l'ancienneté de la plante dans la culture du nord de l'Afrique est le nom berbère, Tadellaât ®, trop différent du nopi arabe pour n'être pas antérieur à la conquête. Les noms espa- gnols Zandria^ Cindria et de l'île de Sardaigne Sindria ^, que je ne puis rapprocher d'aucun autre, font présumer aussi une an- cienne culture dans la région méditerranéenne occidentale. En Asie, la culture s'est répandue de bonne heure, car on connaît un 1. Habitat in Apulia, Calabria, Sicilia. (Linné, Species, éd. 1763, p. U35.) 2. Serinée, dans Prodf^omus^ 3, p. 301. 3. Naudin, Ann, se, nat. , série 4, vol. 12, p. 101 ; sir J. Hooker, dans Oliver, Flora of tropical Africa, 2, p. 549. 4. Traduction française, p. 56. 5. Unger a copié les fifçures de l'ouvrage de Lepsius, dans son mémoire Die Pflanzen des alten jÈgyptenSy fig. 30, 31, 32. 6. Dictionnaire français-oerbère, au mot Pastèque. 7. Moris, Flora saraoa. De Gandolle. 14 210 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS nom sanscrit, Chaya-jmla \ mais les Chinois n'ont reçu la plante qu'au x® siècle de Tère chrétienne. Ils la nomment Si kua, qui veut dire melon de l'ouest *. La Pastèque étant annuelle mûrit, au delà des tropiques, dans les pays où Tété est suffisamment chaud. Les Grecs modernes la cultivent beaucoup et la nomment Carpousea ou Carpousia \ mais on ne trouve pas ce mot dans les auteurs de Tantiquité, ni même dans le grec de la décadence et du moyen âge *. C'est un mot commun avec le Karpus des Turcs de Gonstantinople ^, qui se trouve aussi en russe sous la forme de Arbtis ^ et en bengali et hindoustani sous celle de Tarbuj, Turbouz '. Un autre nom de Gonstantinople, cité par Forskal, CAimonico, se trouve en alba- nais, Chimico ®. L'absence d'un ancien nom grec qu'on puisse attribuer avec sûreté à l'espèce fait présumer qu'elle s'est intro- duite dans le monde gréco-romain à peu près au commencement de l'ère chrétienne. Le poème Copa^ attribué à Virgile et Pline, en a peut-être parlé (livre 19, cap. 5), comme le présume Naudin, mais c'est douteux. Les Européens ont transporté le Melon d eau en Amérique, où maintenant on le cultive du Ghili jusqu'aux Etats-Unis. Le Jacé des Brésiliens, figuré dans Pison et Marcgraf, est évidem- ment introduit, car le premier de ces auteurs dit la plante cul* tivée et quasi naturalisée ^. Concombre. — CtACumis sativm^ Linné. Malgré la différence bien visible du Melon et du Concombre, ou Cornichon^ qui appartiennent tous deux au. genre Cucumis^ les cultivateurs supposent que des croisements de ces espèces peuvent avoir lieu et nuisent quelquefois aux qualités du Melon. M. Naudin *** s'est assuré par expérience que cette fécondation n'est pas possible, et il a montré ainsi que la distinction des deux espèces est bien fondée. Le pays d'origine du Cucumis sattvus était réputé inconnu par linnéet de Lamarck. Ën^ 1805, Willdenow ^^ a prétendu que c'était la Tartarie et l'Inde, sans en fournir a4icune preuve. Les botanistes subséquents n'ont pas confirmé cette indication. i . Piddington, Index. 2. Bretschneider, Stitdy and value, etc, p. 17. 3. Heldreich, Pflanzen d. atiischen Ebene, p. 591 ; Nutzpftanzen Gnechen- lancTs, p. 50. 4. Lanffkavel, Botanik der spateren Griechen, 5. Forskal, Flora œrjypto-arabica, part. 1, p. 34. 6. Nemnich, Polygl. Lexicon, 1, p. 1309. 7. Piddington, Index; Pickering, Chronological arrangement j p. 72. 8. Heldreich, Nutzpflanzen, p. 50. 9. « Saliva planla et Iractu lemporis quasi nativa fada* » (Fisc, éd. 1658, p. 233.) 10. Naudin, dans Ann, se. nal.y série 4, vol. 11, p. 31. 11. Willdenow, Spedes, 4, p. 615. CONCOMBRE. m Lorsque j'ai examiné la. question, en 1855^ on n'avait trouvé l'es- pèce sauvage nulle part. D'aprè» divers moti& , tirés" de son ancienne culture en Asie, et en Europe, et surtout de l'existence d'un nom sanscrit,, iS'ot^oâa ^ je disais : a La patrie est probable- ment le nord-ouest de l'Inde, par exemple le Caboul ou quel- que pays adjacent Tout fait présumer qu'on la découvrira un jour dans ces régions encore mal connues: » C'est bien ce. qui s'est réalisé, ai l'on admet, avec les auteurs actuels les mieux informés, que Le Cucumis Hardwickiiy Iloyle rentre dans les formesr du Cucumis sativus. On> peut voir dans l'ouvrage intitulé Hlu$lrations of Bimalamn plants de Royle, p. âSX), pi. 47, une figure coloriée de ce Concombre récolté au pied des monts Himalaya. Les tiges, feuilles et fleurs sont tout à fait celles du C.sativus. Le fruit, ellipsoïde et lisse, a une saveur amère; mais dans le Concombre cultivé il y a des formes analo- gues, et l'on sait que dans d'autres espèces de la famille, par exemple dans la Pastèque, la pulpe est douce ou amère. Sir Josepn Hooker, après avoir décrit la variété remarquable de Concombre dite de Sikkim ^,. ajoute que la forme Hardwiekii^ spontanée de Kumaon à Sikkim, et dont il a recueilli des échan- tdlonsy ne diffère pas plus des plantes cultivées que certaines vsuriétés de celles-ci ne diffèrent les unes des ajitres, et. M. Co^ gniaux, après avoir vu les plantes de l'berbier de Kew, adopte cette opinion '. Le Concombre,, cultivé depuis au moins trois mille ans dans rinde, a été introduit en Chine seulement au deuxième siècle avant Jésus-Christ, lors du retour de Chang. 408, t. 149 6. Clarke, dans Flora of hritish India, 2, p. 614. 7. Bojer, Ilortxis mauritianus, 8. Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhlung^ p. 268. CHAYOTE 217 d'Afrique, je dirai que les quatre autres espèces du genre sont ou asiatiques ou américaines, et, comme indice de plus que la culture des LufTa n'est pas très ancienne, j'ajoute que la forme du fruit a varié beaucoup moins que dans les autres Cucurbi- tacées cultivées. Trichosanthes serpent. — Trichosanthes anguina, Linné. Gucurbitacée annuelle, grimpante, remarquable par sa corolle frangée. On l'appelle dans Tîle Maurice Petole, d'un nom usité à Java. Le fruit, allongé en quelque sorte comme un légume charnu de Légumineuse , est recherché dans TAsie tropicale pour être mangé cuit, comme des concombres. Les botanistes du xvii® siècle l'ayant reçu de Chine, se sont figurés que la plante y est indigène, mais elle y était probable- ment cultivée. Le D' Bretschneider * nous apprend que le nom chinois, Mankua^ signifie Concombre des barbares du sud. La patrie doit être llnde ou l'archipel indien. Aucun auteur cepen- dant n'affirme l'avoir trouvée dans un état clairement spontané. Ainsi M. Clarke se borne à dire dans la flore de Flnde anglaise (2, p. 610^ : « Inde, cultivé. » M. Naudin 2, avant lui, disait : a Habite llnde orientale, où on la cultive beaucoup pour ses fruits. Elle se présente rarement à l'état sauvage. » Rumphius * n'est pas plus affirmatif pour Amboine. Loureiro et Kurz en ce qui concerne la Cochinchine et le pays des Birmans, Blume et Miquel pour les lies au midi de l'Asie, n'ont vu que la plante cultivée. Les 39 autres espèces du genre sont toutes de l'ancien monde, entre la Chine ou le Japon, l'Inde occidentale et l'Aus- tralie. Elles sont surtout dans l'Inde et l'archipel. Je regarde l'origine indienne comme la plus probable. L'espèce a été portée à l'île Maurice, où elle se sème autour des cultures . Ailleurs elle s'est peu répandue. On ne lui connaît aucun nom sanscrit. Chayote. — Sechium edule, Swartz. On cultive cette Cucurbitacée, dans l'Amérique intertropi- cale, pour ses fruits, qui ont une forme de Poire et le goût d'un Concombre. Ils ne contiennent qu'une graine, de sorte que la chair est abondante. L'espèce constitue à elle seule le genre Sechium. On en trouve des échantillons dans tous les herbiers, mais ordinairement les collecteurs n'ont pas indiqué s'ils étaient cultivés, naturalisés ou vraiment spontanés, avec l'apparence d'être originaires du pays. Sans parler d'ouvrages dans lesquels on prétend que cette plante vient des Indes orientales, ce qui est tout à fait faux, plusieurs des plus estimés mentionnent pour origine la 1. Bretschneider, On study, etc., p. 17. 2. Naudin, Ann. se. nat., série 4, vol. 18, p 190. 3. Rumphius, Amboin.y 5, pi. 148. 218 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS Jamaïque *. Cependant P. Browne*, dans le «nilieu du siècle dernier, disait positivement qu'elle y est à l'état de culture, et avant lui Sloane n'en a pas parlé . Jacquin ' dit qu'elle € habite et qu'on la cultive à Cuba », et EUcnard a copié cette phrase dans la flore de R. de La Sagra, sans ajouter quelque preuve. M. Naudin * a dit : « Plante du Mexicjue », mais il ne donne pas les motifs de son assertion. M. Cogniaux '^, dans sa ré- cente monographie, cite un grand nombre d'échantillons re- cueillis du Brésil aux Antilles, sans dire qu'il en ait vu aucun qualifié de spontané. Seemann ^ a vu la plante cultivée à Pa- nama^ et iJ ajoute une remarque importante, si elle est exacte : c'est que le nom de Chayote, usité clans Tisthme, est une cor- ruption d'un nom atztec, ChayotL Voilà un indice d'ancienne existence au Mexique, njais je ne trouve pas ce nom dans Her- nandez, l'auteur classique sur les plantes mexicaines antérieures à la conquête. La Chayote n'était pas encore cultivée à CSayenne il y a dix ans \ Au Brésil, rien ne fait présumer une ancienne culture. L'espèce n'est pas mentionnée dans les anciens auteurs, tels que Piso et Marcgraf, et le nom Chuchu^ donné comme bré- silien ^, me paraît venir de Chocho, usité à la Jamaïque^ lequel est peut-être une corruption du mot mexicain. Les probabilités sont, en résumé : 1^ une origine du Mexique méridional et de TAmérique centrale ; 2° un transport aux Antilles et au Brésil à peu près dans le xviii* «iècle. On a introduit plus tard l'espèce dans les jardins de l*Ue Maurice et récemment en Algérie, où elle réussit k merveille *. Opuntia Fii^ue d'Inde. — Opuntia Fictts indwa^ Miller. La plante grasse, de la famille des Cactacées, sur laquelle vient le fruit appelé dans le midi de l'Europe Figue éFInde^ n'a aucun rapport avec les Figuiers , ni le fruit avec la figue. 11 n'est pas originaire de l'Inde, mais d'Amérique. Tout est ftinx et ridicule dans ce nom vulgaire. Cependant linné en ayant fait un nom botanique. Cactus Ficus indica, rapporte ensiâte au genre Opuntia, il a fallu conserver le nom spécifique, pour éviter les changements, sources de confusion, et rappeler la dénomina- tion populaire. Les formes épineuses et plus ou moins dépour- vues d'épines ont été désignées par quelques auteurs comme des espèces distinctes, mais un examen attentif porte à les réunir '*. 1. Grisebach, Flora of brit. W, India Islands, p. 286. 2. Browne, Jamaica^ p. 355. 3. Jacquin, Stirp. amer, hist,^ p. 259. 4. NandiD, Ann, se, nat,, série 4, voL 18, p. â05. 5. Dans Monogr, Phaner,, 3, p. 902. 6. Seemann, Bot. of Herald^ p. 128. 7. Sugot, Journal de la Soc. ahortic. de France, 1872. 8. Cogniaux, Flora brasil., fasc. 78. 9. Saçot, /. c, 19. 10. Webb et Berthelot, Phytographia canariensis, sect. I, p. ; GROBBILLIBR A MAQUEREAUX S19 L'espèce existait, à l'état spontané et caltivé, au Mexique, avant l'arrivée des Espagnols. Hernandez * en décrit neuf va- riétés, ce qui montre l'ancienneté de la culture. L'une d'elles, à peu près sans épines, paraît avoir nourri plus spécialement que les autres Tinsecte appelé cochenille, qu on a transporté avec la plante aux îles Canaries et ailleurs. On ne peut pas savoir jusqu'où s'étendait l'habitation en Amérique avant que l'homme eût transporté les fragments de la plante, en forme de raquette, et les fruits, qui sont deux moyens faciles de propagation. Peut- être les individus sauvages dans la Jamaïque et autres îles Antilles dont parlait Sloane *, en 1725, étaient-ils le résultat d'une introduction par les Espagnols. Assurément l'espèce s'est naturalisée dans cette direction aussi loin que le climat le lui per- met, par exemple jusqu'à la Floride méridionale '. •Cest une des premières plantes que les Espagnols aient trans- portées dans le vieux monde, soit en Europe, soit en Asie. Son apparence singulière frappait d^autant plus l'attention qu'au- cune espèce de la famille n'avait encore été vue *. Tous les botanistes du xvi® siècle en ont parlé, et en môme temps la (ihuite s'est naturalisée dans le miidi de l'Europe et en Afrique à mesure qu'on se mettait à la cultiver. C'eât en Espagne que i^Opuntîa a d'abord été connu sous le nom américain de Tuna, et probablement se sont les Maures qui Tont porté en Barbarie, 3nand on les a chassés de la Péninsule. Ils le nommaient Figue e chrétien ^. L'usage d'entourer les propriétés de Figuiers dinde, comme clôture, et la -valeur nutritive des fruits, assez fortement sucrés, ont déterminé l'extension autour de la mer Méditerranée et en général dans les pays voisins des tropiques. L'élève de la cochenille, qui nuisait à la production des fruits ^, est en pleine décadence depuis la fabrication des matières colo- rantes par des procédés chimiques. Groseillier À maquereaux. — RU>es Grosmlaria et R. Ova- crispa, Linné. Les formes cultivées iprésentent ordinairement un ihiit lisse ou qui porte quelques gros poils raides, tandis que le fruit de la forme sauvage (R, •Uva-'crispa) a des^poUs mous et moins longs ; mais on a constaté souvent des intermédiaires, et il a été prouvé, par expérience, qu'en semant des graines du fruit cultivé on obtient des pieds ayant des poils ou sans poils ^ Il n'y a, par conséquent, qu'une seule espèce, qui a donné par la culture une 1. Hernandez, Thésaurus Novœ Hispaniie^ p. 78. 2. Sloane, Jamaicay 2, p. 150. 3. Chapman, Flora of south, United states^ p. 144. 4. Le Cactos des Grecs était tout autre chose. 5. Steinheil, dans Boissier, Voyage bot, en tspagnCf 1, p. 25. 6. Webb et Bertheiot, Phyt, canar, 7. Robson, cité dans English botany^ planche 2057. 220 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS variété principale et plusieurs sous- variétés quant à la grosseur, la couleur ou la saveur du fruit. Ce Groseillier croît spontanément dans toute l'Europe tem- pérée, depuis la Suède méridionale jusque dans les parties mon- tueuses de TEspagne centrale, de l'Italie et de la Grèce *. On le mentionne aussi dans l'Afrique septentrionale, mais le dernier catalogue publié des plantes d'Algérie ^ l'indique seulement dans les montagnes d'Aurès, et M. Bail en a trouvé une variété assez distincte dans l'Atlas du Maroc ^ Il existe dans le Cau- case * et, sous des formes plus ou moins différentes, dans l'Hima- laya occidental ^. Les Grecs et les Romains n'ont pas parlé de cette espèce, qui est rare dans le midi et qu'il ne vaut guère la peine de planter là où les raisins mûrissent. C'est surtout en Allemagne , en Hollande et en Angleterre qu'on l'a cultivée, depuis le xvi* siè- cle ^, principalement pour assaisonnement, d'où viennent les noms de Gooseberry en anglais et de Groseille à maquereaux en français. On en fait aussi une sorte de vin. La fréquence de la culture dans les îles Britanniques et les lieux où on le trouve, qui sont souvent près des jardins, ont fait naître chez plusieurs botanistes anglais l'idée d'une naturalisa- tion accidentelle. C'est assez probable pour l'Irlande ' ; mais, comme il s'agit d'une espèce essentiellement européenne, je ne vois pas pourquoi en Angleterre, où la plante sauvage est plus commume, elle n'aurait pas existé depuis l'établissement de la plupart des espèces de la flore britannique, c'est-à-dire depuis la fin de l'épocjne glaciaire, avant la séparation de l'Ile d'avec le continent. Phillips cite un vieux nom anglais tout particuliw, Feaberry ou Feabes^ qui vient à l'appui d'une ancienne exis- tence, de même que deux noms gallois *, dont je ne puis cepen- dant pas attester l'originalité. Groseillier rouge. — Ribes rubrum, Linné. Le Groseillier ordinaire, rouge, est spontané dans l'Europe septentrionale et tempérée, de même que dans toute la Sibérie* jusqu'au Kamtschatka, et en Amérique du Canada et du Ver- mont à l'embouchure de la rivière Mackensie *®. Comme le précédent, il était inconnu aux Grecs et aux Ro- 1. Nyman, Conspectus fl, europex^ p. 266 ; Boissier, FI. or,^ 2, p. 815. 2. Mimby, Catal., éd. 2, p. 15. 3. Bail, Spicilegium fl, marocc, p. 449. 4. Ledebour, FL ross,^ 2,jp. 194; Boissier, /. c. 5. Clarke, dans Hooker, Fl.. brit. India, 2, p. 410. 6. Phillips, Account of ftmits, p. 174. 7. Moore et More, Contrib. to the Cybebe hibernica^ p. 113. 8. Davies, Welsh botanology^ p. 24. 9. Ledebour, Fl. ross., 2, p. 199. 10. Torrev et Gray, FL N. Am., 1, p. 150. GROSEILLIER ROUGE 221 mains, et la culture s'en est introduite dans le moyen âge seule- ment. La plante cultivée diffère à peine de la plante sauvage. L'origine étrangère pour le midi de rEurope est attestée par le nom Groseille a outremer^ donné en France *, au xvi® siècle. A Genève, la Groseille se nomme encore vulgairement Raisin de mare^ et, dans le canton de Soleure, Meej'trûbli, Je ne sais pour- quoi on s'est imaginé, il y a trois siècles, que Fespèce venait d'ou- tremer. Peut-être doit-on Tentendre dans ce sens, qu'elle aurait été importée par les Danois et les Normands, ou que ces peuples du nord, venus par mer, en auraient introduit la culture. J'en doute, cependant, car le Bibes rubrum est spontané dans presque toute la Grande-Bretagne * et en Normandie ' ; les Anglais, qui ont eu des rapports fréquents avec les Danois, ne le cultivaient pas encore en 1557, d'après une liste des fruits de cette époque rédigée par Th. Tusser et publiée par Phillips *, et même du temps de Gerarde, en 1597 •*, la culture en était rare et la plante n'avait pas de nom particulier ^ ; enfin, il y a des noms français et bretons qui font supposer une culture antérieure aux Normands dans l'ouest de la France. Les vieux noms de cette contrée nous sont indiqués dans le Dittionnaire de Ménage. Selon lui, on appelait les groseilles rouges, à Rouen Gardes, à Gaen Grades^ dans la basse Nor- mandie Gradilles^ et dans son pays, en Anjou, Castilles, Ménage fait venir tous ces noms de rubius, rubicus^ etc., par une suite de transformations imaginaires, du mot ruber, rouge. Legonidec ^ nous apprend que les Groseilles rouges se nomment aussi Kas- tilez (avec / mouillée) en Bretagne, et il fait venir ce nom de Castille, comme si un fruit fort peu connu en Espagne et abon- dant dans le nord pouvait venir de la péninsule. Ces mots, répandus à la fois en Bretagne et hors de Bretagne, me semblent d'une origine celte, et à l'appui je dirai que, dans le Dictionnaire de Legonidec lui-même, gardiz signifie en breton rude, âpre, piquant, aigre, etc., ce qui fait deviner l'étymologie. Le nom générique Bibes a donné lieu à d'autres erreurs. On avait cru reconnaître une plante appelée ainsi par les Arabes ; mais ce mot vient plutôt d'un nom très répandu dans le nord pour le Gro- seillier, Bibs en danois *, Bisp et Besp en suédois ®. Les noms slaves sont tout différents et assez nombreux. i. Dodoneus, p. 748. 2. Watson, Cybele brit. 3. Brebisson, Flore de Normandie, p. 99. 4. Phillips, Account of fruits, p. 136. 5. Gérard, Hei^bal, p. 1143. 6. Celui de Currant est venu plus tard, par suite de l'analogie avec les raisins de Corinthe (Phillips, ib.), 7. Legonidec, Diction, celio- breton* 8. Moritzi, Dict, inéd. des noms vulgaires, 9. Linné, Flora suecica, n. 197. 222 PLANTES CULTIVÉES POUR. LEURS FRUITS Groseillier noir. — Cassis. — Bibes nignan^ Linné. Le Cassis existe à l'état spontané dans TEurope septentrionale^ depuis l'Ecosse et la Laponie jusque dans le nord de la France et de l'Italie ; en Bosnie S en Arménie ^,. dans toute la Sibérie, et la région du fleuve Amour, et dans l'Himalaya occidental '. Il se naturalise souvent, par exemple, dans le centre de la France *. Les Grecs et les Romains ne connaissaient pas cet arbuste, qui est propre à des pays plus froids que le& leurs. D'après la diversité de ses noms dans toutes les langues, même antérieures aux Aryens, du nord de l'Europe, il est clair qu'on en recher- chait les fruits à une époque ancienne, et qu'on a probablement commencé à le cultiver avant le moyen âge. J. Bauhin ^ dit qu'on le plantait dans les jardins en France et en Italie, mais la plupart des auteurs du xvi® siècle n'en parlent pas. On trouve dans V Histoire de la vie privée des Français, par Le Grand d'Aussy, publiée en 1782, vol. i, p. 232, cette phrase assez curieuse : « Le Cassis n'est guère cultivé que depuis une quarantaine d'années,. et il doit cette sorte de fortune à une brochure intitulée Culture du cassis, dans laquelle l'auteur attribuait à cet arbuste toutes les vertus imaginables. » Plus loin (vol. 3, p. 80), l'auteur revient sur l'usage fréquent du ratafia de cassis depuis la brochure ea question. Bosc, toujours exact dans ses articles du Dictionnaire a' agriculture, parle bien de cet engouement, au nom Gboseilukr,. mais il a soin de dire : « On le cultive de très ancienne date, .pour son fruit, qui a une odeur particulière, agréable aux uns, désar gréable aux autres et passe pour stomachique et diurétique. » Il est employé dans la fabrication des liqueurs appelées ratafia et cassis ^. Olivier. — Olea europaea, Linné. L'Olivier sauvage, désigné dans les livres de botanique comme variété sylvestris ou Oleaste7\ se distingue de l'arbre cultivé par un fruit plus petit, dont la chair est moins épaisse. On obtient 1. Watson, Compend. Cybele, 1, p. 177; Fries, Sùmma veg. Scandmacimj p. 39 ; Nyman, Conspectus fl09's ewropex, p. 266. 2. Boissier. FI. or,, 2, p. 815. 3. Ledebour, FI. 7'oss., p. 200 ; Maximovicz, Primitix fi. AmuTy p. 119; Clarke, dans Hooker, FI. brit. India, 2, p. 411. 4. Boreau, Flore du centre de la France, éd. 3, p. 262. 5. Bauhin, Hist. plant., 2, p. 99. 6. Ce nom de cassis est assez singulier. Littré, dans aon Dictionnaire, dit qu'il semble être entré tardivement dans la langue et qu'il n'en connaît pas l'origine. Je ne l'ai pas trouvé dans les livres de botanique avant le milieu du xviu*^ siècle. Mon recueil manuscrit de noms vulgairea ne pré- sente pas, sur plus de quarante noms de cette espèce dans différentea lan- gues ou patois, un seul nom analogue. Buchoz, dans son Dictionnaire des plantes, 1770, 1, p. 289, appelle la plante le cassis ou cassetier des Poi- tevins. L'ancien nom français était poivrier ou groseillier noir. Le Diction- naire de Larousse dit gu'on fabriquait des liqueurs estimées à.Gaasis, en Provence. Serait-ce l'origine du nom? ou VISA 223 d6 meUi^urs fruits par le choix des graines, les boutures ou les greffes de bonnes vai^iétés. làOkctëter existe aujourd'hui dans une vaste région à Test et à Touest de la Syrie, depuis le Punjab et le Belouchistan \ jusqu'en Portugal, et môme à Madère, aux îles Canaries et au Maroc '; et, dsms la direction du midi au nord, depuis TAtlas jusqu'au midi de la France, l'ancienne Macédoine, la Grimée et le Caucase ^. Si l'on compare ce que disent les voyageurs et les auteurs de flores, il est aisé de voir que sur les frontières de cette habitation on a souvent des doutes à l'égard de la qualité spontanée et indigène, c'est-à-dire très ancienne, de l'espèce. Tantôt, elle se présente à l'état de buissons, qui fructi- fient peu ou point, et tantôt, par exemple en Crimée, les pieds sont rares, comme s'ils avaient échappé, par exception, aux effets destructeurs d'hivers trop rigoureux qui ne permettent pas un établissement déflnitif. En ce qui concerne l'Algérie et le midi de la France, les doutes se sont manifestés dans une discussion, entre' des hommes très compétents, au sein de la Société bota- nique ^. Us reposent sur le fait incontestable que les oiseaux transportent -fréquemment les noyaux d'olives dans les endroits non cultivés et stériles, où la forme sauvage de VOleaster se produit et se naturalise. La question n'est pas bien posée lors(^u'on se demande si les Oliviers de telle ou telle localité sont vraiment spontanés. Dans une espèce ligneuse qui vit aussi longtemps et qui repousse du pied quand un accident l'a atteinte, il est impossible de savoir l'origine des individus qu'on observe. Ils peuvent avoir été semés par l'homme ou les oiseaux à une époque très ancienne^ car on connaît des Oliviers de plus de mille ans. L'effet de ces semis est une naturaUsation, qui revient à dire une extension de l'ha- bitation. Le point à examiner est donc de savoir quelle a été la patrie de l'espèce dans les temps préhistoriques très anciens, et comment cette patrie est devenue de plus en plus grande à la suite des transports de toute nature. Ce n'est pas la vue des Oliviers actuels qui peut résoudre cette question. Il faut chercher dans- quels pays a commencé la culture et comment elle s'est propagée. Plus elle a été ancienne dans une région, plus il est probable que l'espèce s'y trouvait à l'état sauvage depuis les événements géologiques antérieurs aux faits de l'homme pré- historique. 1. Aitchison, Catalogue ^ p. 86. 2. Lowe, Manual flora of Madeira, 2, p. 20 ; Webb et Berthelot, hist. nat. des ÔanaHeSy Géogr. bot,^ p. 48 ; Bail, Spicilegium floral maroccanœ^ p. 565. 3. Cosson, Bull. Soc, bot. France, 4, p. 107, et 7, p. 31 ; Grisebacli, Spi- cilegium florse rumelicœ^ 2, p. 71 ; Steven, Verzeichniss cf. taurischen Hal- bimeln, p. 248 ; Ledebour, El. ross,^ p. 38. 4. Bulletin, 4, p. 107. 224 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS Les plus anciens livres hébreux parlent de TOlivier, Sait ou Zeit^ sauvage et cultivé *. C'était un des arbres promis de la terre de Canaan. La plus ancienne mention est dans la Genèse, où il est dit que la colombe lâchée par Noé rapporta une feuille d'Olivier. Si l'on veut tenir compte de cette tradition accompa- gnée de détails miraculeux, il faut ajouter que, d'après les dé- couvertes de l'érudition moderne, le mont Ararat de la Bible devait être à l'orient du mont Ararat actuel d'Arménie, qui s'appelait anciennement Masis. En étudiant le texte de la Genèse, François Lenormand * reporte la montagne en question jusqu'à i'Hindou- kousch, et même aux sources de llndus. Mais alors il la suppose près du pays des Aryas, et cependant l'Olivier n'a pas de nom sanscrit, pas même du sanscrit dont les langues indiennes sont dérivées *. Si l'Olivier avait existé dans le Punjab, comme main- tenant, les Aryo-Indiens, dans leurs migrations vers le midi, l'au- raient probablement nommé, et s'il avait existé dans le Mazan- déran, au midi de la mer Caspienne, comme aujourd'hui, les Aryens occidentaux l'auraient peut-être connu. A ces indices négatifs, on peut objecter seulement que l'Olivier sauvage n'attire pas beaucoup l'attention et que l'idée d'en extraire de l'huile est peut-être venue tardivement dans cette partie de FAsie. D'après Hérodote ^, la Babylonie ne produisait pas d'Oliviers et ses habitants se servaient d'huile de «Sésame. Il est certain qu'un pareil pays, souvent inondé, n'était pas du tout favorable à l'Olivier. Le froid l'exclut des plateaux supérieurs et des montagnes du nord de la Perse. J'ignore s'il existe un nom zend, mais le nom sémitique Sait doit remonter à une grande ancienneté, car il se retrouve à La fois en persan moderne, Seitun ^, et en arabe, Zeitun^ Sjetun • ; il est même dans le turc et chez les Tartares de Crimée, Seitun ', ce qui pourrait faire présumer une origine touranienne ou de l'époque très reculée au mélange des peuples sémitiques et tou- raniens. Les anciens Egyptiens cultivaient l'Olivier, qu'ils appelaient Tat *. Plusieurs botanistes ont constaté la présence de rameaux ou de feuilles d'Olivier dans les cercueils de momies •. Rien \, Uoaenmûller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, yoI, 4, p. 2ô8, et Hamilton, Botanique de la Bible^ p. 80, où les passages sont iaouqnés. 2. Fr. Lenormand, Manuel de Vhistoire ancienne de l'Orient, 1869, vol. 1, p. 31. 3. Fick, Wôrterbuch. — Piddington, Index, ne mentionne qu'un nom hifl- doustani^ Julpai, 4. Hérodote, Hist.^ 1. 1, c. 193. 5. Boissier, Flora or,, 4, p. 36. 6. Ebn Baïtliar, trad. aUem., p. 569; Forskal, Plant. Egypt., p. 49. 7. Boissier, /. c. ; Steven, /. c. 8. Unger, Die Pflanzen d. alten JEgyptens, p. 45. 0. De Candolle, Physiol. végét., ja. 696; Al. Braun, /. c, p. 12; Pleyte, cite par Braun et par Aschersoii, Sitzber. Naturfor. Ges,, 15 mai 1877. OLIVIER 338 n'est plus certain, quoique M. Hehn ait dit récemment le con- traire, sans alléguer aucune preuve à l'appui de son opinion *. Il serait intéressant de savoir sous quelle dynastie avaient été déposés les cercueils les plus anciens dans lesquels on a trouvé des rameaux d'Olivier. Le nom égyptien, tout différent du nom sémite, indique une existence plus ancienne que les pre- mières dynasties. Je citerai tout à Tneure un fait à l'appui de cette grande antiquité. Selon Théophraste ', il y avait beaucoup d'Oliviers et l'on récoltait beaucoup d'huile dans la Gyrénaïque, mais il ne dit pas que l'espèce y fût sauvage, et la circonstance qu'on récoltait beaucoup d'huile fait présumer une variété cultivée. La contrée basse et très chaude entre l'Egypte à l'Atlas n'est guère favorable à une naturalisation de l'Olivier hors des plantations. M. Kralik, botaniste très exact, dans son voyage à Tunis et en Egypte, ne l'a vu nulle part à l'état sauvage ^; bien qu'on le cultive dans les oasis. En Egypte, il est seulement cultivé, d'après MM. Schwein- furth et Ascherson, dans leur résumé de la flore de la région du NU*. La patrie préhistorique s'étendait probablement de la Syrie vers la Grèce, car l'Olivier sauvage est très commun sur la côte méridionale de l'Asie Mineure. Il y forme de véritables forêts ^. C'est sans doute là et dans l'Archipel que les Grecs ont pris de bonne heure connaissance de cet arbre. S'ils ne l'avaient pas vu chez eux, s'il l'avaient reçu des peuples sémites, ils ne lui au- raient pas donné un nom spécial, Blaia, dont les Latins ont fait Olea. Jj Iliade et VOdyssée mentionnent la dureté du bois d'Oli- vier et l'usage de s'oindre le corps avec son huile. Celle-ci était d'un emploi habituel pour la nourriture et l'éclairage. La my- thologie attribuait à Minerve la plantation de l'Olivier dans l'Attique, ce qui signifie probablement l'introduction de variétés cultivées et de procédés convenables pour l'extraction de l'huile. Aristée avait introduit ou perfectionné la manière de presser le fruit. Ce même personnage mythologique, du nord de la Grèce, avait porté, disait-on, l'Olivier en Sicile et en Sardaigne. Les Phéniciens, à ce qu'il semble, ont pu s'en acquitter comme lui et de très bonne heure, mais, à l'appui de l'introduction de l'espèce ou d'une variété perfectionnée par les Grecs, je dirai que dans les îles de la Méditerranée le nom sémite Zeit n'a laissé aucune trace. C'est le nom gréco-latin qui existe comme en Italie ®, tandis que sur la côte voisine d'Afrique et en Espagne ce sont 1. Hehn, Kulturpflanzen, éd. 3, p. 88, ligne 9. 2. Theophrastes^ Hist. plant., 1. 4, c. 3, a la fin. 3. Kralik, dans Bull. Soc. bot. Fr., 4, p. 108. 4. Schweinfurth et Ascherson, Beitràge zur flora JEthiopiens^ p. 281. 5. Balansa. Bull. Soc. bot. de France, 4, p. 107. 6. Moris, Flora sardoa, 3, p. 9 ; Bertoloni, Flora itaL, 1, p. 46. De Candolle. V6 226 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS des noms égyptien ou arabe, comme je Texpliquerai dans un instant. Les Romains ont connu l'Olivier plus tard que les Grecs, D'après Pline *, ce serait seulement à l'époque de Tarquin l'Ancien, en 627 avant J.-C, mais probablement Tespèce exis- tait déjà dans la Grande Grèce, comme en Grèce et en Sicile. D'ailleurs Pline voulait parler peut-être de l'Olivier cultivé. Un fait assez singulier, qui n'a pas été remarqué et discuté par les philologues, est que le nom berbère de l'Olivier et de l'olive a pour racine Taz ou Tas^ analogue au Tat des anciens Egyptiens. Les Kàbaïles de la division d'Alger, d'après le Dic- tionnaire français-berbère, publié par le gouvernement français, appellent l'Olivier sauvage Tazebboujt^ Tesettha Ow' Zebbouj et l'Olivier greffé Tazemmourt^ Tasettha Ou' zemmour. Les Touaregs, autre peuple berbère, disent Tamahinet^. Ce sont bien des indices d'ancienneté de l'Olivier en Afrique. Les Arabes ayant conquis cette contrée et refoulé les Berbères dans les montagnes et le désert, ayant également soumis l'Espagne à l'exception du pays basque, les noms dérivés du sémitique Zeit ont prévalu même dans l'espagnol. Les Arabes d'Alger disent Zenbotidje pour l'Olivier sauvage, Zitoun pour l'olivier cultivé ', Zit pour l'nuiie d'olive. Les Andalous appellent l'olivier sauvage Azeb\iche et le cultivé Aceytuno *. Dans d'autres provinces, on emploie concuremment le nom d'origine latine, Olivio, avec les noms arabes ^. L'huile se dit en espagnol aceyte^ qui est presque le nom hébreu; mais les huiles saintes s'appellent oleos santos, parce qu'elles se rattachent à Rome. Les Basques se servent du nom latin de l'Olivier. D'anciens voyageurs aux îles Canaries, par exemple Bontier, en 1403, mentionnent l'Olivier dans cet archipel, où les botanistes modernes le regardent comme indigène ^ Il peut avoir été intro- duit par les Phéniciens, s'il n'existait pas antérieurement. On ignore si les Guanches avaient des mots pour olivier et huile. Webb et Berthelot n'en indiquent pas dans leur savant chapitre sur la langue des aborigènes \ On peut donc se livrer à diflfé- rentes conjectures. Il me semble que l'huile aurait joué un rôle important chez les Guanches s'ils avaient possédé l'Olivier, et qu'il en serait resté quelque trace dans la langue actuelle popu- laire. A ce point de vue, la naturalisation aux Canaries n'est peut-être pas aussi ancienne que les voyages des Phéniciens. Aucune feuille d'Olivier n'a été trouvée jusqu'à présent dans 4. Pline, Hist., 1. 15, c. 1. 2. Duveyrier, Les Toîiaregs du nord (1864), p. 179. 3. Munby, Flore de l'Algérie, p. 2 ; Debeaux, Catal. Boghar, p. 68, 4. Boissier, Voyage bot. en Espagne^ éd. 1, 2, p. 407. 5. Willkomm et Lange, Prodr, fl. hispan., 2, p. 672. 6. Webb et Berthelot, Hist. nat. des Canaries, Géog. bot., p. 47 et 48. 7. Webb et Berthelot, Ibid., Ethnographie, p. 188. CAÏNITIER 227 les tufs de la France méridionale, de la Toscane et de la Sicile, où Ton a constaté le laurier, le myrte et autres arbustes actuelle- ment vivants. C'est un indice, jusqu'à preuve contraire, de natu- ralisation subséquente. L'Olivier s'accommode bien des climats secs, analogues à celui de la Syrie ou de l'Algérie. Il peut réussir au Gap, dans plusieurs régions de l'Amérique, en Australie, et sans doute il y deviendra spontané quand on le plantera plus souvent. La lenteur de sa croissance, la nécessité de le greffer ou de choisir des rejetons d'une bonne variété, surtout la concurrence d'autres espèces oléifères ont retardé jusqu'à présent son expansion, mais un arbre qui donne des produits sur les sols les plus ingrats ne peut pas être négligé indéfiniment. Même dans notre vieux monde, où il existe depuis tant de milliers d'années, on doublera sa production quand on voudra prendre la peine de greffer les pieds sauvages, à l'imitation des Français en Algérie. Gaînltier. — Chrmophyllum Caînito^ Linné. Le Gaùiitier ou Gaïmitier , Star apple des Anglais , ap- partient à la famille des Sapotacées. If donne un fruit assez estimé dans l'Amérique tropicale, quoique les Européens ne l'aiment pas beaucoup. Je ne vois pas qu'on se soit occupé de l'introduire dans les colonies d'Afrique ou d'Asie. De Tussac en a donné une bonne figure dans sa flore des Antilles, vol. 2, pi. 9. Seemann * a vu le Chysophyllum Caînito sauvage dans plu- sieurs endroits de Pisthme de Panama. De Tussac, colon de Saint-Domingue, le regardait comme spontané dans les forêts des Antilles, et Grisebach ' le dit spontané et cultivé à la Jamaï- que, Saint-Domingue, Antigoa et la Trinité. Avant lui, Sloane le considérait comme échappé des cultures à la Jamaïque, et Jacquin s'est servi d'une expression vague en disant : « Habite à la Martinique et à Saint-Domingue '. » Gaîmito. — Lucuma Caïmito, Alph. deGandolle. Il ne faut pas confondre ce Gaîmito, du Pérou, avec le Chry- sophyllum Caînito des Antilles. Tous deux appartiennent à la famille des Sapotacées, mais leurs fleurs et leurs graines diffè- rent. Gelui-ci est figuré dans Ruiz et Pavon, Flora peruviana, vol. 3, pi. 240. Cultivé au Pérou on l'a transporté à Ega, sur le fleuve des Amazones, et à Para, où communément on le nomme Abi ou Abiu *. D'après Ruiz et Pavon, il est sauvage dans les parties chaudes du Pérou, au pied des Andes. 1. Seemann, Bofany of Herald^ iû. 166. 2. Grisebach, Flora of british W. Ind. islands, p. 398. 3. Sloane, Jamaïgite, 2, p. 170 ; Jacquin, Amer.y p. 52. 4. Flora ôrasil., vol. 7, p. 88. 228 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS Mammei ou Mammei-Sapote. — Lucuma mammosa, Gsertner. Cet arbre fruitier, de l'Amérique tropicale et de la famille des Sapotacées, a donné lieu dans les ouvrages de botanique à plu- sieurs méprises *. Il n'a pas encore été figuré d'une manière complète et satisfaisante, parce que les colons et les voyageurs le croient trop connu pour en envoyer des échantillons bien choisis, qu'on puisse décrire dans les herbiers. C'est du reste une négligence assez fréquente lorsqu'il s'agit de plantes cultivées. Le Mammei est cultivé aux Antilles et dans certaines régions chaudes du continent américain. M. Sagot nous dit qu'il ne l'est pas à Cayenne, mais bien dans le Venezuela ^. Je ne vois pas qu'on Tait transporté en Afrique ou en Asie, si ce n'est aux îles Philippines ^. C'est à cause, probablement, de la saveur trop fade de son fruit. Humboldt et Bonpland l'ont trouvé sauvage dans les foi*éts des missions de l'Orénoque '*. Tous les auteurs l'indiquent dans les Antilles, mais comme cultivé, ou sans affirmer qu'il soit spontané. Au Brésil il est uniquement dans les jardins. Sapotillier — Sapota Achras, Miller. Le fruit du Sapotiller est le plus estimé de la famille des Sa- potacées et l'un des meilleurs des régions intertropicales. Une Sapotille plus que mûre, dit Descourtilz dans sa flore des An- tilles, est fondante et ofiTre les doux parfums du miel, du jasmin et du muguet. L'espèce est très bien figurée dans le Botanical Magazine^ pi. 3111 et 3112, ainsi que dans Tussac, Flore des An- tilles, 1, pi. 5. On Ta introduite dans les jardins de l'île Maurice, de l'archipel asiatique et de llnde, depuis l'époque de Rum- phius et Rheede, mais personne ne doute de son origine améri- caine. Plusieurs botanistes l'ont vue à l'état spontané dans les forêts de l'isthme de Panama, de Campêche ^, du Venezuela ® et peut- être de la Trinité ^. A la Jamaïque, du temps de Sloane, elle existait seulement dans les jardins ^. Il est bien douteux qu'elle soit sauvage dans les autres Antilles , quoique peut-être des graines jetées çà et là l'aient naturalisée jusqu'à un certain de- gré. Dans les plantations, les jeunes pieds ne sont pas faciles à élever, d'après Tussac. 1. Voir la synonymie dans Flora brasiliensiSj vol. 7, p. 66. 2. Sagot, dans Journal Soc. d'hort. de France, 1872, p 347. 3. Blànco, FL de Filipinas, sous le nom d'Achras Lucuma. 4. Nova gênera, 3, p. 240. 5. Dampier et Lnssan, dans Sloane, Jamaïca, 2, p. 172; Seemann, Bot. of Herald, p. 166. 6. Jacquin, Amer., p. 59; Humboldt et Bonpland, Nova gênera, 3, p. 239. 7. Grisebach, Flora of brit, W. Ind., p. 399. 8. Sloane, /. c. AUBERGINE. — PIMENTS 229 Aubergine. — Solanum Melongena^ Linné. — Solarium escu^ lentum^ Dunal. L'Aubergine a un nom sanscrit, Vartia^ et plusieurs noms que Piddington, dans son Index^ regarde comme à la fois sanscrits et bengalis, tels que Bong, BartakoUy Mahoti, Hingoli, Wallich, dans son édition de la flore indienne de Roxburgh, indique Varttay Varttakou^ Yarttakay Bunguna^ d'oùl'industani Bungan, On ne peut douter, d'après cela, que l'espèce ne fût connue dans l'Inde depuis un temps très reculé. Rumphius l'avait vue dans les jardins des îles de la Sonde et Loureiro dans ceux de la Gochinchine. Thunberg ne la mentionne pas au. Japon, quoique maintenant on en cultive plusieurs variétés dans ce pays. Les Grecs et les Romains n'en avaient pas connaissance, et aucun botaniste n'en a parlé en Europe avant le commence- ment du XVII® siècle *, mais la culture a dû se propager vers l'Afrique avant le moyen âge. Le médecin arabe Ebn Baithar *, qui écrivait au xiii® siècle, en a parlé, et il cite Rhasès, qui vivait dans le ix® siècle. Rauwolf * avait vu la plante dans les jardins d'Alep, à la fin du xvi® siècle. On l'appelait Melanzana eiBeden- giam. Ce nom arabe, que Forskal écrit Badindjan, est commun avec rhindustani Badanjan^ donné par Piddington. Un indice d'ancienneté dans l'Afrique septentrionale est l'existence chez les Berbères ou Kabyles de la province d'Alger * d'un nom, Tabend- jaltSy qui s'éloigne asssez du nom araoe. Les voyageurs mo- dernes ont trouvé l'Aubergine cultivée dans toute la région du Nil et sur la côte de Guinée ^. On l'a transportée en Amérique. La forme cultivée du Solanum Melongena n'a pas été trouvée jusqu'à présent à l'état sauvage, mais les botanistes sont assez d'accord pour considérer les Solanum insanum^ Roxburgh^ et S. incanum, Linné^ comme appartenant à la môme espèce. On ajoute même d'autres synonymes, conformément à une étude faite par Nées d'Esenbeck sur de nombreux échantillons ^. Or le S. tnsanum parait avoir été trouvé sauvage dans la province de Madras et à Tong-Dong, chez les Birmans. La publication prochaine des Solanées dans la flore de l'Inde anglaise de sir J. Hooker donnera probablement sur ce point des détails plus précis. Piments. — Poivre de Gayenne. — Capsicum, Le genre Capsicum, dans les meilleurs ouvrages de botanique, «st encombré d'une multitude de formes cultivées, qu'on n'a 1. Dunal, Histoire des Solanum, p. 209. 2. Ebn Baithar, trad. allemande, 1, p. 116. 3. Rauwolf, Flora orient., édit. Gronmgue, p. 26. 4. Dictionn. français- berbère, publié par le gouvernement français. 0. Thonnin^, sous le nom de S. edule ; Hooker, Niger Flora, p. 473 6. Transactions of the Linnean society, 17, p. 48; Baker, Flora of Mauri' iius, p. 215. 230 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS pas vues à Tétai sauvage et qui diffèrent surtout par ]a durée de la tige — chose assez variable — ou par la forme du fruit, carac- tère de peu de valeur dans des plantes cultivées précisément pour les fruits. Je parlerai des deux espèces le plus souvent cul- tivées, mais je ne puis m'empècher d'émettre l'opinion qu'au- cun Gapsicum n'est originaire de l'ancien monde. Je les crois tous d'origine américaine, sans pouvoir le démontrer d'une ma- nière complète. Voici mes motifs. Des fruits aussi apparents, aussi faciles à obtenir dans les jar- dins, et d'une saveur si agréable aux habitants des pays chauds se seraient répandus très vite dans l'ancien monde s'ils avaient existé au midi de l'Asie, comme on le suppose quelquefois. Us auraient des noms dans plusieurs des langues anciennes. Cepen- dant les Romains, les Grecs et même les Hébreux n'en avaient pas connaissance. Ils ne sont pas mentionnés dans les anciens livres chinois ^ Les insulaires de la mer Pacifique ne les culti- vaient pas lors du voyage de Gook ^, malgré leur proximité des îles de la Sonde, où Rumphius mentionnait leur emploi très habituel. Le médecin arane Ëbn Baithar, qui a recueilli au XIII* siècle tout ce que les Orientaux avaient dit sur les plantes officinales, n'en parle pas. Roxburgh ne connaissait aucun nom sanscrit pour les Gapsi* cum. Plus tard, Piddington a cité pour le C. frutescens un nom, Bran-marichay qu'il dit sanscrit ' ; mais ce nom, qui roule sur comparaison avec le poivre noir {Muricha^ Murichung)^ est-il vraiment ancien? Gomment n'aurait-il laissé aucune trace dans les noms des langues indiennes dérivées du sanscrit ^? La qualité spontanée, ancienne, des Gapsicum est toujours incertaine, à cause de la fréquence des cultures; mais elle me paraît plus souvent douteuse en Asie que dans l'Amérique méri- dionale. Les échantillons indiens décrits par les auteurs les plus dignes d'attention viennent presque tous des herbiers de la com- pagnie des Indes, dans lesquels on ne sait jamais si une plante paraissait vraiment sauvage, si elle était loin des habitations, dans les forêts, etc. Pour les localités de l'archipel asiatique, les auteurs indiquent souvent les décombres, les haies, etc. Examinons de plus près chacune des espèces ordinairement cultivées. Piment annuel. — Capsicum annuum^ Linné. Gette espèce a reçu dans nos langues européennes une infinité de noms difi'érents ^, qui indiquent tous une origine étrangère et la ressemblance de saveur avec le poivre. En français, on dit 1. Bretschneider, On the study, etc., p. 17. 2. Forster, De plantis esculenth insuiartun, etc, 3. Piddington, Index, 4. Piddington, au mot Capsicum. 5. Nemnicb, Ij^xicon, indique douze noms fhinçais et huit allemands. PIMENT. — TOMATE 231 souvent Poivre de Guinée , mais aussi Poivre du Brésil , d'Inde, etc., dénominations auxquelles il est impossible d'attri- buer de l'importance. La culture s'en est répandue en Europe dès le xvi° siècle. C'est un des Piments que Piso et Marcgraf * avaient vus cultivés au Brésil sous le nom de Quija ou Quiya. Ils ne disent rien sur sa provenance. L'espèce paraît avoir été cultivée d'ancienne date aux Antilles, où elle est désignée par plusieurs noms caraïbes *. Les botanistes qui ont le plus étudié les Gapsicums ' ne parais- sent pas avoir rencontré dans les herbiers un seul échantillon qu'on puisse croire spontané. Je n'ai pas été plus heureux. Selon les probabilités, la patrie origmaire est le Brésil. Le C, grossum Willdenow paraît une forme de la même es- pèce. On le cultive dans' l'Inde, sous le nom de Kafree-murick et Kaffree-chilly, mais Roxburgh ne le regardait pas comme d'origine indienne *. Piment arbrisseau. — Capsicum frutescens, Willdenow. Cette espèce, plus élevée et plus ligneuse à la base que le C annuumj est généralement cultivée dans les régions chaudes du nouveau et de l'ancien monde. On en tire la glus grande partie du Poivre de Cayenne à l'usage des Anglais, mais ce nom s'étend quelquefois aux produits d'autres Piments. L'auteur le plus attentif à l'origine des plantes indiennes, Rox- burgh, ne le donne point pour spontané dans l'Inde. Selon Blume, il s'est naturalisé dans l'archipel indien, dans les haies ^. Au contraire, en Amérique, où la culture est ancienne, on Ta trouvé plusieurs fois dans des forêts, avec l'apparence indigène. De Martius Ta apporté des bords de l'Amazone, Pœppig de la province de Maynas du Pérou oriental, et Blanchet de la pro- vince de Bahia ^. Ainsi la patrie s'étend de Bahia au Pérou oriental, ce qui explique la diffusion dans l'Amérique méri- dionale en général. Tomate. — Lycopersicum esculentum^ Miller. La Tomate ou Pomme d'amour appartient à un genre de Solanées donj toutes les espèces sont américaines "'. Elle n'a point de nom dans les anciennes langues d'Asie, ni même dans les langues modernes indiennes ^ Elle n'était pas encore cul- tivée au Japon du temps de Thunberg, c'est-à-dire il y a un 1. Piso, p. 107 ; Marcgraf, p 39. 2. Descourtilz, Flore médicale des Antilles, 6, pi. 423. 3. Fingerhuth, Monographia gen. Capsici, p. 12 ; Sendtner, dans Flora brasil.y vol. 10, p. 147. 4. Roxburgh. FL ind,, éd. Wall., 2, p. 260 ; éd., 1832, 2, p. 574. 5. Blume, Bi/'rfr. 2, p. 704. 6. Sendtner, dans Flora bras,, 10, p. 143. 7. Alph. de CandoUe, Prodr., 13, s. 1, p. 26. 8. Roxburgh, FI. Indica, éd. 1832, vol. 1, p. 565 ; Piddington, Index. 232 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS siècle, et le silence des anciens auteurs sur la Chine montre que rintroduction y est moderne. Rumphius * l'avait vue dans les jardins de Tarchipel asiatique. Les Malais l'appelaient Tomatte; mais c'est un nom américain, car G. Bauhin désigne l'espèce comme Tumatle Americanorum, Rien ne fait présumer qu'elle fût connue en Europe avant la découverte de l'Amérique. Les premiers noms donnés par les botanistes, au xvi« siècle, font supposer qu'on avait reçu la plante du Pérou '. Elle a été cultivée sur le continent américain avant de l'être aux Antilles, car Sloane ne la mentionne pas à la Jamaïque, et Hughes ' dit qu'elle a été apportée du Portugal à la Barbade, il n y a guère plus d'un siècle. Humboldt regardait la culture des Tomates comme ancienne au Mexique *. Je remarque cependant que le premier ouvrage sur les plantes de ce pays (Hernandez, Historia) n'en fait pas mention. Les premiers auteurs sur le Brésil, Piso et Marcgraf, n'en parlent pas non plus, quoique l'espèce soit aujourd'hui cultivée dans toute l'Amérique intertropicale. Nous revenons ainsi, par exclusion, à l'idée d'une origine péruvienne, au moins pour la culture. De Martius * a trouvé la plante spontanée dans les environs de Rio-de- Janeiro et de Para, mais échappée peut-être des jar- dins. Je ne connais aucun botaniste qui l'ait trouvée vraiment sauvage, dans l'état que nous connaissons, avec ses fruits plus ou moins gros, bosselés et à côtes renflées; mais il n'en est pas de même de la forme à petits fruits sphériques, appelée Z. cera- si forme dans certains ouvrages de botanique et considérée, ce me semble ®, avec raison, dans d'autres ouvrages, comme apparte- nant à la même espèce. Celle-ci est sauvage sur le littoral du Pérou \ à Tarapoto, dans le Pérou oriental * et sur les confins du Mexique et aes Etats-Unis vers la Californie ^. Elle se natu- ralise quelquefois dans les déblais, près des jardins ^^. C'est ainsi probablement que l'habitation s'est étendue, du Pérou, au nord et au midi. Avocatier. — Persea aratissima. Gœrtner. V Avocat^ Alligator pear des Anglais, est un des fruits les plus i. Rumphius, Amboin,, 5, p. 416. 2. Mala peruviana, Pomi ael Peru, dans Bauhin, Hist,, 3, p. 621. 3. Hughes, BarhadoeSy p. 148. 4. Humboldt, Nouv. -Espagne, éd. 2, vol. 2, p. 472. 5. Flora brasil., vol. 10, p. 126. 6. Les proportions du calice et de la corolle sont les mêmes que dans la Tomate cultivée, mais elles sont différentes dans Tespèce voisine, L. Hum- boldtii, dont on mange aussi le fruit, d'après de Humbmdt, et qu'il a trouvée sauvage dans le Venezuela. 7. Ruiz et Pavon, Flov. peruv,, 2, p. 37. 8. Spruce, n. 4143, dans VHerbier Boissier, 9. Asa Gray, Bot. of Califomia, 1, p. 538. 10. Baker, Flora of Mauritius, p. 216. AVOCATIER. — PAPAYER 233 estimés dans les pays tropicaux. Il appartient à la famille des Lauracées. Son apparence est celle dune poire contenant un gros noyau, comme cela se voit bien dans les figures de Tussac, Flore des Antilles^ 3, pi. 3, et du Botanical Magazine^ pi. 4580. Rien de plus ridicule que les noms vulgaires. Celui à Alligator Tient on ne sait d'où. Celui &' Avocat est une corruption d'un nom mexicain, Ahuaca ou Aguaeate. Le nom botanique Persea n'a rien de commun avec le Persea des Grecs, qui était un Cordia. D'après Clusius *, en 1601, FAvocatier était un arbre fruitier d'Amérique, introduit en Espagne, dans un jardin; mais, comme il s'est beaucoup répandu dans les colonies de l'ancien monde et que parfois il devient presque spontané *, on peut se tromper sur 1 origine. Cet arbre n'existait pas encore aans les jardins de rinde anglaise au commencement du xix^ siècle. On Tavait apporté dès le milieu du xviiie dans Farchipel de la Sonde ', et en 1750 aux îles Maurice et Bourbon *. En Amérique, l'babitation actuelle, à Tétat spontané, est sin- gulièrement vaste. On a trouvé l'espèce dans les forêts, au bord des fleuves et sur le littoral de la mer depuis le Mexique et les Antilles jusqu'à la région des Amazones ^. Elle n'a pas toujours eu cette grande extension. P. Browne dit formellement que l'Avocatier a été introduit du continent à la Jamaïque, et Jac- quin pensait de même pour les Antilles en général *. Piso et Marcgraf ne l'ont pas mentionnée au Brésil, et de Martius n'in- dique aucun nom brésilien. Lors de la découverte de l'Amérique, l'Avocatier était certai- nement cultivé et indigène au Mexique, d'après Hernandez. Au Pérou, d'après Acosta '', on le cultivait sous le nom de Palto, qui était celui d'un peuple du Pérou oriental, chez lequel il abondait ®. Je ne connais pas de preuve qu'il fût spontané sur le littoral péruvien. Papayer. — Carlca Papaya, Linné. — Papaya vulgaris, de Gandolle. Le Papayer est une grande espèce vivace, plutôt qu'un arbre. 11 a une sorte de tronc juteux, terminé par une touffe de i. Clusius, Historiay p. 2. 2. Par exemple à Madère, d'après Grisebach, FI. ofbrit. W. India, p. 280; aux îles Maurice, Seychelles et Rodriguez, d'après Baker, Flora, p. 290. 3. n n'est pas dans Rumphius. 4. Aublet, Guyane, 1, p. 364. 5. Meissner, dans Prodromus, vol. 15, sect. 1, p. 52, et Flora brasil.^ vol. 5, p. 158. Pour le Mexique : Hernandez, p. 89. Pour le Venezuela et Para : Nées, Laurineée, p. 129. Pour le Pérou oriental : Pœppig, Exsicc, vu par Meissner. 6. P. Browne, Jamaïca, p. 214 ; Jacquin, Obs.y 1, p. 38. 7. Acosta, Hist. nat. des Indes, édit. 1598, p. 176. 8. Laet, Hist, nouv. monde, 1, p. 325, 341, 234 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS feuilles dans le g^nre des choux-cavaliers, et les fruits, qui res- semblent aux melons, sont suspendus au-dessous des feuilles ^ On le cultive maintenant dans tous les pays tropicaux, même jusqu'aux 30®-32® degrés de latitude. Il se naturabse facilement hors des plantations. C'est une des causes pour lesquelles on l'a dit et on persiste à le dire originaire d'Asie ou d'Afrique, tan- dis que RoDert Brown et moi avons démontré, en 1818 et 1855, son origine américaine *. Je répéterai les arguments contre l'ori- gine supposée de l'ancien monde. L'espèce n'a pas de nom sanscrit. Dans les langues mo- dernes de rinde, on la nomme d'après le nom américain Papava, qui dérive du nom caraïbe Ababai '. D'après Rumphius *, les ha- bitants de l'archipel indien la regardaient comme d'origine exotique, introduite par les Portugais, et lui donnaient des noms exprimant l'analogie avec d'autres plantes ou une importation de l'étranger. Sloane ^, au commencement du xvme siècle, cite plusieurs de ses contemporains d'après lesquels on l'avait trans- portée des Indes occidentales en Asie et en Afrique. Forstar ne l'avait pas aperçue dans les plantations des îles de la mer Paci- fique lors du voyage de Gook. Loureiro ®, au milieu du xvm* siè- cle, l'avait vue dans les cultures de la Chine, de la Cochinchine et du Zanguebar. Une plante aussi avantageuse et aussi particulière d'aspect se serait répandue depuis des milliers d'années dans l'ancien monde si elle y avait existé. Tout porte à croire qu'elle a été introduite sur les côtes occidentales et orientales d'Afri- que et en Asie, depuis la découverte de l'Amérique. Toutes les espèces de la famille sont américaines. Gelle-ei doit avoir être cultivée du Brésil aux Antilles et au Mexique avant l'arrivée des Européens, puisque les premiers auteurs sur les productions du nouveau monde en ont parlé "'. Marcgraf avait vu souvent des pieds mâles (toujours plus nom- breux que les femelles) dans les forêts du Brésil, tanois que les pieds femelles étaient dans les jardins. Clusius, qui a donné le premier une figure de la plante ®, dit qu'elle avait été dessinée en 1607 à la « baie des Toaos Santos » (province de Bahia). Je ne connais pas d'auteur moderne qui ait confirmé l'habitation au 1. Voir les belles planches de Tussac, Flore des AntilleSy 3, p. 45, pL 10 et 11. Le Papayer appartient à la petite famille des Papayacées, réunie par quelques notanistes aux Passiflorées et par d'autres aux Bixaeées. 2. R. Brown, Botany of Congo, p. 52 ; A. de Candolle, Gëogr. bot. rai- sonnée^ p. 917. 3. Sagot, Journal de la Société centrale d'horticulture de France, 1872. 4. Rumphius, Amboin,, 1, p. 147. 5. Sloane, Jamatca, p. 165. 6. Loureiro, Flora Cochineb.j lû, 772. 7. Marcgraf, Brasil.^ p. 103, et Piso, p. 159, pour le Brésil; Ximenes, daoi Marcgraf et Hemandez, Thésaurus^ p. ^9, pour le Mexique ; ce dernier pour Saint-Domingue et le Mexique. 8. Clusius, Curse posteriores^ p. 79, 80. FIGUIER 335 Brésil. De Martius ne mentionne pas l'espèce dans son diction- naire sur les noms de fruits en langue des Tupis ^ On ne la cite pas comme spontanée à la Guyane et dans la Colombie. P. Browne ' affirme, au contraire, la qualité spontanée à la Jamaïque, et avant lui Ximenes et Hernandez Favaient affirmée pour Saint-Domingue et le Mexique. Oviedo ' paraît avoir vu le Papayer dans l'Amérique centrale, et il cite pour Nicaragua le nom vulgaire Olocoton. Cependant MM. Correa de Mello et Spruce, dans leur mémoire important sur les Papayacées, après avoir beaucoup herborisé dans la région des Amazones, au Pérou et ailleurs, regardent le Papayer comme originaire des îles Antilles et ne pensent pas qu'il soit sauvage nulle part sur le continent. J'ai vu * des échantillons rapportés des bouches de la rivière Manaté en Floride, de Puebla au Mexique et de Colombie ; mais les étiquettes ne portent aucune remarque sur la qualité spontanée. Les indices, comme on voit, sont nombreux pour les bords du golfe du Mexique et les Antilles. L'habitation au Brésil, fort isolée, est suspecte. Figuier. — Ficus Carica, Linné. L'histoire du Figuier présente beaucoup d'analogie avec celle de l'Olivier en ce qui concerne l'origine et les limites géogra- phiques. Son habitation, comme espèce spontanée, a pu s'éten- dre par un effet de la dispersion des graines à mesure que la culture s'étendait. Cela paraît probable, car les graines traver- sent intactes les organes digestifs de l'homme et des ani- maux. Cependant on peut citer des pays dans lesquels on cul- tive le figuier depuis au moins un siècle sans qu'il se soit naturalisé de cette manière. Je ne parle pas de l'Europe au nord des Alpes, où l'arbre exige des soins particuHers et mûrit mal ses fruits, même ceux de la première portée, mais par exemple de l'Inde, du midi des Etats-Unis, de l'île Maurice et du Chili, où, d'après le silence des auteurs de flores, les faits de quasi spontanéité paraissent rares. De nos jours, le Figuier est spontané ou presque spontané dans une vaste région dont la Syrie est à peu près le milieu, savoir de la Perse orientale ou même de l'Afghanistan, au travers de toute la région de la Méditerranée, jusqu'aux îles Canaries ^, Du midi au nord, cette zone varie de 25 à 40-42o de latitude environ, suivant les circonstances locales. En général, le Figuier 1. Martius, Beitr. z, Ethnographey 2, p. 418. 2. P. Browne, Jamatca, éd. 2, p. 360. La première édition, que je n'ai pas vue, est de 1756. 3. Le passage d'Oviedo est traduit en anglais par Correa de Mello et Spruce, dans leur mémoire, Journal of the proceedings of the Linnean Society, 10, p. 1. 4. Prodr,, 15, s. 1, p. 414. 5. Boissier, Flora orientalis, 4, p. 1154 ; Brandis, Forest flora of Indiar p. 418 ; WebD et Berthelot, Hist, nat, des Canaries, Botanique, 3, p. 257. 236 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS s'arrête, comme l'Olivier, au pied du Caucase et des montagnes de l'Europe qui bordent le bassin de la mer Méditerranée, mais il se montre à Tétat presque spontané, sur la côte sud-ouest de la France, grâce à la douceur des hivers *. Voyons si les documents historiques et linguistiques font pré- sumer dans l'antiquité une habitation moins vaste. Les anciens Egyptiens appelaient la figue Teb *, et les plus anciens livres des Hébreuxparlent du Figuier, soit sauvage, soit cultivé, sous le nom de leenak ^, qui a laissé sa trace dans l'arabe Tin ^. Le nom persan est tout autre, Unjir; mais je ne sais s'il remonte au zend. Piddington mentionne , dans son JndeXy un nom sanscrit, Udumvara, queRoxburgh, très soigneux dans ces sortes de questions, n'indique pas, et qui n'aurait laissé aucune trace dans les langues modernes de l'Inde, à en juger d'après quatre noms cités par ces auteurs. L'ancienneté d'existence à l'orient de la Perse me semble un peu douteuse jusqu'à ce que le nom attribué au sanscrit ait été vérifié. Les Chinois ont reçu le Figuier de Perse, mais seulement au hui- tième siècle de notre ère ^ Hérodote ® dit que les Perses ne man- quaient pas de figues, et Reynier, qui a fait des recherches scrupuleuses sur les usages de cet ancien peuple^ ne mentionne pas le Figuier. Cela prouve seulement que l'espèce n*était pas utilisée et cultivée, mais elle existait peut-être à l'état sauvage. Les Grecs appelaient le Figuier sauvage Brineos et les Latins Caprificus. Homère mentionne dans VIliade un pied de cet arbre qui existait près de Troie \ M. Hehn afQrme * que le Figuier cultivé ne peut pas être venu du Figuier sauvage, mais tous les botanistes sont d'une opinion contraire ^, et, sans parler des dé- tails fioraux sur lesquels ils s'appuyent, je dirai que Gussone a obtenu des mêmes graines des pieds de la forme Caprificus et 1. M. le comte de Solms-Laubacb, dans une savante dissertation [Bet' kunft^ Domestication, etc. y des Feigenbaums, in- 4, 1882), a constaté sur assure cependant que la fécondation s'opère quelquefois sans le secours de rinsecte. 2. Chabas, Mélanges egyptoL, série 3 (1873), vol. 2, p. 92. 3. RosenmuUer, Bibl, Alterthumskunae, 1, p. 285; Reynier, Economie fnt" àlique des Arabes et des Juifs, p. 470 (pour la Micbna).' 4. Forskal. FL œgypto-arab,, p. 125. M. de Lagarde {Revue crit, d'hist,, 27 février 1882) dit que ce nom sémite est très ancien. 5. Bretschneider, dans Solms, l, c, p. 51 . 6. Hérodote, 1, 71. 7. Lenz, Botanik der Griechen^ p. 421, cite quatre vers d'Homère. Voir aussi Hehn, Culturpflanzen, éd. 3, p. 84. 8. Hehn, Culturpflanzeny éd. 3, p. 513. 9. 11 ne faut pas s'attacher aux divisions exagérées faites par Gasparini dans le Ficus Canca, Linné. Les botanistes qui ont étudié le Figuier après lui conservent une seule espèce et énumèrent dans le Figuier sauvage plusieurs variétés. Elles sont mnombrables pour les formes cultivées. FIGUIER 237 de l'autre *. La remarque faite par plusieurs érudits qu'il n'est pas question dans V Iliade de la figue cultivée, Sukai^ ne prouve donc pas l'absence du Figuier en Grèce à l'époque de la guerre de Troie. C'est dans VOdyssée que la figue douce est mentionnée par Homère, et encore d une manière assez vague. Hésiode, dit M. Hehn, n'en parle pas, et Archilochus (700 ans avant J.-C.) est le premier qui en ait mentionné clairement la culture chez les Grecs, à Paros. D'après cela, l'espèce existait à l'état sauvage en Grèce, au moins dans l'Archipel, avant l'introduc- tion de variétés cultivées originaires d'Asie. Théophraste et Dioscoride mentionnent des Figuiers sauvages et cultivés '. Remus et Romulus, selon la tradition, auraient été nourris sous un pied de Ficus qu'on appelait ruminalisy de rumen ^ ma- melle '. Le nom latin Ftcus^ que M. Hehn, par un efi'ort d'érudi- tion, fait venir du grec Sukai *, fait aussi présumer une existence ancienne en Italie, et l'opinion de Pline est positive à cet égard. Les bonnes variétés cultivées ont été introduites plus tard chez les Romains. Elles venaient de Grèce, de l'Asie Mineure et de Syrie. Du temps de Tibère, comme aujourd'hui, les meilleures figues venaient de l'Orient. Nous avons appris au collège comment Gaton avait exhibé en plein sénat des figues de Garthage encore fraîches, comme preuve de la proximité du pays qu'il détestait. Les Phéniciens avaient dû transporter de bonnes variétés sur la côte d'Afrique et dans les autres colonies de la mer Méditerranée, même jus- qu'aux îles Canaries, mais le Figuier sauvage peut avoir existé antérieurement dans ces pays. Pour les Canaries, nous en avons une preuve par des noms guanches, Arahormaze et Achormaze^ figues vertes, Tahareme- nen et Tehakunemen, figues sèches. Les savants Webb et Ber- Uielot ^, qui ont cité ces noms et qui avaient admis l'unité d'ori- gine des Guanches et des Berbères, auraient vu avec plaisir chez les Touareçs, peuples berbères, le mot Tahart pour Figuier ^, et dans le dictionnaire français-berbère, publié depuis eux, les noms Taàeksist pour figue fraîche et Tagrourt pour Figuier. Ces vieux noms, d'origine plus ancienne et plus locale que l'arabe, parlent en faveur d'une habitation très ancienne dans le nord de l'Afri- que jusqu'aux Canaries. Le résultat de notre enquête est donc de donner pour habi- 1. Gussone, Enum, plant. Inarimensiurrif p. 301. 2. Pour l'ensemble de Thistoire du Figuier et de Topération, d'une utilité douteuse, qui consiste à répandre des Caprificus à insectes parmi les pieds cultivés (caprification), voir la dissertation de M . le comte de Solms. 3. Pline, Hist, 1. 15, c. 18. 4. Hehn, l. c, p. 512. 5. Webb et Bertlielot, /. c, Ethnographie, p. 186, 187; Phytographie , 3, p. 257. 6. D'après Duveyrier, Les Touaregs du nord, p. 193. 238 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS tation préhistorique du Figuier la réçion moyenne et méridio- nale de la mer Méditerranée, depuis la Syrie jusqu'aux lies Canaries. On peut avoir du doute sur l'ancienneté des Figuiers mainte- nant dans le midi de la France ; mais un fait bien curieux doit être mentionné. M. Planchon a trouvé dans les tufs quaternaires de Montpellier et M. le marquis de Saporta * dans ceux des Ayga- lades, près de Marseille, et dans le terrain quaternaire dé La Celle, près de Paris, des feuilles et même des fruits du Fïcas Carica sauvage avec des dents d'Elephas primigenius, et des feuilles de végétaux, dont les uns n'existent plus, et d'autres comme le Laurus canariensiSy sont restés aux îles Canaries. Ainsi le Figuier a peut-être existé sous sa forme actuelle, dans un temps aussi reculé. Il est possible qu'il ait péri dans le midi de la France, comme cela est arrivé certainement à Paris ; après quoi il serait revenu à Tétat sauvage dans les localités du midi. Peut-être les Figuiers dont Webb et Berthelot avaient vu de vieux individus dans les endroits les plus sauvages des Canaries des- cendaient-ils de ceux qui existaient à l'époque quaternaire. Arbre à» pain. — Artocarpus incisa, Linné. L'Arbre à pain était cultivé dans toutes les îles de Tarchipel asiatique et du grand Océan voisines de Téquateur, depuis Su- matra jusqu'aux lies Marquises, lorsque les Européens ont commencé de les visiter. Son fruit est constitué, comme dans l'Ananas, par un assemblage de feuilles florales et de fruits soudés en une masse charnue plus ou moins sphérique, et, comme dans l'Ananas encore, les graines avortent dans les variétés cultivées les plus productives ^. On fait cuire des tranches de cette sorte de fruit pour les manger. Sonnerat * avait transporté l'Arbre à pain à l'île Maurice, où l'intendant Poivre avait eu soin de le répandre. Le capitaine Bligh avait pour mission de le transporter dans les Antilles an- glaises. On sait qu'une révolte de son équipage Tempècha de réussir la première fois, mais dans un second voyage il fut plus heureux. En janvier 1793, il débarqua 150 pieds dans l'Ile de Saint- Vincent, d'où l'on a répandu 1 espèce dans plusieurs loca- lités de l'Amérique équinoxiale *. Rumphius ^ avait vu l'espèce à l'état sauvage dans plusieurs 1. Planchon, Etude sur les tufs de Montpellier^ p. 63; de Saporta, La flore des tufs quaternaires en Pi*ovence, dans les Comptes rendus de la 33« session du Congrès scientifique de France, et à part, p. 27, Bull, Soc. geo- log„ 1873-74, d. 442. 2. Voir les Délies planches publiées dans Tussac, Flore des AnUUts^ vol. 2, pi. 2 et 3 ; et Hooker, Boianical magazine, t. 2869-2871. 3. Voyage à la Nouvelle-Guinée, p. 100. 4. Hooker, /. c. 5. Rumphius, Herb, Amboin.j 1, p. 112, pi. 33. ARBRE A PAIN. — JACQUIER 239 des îles de la Sonde. Les auteurs modernes, moins attentifs ou n'ayant observé que des pieds cultivés, ne s'expliquent pas à cet égard. Pour les îles Fidji, Seemam* dit : « Cultivé et selon toutes les apparences sauvage dans quelques localités ». Sur le con- tinent du midi de l'Asie il n'est pas même cultivé, le climat n'étant pas assez chaud. Evidemment, l'Arbre à pain est originaire de Java, Amboine et îles voisines; mais Tancienneté de sa culture dans toute la région insulaire, prouvée par la multitude des variétés, et la facilité de sa propagation par des drageons et des boutures empêchent de connaître exactement son histoire. Dans les îles de l'extrémité orientale, comme 0-Taïti, certaines fables et tra- ditions font présumer une introduction qui ne serait pas très ancienne, et l'absence de graines le confirme '. Jacc[uier ou Jack. — Artocarpus integrifolia^ Linné. Le fruit du Jacquier, plus gros que celui de l'Arbre à pain, car il pèse jusqu'à 80 livres, est suspendu aux branches d'un arbre de 30 à 50 pieds de hauteur ^. Si le bon La Fontaine l'avait Connu, il n'aurait pas écrit sa fable du gland et de la citrouille. Le nom vulgaire est tiré des noms indiens Jaca ou Tsjaka. Le Jacquier est cultivé depuis longtemps dans l'Asie méridio- nde, du Punjab à la Chine, de THimalaya aux îles Moluques. Une s'est pas introduit encore dans les petites îles plus àl'onent, comme 0-Taïti, ce qui fait présumer une date moins ancienne dans l'archipel indien que sur le continent asiatique. Du côté nord- ouest de rinde, la culture ne date peut-être pas non plus d'une époque très reculée, car on n'est pas certain de l'existence d'un nom sanscrit. Roxburgh en cite un, Punusa, mais après lui Piddington ne l'admet pas dans son Index, Les Persans et les Arabes ne semblent pas avoir connu l'espèce. Son fruit énorme les aurait pourtant frappés si l'espèce avait été cultivée près de leurs frontières. Le D*" Bretschneider ne parle pas d'Artocarpus dans son opuscule sur les plantes connues des anciens Chinois, d'où l'on peut inférer que vers la Chine, comme dans les autres directions, le Jacquier n'est pas un arbre répandu depuis une époque très ancienne. La première notion sur son existence à l'état sauvage est donnée par Rheede dans des termes contestables : « Cet arbre croît partout au Malabar et dans toute Tlnde. » Le vénérable auteur confondait peut-être l'arbre planté et l'arbre spontané. Après lui cependant, Wight a trouvé l'espèce, à plusieurs re- 1. Seemann, Flora Vitiemis, p. 255. 2. Seemann, /. c; Nadeaud, Èniim, des plantes indigènes de Taïti, p. 44; Id., Plantes usuelles des Tahitiens,jû. 24. 3. Voir les planches de Tussac, rlore des Antilles^ pi. 4, et Hooker, Bota- nical magazine^ t. 2833, 2834. 240 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS prises, dans la péninsule indienne, notamment dans les Gbats occidentaux, avec toute l'apparence d'un arbre indigène sauvage. On le plante beaucoup à Geylan ; mais Thwaites, la meilleure autorité pour la flore de cette île, ne le reconnaît pas comme spontané. Dans l'archipel au midi de l'Inde, il ne l'est pas non plus, selon l'opinion générale. Enfin, Brandis en a trouvé des pieds dans les forêts du district d'Attaran, pays des Birmans, à l'est de l'Inde, mais il ajoute que c'est toujours à proximité d'établissements abandonnés. Kurz ne l'a pas trouvé spontané dans le Burman anglaise Ainsi l'espèce est originaire du pied des montagnes occiden- Tamiral Rodney, et de là à Saint-Domingue *. On l'a introduit aussi au Brésil, dans les îles Maurice, Seychelles et Rodriguez '. Dattier. — Phœnix dactylifera, Linné. Le Dattier existe, depuis les temps préhistoriques, dans la zone sèche et chaude qui s'étend du Sénégal au bassin de llndus, principalement entre les 15« et 30® degrés de latitude. On le voit çà et là plus au nord, en raison de circonstances exceptionnelles et du but qu'on se propose en le cultivant. En efl*et, au delà du point où les fruits mûrissent chaque année, il y a une zone dans laquelle ils mûrissent mal ou rarement, et une dernière limite jusqu'à laquelle l'arbre vit encore, mais sans fructifier ni même fleurir. Le tracé de ces limites a été donné d'une manière complète par de Martius, Garl Ritter et moi- même *. Il est inutile de les reproduire ici, le but du présent ouvrage étant d'étudier les origines. En ce qui concerne le Dattier, nous ne pouvons guère nous appuyer sur l'existence plus ou moins constatée d'individus vraiment sauvages ou, comme on dit, aborigènes. Les dattes se transportent facilement; leurs noyaux germent quand on les sème dans un terrain humide, près d'une source ou d'une rivière, et même dans des fissures de rochers. Les habitants des oasis ont planté ou semé des Dattiers dans des localités favora- bles où l'espèce existait peut-être avant les hommes, et quand un voyageur rencontre des arbres isolés, à distance des habita- tions, il ne peut pas savoir s'ils ne viennent pas de noyaux jetés par les caravanes. Les botanistes admettent bien une variété 1. Rheede, Malabar, 3, p. 18; Wight, Icônes, 2, num. 678 ; Brandis, Forest flora of India, p. 426 ; Kurz, Forest flora of brit. Burma, p. 432. 2. Tussac, /. c, 3. Bakei\ Flora of Mauritius, etc. y p 282. 4. De Martius, Gênera et species Palmarum, in-folio, vol. 3, p. 257; C. Rilter, Endkunde, 13, p. 760 ; Alph. de Candolle, Géographie botanique raisonnée, p. 343. DATTIER 241 sylvestris^ c'est-à-dire sauvage, à baies petites et acerbes ; mais c'est peut-être l'effet d'une naturalisation peu ancienne dans un sol défavorable. Les faits historiijues et linguistiques auront plus de valeur dans le cas actuel, quoique sans doute, vu l'ancienneté des cultures, ils ne puissent donner que des indications probables. D'après les antiquités égyptiennes et assyriennes, ainsi que les traditions et les ouvrages les plus anciens, le Dattier existait en abondance dans la région qui s'étend de l'Ëuphrate au Nil. Les monuments égyptiens contiennent des fruits et des dessins de cet arbre *. Hérodote, à une époque moins reculée (v® siècle avant Jésus-Christ), parle des bois de Dattiers qui existaient en Babylonie ; plus tard Strabon s'est exprimé d 'une manière analogue sur ceux d'Arabie, par où il semble que l'espèce était plus commune qu'à présent et plus dans les conditions d'une essence forestière naturelle. D'un autre côté Garl Ritter fait la remarque ingé- nieuse que les livres hébreux les plus anciens ne parlent pas des Dattiers comme donnant un fruit recherché pour la nourriture de l'homme. Le roi David, vers l'an 1000 avant Jésus-Christ, environ sept siècles après Moïse, n'énumère pas le Dattier au nombre des arbres qu'il convient de planter dans ses jardins. Il est vrai qu'en Palestine, sauf à Jéricho, les dates ne mûrissent guère. Plus tard, Hérodote dit des Dattiers de Babylonie, que la majorité seulement des pieds donnait de bons fruits, dont on faisait usage. Ceci paraît indiquer le commencement d'une cul- ture perfectionnée au moyen de la sélection des variétés et du transport des fleurs mâles au milieu des branches de pieds fe- melles, mais cela signifie peut-être aussi qu'Hérodote ne connais- sait pas l'existence des pieds mâles. A l'occident de l'Egypte, le Dattier existait probablement depuis des siècles ou des milliers d'années quand Hérodote les a mentionnés. Il parle de la Libye. Aucun document historique n'existe pour les oasis du Sahara, mais Pline ^ mentionne les Dattiers des iles Canaries. Les noms de l'espèce témoignent d'une grande ancienneté soit en Asie, soit en Afrique, attendu qu'ils sont nombreux et fort différents. Les Hébreux appelaient le Dattier Tamar et les anciens Egyptiens Beq '. L'extrême diversité de ces mots, d'une grande antiquité, fait présumer que les peuples avaient trouvé l'espèce indigène et peut-être déjà nommée dans l'Asie occidentale et en Egypte. La multiplicité des noms persans, arabes et ber- bères, est incroyable *. Les uns dérivent du mot hébreu, les autres de sources inconnues. Ils s'appliquent souvent à des états différents du fruit ou à des variétés cultivées différentes, ce qui 1. Unger, Pflanzen d, ait, Mgyptensy p, 38, 2. Pline, Hist., 6, c. 37. 3. Unger, U c. 4. Voir C. Ritter, /. c. De Gandolle. 16 242 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS montre encore d'anciennes cultures dans divers pays. Webb et Berthelot n'ont pas découvert un nom du Dattier dans la langue des Guanches, et c'est bien à regretter. Le nom grec, Pkœnix, se rapporte simplement à la Phénicie et aux Phéniciens, possesseurs du Dattier *. Les noms Dactylus et Datte sont des dérivés de Dachelj dans un dialecte hébreu ^. On ne cite aucun nom sanscrit, d'où Ton peut inférer que les plantations de Dat- tiers ne sont pas très anciennes dans l'Inde occidentale. Le climat indien ne convient pas à l'espèce ^. Le nom hindustani, Khurma, est emprunté au persan. Plus à l'est, le Dattier a été longtemps inconnu. Les Chinois l'ont reçu de Perse, au ni* siècle de notre ère, et plus tard à dif- férentes reprises, mais aujourd'hui ils l'ont abandonné *. En général, hors de la région aride qui s'étend de l'Euphrate au midi de l'Atlas et aux Canaries, le Dattier n'a pas réussi sous des latitudes analogues, ou du moins il n'est pas devenu un objet important de culture. 11 aurait de bonnes conditions d'exis- tence en Australie et au Cap, mais les Européens, qui ont colonisé ces pays, ne se contentent pas, comme les Arabes, de figues et de dattes pour leur nourriture. J'estime, en définitive, que dans les temps antérieurs aux premières dynasties égyptiennes le Dattier existait déjà, spontané ou semé çà et là par des tribus errantes, dans la zone de l'Euphrate aux Canaries, et qu'on s'est mis à le cultiver plus tard jusqu'au nord-ouest de l'Inde, d'un côté, et aux îles du Cap-Vert ^, de l'autre, de sorte que Thabitation natu- relle est restée à peu près la même environ 5000 ans. Qu'était-elle à une époque antérieure? C'est ce que des découvertes paléonto- logiques apprendront peut-être un jour. Bananier. — Musa sapientum et M. paradisiaca, Linné. — M, sapientum, Brown. On regardait assez généralement le Bananier, ou les Bana- niers, comme originaires de l'Asie méridionale et comme trans- portés en Amérique par les Européens, lorsque M. de Huniboldt est venu jeter des doutes sur l'origine purement asiatique. Il a cité, dans son ouvrage sur la Nouvelle-Espagne ®, d'anciens auteurs d'après lesquels le Bananier aurait été cultivé en Amé- rique avant la découverte. Il convient que, d'après Oviedo \ le Père Thomas de Ber- 1. Hehn, Cullurpflanzen, éd. 3, p. 234. 2. C. Ritter, /. c, p. 828. 3. D'après Roxburgh, Royle, etc. 4. Bretschneider, On stuay, etc., p. 31. o. D'après Schmidt, Flora d, Cap-Verd Insein, p. 168, le Dattier est rare dans ces îles et u'y est certainement pas sauvage. An contraire, dans quel- ques-unes des îles Canaries, il a toutes les apparenees d'un arbre indigène, d'après Webb et Berthelot, Hist. nat. des vanaries, Botanique, 3, p. 289. 6. De Humboldt, Nouvelle-Espagne^ 1" édit., II, p. 360. 7. Oviedo, Hist, nat., 1556, p. 112-114. Le premier ouvrage d'Oviedo est BANANIER 343 langas aurait transporté, en 1516, des iies Canaries à Saint- Domingue, les premiers Bananiers, introduits de là dans d'autres îles et sur la terre ferme *. Il reconnaît que, dans les relations de Colomb, Alonzo Negro, Pinzon, Vespuzzi et Cortez, il n'est jamais question de Bananier. Le silence de Hemandez, qui vivait un demi-siècle après Oviedo, Tétonne et lui paraît une négligence singulière, « car, dit-il *, c'est une tradition con- stante au Mexique et sur toute la terre ferme que le Platano arton et le Dominico y étaient cultivés longtemps avant l'arrivée des Espagnols. » L'auteur qui a marqué avec le plus de soin les différentes époques auxquelles Tagriculture américaine s'est enrichie de productions étrangères, le Péruvien Garcilasso de la Vega ', dit expressément que, du temps des Incas, le maïs, le 4|uinoa, la pomme de terre, et dans les régions chaudes et tem- pérées les bananes faisaient la base de la nourriture des indi- gènes. Il décrit le Musa de la vallée des Andes; il distingue même l'espèce plus rare, à petit fruit sucré et aromatique, le Dominico, de la banane commune ou Arton, Le Père Acosta * afQrme aussi, quoique moins positivement, que le Musa était cultivé par les Américains avant l'arrivée des Espagnols. Enfin M. de Humboldt ajoute d'après ses propres observations : « Sur les rives de l'Orénoque, du Cassiquaire ou de Béni, entre les montagnes de l'Esmeralda et les rives du fleuve Carony, au milieu des forêts les plus épaisses, presque partout où Ton dé- couvre des peuplades indiennes qui n'ont pas eu des relations avec les établissements européens, on rencontre des plantations de Manioc et de Bananiers. » M. de Humboldt, en conséquence, a émis l'hypothèse qu'on aurait confondu plusieurs espèces ou variétés constantes de Musa, dont quelques-unes seraient origi- naires du nouveau monde. Desvaux s'empressa d'examiner la question spécifique, et dans un travail vraiment remarquable publié en 1814 ^ il a regardé tous les Bananiers cultivés pour leurs fruits comme une seule espèce. Dans cette espèce, il distingue 44 variétés, qu'il dispose en deux séries, les Bananes à gros fruits (7 à 15 pouces de longueur) et celles à petits fruits (1 à 6 pouces) appelées vul- gairement figues bananes. R. Brown en 1818, dans son ouvrage sur les plantes du Congo, p. 51, soutient aussi qu'aucune cir- constance dans la structure des Bananiers cultivés en Asie et en Amérique n'empêche de les considérer comme appartenant à de 1526. C'est le plus ancien voyageur naturaliste cité par Dryander {Bibl. hanks.) pour l'Amérique. 1. J'ai lu ce passage également dans la traduction d'Oviedo par Ramusio, vol. 3, p. 115. 2. De Humboldt, Nouvelle-Espagne, 2» édit., p. 385. 3. Garcilasso de la Vega, Commentarios reaies, 1, p. 282. 4. Acosta, Hist. nat. de Indias, 1608, p. 250. 5. Desvaux, Journ. bot., IV, p. 5. 244 PLAiNTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS une seule espèce. 11 adopte le nom de Musa sapientum, qui me paraît effectivement préférable à celui de M. paraatsiacay. adopté par Desvaux, parce que les variétés à petits fruits fer- tiles rapportées au M. sapientum L. semblent plus près de l'état des Musa spontanés qu'on a trouvés en Asie. Brown remarque, sur la question d'origine, que toutes le& autres espèces du genre Musa sont de l'ancien monde ; que per- sonne ne dit avoir trouvé en Amérique, dans l'état sauvage, de& variétés à fruits fertiles, comme cela est arrivé en Asie ; enfin, que Piso et Marcgraf ont regardé le Bananier comme introduit du Congo au Brésil. Malgré la force de ces trois arguments^ M. de Humboldt, dans la seconde édition de son Fssai sur la Nouvelle-Espagne (2, p. 397), n'a pas renoncé complètement à son opinion. Il dit que le voyageur Galdcleugh * a trouvé che^ les Puris la tradition établie que, sur les bords du Prato, on cul- tivait, longtemps avant les communications avec les Portugais, une petite espèce de banane. Il ajoute qu'on trouve dans les langues américaines des mots, non importés, pour distinguer le fruit du Musa, par exemple Paruru en tamanaque, etc., Arata en maypure. J'ai lu aussi dans le voyage de Stevenson ' qu'on aurait* trouvé dans les huacas, ou tombeaux péruvien» antérieurs à la conquête, des lits de feuilles des deux Bananiers cultivés habituellement en Amérique; mais, comme ce voyageur dit avoir vu dans ces huacas des fèves * et que la fève est cer- tainement de l'ancien monde, ses assertions ne méritent guère confiance. M. Boussingault * pensait que le Platano arton au moins est originaire d'Amérique, mais il n'en a pas donné de preuve. Meyen, qui avait aussi été en Amérique, n'ajoute aucun argument à ceux qui étaient connus avant lui °. Il en est de même du géographe Ritler ^, qui reproduit simplement pour l'Amérique les faits indiqués par de Humboldt. D'un autre côté, des botanistes qui ont visité l'Amérique plu» récemment n'hésitent pas sur l'origine asiatique. Je citerai Seemann pour l'isthme de Panama, Ernst pour le Venezuela et Sagot pour la Guyane ^. Les deux premiers insistent sur l'ab- sence de noms pour le Bananier dans les langues du Pérou et du Mexicjue. Piso ne connaissait aucun nom brésilien. De Mar- tius * a indiqué depuis, dans la langue tupi du Brésil, les noms Pacoba ou Bacoba. Ce même nom Bacove est usité, selon \. Galdcleugh, Trav. in S. Amer., 1825, i, p. 23. 2. StevensoD, Trav. in S. Amer., 1, p. 328. 3. Stevenson, Trav. in S. Amer., 1, p. 363. 4. Boussin^ult, dans C. r. Acad, se. Paris, 9 mai 1836. 5. Meyen, P/ïanz. geog,, 1836, p. 383. 6. Ritter, Erdkunde, 4, p. 870 et suiv. 7. Seemann, Botanv of Herald, p. 213; Ernst, dans Seemann, Jowmal of hotany, 1867, p. 289; Sagot, dans Journal de la Société dhortic, ék France, 1872, p. 226. 8. Martius, Ethnogr, Spi'achenkunde America' s^ p, 123. BANANIER 248 M. Sagot, par les Français à la Guyanne. Il a peut-être pour origine le nom Bala ou Palan ^ du Malabar, à la suite d'une introduction par les Portugais, depuis le voyage de Piso. L'ancienneté et la spontanéité du Bananier en Asie sont des faits incontestables. Il a plusieurs noms sanscrits *. Les Grecs, les Latins et ensuite les Arabes en ont parlé comme d'un arbre fruitier remarquable de l'Inde. Pline * en parle assez claire- ment. Il dit que les Grecs de l'expédition d'Alexandre l'avaient vu dans l'Inde, et il cite le nom Pala^ qui existe encore au Ma- labar. Les sages se reposaient sous son ombré et en mangeaient les fruits. De là le nom de Musa sapientmn des botanistes.* Musa est tiré de l'arabe Mouz ou Mauwz^ qu'on voit déjà au xiii« siècle dans Ebn Baithar. Le nom spécifique paradisiaca vient des hypothèses ridicules qui faisaient jouer au Bananier un rôle dans l'histoire d'Eve et du paradis. Il est assez singulier que les Hébreux et les anciens Egyptiens ' n'aient pas connu cette plante indienne. C'est un indice qu'elle n'était pas dans l'Inde depuis un temps très reculé, mais plutôt originaire de l'archipel indien. Le Bananier offre dans le midi de l'Asie, soit sur le continent, mt dans les îles, un nombre de variétés immense ; la culture de ces variétés remonte dans l'Inde, en Chine, dans l'archipel indien à une époque impossible à apprécier; elle s'était étenoue jadis, même dans les îles de la mer Pacifique * et sur la côte occidentale d'Afrique * ; enfin les variétés portaient des noms distincts dans les langues asiatiques les plus séparées, comme le sanscrit, le chinois, le malais. Tout cela indique une ancienneté prodigieuse de culture, par conséquent une existence primitive en Asie, et une difi*usion contemporaine avec celle des races d'hommes ou antérieure. On dit avoir trouvé le Bananier spontané en plusieurs points, delà mérite d'autant plus d'être noté que les variétés cultivées ûe donnant souvent pas de graines et se multipliant par divi- sion, l'espèce ne doit guère se naturaliser par semis hors des cultures. Roxburgh l'avait vu dans les forets de Chittagong ®, sous la forme du M. sapientum. Rumphius ' décrit une variété à petits fruits sauvage dans les îles Philippines. Loureiro • parle probablement de la même sous le nom de M, seminifera agrestis^ qu'il oppose au M, seminifera domestica, et qui serait donc 1. Roxburgh et WaUich, FL ind,, 2, p. 485 ; Piddington, Index, 2. Pline, Uist, 1. 12, c. 6. 3. Unger, l, c, et Wilkinson, 2, p. 403, ne le mentionnent pa?« Le Bana- mier se cultive aujourd'hui en Egypte. 4. Forster, Plant, esc, p. 28. 5. Clusius, Exot.t p. 229; Brown, Bot, Congo, p. 51. 6. Roxburgh, Coi'om,, tab. 275; F/, md., l. c. 7. Rumphius, Amb.y 5, p. 139. S. Loureiro, FI, coch,^ p. 791. /^ 246 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS spontanée en Gochinchine. Bianco indic[ue aussi un Bananier sauvage aux Philippines ', mais sa description est insuffisante. Finlayson ^ a trouvé le Bananier sauvage, en abondance, dans la petite île de Pulo Ubi, à Textrémité sud du pays de Siam. Thwaites ' a vu la forme du M. sapientum dans les forêts ro- cailleuses du centre de l'île de Geylan et n'hésite pas à dire que c'est la souche des Bananiers cultivés. Sir J. Hooker et Thomson * l'ont trouvé sauvage à Khasia. En Amérique, les faits sont tout autres. On n'y a jamais vu le Bananier sauvage, excepté à la Barbade ^^ mais là c'est un arbre qui ne mûrit pas ses fruits et qui est par conséquent, selon les probabilités, le résultat de variétés cultivées peu abon- dantes en semences. Le Wild plantain de Sloane ® paraît une plante très différente des Musa. Les variétés qu'on prétend pou- voir être indigènes en Amérique sont au nombre de deux seu- lement, et en général on y cultive infiniment moins de variétés qu'en Asie. La culture du Bananier est, on peut dire, récente dans une grande partie de l'Amérique, car elle ne remonte guère à plus de trois siècles. Piso ^ dit positivement que la plante a été importée au Brésil et n'avait pas de nom brésilien. Il ne dit pas d'où elle venait. Nous avons vu que, d'après Oviedo, l'espèce a été apportée des Canaries à Saint-Domingue. Ceci, joint au silence de Hernandez, généralement si exact pour les plantes utiles, spontanées ou cultivées, du Mexique, me peiv suade que le Bananier manquait lors de la découverte de T^jné- rique à toute la partie orientale de ce continent. Existait-il dans la partie occidentale, sur les bords de la mer Pacifique? C'est très mvraisemblable quand on pense aux cona- munications qui existaient entre les deux côtes, vers l'isthme de Panama, et à l'activité avec laquelle les indigènes avaient ré- pandu dans toute l'Amérique les plantes utiles, comme le ma- nioc, le maïs, la pomme de terre, avant l'arrivée des Européens. Le Bananier, dont ils font tant de cas depuis trois siècles, qui se multiplie si aisément par les drageons, qui a une apparence si frappante pour le vulgaire, n'aurait pas été oublié dans quel- ques villages au milieu des forêts ou sur le littoral. Je conviens que l'opinion de Garcilasso, descendant des Incas, auteur qui a vécu de 1530 à 1568, est d'une certaine importance lorsqu'il dit que les indigènes connaissaient le Bananier avant la conquête. Ecoutons cependant un autre écrivain très digne d'attention, Joseph Acosta, qui avait été au Pérou et que M. de • 1. Bianco, FI., 1" édit., p. 247. 2. Finlayson, Joum. to Siam, 1826, p. 86, d'après Ritter, Erdk,, 4, p. 878. 3. Thwaites, Enum. plant. Ceylan, p. 321. 4. D'après Aitchison, Catal. of Punjab, p. 147. 5. Hughes, Barb., p. 182 ; Maycock, FI. Barb., p. 396. 6. Sloane, Jamaica, 2, p. 148. 7. Piso, édit. 1648, Htst. nat., p. 75. BANANIER 247 Humboldt invoque à Tappui du précédent. Ses expressions me conduisent plutôt à une opinion difîérente ^ Il s'exprime ainsi dans la traduction française de 1598 ' : « La cause pour la- quelle les Espagnols Font appelé plane (car les naturels n'avaient point de tel nom) a été, comme es autres arbres, pour autant qu'ils ont trouvé quelque ressemblance de Tun à l'autre ». Il montre combien le plane (Platanus] des Anciens était différent. Il décrit très bien le Bananier, et ajoute que cet arbre est très commun aux Indes (ici, cela veut dire en Amérique), « quoiqu'ils disent (les Indiens) que son origine soit venue d Ethiopie Ily a une espèce de petits planes blancs et fort délicats, lesquels ils appellent en l'Èspagnolle ' Dominique. Il y en d'autres qui sont plus forts et plus gros, et d'une couleur rouge. Il n'en croît point au Pérou, mais on les y apporte des Indes *, comine au Mexique de Guernavaca et des autres vallées. En la terre ferme et en quelques îles, il y a des grandes planares, qui r sont comme bosquetaux (bosquets) très épais. » Assurément, ce n'est pas ainsi que s'exprimerait l'auteur pour un arbre fruitier d'origine américaine. Il citerait des noms américains, des usages américains. Il ne dirait surtout pas que les indigènes les regar- dent comme d'origine étrangère. La diffusion dans les terres chaudes du Mexique pourrait bien avoir eu lieu entre l'époque de la conquête et celle où écrivait Acosta, puisque Hernandez, dont les recherches consciencieuses remontent aux premiers temps de la domination espagnole à Mexico (quoique publiées plus tard à Rome), ne dit pas un mot du Bananier ^. L'histo- rien Prescott a vu d'anciens ouvrages ou manuscrits, selon les- quels les habitants de Tumbez auraient apporté à Pizarre des bananes lorsqu'il débarqua sur la côte du Pérou, et il croit aux feuilles trouvées dans les huacas, mais il ne cite pas ses preuves ®. Quant à l'argument des cultures faites par les indigènes, à 1. De Humboldt a cité Tédition espagnole de 1608. La première édition est de 1591. Je n'ai pu consulter que la traduction française de Regnault, qui est de 1398 et qui a tous les caractères de Texactitude, indépendam- ment du mérite au point de vue de la langue française. 2. Acosta^ traduction, 1. 4, c. 21. 3. C'est-à-dir« probablement à Hispaniola, soit Saint-Domingue, car, s'il avait voulu dire en langue espagnole, on aurait traduit par castillan et sans lettre capitale. Voyez d'ailleurs la page 168 de l'ouvrage. 4. n y a ici probablement une faute d'impression pour Andes ^ car le mot Indes n'a pas de sens dans ce passage. Le même ouvrage dit, page 166, qu'il ne vient pas d'Ananas au Pérou, mais qu'on les y apporte des Andes, et^ page 173, que le cacao vient des Andes. Cela signifiait donc les régions chaudes. Le mot Andes a été appliqué ensuite à la chaîne des montagnes, par une transposition bizarre et malheureuse. 5. J'ai parcouru l'ouvrage en entier pour m'en assurer. 6. Prescott, Conquête au Pérou, édit. de Baudry, 164, 183. L'auteur a consulté des sources précieuses, entre autres un manuscrit de Montesinos, de 1527, mais il ne cite pas ses autorités pour chaque fait, et se borne à des indications vagues et collectives qui sont loin de suffire. 248 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS l'époque actuelle, dans des contrées de TAmérique très sépa- rées des établissements européens, il m'est difficile d'admettre que depuis trois siècles des peuplades soient restées absolument isolées et n'aient pas reçu un arbre aussi utile, par Tintermé- diaire des pays colonisés. En résumé , voici ce qui me parait le plus probable : une introduction faite de bonne heure par les Espagnols et les Por- tugais à Saint-Domingue et au Brésil, ce qui suppose, Ten con- viens, une erreur de Garcilasso quant aux traditions des Péru- viens. Si cependant des recherches ultérieures venaient à prouver que le Bananier existait dans quelques parties de l'Amérique avant la découverte par les Européens, ie croirais à une introduction fortuite, pas très ancienne^ par l'effet d'une communication inconnue avec les îles de la mer Pacifique ou avec la côte de Guinée, plutôt qu'à l'existence primitive et simultanée du Bananier dans les aeux mondes. La géographie botanique tout entière rend cette dernière hypothèse impro- bable, je dirai presque impossible à admettre, surtout dans un genre non partagé entre les deux mondes. Enfin , pour terminer ce que j'ai à dire du Bananier , je remarquerai combien la distribution des variétés est favorable à l'opinion de l'espèce unique, adoptée, dans des vues de bota- nique pure, par Roxburgh, Desvaux et R. Brown. S'il existait deux ou trois espèces, probablement l'une serait représentée par les variétés qu'on a soupçonnées originaires de TAmérique ; une autre serait sortie, par exemple, de l'archipel indien ou de la Chine, et la troisième de l'Inde. Au contraire, toutes les va- riétés sont géographiquement mélangées. En particulier, les deux qui sont le plus répandues en Amérique diffèrent sensible- ment Fune de l'autre et se confondent chacune avec des variétés asiatiques, ou s'en rapprochent beaucoup. Ananas. — Ananassa sativa^ Lindley. — Bromelia Ananas, Linné. Malgré les doutes énoncés par quelques auteurs l'Ananas doit être une plante d'Amérique, introduite de bonne heure, par les Européens, en Asie et en Afrique. Nana était le nom brésilien *, d'où les Portugais avaient fait Ananas. Les Espagnols avaient imaginé le nom de Pinas, à cause de l'analogie de forme avec le cône du Pin pignon *. Tous les premiers écrivains sur l'Amérique en parlent '. Hernandez dit que l'Ananas habite les endroits chauds de Haïti et du Mexique. Il mentionne un nom mexicain, Matzatli. On avait 1. Marcgraf, Brasil., p. 33. 2. Oviedo, trad. de Ramusio, 3, p. 113; Jos. Acosta, HisU nat. des Indes, Irad. franc., p. 166. 3. Thevet, Pison, etc. ; Hernandez, Thés, p. 341. ANANAS 249 apporté un fruit d'Ananas à Charles-Quint, qui s'en défia et ne voulut pas le goûter. Les ouvrages des Grecs, des Romains et des Arabes ne font aucune allusion à cette espèce, introduite évidemment dans Tancien monde depuis la découverte de l'Amérique. Rheede *, au xvii« siècle, en était persuadé ; mais ensuite Rumphius * a contesté, parce que, disait-il, l'Ananas était cultivé de son temps dans toutes les parties de l'Inde, et qu'on en trouvait de sauvages aux Gélèbes et ailleurs. Il remarque cependant l'ab- sence de nom asiatique. Celui indiqué par Rheede au Malabar est tiré évidemment d'une comparaison avec le fruit du Jac- quier et n'a rien d'original. C'est sans doute par erreur que Piddington attribue un nom sanscrit à l'Ananas ^ car ce nom même, Anarush, parait venir d'Ananas. Roxburgh n'en connais- sait point, et le dictionnaire de Wilson ne mentionne pas le nom d'Anarmh. Royle ' dit que l'Ananas a été introduit dans le Bengale en 1594. D'après Kircher *, les Chinois le cultivaient dans le xviie siècle, mais on pensait qu'il leur avait été apporté du Pérou. Clusius 5, en 1599, avait vu des feuilles d'Ananas apportées . Novitius DictionnctfHum, au mot Faba. FÈVE 2SS Le mot Faba se retrouve dans plusieurs des langues aryennes de l'Europe, avec des modifications que les philologues seuls peuvent reconnaître. N'oublions cependant pas Fobservation très juste d'Adolphe Pictet * que, pour les graines de céréales et de Légumineuses, on a souvent transporté des noms d'une espèce à l'autre, ou que certains noms étaient tantôt génériques et tantôt spécifiques. Plusieurs graines, de forme analogue, ont été appe- lées Kuamos par les Grecs ; plusieurs haricots diff'érents (Pha- selus, Dolichos) portent le même nom en sanscrit, et Faba^ en ancien slave Éoèu , en ancien prussien Babo , en armoricain FaVy etc., peut fort bien avoir été employé pour dv.s pois, hari- cots, ou autres graines de ce genre. Ne voyons-nous pas de nos jours appeler, en style commercial, le café une fève ? C'est donc avec raison que Pune ayant parlé d'îles fabarix, où se trou- vaient des Fèves en abondance, et ces îles étant situées dans l'océan septentrional, on a pensé qu'il s'agissait d'un certain pois sauvage appelé en botanique Pisum maritimum. Les anciens habitahts de la Suisse et de l'Italie, à Tépoque du bronze, cultivaient une variété à petites graines du Faba vul- garis, M. Heer * la désigne sous le nom de Celtica nana^ parce que la graine a de 6 à 9 millimètres de longueur, tandis que celle de notre Fève actuelle des champs (Fèverolle) en a 10 à 12. Il a comparé les échantillons de Montelier sur le lac de IMorat et de l'île de Saint-Pierre du lac de Bienne, avec d'autres de Parme de la même époque. M. de Mortillet a trouvé dans les lacustres contemporains du lac du Bourget la même petite fève, qu'il dit fort semblable à une variété cultivée aujourd'hui en Espagne ^. La Fève était cultivée chez les anciens Egyptiens *. Il est vrai a ue, jusqu'à présent, on n'en a pas trouvé des graines ou vu des gures dans les cercueils ou monuments. La cause en est, dit-on, ' qu'elle était réputée impure ^. Hérodote ® s'exprime ainsi : « Les Egyptiens ne sèment jamais de Fèves dans leurs terres, et, s'il en vient, ils ne les mangent ni crues ni cuites. Les prêtres n'en peuvent pas même supporter la vue ; ils s'imaginent que ce légume est impur. » La Fève existait donc en Egypte, et proba- blement dans les endroits cultivés, car les terrains qui pouvaient lui convenir étaient généralement en culture. Peut-être la popu- lation pauvre et celle de certains districts n'avaient pas les mêmes préjugés que les prêtres. On sait que les superstitions différaient suivant les nomes. Plutarque et Diodore de Sicile ont 1. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes ^ éd. 2, vol. 1, p. 353. 2. Heer, Pflanzen, der Pfahlbauten, p. 22, tig. 44-47. 3. Perrin, Etude préhistorique sur la Savoie, p. 2. . 4. Delile, Plant, cuit, en Egypte, p. 12 ; Reynier, Economie des Egyptiens et Carthaginois, p. 340 ; Unger, Pflanzen d. alten jEgyptens, p. 64 ; Wil- kinson, Manners and customs of ancient Egyptians, 2, p. 402. u. Reynier, /. c, cherche à en deviner les motifs. 6. Hérodote, Histoire, traduction de Larcher, vol. 2, p. 32. âS6 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES mentionné la culture de la Fève en Egypte, mais ils écrivaient 500 ans après Hérodote. On trouve deux fois dans l'Ancien Testament * le mot Pol^ qui a été traduit par fève , à cause des traditions conservées par le Talmud et du nom arabe /bw/, fol ou /*«/, qui est celui de la fève. Le premier des deux versets fait remonter la connaissance de l'espèce par les Hébreux à Tan mille avant Jésus-Christ. Je signalerai enfin un indice d'ancienne existence de la Fève dans le nord de l'Afrique. C'est le nom berbère Ibiou^ au pluriel labouen, usité chez les Kabyles de la province d'Alger *. Il ne ressemble nullement au nom sémitique et remonte peut-être à une grande antiquité. Les Berbères habitaient jadis la Mauri- tanie, où Pline prétend que l'espèce était sauvage. On ignore si les Guanches, peuple berbère des îles Canaries, connaissaient la fève. Je doute que les Ibères l'aient eue, car leurs descendants supposés, les Basques, se servent du nom Baba ', répondant au Faba des Romains. D'après ces documents, la culture de la fève est préhistorique en Europe, en Egypte et en Arabie. Elle a été introduite en Eu- rope, probablement par les Aryens occidentaux, lors de leurs premières migrations (Pélasges, Celtes, Slaves) . C'est plus tard qu'elle a été portée en Chine, un siècle avant l'ère chrétienne, plus tard encore au Japon ; et tout récemment dans l'Inde. Quant à l'habitation spontanée, il est possible qu'elle ait été double il y a quelques milliers d'années, l'un des centres étant au midi de la mer Caspienne, l'autre dans l'Afrique septentrio- nale. Ces sortes d'habitations, que j'ai appelées disjointes et dont je me suis beaucoup occupé naguère *, sont rares dans les plantes Dicotylédones; mais il en existe des exemples précisé- ment dans les contrées dont je viens de parler ^. Il est probable que l'habitation de la Fève est depuis longtemps en voie de di- minution et d'extinction. La nature de la plante appuie cette hypothèse, car ses graines n'ont aucun moyen de dispersion, et les rongeurs ou autres animaux peuvent s'en emparer avec faci- lité. L'habitation dans l'Asie occidentale était peut-être moins limitée jadis que maintenant, et celle en Afrique, à l'époaue de Pline, s'étendait peut-être plus ou moins. La lutte pour l'exis- tence, défavorable à cette plante, comme au Maïs, 1 aurait can- tonnée peu à peu et l'aurait fait disparaître, si l'homme ne l'avait sauvée en la cultivant. La plante qui ressemble le plus à la Fève est le Vicia narbo- nensis. Les auteurs qui n'admettent pas le genre Faba, dont les 1. Samuel, II, c. 17, v. 28; Ezechiel, c. 4, v. 9. 2. Dict. français-berbère^ publié par le gouvernement français. 3. Note communiquée à M. Clos par M. d*Abadie. 4. A. de CandoUe, Géographie botafiique raisonnée^ chap. X. 5. Le Rhododendron ponticum ne se trouve plus que dans l'Asie Mineure et au midi de la péninsule espagnole. LENTILLE 287 caractères sont assez peu distincts du Vicia, rapprochent ces deux espèces dans une même section. Or le Vicia narbonensis est spontané dans la région de la mer Méditerranée et en Orient, jusqu'au Caucase, à la Perse septentrionale et la Mésopotamie *. Son habitation n'est pas disjointe, mais elle rend probable, par analogie, l'hypothèse dont j'ai parlé. Lentille. — Ervum Lens^ Linné. — Lens esculetita, Moench. Les plantes qui ressemblent le plus à la Lentille sont classées par les auteurs tantôt dans le genre Ervum ^ tantôt dans un genre distinct, Lens^ et quelquefois dans le genre Cicer; mais les espèces de ces groupes mal définis sont toutes de la région méditerra- néenne ou de l'Asie occidentale. C'est une indication pour l'ori- gine de la plante cultivée. Malheureusement, on ne retrouve plus la LentiUe dans un état spontané, du moins qu'on puisse affir- mer être tel. Les flores du midi de l'Europe, de l'Afrique septen- trionale, d'orient et de l'Inde la citent toujours comme cultivée, ou venant dans les champs, après ou parmi d'autres cultures. Un botaniste * l'a vue dans les provinces au midi du Caucase, « cul- tivée et presque spontanée çà et là autour des villages. » Un autre ' l'indiquait vaguement dans la Russie méridionale, mais les flores plus récentes ne le confirment pas. Voyons si l'histoire et les noms de cette plante indiquent plus clairement son origine. Elle est cultivée depuis un temps préhistorique en Orient, dans larégion de la mer Méditerranée, et même en Suisse. D'après Hérodote, Théophraste, etc., les anciens Egyptiens en faisaient un grand usage. Si leurs monuments n'en ont pas fourni la preuve, c'est peut-être que la graine en était réputée commune et grossière, comme la fève. L'Ancien Testament la mentionne trois fois, sous le nom à'Adaschum ou Adaschim^ qui doit bien signifier Lentille, car le nom arabe est Ads * ou Adas °. La couleur rouge du fameux potage d'Esaû n'a pas été comprise par la plupart des auteurs. Reynier ®, qui avait séjourné en Egypte, confirme une explication donnée jadis par l'historien Josèphe : les lentilles étaient rouges, parce qu'elles étaient mondées. La pratique des Egyptiens, dit Reynier, est encore de dépouiller ces graines de leur "écorce, et dans ce cas elles sont d'un rouge pâle. Les Berbères ont reçu des Sémites pour la lentille le nom Adès '. Les Grecs cultivaient la Lentille : Fakos ou Fakai. Il en est 1. Boissier, FI. orient.^ 2, p. 577. 2. C.-A. Meyer, Vei^zeichniss pi, caucas.^ p. 147. 3. Georgi, dans Ledebour, FL ross. 4. Forskal, Ft. œgypt.; Delile, Plant, cuit, en Egypte, p. 13. 0. Ebn Baithar, 2, p. 134. 6. Reynier, Economie publique et rurale des Arabes et des Juifs, Genève, 1820, ï). 429. 7. Dictionn. français-berbère, in-8*, 1844. De Candolle. 17 288 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES question déjà dans Aristophane, comme servant de nourriture aux pauvres ^ Les Latins l'appelaient Lens^ mot d'une origine inconnue, qui est évidemment lié au nom ancien slave Lesha, illyrien Lechja^ lithuanien Lenszic ^. La diversité des noms grec et latin est une indication que l'espèce a peut-être existé en Grèce et en Italie, avant d'y être cultivée. Une autre preuve d'existence ancienne en Europe est qu'on a trouvé des lentilles dans les habitations lacustres de l'île Saint-Pierre, du lac de Bienne ', qui sont, il est vrai, de l'époque du bronze. L'espèce peut avoir été tirée dltalie. D'après Théophraste *, les habitants de la Bactriane ÇBouc- kharie actuelle) ne connaissaient pas le Fakos des Grecs. Adolphe Pictet cite un nom persan, Mangu ou Margu; mais il ne dit pas si c'est un nom ancien, qui se trouve, par exemple, dans le Zend- avesta. Il admet pour la Lentille plusieurs noms sanscrits, Ma* surtty Benuka^ Mangalya^ etc., tandis que les botanistes anglo- indiens, Roxburgh et Fiddington, n'en connaissaient aucun '. Gomme ceux-ci mentionnent un nom analogue hindustani et bengali, Mussour^ on peut croire que Masura exprime bien la Lentille, tandis que Mangu des Persans rappelle l'autre nom, Mangalya. Roxburgh et Piddington ne donnant aucun nom dans les autres langues de llnde, on peut présumer que la lentille n'était pas connue dans ce pays avant l'arrivée du peuple de langue sanscrite. Il n'est pas question de l'espèce dans les anciens ouvrages chinois; du moins, le D"" Bretschneider n'en parle ni dans son opuscule de 1870, ni dans les lettres plus détaillées qu'il m'a écrites récemment. En résumé, la lentille parait avoir existé dans TAsie occidentale tempérée, en Grèce et en Italie quand les hommes ont eu lldée de la cultiver , dans un temps préhistorique très ancien, et l'ont portée en Egypte. La culture paraît s être étendue, à une époque moins reculée, mais à peine historique, à l'ouest et à l'est, c'est-à-dire en Europe et dans l'Inde. Pois chiche. — Cicer anetinum, Linné. On connaît quinze espèces du genre Cicer, qui sont toutes de l'Asie occidentale ou ae la Grèce, à l'exception d'une, qui est d'Abyssinie. La probabilité est donc très grande que l'espèce cultivée vient des pays entre la Grèce et l'Himalaya, appelés vaguement l'Orient. Elle n'a pas été trouvée, d'une manière certaine , dans les conditions d'une plante spontanée. Toutes les flores du midi de 1. Hehn, Culturpflanzen, etc., éd. 3, voL 2, p. 188. 2. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. !• p. 364; Hehn, /. c. 3. Heer, Pfianzen d, Pfahlbauteny p. 23, fig. 49. 4. Theophrastes, Hist,, 1. 4, c. 5. 5. Roxburgh. F/, ind,, éd. 1832, v. 3, p. 324 ; PiddlngtOD, Index. POIS CHICHE 259 l'Europe, d'Egypte et de TAsie occidentale jusqu!à la mer Cas- pienne et l'Inde en parlent comme d'une espèce cultivée ou des champs et de terrains cultivés. On Ta indiquée quelquefois * en Crimée, et au nord et surtout au midi du Caucase, comme à peu près spontanée; mais les auteurs modernes bien informés ne le croient pas *. Cette quasi spontanéité peut faire présumer seu- lement une origine d'Arménie et des pays voisins. La culture et les noms de l'espèce jetteront peut-être quelque jour sur la question. Le Pois chiche était cultivé chez les Grecs, déjà du temps d'Homère, sons le nom de Erebintkos ^ et aussi de Krios *, à cause de la ressemblance de la graine avec une tête de bélier. Les Latins l'appelaient Cieer^ origine des noms modernes dans le midi de l'Europe. Ce nom existe aussi chez les Albanais, des- cendants des Pélasges, sous la forme de Kikere ^. L'existence de noms aussi différents indique une plante très anciennement connue et peut-être indigène dans le sud-est de l'Europe. Le Pois chiche n'a pas été trouvé dans les habitations lacustres de Suisse, Savoie ou Italie. Pour les premières, ce n'est pas sin- gulier; le climat n'est pas assez chaud. Un nom commun chez les peuples du midi du Caucase et de la mer Caspienne est en géorgien iVachuda, en turc et arménien Nachius^ Naehunt, en persan Nochot *. Les linguistes pourront dire si c'est un nom très ancien et s'il a quelque rapport avec le nom sanscrit Chennuka, Le Pois chiche est si souvent cultivé en Egypte depuis lespre- miers temps de l'ère chrétienne ' qu'on le suppose avoir été également connu des anciens Egyptiens. Il n'en existe pas de preuve dans les figures ou les dépôts de graines de leurs monu- ments, mais on peut supposer que cette graine, comme la fève et la lentille, était réputée vulgaire ou impure. Reynier ^ pensait que le Ketsech, mentionné par Esaïe dans l'Ancien Testament, était peut-être le pois chiche ; mais on attribue ordinairement ce nom à la Nielle {Nigella sativa) ou au Vicia sativa^ sans en être sûr ®. Comme les Arabes appellent le Pois chiche d'un nom tout différent, Omnos, Homos^ qui se retrouve chez les Kabyles sous 1. Ledebour, FI, ross., 1, p. 661^, d'après Pallas, Falk et C. Koch. 2. Boissier, FI. orient.-, 2, p. 56ty; Steven, Verzeichniss des taurischen Hab- linseln, p. 134. 3. Iliadey 1. 13, v. 589 ; Theophrastes, Hisi., 1. 8, c. 3. 4. Dioscorides, 1. 2, c. 126. 5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands^ p. 71. 6. Nemnich, PolygtotL Lexicon, 1, p. 1037^ Bunge, dans Gœbels Reise, 2, p. 328. 7. Clément d'Alej^andrie, Strom., 1. 1, cité d'après Reynier, Economie des Egyptiens et Carthaginois, p. 343. 8. Reynier, Economie des Arabes et des Juifs, p. 430. 9. RosenmûUer, Bii)l. Alterth., 1, p. 100; Hamilton, Botanique de la Bible, p. 180. 260 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES la forme Hammez *, il n'est pas probable que le Ketsech des Juifs fut la même plante. Ces détails me font soupçonner que l'espèce était inconnue aux anciens Egyptiens et Israélites. Elle s'est peut-être répandue chez eux de Grèce ou dltalie, vers le commencement de notre ère. L'introduction a été plus ancienne dans l'Inde, car on connaît un nom sanscrit et plusieurs noms, analogues ou différents, dans les langues modernes ^. Bretschneider ne mentionne pas l'espèce en Chine. Je ne connais aucune preuve de Tancienneté de la culture en Espagne ; cependant le nom castillan GarbanzOy usité aussi par les Basques sous la forme Garbantzua et en français sous celle de Garvance, n'étant ni latin ni arabe, peut remonter à une date plus ancienne que la conquête romaine. Les données botaniques, historiques et linguistiques s'accor- dent à faire présumer une habitation antérieure à la culture dans les pays au midi du Caucase et au nord de la Perse. Les Aryens occidentaux (Pélasges, Hellènes) ont peut-être introduit la plante dans l'Europe méridionale, où cependant il y a quel- que probabilité qu'elle était également indigène. Les Aryens orientaux l'ont portée dans l'Inde. La patrie s'étendait peut-être de la Perse à la Grèce, et maintenant l'espèce n'existe plus que dans les terrains cultivés, où Ton ne sait pas si elle provient de pieds originairement sauvages ou de pieds cultivés. Lupin. — Lupinus albus, Linné. Les anciens Grecs et Romains cultivaient cette Légumineuse pour l'enfouir, comme engrais vert, et à cause des graines, qui sont bonnes pour nourrir les bœufs et dont l'homme fait aussi usage. Les expressions de Théophraste , Dioscoride , Caton , Varron, Pline, etc., citées par les modernes, se rapportent à la culture ou aux propriétés médicales des graines et n'indiquent pas s'il s'agissait du Lupin à fleurs blanches (Z. albus] ou de celui à fleurs bleues (Z. kirsutus)^ qui croît spontanément dans le midi de l'Europe. D'après Fraas ^ ce dernier est cultivé aujour- d'hui dans la Morée ; mais M. de Heldreich * dit que dans TAttique c'est le L. albus. Gomme en Italie on cultive depuis longtemps celui-ci, il est probable que c'est IcLupin des anciens. On le cul- tivait beaucoup dans le xvi« siècle, surtout en Italie '^j et de l'Ecluse constate l'espèce, car il la nomme Lupintis sativus albo flore ®. L'ancienneté de la culture en Espagne est indiquée par 1. Rauwolf, FI. orient., d. 220; Forska', FU segypt., p. 81; Dictionnaire français- berbère. 2. Roxburgh, FI. ind., 3, p. 324 ; Piddington, Index^ 3. Voir Fraas, FI. class., p. 51 ; Lenz, Bot. dei" Alten, p. 73. 4. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenl., p. 69. 5. Olivier de Serres, Théâtre de Vagric.y éd. 1529, p. 88. 6. Clusius, Historia plant., 2, p. 228. LL'PIN — TERMIS 261 rexistence de quatre noms vulgaires différents, suivant les pro- vinces ; mais la plante y existe seulement à l'état cultivé ou pres- que spontané, dans les champs et les endroits sablonneux *. En Italie, l'espèce a été indiquée, par Bertoloni, sur les collines de Sarzane. Cependant M. Garuel ne pense pas qu'elle y soit spontanée, non plus que dans d'autres localités de la pénin- sule ^. Gussone ^ est très affîrmatif pour la Sicile. Il indique la plante : « sur les collines arides et sablonneuses, et dans les prés (in herbidis) ». Enfin Grisebach * Ta trouvée dans la Tur- quie d'Europe, près de Ruskoï, et d'Urville ^, en abondance, dans des bois près de Gonstantinople. Castagne le confirme dans un catalogue manuscrit que je possède. M. Boissier ne cite aucune localité pour l'Orient ; il n'est pas question de l'espèce dans l'Inde, mais des botanistes russes l'ont recueillie au midi du Caucase, sans que l'on sache si c'était bien dans des condi- tions de spontanéité *. On découvrira peut-être d'autres localités entre la Sicile, la Macédoine et le Caucase. Termis. — Lupinus Termis, Forskal. On cultive beaucoup en Egypte, et même dans l'île de Crète, cette espèce de Lupin, si voisine du L. albus qu'on a proposé quelquefois de les réunir '. La différence la plus apparente est qjue la fleur du Termis est bleue dans sa partie supérieure. La tige est plus haute que dans le L. albus. On fait usage des grai- nes, comme de celles du Lupin ordinaire, après les avoir fait macérer, à cause de leur amertume. Le L. Termis est spontané dans les sables et sur les collines en Sicile, en Sardaigne et en Corse ^; en Syrie et en Egypte, sui- vant M. Boissier ®; mais, selon MM. Schweinfurth et Acherson, il serait seulement cultivé en Egypte *°. Hartmann l'a vu sau- vage dans la haute Egypte ".Unger ** l'indique parmi les espèces cultivées chez les anciens Egyptiens, mais il ne cite ni -échan- tillon ni figure. Wilkinson *^ se borne à dire qu'on l'a trouvé dans les tombeaux. Aucun Lupin n'est cultivé dans l'Inde et n'a de nom en sans- crit; on en vend des graines dans les bazars sous le nom de Tourmus (Royle, ///., p. 194). 1. Willkomm et Lange, FL. hisp., 3, p. 466. 2. Caruel, FI. toscana, p. 136. 3. Gussone, Florx siculx synopsis^ éd. 2, vol. 2, p. 266. 4. Grisebach, Spicil. FL rumel., p. 11. 5. D'Urville, Enum.y p. 86. 6. Ledebour, FI. ross,, 1, p. 510. 7. Caruel, FL tosc, p. 136. 8. Gussone, FL sic. syn., 2, p. 267 ; Moris, FL Sardoa, 1, p. 596 9. Boissier, FL orienL, 2, p. 29 10. Schweinfurth et AschersoD, Aufzàhlung^ etc., p. 257. 11. Schweinfurth, Plaiitse nilot. a Hartmann colL, p. 6. 12. Un^er, Pflanzen d. ait. JEgypten., p. 65 13. Wilkinson, Manners and cusioms of ancient Egyptians^ 2, p. 403. 262 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Le nom Terniis ou Termus, des Arabes, est celui du Lupin des Grecs, Termos, On peut soupçonner que les Grecs Pont reçu des Egyptiens. L'espèce ayant été connue dans l'ancienne Egypte, il est assez singulier qu'on ne mentionne aucun nom hébreu *. Elle a peut-être été introduite en Egypte après l'époque du sé- jour des Juifs. Pois des champs. — Pois gris, — Bisaille. — Pisum arvense, Linné. Il s'agit ici du Pois que l'on cultive en grand, pour ses grai- nes, et quelquefois comme fourrage. Bien que son apparence et ses caractères botaniques permettent de le distinguer assez faci- lement du Pois des jardins potagers, les auteurs grecs et ro- mains le confondaient ou ne se sont pas expliqués clairement à son égard. Leurs ouvrages ne prouvent pas qu'il fût cultivé de leur temps. On ne Ta pas trouvé dans les lacustres de Suisse, Savoie et Italie. Une légende de Bobbio, en 930, dit que les paysans italiens appelaient un grain Herèilia, et l'on a conclu de là que c'était le nubig lia actuel, soit Pisum sativum des bota- nistes ^. L'espèce est cultivée en Orient et jusque dans l'Inde septentrionale ^. Pour ce dernier pays, ce n'est pas une culture ancienne, car on ne connaît pas de nom sanscrit, et Piddington cite un seul nom dans une des langues modernes. O-uoi qu'il en soit de l'introduction de la culture, l'espèce existe, à l'état bien spontané^ en Italie, non seulement dans les haies et près des cultures, mais aussi dans des forêts et lieux incultes des montagnes*. Je ne découvre aucune indication ana- logue positive dans les flores d'Espagne, d'Algérie, de Grèce et d'Orient. On a dit la plante indigène dans la Russie méridio- nale ; mais tantôt la qualité spontanée est très douteuse et tantôt c'est l'espèce elle-même qui n'est pas certaine, par confusion avec le Pisum sativum ou le P. elatius, Royle admettait Tindi- génat dans l'Inde septentrionale, mais il est le seul parmi les botanistes anglo-indiens. Pois des jardins, petit Pois.. — Pisum sativum^ Linné. Le pois de nos jardins potagers est plus délicat que celui des champs. Il craint la gelée et la sécheresse. Probablement son habitation naturelle, avant la culture, était plus méridionale et restreinte. Le fait est qu'on ne l'a pas encore trouvé dans un état spon- tané, soit en Europe, soit dans l'Asie occidentale d'où l'on pré- 1. Rosenmûller, Bibl. Alterth,^ vol. 1. 2. Muratori, Antich, ital., 1, p. 347; Diss,, 24; cité par Targioni, Cemii stoHci, p. 31. 3. Boissier, FL orient.^ 2, p. 623 ; Royle, IlL Himal., p. 200. 4. Bertoloni, FI. ital., 7, p. 419 ; Caruel, FL tosc, p. 184 ; Gaseone, FI. siculx synopsis, 2, p. 279; Moris, FL sardoa, 1, p. 5T7. POIS DES JARDINS 363 sume qu'il est sorti. L'indication de Bieberstein pour la Crimée n'est pas exacte, selon Steven, qui a résidé dans le pays *. Peut- être les botanistes ont passé à côté de son habitation . Peut-être la plante a disparu de son lieu d'origine. Peut-être encore elle n'est qu'une modification du Pisum arvense^ obtenue dans les cultures . Cette dernière opinion était celle d'Alefeld ', mais ce qu'il a publié est si bref qu'on ne peut rien en conclure. Cela se borne à dire qu'ayant cultivé un grand nombre de formes de pois des champs et des jardins, il a jugé qu'elles appartiennent à la même espèce. Darwin ' avait appris, par un intermédiaire, que André Knight avait croisé le Pois des champs avec un Pois de jardin appelé Pois de Prusse, et que les produits avaient paru complètement fertiles. Ce serait bien une preuve de l'unité spécifique, mais il faudrait pourtant plus d'observations et plus d'expériences. Provisoirement, dans cette recherche des origines géographiques, je suis obligé de considérer les deux formes séparément, et dans ce but j'examinerai la question du Pisum sativum des jardins. Les botanistes qui distinguent beaucoup d'espèces dans • le genre Pisum, en admettent huit, qui sont toutes d'Europe ou d'Asie. Le Pisum sativum était cultivé chez les Grecs, du temps de Théophraste *. Ils l'appelaient Pisos ou Pison. Les Albanais, descendants des Pelasges, l'appellent Pizelle *. Les Latins di- saient Pisum ®. Cette uniformité de nomenclature fait supposer que les Aryens arrivés en Grèce et en Italie connaissaient la plante et l'avaient peut-être apportée avec eux. Les autres lan- gues d'origine aryenne présentent plusieurs mots pour le sens générique de Pois; mais il est évident, d'après la savante dis- sertation d'Adolphe Pictet ''j qu'on ne saurait appliquer aucun de ces noms au Pisum sativum en particulier. Même quand une des langues modernes, slave ou bretonne, a limité le sens au Pois des jardins, il est très possible que jadis, à l'origine de ces langues, le mot ait signifié Pois des champs ou Lentille ou quelque autre Légumineuse. On a retrouvé le petit Pois ® dans les restes des habitations lacustres de Tâge de bronze, en Suisse et en ^avoie. La graine est sphérique, en quoi l'espèce diffère du Pisum arvense. Elle est plus petite que celle de nos Pois actuels. M. Heer dit l'avoir 1. Steven, Verzeichniss^ p. 134. 2. Alefeld, Botanische Zeitung, 1860, p. 204. 3. Darwin, Variations of animais and plants under domestication, p. 326. 4. Theophrastes, Hist., 1. 8, c. 3, 5. 5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 71. 6. Pline, Hist.^ 1. 18, c. 7, 12. Il s'a^git bien du Pisum sativum, car l'au- teur dit qu'il supporte très mal le froid. 7. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 359. 8. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, 23, flg; 48 ; Perrin, Etudes préhvttoriq. sur la Savoie, p. 22. 264 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES vue aussi de l'âge de la pierre, à Moosseedorf ; mais il est moins affirmatif et ne donne des figures que du Pois moins ancien de Tîle de Saint-Pierre. Si l'espèce remonte à l'âge de pierre en Suisse, ce serait une raison de la regarder comme antérieure aux peuples aryens. Il n'y a pas d'indication de culture du Pisum sativum dans l'ancienne Egypte ou chez les Hébreux. Au contraire, il a été cultivé depuis longtemps dans l'Inde septentrionale, s'il avait, comme le dit Piddington, un nom sanscrit, Harenso, et s'il est désigné par plusieurs noms, très différents de celui-ci, dans les langues indiennes actuelles *. On l'a introduit en Chine de l'Asie occidentale. Le Pent-sao, rédigé à la fin du xvi* siècle de notre ère, le nomme Poïs mahométan ^. En résumé, l'espèce paraît avoir existé dans l'Asie occidentale, peut-être du midi du Caucase à la Perse, avant d'être cultivée. Les peuples aryens l'auraient introduite en Europe, mais elle était peut-être dans l'Inde septentrionale avant l'arrivée des Aryens orientaux. Elle n'existe peut être plus à l'état spontané, et quand elle s'offre dans les champs, quasi spontanée, on ne dit pas qu'elle ait une forme modifiée qui se rapproche des autres espèces. Soja. — Dolichos Soja^ Linné. — Glycine Soja, Bentham. La culture de cette Légumineuse annuelle remonte, en Chine et au Japon, à une antiquité reculée. On pouvait le présumer d'après la multitude des emplois de la graine et le nombre im- mense des variétés. Mais, en outre, on estime que c'est un des farineux nommés Sku dans les ouvrages chinois contemporains de Confucius, quoique le nom moderne de la plante soit la-tou '. Les graines sont à la fois nutritives et fortement oléagineuses» ce qui permet d'en tirer des préparations analogues au beurre, à l'huile et au fromage dans la cuisine japonaise et chinoise *. Le Soja est cultivé aussi dans l'archipel indien, mais à la fin du xvii® siècle il était encore rare à Amboine^, etForster ne l'avait pas vu dans les îles de la mer Pacifique, lors du voyage de Cook. Dans l'Inde, il doit être d'une introduction moderne, car Roxburgh n'avait vu la plante qu'au jardin botanique de Cal- cutta, où elle provenait des Moluques ®. On ne connaît pas de noms vulgaires indiens ^. D'ailleurs si la culture était ancienne 1. Piddington, Index. Roxburgb ne parle pas d'un nom sanscrit. 2. Bretscnneider, Study and value of chinese botanical works, p. 16. 3. Bretschneider, i/>îV/., p. 9. 4. Voir Pailleux, dans le Bullelin de la Société d'acclimatation, sept, et oct. 1880. 5. Rumphius, Amb., vol. 5, p. 388. 6. Roxburgh, Flora indica, 3, p. 314. 1, Piddington, Index. SOJA 265 dans rinde, elle se serait propagée vers Touest, en Syrie et en Egypte, ce qui n'est pas arrivé. Kaempfer * avait publié jadis une excellente figure du Soja, et on le semait depuis un siècle dans les jardins botaniques d'Eu- rope, lorsque des renseignements plus nombreux sur la Chine et le Japon suscitèrent, il y a une dizaine d^années, un zèle extraor- dinaire pour l'introduire dans nos pays. C'est surtout dans r Autriche-Hongrie et en France que des essais ont été faits en grand et qu'on les a résumés dans des ouvrages très dignes d'être consultés '. Faisons des vœux pour que le succès réponde à ces efforts, mais nous ne devons pas nous écarter du but de nos recherches. Occupons-nons donc ici de l'origine probable de l'espèce. Linné a dit dans son Species : « Habitat in India ; » après quoi il renvoie à Kaempfer, qui a parlé des plantes du Japon, et à sa propre flore de Ceylan, où 1 on voit que la plante était cultivée dans cette île. La flore moderne de Ceylan, par Thwaites, n'en fait aucune mention. Evidemment il faut avancer vers l'Asie orientale pour trouver l'origine à la fois de la culture et de l'espèce. Loureiro dit qu'elle habite en Cochinchine et qu'on la cultive souvent en Chine ^. Je ne vois pas de preuve qu'on l'ait trouvée sauvage dans ce dernier pays, mais on l'y découvrira peut-être, vu l'ancienneté de la culture. Les botanistes russes * ne l'ont rencontrée dans le nord de la Chine et vers le fleuve Amour qu'à l'état de plante cultivée. Elle est certainement spontanée au Japon ^. Enfin, Junghuhn ^ l'a récollée à Java sur le mont Gunung-Gamping, et l'on rapporte à la même espèce une plante envoyée aussi de Java par Zollinger, sans qu'on sache si elle était vraiment spontanée \ Un nom malais, Ka- delee ^, tout à fait différent des noms vulgaires japonais et chi- nois, appuie l'indigénat à Java. En résumé, d'après les faits connus et les probabilités histo- riques et linguistiques, le Soja était spontané de la Cochin- chme au Japon méridional et à Java lorsque d'anciens habi- tants, à une époque très reculée, se sont mis à le cultiver, à l'employer de différentes manières pour leur nourriture, et en ont obtenu des variétés, dont le nombre est remarquable, sur- tout au Japon. i. Kœmpfer, Amœn. exot,, p. 837, pi. 838. 2. Haberlandt, Die Sojabohne, m-8% Vienne, 1878, extrait en français par M. Pailleux, l. c. 3. Loureiro, FI. coch., 2. p. 538. 4. Bunge, Ënum. plant. Chin., n" 118; Maximowicz, Primitif fl. Amui\, p. 87 5. Miquel, Prolusio, dans Ann. Mus. Lugd.-Bat., 3, p. 52; Franchet et Savatier, Enum. plant. Jap., 1, p. 108. 6. Junghuhn, Plantœ Jungh., p. 255. 7. Le Soja angustifblia, Miquel; voir Hooker, Fl. brit. Ind.^ 2, p. 184. 8. Rumphius, l. c. 266 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Cajan. — Cajanus indiens^ Sprengel. — Cytisus Cajan, Linné. Cette Légumineuse, très souvent cultivée dans les pays tropi- caux, est de la nature des arbustes; mais elle fructifie dès la première année, et dans quelques pays on aime mieux la cul- tiver comme une plante annuelle. Ses graines sont. un article im- {)ortant de la nourriture des nègres ou des indigènes, tandis que es colons européens ne les recherchent guère, si ce n'est pour les manger avant maturité, comme nos petits pois. La plante se naturalise avec une grande f acuité dans de mau- vais terrains, hors des cultures, même aux Antilles, d'où elle n'est certainement pas originaire *. A l'île Maurice, elle se nomme Ambrevade; dans les colonies anglaises, Doll^ 'Pigeon-Pea, et dans les Antilles anglaises ou françaises, Pois d'Angola^ Pois de Congo ^ Pois pigeon. Chose singulière, pour une espèce répandue dans les trois continents, les variétés ne sont pas nombreuses. On en signale deux, basées uniquement sur la couleur jaune ou teintée de rouge dés fleurs, qui ont été regardées quelquefois comme des espèces distinctes, mais que des observations plus attentives ramènent à une seule, conformément à l'opinion de Linné *. Le petit nombre des variations obtenues, même dans l'organe pour lequel on. cultive l'espèce, est un indice de culture pas très an- cienne. C'est cependant ce qu'il faut chercher, car l'habitation préculturale est incertaine. Les meilleurs botanistes ont sup- posé tantôt llnde et tantôt l'Afrique in ter tropicale. M. Bentham, qui a beaucoup étudié les Légumineuses, croyait en 1861 à l'origine africaine, et en 1865 il inclinait plutôt vers Torigine asiatique '. Le problème est donc assez intéressant. Et d'abord il ne peut pas être question d'une origine améri- caine. Le Cajan a été introduit aux Antilles de la côte d'Afrique par la traite des nègres, comme l'indiquent les noms vulgaires déjà cités * et l'opinion unanime des auteurs de flores améri- caines. On l'a porté également au Brésil, à la Guyane et dans toutes les régions chaudes du continent américain. La facilité avec laquelle cet arbuste se naturalise empêcherait, à elle seule, d'accorder beaucoup de poids au dire dfes collec- teurs, qui l'ont trouvé plus ou moins spontané en Asie ou en Afrique, et de plus ces assertions ne sont pas précises. Généra- lement elles sont accompagnées de doutes. La plapart des 1. De Tussac, Flore des Antilles^ vol. 4, p. 94, pi. 32; Grisebach, FI, of hrit. w, Ind., 1, p. 191. 2. Voir sur cette question Wight et Àmott, Prodr, ft. penins, tnd., p. 256; Klotzsch, dans Peters, Reise nach Mozambique, 1, p. 36. La variété à fleur jaune est figurée dans Tussac, /. c; celle a fleur colorée de rouge, dans le Botanical registei% 1845, pi. 31. 3. Bentham, Flo7'a Hongkongensis^ p. 89 ; Flora àrasil,, vol. 15, p. 199* Bentham et Hooker, Gen,^ I, p. 541. . ' 4. De Tussac, Flore des Antilles; Jacquin, Oôs,, p. 1. CAJAN 267 anteurs de flores de Tlnde continentale n'ont vu la plante qu'à l'état cultivé *. Aucun, à ma connaissance, n'affirme la qualité spontanée. Pour Tîle de Ceylan, Thwaites ^ s'exprime cdnsi : « On dit qu'elle n'est pas réellement sauvage, et les noms du pays paraissent le confirmer. » Sir Jos. Hooker, dans sa flore de l'Inde anglaise, dit : « Sauvage ? et cultivée jusqu'à 6000 pieds dans l'Himalaya. » Loureiro * l'indique cultivée et non cul- tivée « en Gochinchine et en Chine. » Les auteurs chinois ne paraissent pas en avoir parlé, car l'espèce n'est pas nommée dans l'opuscule du D^ Bretschneider, On study^ etc. Dans les îles de la Sonde, elle est mentionnée comme cultivée, et même assez rarement à Amboine, à la fin du dix-septième siècle, d'après Rumphius *. Forster ne l'avait pas vue dans les îles de la mer Paeinque lors du voyage de Ciook, mais Seemam nous apprend que les missionnaires l'ont introduite depuis peu dans les jar- dins des îles Fidji ^. Tout cela fait présumer une extension peu ancienne de la culture à l'est et au midi du continent asiatique. Outre la citation de Loureiro, je vois qu'on indique l'espèce sur la montagne de Magelang, de l'île de Java ^; mais, en supposant tme véritable et ancienne spontanéité dans ces deux cas, il serait bien extraordinaire qu'on ne trouvât pas également l'espèce dans beaucoup d'autres localités asiatiques. L'abondance des noms indiens et malais ^ montre une culture assez ancienne. Piddington indique même un nom sanscrit, ArkukUy que Roxburgh ne connaissait pas, mais il ne donne au- cune preuve à l'appui de son assertion. Le nom peut avoir été simplement supposé, d'après les noms hindou et bengali iJrur et Oral. On ne connaît pas de nom sémitique. Bq Afrique^ le Cajan est signalé souvent de Zanzibar à la côte de Guinée ®. Les auteurs le disent cultivé, ou ne s'expliquent pas à cet égard, ce qui semble indiquer des échantillons quelque- fois spontanés. En Egypte, la culture est toute moderne, du xix« siècle '. En résumé, je doute que l'espèce soit vraiment spontanée en Asie et qu'elle s'y trouve depuis plus de 3000 ans. Si les anciens peuples l'avaient connue, elle serait arrivée à la connaissance des Arabes et des Egyptiens avant notre époque. Au contraire, dans l'Afrique équatoriale, il est possible qu'elle existe, sauvage ou cultivée, depuis un temps très long, et qu^elle soit arrivée en 1. Rheede, Roxburgh, Knrz, Burm. flora, etc. 2. Thwaites, Enum. plant. Ceylan. 3. Loureiro, FI. cochinch., p. 565. 4. Rumphius, Amb.^ toI. 5, t. 135. 5. Seemann, Flora Vitiensis^ p. 74. 6. Junffhuhn, Plantx Jungh., fasc. 1, p. 241. 7. Pidaington, Index ; Rheede, Malab., 6, p. 23 ; etc. 8. Pickering, Chronol. arrangement of plants, p. 442; Petere, Reise, p. 36; R. Brown, Bot. of Congo y p. 53 ; Oliver, Flora of tropical AfHca, 2, p. 216. 9. Bulletin de la Soc. d'acclimatation, 1871, p. 663. 268 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAIiNES Asie par d'anciens voyageurs faisant le trafic de Zanzibar à rinde et Geylan. . . Le genre Gajanus n'a qu'une espèce, de sorte qu'on ne peut invoquer aucune analogie de distribution géographique pour le croire d'Asie plutôt que d'Afrique, ou vice versa. Caroubier *. — Ceratonia Siliqua^ Linné. On sait à quel point les fruits ou légumes du Caroubier sont recherchés dans les parties chaudes de la région de la mer Médi- terranée, pour la nourriture des animaux et même de l'homme. De Gasparin ^ a donné des détails intéressants sur le traitement, les emplois et l'habitation de l'espèce, envisagée comme arbre cultivé. Il note qu'elle ne dépasse pas au nord la limite où l'on peut avoir l'oranger sans abri. Ge bel arbre, à feuilles persis- tantes, ne s'accommode pas non plus des pays très chauds, sur- tout quand ils sont humides. Il aime le voisinage de la mer et les terrains rocailleux. Sa patrie, d'après de Gasparin, est « probablement le centre de l'Afrique. Denham et Glapperton, dit-il, l'ont trouvé dans le Bournou. » Gette preuve me paraît insuffisante, car, dans toute la région du Nil et en Abyssinie, le Garoubier n'est pas sauvage ou même n'est pas cultivé '. R. Brown n'en parle pas dans son mémoire sur les plantes du voyage de Denham et Glapperton. Plusieurs voyageurs l'ont vu dans les forêts de la Gyrénaïque, entre le littoral et le plateau; mais les habiles botanistes qui ont dressé le catalogue des plantes de ce pays ont eu soin de dire * : « Peut-être indigène. » La plupart des botanistes se sont contentés de mentionner l'es- pèce dans le centre et le midi de la région méditerranéenne, depuis le Maroc et l'Espagne jusqu'à la Syrie et l'Anatolie, sans scruter beaucoup si elle est indigène ou cultivée, et sans abor- der la question de la véritable patrie, antérieure à la culture. Ordinairement, ils indiquent le Garoubier comme « cultivé et subspontané ou presque naturalisé ». Cependant il est donné pour spontané en Grèce, par M. de Heldreich; en Sicile, par Gussone et Bianca; en Algérie, par Munby ^, et je cite là des auteurs qui ont vécu assez dans ces divers pays pour se former une opinion vraiment éclairéfe. M. Bianca remarque cependant que le Garoubier n'est pas toujours vigoureux et productif dans les localités assez res- 1. Enuméré ici pour ne pas le séparer d'autres légumineuses cultivées pour les graines seulement. 2. De Gasparin, Cours d'agriculture, 4, p. 328 . 3. Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhtung, p. 255 ; Richard, Tentamen florœ ahyasinicsB . 4. Ascnerson, etc., dans Rohls, Kufra, 1, vol. in-8% 1881, p. 519. 5. Heldreich, Nutzpflanzen Griechenlands, p. 73, Die Pfianzen der atti- schen Ebene , p. 477; Gussone, Synopsis fl, siculse ^ p. 646; Bianca, // CarrubOj dans Giornale d'agricoltura italiana, 1881 ; Munby, Catal. pi. in Alger, spont., p. 13. CAROUBIER 269 treintes où il existe en Sicile, dans les petites îles adjacentes et sur la côte d'Italie. Il s'appuie, en outre, sur le nom italien Carrubo, presque semblable au nom arabe, pour émettre Tidée d'une introduction ancienne dans le midi de lEurope, l'es- pèce étant originaire plutôt de Syrie ou de l'Afrique sep- tentrionale. A cette occasion, il soutient, comme probable, l'opinion de Hœfer et de Bonne *, d'après laquelle le Lotos des Lotophages était le Caroubier, dont la fleur est sucrée et le fruit d'un goût de miel, conformément aux expressions d'Homère. Les Lotophages habitant la Cyrénaïque, le Caroubier devait croître en masse dans leur pays. Pour admettre cette hypo- thèse, il faut croire qu'Hérodote et Pline n'ont pas connu la plante d'Homère, car le premier a décrit le Lotos comme ayant une baie de Lentisque et le second comme un arbre qui perd ses feuilles en hiver 2. Une hypothèse sur une plante douteuse dont a parlé jadis un poète ne peut guère servir de point d'appui dans un raisonne- ment sur des faits d'histoire naturelle. Après tout, le Lotos d'Ho- mère était peut-être... dans le jardin fantastique des Hespé- rides. Je reviens à des arguments d'un genre plus sérieux, dont M. Bianca a touché quelques mots. Le Caroubier est désigné dans les langues plus ou moins anciennes par deux noms : l'un grec, Keraunia ou Kerateia ^; l'autre arabe, Chimub ou Charûb. Le premier exprime la forme du légume, analogue à certaines cornes médiocrement recour- bées. Le second signifie un fruit allongé (légume), car on voit dans l'ouvrage de Ebn Baithar * que quatre autres Légumineuses sont désignées par ce même nom, avec une épithète. Les Latins n'avaient pas de nom spécial pour le Caroubier. Ils se servaient du mot grec, on de l'expression Siliquay Siliqua graeca^ c'est-à- dire fruit allongé de Grèce ^. Cette pénurie de noms est l'indice d'une habitation jadis restreinte et d'une culture qui ne remonte probablement pas à des temps préhistoriques. Le nom grec s'est conservé en Grèce. Le nom arabe existe aujourd'hui chez les Kabyles, qui disent Kharroub pour le fruit, Takharrout pour l'arbre ®, comme les Espagnols disent Alaarrobo, Chose singu- lière, les Italiens ont pris aussi le nom arabe, Currabo, Carubio, d'où vient notre nom français Caroubier, Il semble qu'une intro- duction se serait faite, par les Arabes, dans le moyen âge, 1. Hœfer, Histoire de la botanique, de la minéralogie et de la géologie ^ i vol. in-12, p. 20; Bonne, Le Caroubier ou l'arbre des Lotophages, Alger, 1869 (cité d'après Hœfer). Voir, ci-dessus, i'article du Jujubier. 2. Pline, Hist., 1. 16, c. 30. 3. Théophraste, Hist, plant,, 1. 1, c. 11; Dioscorides, 1. 1, c. 155 ; Fraas, Syn.fl, class., p. 65 4. Ebn Baithar, trad. allem., 1, p. 354; Forskal, Flora œgypt., p. 77. 5. Columna, cité dans Lenz. Bot. der Alten Griech. una Rœm., p. 733 ; Pline, Hist,, 1. 13, c. 8. 6. Dict. finançais-berbère, au mot Caroube. 270 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES depuis Tépoque romaine, où Ton employait un nom différent. Ces détails appuient l'idée de M. Bianca d'une origine plus méridionale que la Sicile. D'après Pline, l'espèce était de Syrie, lonie, Gnide et Rhode, mais il ne dit pas si dans ces localités elle était sauvage ou cultivée. Selon le même auteur, le Caroubier n'existait pas en Egypte. On a cru cependant le reconnaître dans des monuments lûen antérieurs à l'époque de Pline, et même des égyptologaes lui ont attribué deux noms égyptiens, Kontrates ou Jiri *. Lepâiis a donné la figure d'un légume qui paraît bien une caroube, et lé botaniste Kotschy ayant rapporté une canne, sortie d'un cercueil, s'est assuré, par l'observation au microscope, qu'elle est de bois de Caroubier ^. On ne connsût aucun nom bébreii de cette espèce, dont l'Ancien Testament ne parle pas. Le Nou- veau en fait mention, avec le nom grec, dans la parabole de l'enfant prodigue. La tradition des chrétiens d'Orient porte que saint Jean se serait nourri de Caroubes dans le désert, et c'est de là que dans le moyen âge on a tiré des noms, comme Pain de Saint-^ean, et Johannis èrodbaum, pour le Caroubier. Evidemment, cet arbre a pris de l'importance au commence- ment de l'ère chrétienne, et ce sont les Arabes qui l'ont aurtoal propagé vers l'Occident. S'il avait existé antérieurement en Algérie, chez les Berbères, et en Espagne, on aurait conaenrè des noms antérieurs à l'arabe, et l'espèce aurait probablement été introduite aux Canaries par les Phéniciens. Je résume l'ensemble des données comme suit : Le Caroubier était spontané à l'orient de la mer Méditerranée, probablement sur la côte méridionale d'Anatolie et en Syrie, peut-être aussi dans la Cyrénaïque. Sa culture a commencé depuis les temps historiques. Les Grecs l'ont étendue dans leur pays et en Italie ; mais plus tard les Arabes s'en sont occupés davantage et l'ont propagée jusqu'au Maroc et en Espagne. Dans tous ces pays, l'espèce s'est naturalisée çà et là, sous une forme moins pro- ductive, qu'on est obligé de greffer pour avoir de meilleurs fruits. Jusqu'à présent, on n'a pas trouvé le Caroubier fossile dans les tufs et dépôts quaternaires de l'Europe méridionale. Il est seul de son espèce, dans le genre Ceratonia, qui est assez exeep- tionnel parmi les Légumineuses, surtout en Europe. Rien ne peut faire supposer qu'il ait existé dans les anciennes flores ter- tiaires ou quaternaires du sud-ouest de l'Europe. Haricot commun. — Phaseolm vulgaris Savi. Lorsque j'ai voulu m'occuper, en 1855 ^, de l'origine des Pha^ 1. Lexicon oxon., cité dans Pickering, Chronological hùt. ofpUmts, p. I4i. 2. Le dessin est reproduit dans Unser, Pflanzen des alien ^gjmUm, flg. 22. L'observation qu'il cite de Kotschy aurait besoin d*ètre confirmée par un anatomiste spécial. 3. A. de Cundolle. Géogr, bot, raisonnée, p. 961. HARICOT COMMUN S71 seolus et Dolichos, la distinction des espèces était si peu avancée et les flores de pays tropicaux si rares que j'avais dû laisser de côté plusieurs questions. Aujourd'hui, grâce à'des mémoires de M. Bentham et de M.: George von Martens * complétant ceux anté- rieurs de Savi ^, les Légumineuses des pays chauds sont mieux connues ; enfin tout récemment des graines tirées des tombeaux péruviens d'Ancon, examinées par M. Wittmack, ont modifié complètement le problème des origines. Voyons d'abord ce qui concerne le Haricot commun. Je par- lerai ensuite d'autres espèces, sans énumérer toutes celles qui se cultivent, car plusieurs d'entre elles sont encore mal définies. Les botanistes ont cru pendant longtemps que le Haricot com- mum était originaire de l'Inde. Personne ne l'avait trouvé sau- vage, ce qui est encore le cas actuellement; et l'on s'était figuré une origine indienne, quoique l'espèce fût cultivée aussi en Afrique et en Amérique dans les régions tempérées ou chaudes, du moins dans celles qui ne sont pas d'une chaleur excessive et humide. Je fis remarquer qu'elle n'a pas de nom sanscrit et aue fes jardiniers du xvi® siècle appelaient souvent le Haricot ^ve turque. Persuadé en outre, comme tout le monde, que les Grecs avaient cultivé cette plante, sous les noms deFasiolosei Dolichos^ j'émis l'hypothèse qu'elle était originaire de l'Asie occidentale, ûon de l'Inde. George de Martens adopta cette manière de voir. Il s'en faut de beaucoup cependant que les mots Dolichos de Théophraste , Fasiolos de Dioscoride, raseolus et Pkasiolus des Romains ^ soient assez définis dans les textes pour qu'on puisse les attribuer avec sûreté au Phaseolus vulgans. Plusieurs Légu- mineuses cultivées se soutiennent par les vrilles dont parlent les auteurs et présentent des gousses et des graines qui se ressem- blent. Le njeilleur argument pour traduire ces noms par Pha- seolus vulgans est que les Grecs actuels et les Italiens ont des mots dérivés de Fasiolos pour notre haricot commun. Les Grecs modernes disent Fasotdia et les Albanais (Pélasges ?) Fasulé; les Italiens Fagiolo. On peut craindre pourtant une transposition de nom d'une espèce de Pois, de Vesce, de Gesse ou d'un Haricot anciennement cultivé au Haricot commun actuel. Il faut être assez hardi pour déterminer une espèce de Phaseolus d'après une ou deux épithètes dans un auteur ancien, quand on voit la peine que donne la distinction des espèces aux botanistes mo- dernes avec les plantes mêmes sous les yeux. On a voulu cepen- dant préciser que le Dolichos de Théophraste était notre haricot à rames, et le Fasiolos le haricot nain de nos cultures, qui cons- « 1. Bentham, dans Ann. wiener Muséum, vol. 2; Martens (George von), ùie Gartenbohnen, m-4o, Stuttgard, 1860 ; éd. 2, 1869. 2. Savi, Osserv. sopra Phaseolus i DqlichoSf 1, 2, 3. 3. Théophraste, Histy 1. 8, c. 3; Dioscorides, 1. 2, c. 130; Pline, Hist.y 1. 18, c. 7, 12, interprétés par Fraas, Synopsis fl, class,, p. 52 ; Lenz, Botanik d. alten Griecnen und Rœmer, p. 731 ; Mertens, /. c, p. 1. 272 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES tituenl les deux races actuelles principales du Haricot commun, avec une immense quantité de sous-races quant aux gousses et aux graines. Je me contenterai de dire ; C'est probable. Si le Haricot commun est arrivé jadis en Grèce, il n'a pas été une des premières introductions, car le Faseolus n'était pas en- core à Rome du temps de Gaton, et c'est seulement au com- mencement de l'empire que les auteurs latins en ont parlé. M. Virchow a rapporté des fouilles faites à Troie plusieurs graines de Légumineuses, que M. Wittmack * certifie être les es- pèces suivantes : Fève {Faba vulgaris), Pois des jardins {Pisum sativum), Ers [Ervum Ervilia), et peut-être Jarosse? [Lathyrm Cicera), mais aucun Haricot. De même, dans les habitations des anciens lacustres de Suisse, Savoie, Autriche et Italie, on n'a pas encore trouvé le Haricot. Il n'y a pas non plus de preuves ou d'indices de son existence dans l'ancienne Egypte. On ne connaît pas de nom hébreu répon- dant à ceux de Dolichos ou Phaseolus des botanistes. Un nom moins ancien, car il est arabe, Loubia^ se trouve en Egypte, pour le Dolichos Lubia^ et en hindoustani, sous la forme Loba^ pour le Phaseolus vulgaris ^. Quant à cette dernière espèce, Pid- dington n'indique dans les langues modernes de l'Inde que deux noms, tous deux hindoustanis , Loba et Bakla, Geci, joint à l'absence de nom sanscrit, fait présumer une introduction peu ancienne dans l'Asie méridionale. Les auteurs chinois ne men- tionnent pas le Haricot commun {Ph, vulgaris) ', nouvel indice d'une introduction peu ancienne aans Tlnde , et aussi en Bac- triane, d'où les Ghinois ont tiré des légumes dès le ii« siècle avant notre ère. Toutes ces circonstances me font douter que l'espèce ait été connue en Asie avant l'ère chrétienne. L'argument des noms grçc moderne et italien pour le Haricot, conformes à Fasiolos^ a besoin d'être appuyé de quelque manière. On peut dire en sa fa- veur qu'il a été employé dans le moyen âge, probablement pour le Haricot commun. Dans la liste des légumes que Gharlemagne ordonnait de semer dans ses fermes, on trouve le Fasiolum *, sans explication. Albert le Grand décrit sous le nom de Faseolus une Légumineuse qui parait être le Haricot nain de notre époaue •. Je remarque d'un autre côté que des auteurs du xv® siècle ne parlent d'aucun Faseolus ou nom analogue. G'est le cas de Pierre 1. Wittmack, Bot. Vereins Brandenb., 19 déc. 1879. 2. Delile, Plantes cultivées en E^ypte^ p. 14 ; Piddington, Index, 3. Bretschneider n'en fait mentioa ni dans son opuscule On study, etc», ni dans les lettres au'il m'a adressées. 4. E. Meyer, Gescnichte der Botanik^ 3, p. 404. 5. u Faseolus est species leguminis et grani, guod est in quantîtate pamm minus quam Faba, et in figura est columnare sicut faba, et herba ejus minor est aliquantulum quam herba Fabse. Et sunt faseoli multorum colomm, sed quodlibet granorum habet maculam nigram in loco cotyledonis. • (Jessen, Alberti Magni, De vegetabilibuSf éd. critica, p. 515.) HARICOT COMMUN 273 Grescenzio * etMacer Floridus*. Au contraire, après la découverte de l'Amérique, dès le xyi« siècle, tous les auteurs publient des figures et des descriptions du Phaseolus vulgaris, avec une infi- nité de variétés. Il est douteux que sa culture soit très ancienne dans l'Afrique tropicale. Elle y est indiquée moins souvent que celle d'autres espèces des genres Dolichos et Phaseolus. Personne ne songeait à chercher l'origine du Haricot commun en Amérique, lorsque tout récemment des découvertes singulières ont été faites de fruits et de graines dans les tombeaux péruviens d'Ancon, près de Lima. M. de Rochebrune ' a publié une liste des espèces de diverses familles d'après une collection de MM. de Gessac et L. Savatier. Dans le nombre se trouvent trois Haricots, dont aucun, selon l'auteur, n'est le Phaseolus vulgaris; mais M. Wittmack *, qui a étudié les Légumineuses rapportées de ces mêmes tombeaux par les voyageurs Reiss et Stubel, dit avoir constaté la présence de plusieurs variétés du Haricot commun, parmi d'autres graines appartenant au Phaseolus lunatuslAnné, Il les a identifiées avec les variétés du/^A. vulgaris appelées par les botanistes oblongus purpureus (Martens) , ellipticus prœcox (Alefeld) et ellipticus atrofuscus (Alefeld), qui sont de la catégo- rie des Haricots nains ou sans rames. II n'est pas certain que les sépultures en question soient toutes antérieures à l'arrivée des Espagnols. L'ouvrage de MM. Reiss et Stubel, actuellement sous presse, donnera peut-être des expli- cations à cet égard; mais M. Wittmack admet, d'après eux, qu'une partie des tombeaux n'est pas ancienne. Je suis frappé cependant d'un fait qui n'a pas été remarqué. Les cinquante espèces de la liste de M. Rochebrune sont toutes américaines. Je n'en vois pas une seule qu'on puisse soupçonner d'origine européenne. Evidemment, ou ces plantes et graines ont été dépo- sées avant la conquête, ou dans certains tombeaux, qui sont peut- être d'une époque subséquente, les habitants ont eu soin de ne pas mettre des espèces d'origine étrangère. C'était assez natu- rel, selon leurs idées, puisque l'usage de ces dépôts de plantes n'est pas venu de la religion catholique, mais remonte aux cou- tumes et opinions des indigènes. La présence du Haricot commun parmi ces plantes uniquement américaines me parait donc signi- ficative, quelle que soit la date des tombeaux. On peut objecter que des graines sont insuffisantes pour déter- miner l'espèce d'un Phaseolus, et qu'on cultivait dans l'Amé- 1. P. Crescens, traduction française de 1539. 2. Macer Fioridus, éd. 1485, et commentaire par Ghoulànt, 1832. 3. De Rochebrune, Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, vol. 33, janvier 1880, dont j'ai vu l'analyse dans Botanisches Centralblatt. 1880, p. 1633. 4. Wittmack, Sitzungsbericht des bot. Vereins Brandenburg, 19 déc. 1879, et lettre particulière de lui . De Gandolle. 18 274 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES rique méridionale, avant l'arrivée des Espagnols, plusieurs plantes de ce genre, qui ne sont pas encore bien connues. Molina * parle de treize ou quatorze espèces {ou /variétés?) cul- tivées jadis, au Chili seulement. M. Wittmack insiste sur Temploi fréquent et ancien des Haricots dans divers pays de l'Amérique méridionale. Cela prouve au moins que plusieurs espèces y étaient indigènes et cultivées. Il cite le témoignage de Joseph Acosta, un des premiers écrivains après la conquête, d'après lequel les Péruviens « cultivaient des légumes qu'ils appelaient Frisoles et PalareSy dont ils usaient comme les Espagnols de Garbanzos (Pois chiche), Fèves et Len- tilles. Je n'ai point reconnu, ajoute-t-il, que ceux-ci ni autres légumes d'Europe s'y soient trouvés avant que les Espagnols y entrassent. nFrisole, Fajol, Fasoler sont des noms espagnols du haricot commun, par corruption du latin Faselus^Fasoltis^ Faseo- lus. Palier eist américain. Qu'il me soit permis à l'occasion de ces noms d'expliquer l'ori- gine du nom français Haricot, Je l'ai cherchée autrefois 2, sans la trouver; mais je signalais le fait que Tournefort {Instit,^ p. 4io) s'en est servi le premier ^. Je faisais remarquer en outre l'exis- tence du mot Arackos (apaxo;) dans Théophraste, pour une sorte de Yicia probablement, et du mot ffarenso, en sanscrit,, pour le Pois commun. Je repoussais l'idée, peu vraisemblable, que. le nom d'un légume vînt du plat de viande appelé haricot ou laiicot de mouton, comme l'avait dit un auteur anglais. Je critiquais en- suite Bescherelle, qui faisait venir Haricot du celte, tandis que les noms bretons de la plante diffèrent totalement et signifient fève menue (fa-munud)^ ou sorte de pois (Pis-ram), Littré, dans son Dictionnaire, a cherché aussi l'étymologie de ce nom. Sans avoir eu connaissance de mon article, il incline vers la supposition que haricot, légume, vient du ragoût, attendu que ce dernier est plus ancien dans la langue et qu'on peut voir une certaine res- semblance entre la graine du haricot et les morceaux de viande du ragoût, ou encore que cette graine convenait à l'assaisonne- ment du plat. Il est sûr que le légume s'appelait en français. Fazéole ouFaséole,du nom latin, jusque vers la fin du xvii» siècle ; mais le hasard m'a fait tomber sur la véritable origine du mot haricot. C'est un nom italien, Araco, qui se trouve dans Durante et dans Matthioli, en Iditin Aracus niger *, pour une légumineuse que les modernes rapportent à la Gesse Ochrus {Lathyrus Ockrus). 11 n'est pas surprenant qu'un nom itahen du xviie siècle ait été 1. Molina {Essai sur l'hist. nat. du Chili , trad. française, p. 10!) cite les Phaseolus, qu'il nomme Pallar et Asellus, et la Flore du ôhili de a. Gay ajoute, avec peu d'éclaircissement, le Ph, Cuminyii^ Bentham. 2 A. de Candolle, Géogr, bol, raisonnée, p. 691. 3. Tournefort, Elémenls (i694), 1, p. 328; InstiL, p. 415. 4. Durante, Herbario nuovo, 1585, p. 39; Matthioli, éd. Valgris, p. 322; Targioni, Dizionario bot. ital., 1, p. 13. HARICOT DE LIMA 278 transporté par des cultivateurs français du siècle suivant à une autre légumineuse et qu'on ait changé ara en ari. C'est dans la limite des erreurs qui se font de nos jours. D'ailleurs TAraco^ ou Arachos a été attribué parles commentateurs à plusieurs légumi- neuses des genres Latnyrus, Vicia, etc. Durante donne pour sy- nonyme à son Araco l'apaxoç des Grecs , par où l'on voit bien Tétymologie. Le Père Feuillée * écrivait en français Aricot, Avant lui, Tournefort mettait Haricot. Il croyait peut-être que l'a du mot grec avait un accent rude, ce qui n'est pas le cas, du moins dans les bons auteurs. Je résume cet article en disant : 1** Le Phaseolus vulgaris n'est pas cultivé depuis longtemps dans l'Inde, le sud-ouest de TAsie et l'Egypte. 2** On n'est pas complètement sûr qu'il fut connu en Europe avant la découverte deTAmérique. 3° A cette époque le nombre des variétés s'est accru subitement dans les jardms d'Eu- rope et tous les auteurs ont commencé d'en parler. 4° La majorité des espèces du genre existe dans l'Amérique méridionale. 5** Des graines qui paraissent appartenir à cette espèce ont été trouvées dans des tombeaux péruviens d'une date un peu incertaine, mé- langées avec beaucoup d'espèces toutes américaines. Je n'examine pas si le Phaseolus vulgains existait, avant la mise en culture, dans l'ancien et le nouveau monde également, parce que les exemples de cette nature sont excessivement rares parmi les plantes phanérogames, non aquatiques, des pays tro- picaux. Il n'en existe peut-être pas une sur mille, et encore on peut soupçonner souvent quelque transport du fait de l'homme *. Il faudrait du moins, pour aborder cette hypothèse à l'égard du Phi vulgaris^ qu'il eût été trouvé en apparence sauvage dans l'ancien et le nouveau monde, mais cela n'est pas arrivé. S'il avait eu une habitation aussi vaste, on en aurait des indices par des individus vraiment spontanés dans des régions très éloignées les uaefs des autres sur le même continent. C'est ce qu'on voit dans l'espèce suivante, Ph, lunatus. Haricot courbé. — Phaseolus lunatus, Linné. Haricot de Lima. — Phaseolus lunatus màcrocarpus^ Ben- tham. — Phas, inamœnus, Linné. Ce Haricot, de même que la variété dite de Lima, est si répandu dans tous les pays tropicaux qu'on l'a décrit, sans s'en douter, sous plusieurs noms ^. Toutes ses formes se rapportent à deux groupes, dont Linné faisait deux espèces. La plus commune maintenant dans les jardins est celle appelée, depuis le com- mencement du siècle. Haricot de Lima, Elle se distingue par sa 1. Feuillée, HUt, des plantes médicinales du Pérou, etc., in-i», 1725, p. 54. 2. A. dé Candolle, Géogr, bot, raisowwée, chapitre des espèces disjointes. 3. Phaseolus bipunctatus Jacq., inamœnus Linné, puberulus Kunth, saccharatus Mac-Fadyen, etc., etc. 276 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES taille élevée et par la grandeur de ses légumes et de ses graines. Sa durée est de plusieurs années dans les pays qui lui sont favo- rables. Linné croyait son Phaseolus lunatus du Bengale, et l'autre forme, d'Afrique, mais il n'en a donné aucune preuve. Pendant un siècle, on a répété ce qu'il avait dit. Maintenant, M. Bentham *, attentif à ces questions d'origine, regarde l'espèce et sa variété comme certainement américaines ; îl émet seulement des doutes^ sur la présence en Afrique et en Asie comme plante spontanée. Je ne vois aucun indice quelconque d'ancienneté d'existence en Asie. Non seulement la plante n'a jamais été trouvée sauvage, mais elle n'a pas de noms dans les langues modernes de l'Inde ou en sanscrit ^. Elle n'est pas mentionnée dans les ouvrages chinois. Les Anglo-Indiens l'appellent, comme le Haricot commun, French bean *, ce qui montre à quel point la culture en est mo- derne. En Afrique, elle est cultivée à peu près partqut entre les tro- piques. Cependant MM. Schweinfurth et Ascherson * ne la men- tionnent pas en Abyssinie, Nubie ou Egypte. M. Oliver ^ cite beaucoup d'échantillons de Guinée et de l'Afrique intérieure, sans préciser s'ils étaient spontanés ou cultivés. Si l'on suppose l'espèce originaire ou d'introduction très ancienne en Afrique,. elle se serait répandue vers l'Egypte et dans l'Inde. Les faits sont tout autres dans l'Amérique méridionale. M. Bentham cite des échantillons spontanés de la région du fleuve des Amazones et du Brésil central. Ils se rapportent sur- tout à la grande forme {macrocarpus). Cette même variété est abondante dans les tombeaux péruviens d'Ancon, d'après M. Witt- raack ®. C'est évidemment une espèce du Brésil, que la culture a répandue et peut-être naturalisée çà et là, depuis longtemps, «lans l'Amérique tropicale. Je croirais volontiers qu'elle a été introduite en Guinée par le commerce des esclaves, et qu'elle a ^agné de cette côte l'intérieur du pays et la côte de Mozam- bique. Haricot él feuille d'Aconit. — Phaseolus aconitifoHus ^ Willdenow. Espèce annuelle, cultivée dans l'Inde, comme fourrage, et dont les graines sont comestibles, mais peu estimées. Le nom- hindustani est Mout^ chez les Sikhs Moth, Elle ressemble au Pha-- seolus trilobus^ qui est cultivé pour la graine. 1. Bentham, dans Flora brasil., vol. 15, p, 181. 2. Roxburgh, Piddington, etc. 3. Royle, ///. Himalaya, p. 190. 4. Aufzàhlungy p. 257. 5. Oliver, Flora of tropical Africa, p. 192. 6. Wittmack, Sitz. ber. bot. Vereins Brandenburg, 19 déc* 1879. LABLAB 277 Le Phaseolns aconitifolius est spontané dans Tlnde anglaise, ^e Gevlan à l'Himalaya *. L'absence de nom sanscrit et de noms divers dans les langues modernes de llnde fait présumer une culture peu ancienne. Haricot trilobé. — Phaseolus tr'dobus, Willdenow. Une des espèces le plus ordinairement cultivées dans Tlnde ^ du moins depuis quelques années, car Roxburgh ', à la fin du XVIII® siècle, ne Favait vue qu'à l'état spontané. Tous les auteurs s'accordent à dire qu'elle est sauvage au pied de l'Himalaya et jusqu'à Geylan. Elle existe aussi en Nubie, en Abyssinie et au Zambèse *, et Ton ne dit pas si elle y est cultivée ou spontanée. Piddington cite un nom sanscrit et plusieurs noms dans les langues modernes de l'Inde, ce (\m fait présumer une culture ou une connaissance de l'espèce depuis au moins trois mille ans. Mungo. — Phaseolus Mungo^ Linné. Espèce généralement cultivée dans l'Inde et dans la région du Nil. Le nombre considérable de ses variétés et l'existence de trois noms différents dans les langues indiennes actuelles font présumer une date de mille ou deux mille ans au moins pour la culture, mais on ne cite aucun nom sanscrit ^. En Afrique, elle est probablement peu ancienne. Les botanistes anglo-indiens s'accordent à dire qu'elle est spontanée dans l'Inde. Lablab. — DoHchos Lablab^ Linné. On cultive beaucoup cette espèce dans l'Inde et l'Afrique tro- picale. Roxburgh compte jusqu'à sept variétés, ayant des noms indiens. Piddington cite, dans son Index, un nom sanscrit, Schimbi, qui se retrouve dans les langues modernes. La culture a donc peut-être au moins trois mille ans de date. Cependant l'espèce ne s'est pas répandue anciennement en Chine et dans l'Asie occidentale ou l'Egypte, du moins je n'en découvre aucune trace. Le peu d'extension de plusieurs de ces Légumineuses co- mestibles hors de l'Inde, dans les temps anciens, est un fait assez singulier. Il est possible que leur culture ne remonte pas bien haut. Le Lablab est incontestablement spontané dans l'Inde et même, dit-on, à Java *. Il s'est naturalisé aux îles Seychelles, à 1. Roxburgh, PL ind.^ éd. 1832, v. 3, p. 299; Aitchison, Calai, of Punjab^ p. 48; sir J. Hooker, FI. of brit. India, 2, p. 202. 2. Sir J. Hooker, Flora of brilish India, 2, p. 201. 3. Roxburgli, Flora indica, 3, p. 299. 4. Scbweinfurtli, Beitr, z. Flora éthiopiens, p. 15; Aufzàhlung^^, 257; Oliver, Flora of tropical Africa, p. 194. 5. Voir les auteurs cités pour le P. trilobus, 6. Sir J. Hooker, Flora of brit. India, 2, p. 209; Jungbuhn, Plantx Junghun., fasc. 2, p. 240. 278 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES la suite de cultures *. Les indications des auteurs ne permettent pas de dire qu'il soit spontané en Afrique *. Lubia. — Dolichos Lubia, Forskal. Cette espèce, cultivée en Egypte sous le nom de Lubia^ Loubya Loubyéj d'après Forskal etDeiile ^, est peu connue des botanistes. D'après le dernier de ces auteurs, elle existe aussi en Syrie, en Perse et dans l'Inde ; mais je n'en vois nullement la confirmation dans les ouvrages modernes sur ceâ deux pays. MM. Schwein- furth et Ascherson * l'admettent bien comme espèce distincte, cultivée dans la région du Nil. Jusqu'à présent, personne ne l'a trouvée à l'état spontané. On ne connaît aucun Dolichos ou Phaseolus dans les monu- ments de l'ancienne Egypte. Nous verrons d'autres indices, tirés des noms vulgaires, conduisant aussi à l'idée que ces plantes se sont introduites dans l'agriculture égyptienne après l'époque des Pharaons. Le nom Lubia est appliqué par les Berbères, sans changement, et en Espagne sous la forme Alubia, au Haricot commun, Pha- seolus vulgaris ^. Quoique les deux genres Dolichos et Phaseolus se ressemblent beaucoup, c'est un exemple du peu de valeur des noms vulgaires pour la constatation des espèces. Je rappellerai ici que Loba est un des noms du Phaseolus vul- garis en hindustani, et que Lobia est celui du Dolichos sinensis dans la même langue ^. Les orientalistes feront bien de chercher si Lubia est ancien dans les langues sémitiques. Je ne vois pas qu'on cite un nom analogue en hébreu et il se pourrait que les Araméens ou les Arabes eussent pris Lubia du Lobos (Xo^oc) des Grecs, qui signi- fiait une partie saillante, comme le lobe de l'oreille, un fruit de la nature de ceux des légumineuses et plus particulièrement, selon Galien, le Phaseolus vulgaris, Lobion (Xopiov), dans Diosco- ride, est le fruit du Phaseolus vulgaris^ du moins selon L'opinion des commentateurs ''. Il a continué dans le grec moderne avec le même sens, sous la forme de Loubion ^. Voandzou. — Glycine subterranea^ Linné fils. — Voandzeia subterraneaj du Petit-Thouars. 1. Baker, FI. of Maurîtius^ p. 83. 2. Oliver, FI. oftrop. Africa, 2, p. 210. 3. Forskal, Descripf., p. 133; Delile, Plant, cuit, en Egypte, p. 14. 4. Schweinfurth et Ascherson, Aufzàhlung, p. 256. 5. Dictionn, français- berbère, au mot haricot; Willkomm et Lange, Prodr, fl, hisp., 3, p. 324. Le Haricot commun n'a pas moins de cinq noms différents dans la péninsule espagnole. 6. Piddington, Index, 7. Lenz, Éotanik der alten Griechen und Rômer, p. 732. 8. Langkavel, Botanik der spàteren Griechen, p. 4; Heldreich, Nutzpflanzen Griechenland'Sf p. 72. SARRASIN OU BLÉ NOIR 279 Les plus anciens voyageurs à Madagascar avaient remarqué cette Légumineuse annuelle, que les halDitants cultivent pour en manger le fruit ou les graines, comme des pois, haricots, etc. Elle ressemble à TArachide, en particulier par la circonstance que le support de la fleur se recourbe et enfonce le jeune fruit ou légume dans le sol. La culture en est répandue dans les jar- dins, surtout de FAfrique tropicale, et moins communément de l'Asie méridionale *. Il ne semble pas qu'on la pratique beaucoup en Amérique *, si ce n'est au Brésil, où elle se nomme Mandubi d'Angola ^. Les anciens auteurs sur l'Asie ne la mentionnent pas. C'est donc en Afrique qu'il faut chercher l'origine. Loureiro * l'avait vue sur la côte orientale de ce continent et du Petit-Thouars à Madagascar, mais ils ne disent pas qu'elle y fût spontanée. Les auteurs de la flore de Sénégambie ^ l'ont décrite comme cultivée et « probablement spontanée » dans le pays de Galam. Enfln MM. Schweinfurth et Ascherson * l'ont trouvée à l'état sauvage, au bord du Nil, de Ghartum à Gondokoro. Malgré la possibilité d'une naturalisation par suite de la culture, il est extrêmement probable que la plante est spontanée dans l'Afrique intertro- picale. Sarrasin ou blé noir. — Polygonum Fagopyrum^ Linné. — Fagopyrum esculentum^ Moench. L'histoire de cette espèce est devenue très claire depuis quel- ques années. Elle croît naturellement en Mandschourie, sur les bords du fleuve Amour ', dans la Daourie et près du lac Baïkal *. On l'indique aussi en Chine et dans les montagnes de l'Inde sep- tentrionale ®, mais je ne vois pas que la qualité de plante sau- vage y soit certaine. Roxburgh ne l'avait vue dans le nord de l'Inde qu'à l'état cultivé, et le D^ Bretschneider *^ regarde l'indi- génat comme douteux pour la Chine. La culture n'y est pas ancienne, car le premier auteur qui en a parlé écrivait dans la période du x® au xii* siècle de l'ère chrétienne. Dans l'Himalaya, on cultive le Sarrasin, sous les noms de Ogal 1. Sir J. Hooker, Flora of brit, India, 2 p. 205; Miquel, Flora indo- batava, 1 p. 175. 2. Linné fils, Becad., 2, pi. 19, paraît a^oir confondu l'espèce avec Y Avachis, et il indique, à cause de cela peut-être, le Voandzeia comme cultivé de son temps à Surinam. Les auteurs actuels sur l'Amérique ne l'ont pas vu ou ont négligé d'en parler. 3. Gardener's Chronicle, 4 sept. 1880. 4. Loureiro, Flora cochinch., 2, p. 523. 5. Guillemin, Perroltet, Richard, Florœ Senegambiœ tentameny p. 254. 6. Aufzàhlung, p. 259. 7. Maximowicz, Primitiœ fl, amur., p. 236. 8. Ledebour, FL ross., 3, p. 517. 9. Meissner, dans Proar., 14^ p. 143. 10. Bretschneider, On study, etc., p. 9. 280 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES OU Ogla et Kouton *. Gomme il n'existe pas de nom sanscrit pour cette espèce, ni pour les suivantes, je doute beaucoup de fancienneté de leur culture dans les montagnes de TAsie cen- trale. Il est certain que les Grecs et les Romams ne connaissaient pas les Fagopyrum, Ce nom grec a été fait par les botanistes modernes, à cause de la ressemblance de forme de la graine avec le fruit du Hêtre, de la même façon qu'on dit en allemand Buchweitzen * et en italien Faggina, Les langues européennes d'origine aryenne n'ont aucun nom de cette plante indiquant une racine commune. Ainsi les Aryens occidentaux ne connaissaient pas plus l'espèce que les orientaux de langue sanscrite, nouvel indice qu'elle n'existait pas autrefois dans l'Asie centrale. Aujourd'hui encore, elle n'est probablement Sas connue dans le nord de la Perse et en Turquie, puisque les ores ne la mentionnent pas ^. Bosc a mis dans le Dictionnaire d'agriculture qu'Olivier l'avait vue sauvage en Perse, mais je ne puis en trouver la preuve dans la relation imprimée de ce natu- raliste. L'espèce est arrivée en Europe, au moyen âge, par la Tartane et la Russie. La première mention de sa culture en Allemagne, se trouve dans un registre du Mecklembourg, en 1436 *. Au xvie siècle, elle s'est répandue vers le centre de l'Europe, et dans les terrains pauvres, comme ceux de la Bretagne, elle a pris une place importante. Reynier, ordinairement très exact, s'était figuré que le nom Sarrasin venait du celte ^ ; mais M. Le Gall m'a écrit naguère que les noms bretons signifient simplement blé de couleur noire [Ed-du) ou froment noir {Gwims-m), Il n'y a pas de nom original dans les langues celtiques, ce qui nous parait naturel aujourd'hui que nous connaissons l'origine de l'espèce •. Quand la plante s'est introduite en Belgique, en France, et qu'on l'a connue même en Italie, c'est-à-dire au xvi« siècle, le nom de Blé sarrasin ou Sarrasin a été communément adopté. Les noms vulgaires sont quelquefois si ridicules, si légèrement donnés, qu'on ne peut pas savoir, dans le cas actuel, si le nom vient de la couleur de la graine, qui était celle attribuée aux Sarrasins, ou de l'introduction, qu'on supposait peut-être venir des Arabes ou des Maures. On ignorait alors que l'espèce n'est pas du tout connue dans les pays au sud de la mer Méditerranée, ni même en Syrie et en Perse. Il est possible qu'on ait adopté lïdée d'une origine méridionale, à cause du nom Sarrasin, 1. Madden, Trans. of Edinb, bot. Soc, 5, p. 118. 2. Le nom anglais Buckwheat et le nom français de quelques localités, Buscail, viennent de l'allemand. 3. Boissier, FI. orientalis; Biihse et Boissier, Pflanzen Transcaucasien. 4. Pritzel, Sitzungs beiHcht Naturforsch. freunde zu Berlin, 15 mai 1866. 5. Régnier, Economie des Celtes, p. 425. 6. J'ai discuté plus en détail les noms vulgaii lires dans la Géographie botO' nique raisonnée, p. 953. SARRASIN ÉMARGINÉ 281 motivé parla couleur. L'origine méridionale a été admise jusqu'à la fin du siècle dernier et même dans le siècle actuel *. Reynier Ta combattue le premier, il y a plus de cinquante ans. Le Sarrasin s'échappe quelquefois des cultures et devient quasi spontané. Plus on avance vers son pays d'origine, plus cela se voit fréquemment, et il en résulte qu'on aurait de la peine à déterminer la limite, comme plante spontanée, sur les confins de l'Europe et de l'Asie, dans l'Himalaya ou en Chine. Au Japon, ces demi-naturalisations ne sont pas rares ^. Sarrasin ou Blé noir de Tartarie. — Polygonum tata- ncum^ Linné. — Fagopyrum tataricum, Gaertner. Moins sensible au froid que le Sarrasin ordinaire, mais don- nant un grain médiocre, on le cultive quelquefois en Europe et en Asie, par exemple dans l'Himalaya ^. C'est une culture peu ancienne. Les auteurs des xvi® et xvii® siècles n'ont pas men- tionné la plante ; c'est Linné qui en a parlé, un des premiers, comme originaire de Tartarie. Roxburgh et Hamilton ne l'avaient pas vue dans l'Inde septentrionale au commencement du siècle actuel, et je ne la trouve pas indiquée en Chine et au Japon. Elle est bien spontanée en Tartarie et en Sibérie, jusqu'en Daourie * ; mais les botanistes russes ne l'ont pas trouvée plus à Test, par exemple dans la région du fleuve Amour *. Gomme cette plante est arrivée par la Tartarie dans l'Europe orientale, après le Sarrasin ordinaire, c'est celui-ci qui porte dans plusieurs langues slaves le nom de Tatrika, Tatarka ou Tattar, qui conviendrait mieux, vu l'origine, au Sarrasin de Tar- tarie. Il semble que les peuples aryens ont dû connaître cette espèce, et cependant on ne mentionne aucun nom dans les langues indo-européennes. Jusqu'à présent on n'en a pas trouvé de trace dans les restes des habitations lacustres en Suisse ou en Savoie. , Sarrasin émarginé. — Polygonum emarginatmn, Rolh. — Fagopyrum emarginalum, Meissner. Cette troisième espèce de Sarrasin est cultivée dans les par- ties hautes et orientales du nord de l'Inde, sous le nom de Pha- phra ou Phaphar ®, et en Chine '. Je ne vois pas de preuve positive qu'on l'ait trouvée sauvage. 1. Nemnich, Polyglott. Lexicon, p. 1030; Base, Dict. d'agric, U, p. 379. 2. Franchet et Savatier, Enum. plant. Japoniâs, 1, p. 403. 3. Royle, ///. HimaL, p. 317. 4. Gmelin, Flora sibirica, 3, p. 64; Ledebour, Floi^a rossica^ 3 p. 516. 5. Maximowicz, Primitiœ; Regel, Opit flori, etc. ; Schmidt, Reisen in Amur, n'en parlent pas. 6. Royle, Ilî. Himal., p. 317; Madden, Trans. bot. Soc. Edinb., 5, p. 118. 7. Roth, Catalecta botanica, 1, p. 48. 282 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Hoth dit seulement qu'elle « habite en Chine » et que ses graines sont employées pour la nourriture. Don *, qui en a parlé le pre- mier parmi les botanistes anglo-indiens, dit qu'on la regarde à peine comme spontanée. Elle n'est pas indiquée dans les ou- vrages sur la région du fleuve Amour, ni au Japon. D'après le pays où on la cultive, il est probable qu'elle est sauvage dans l'Himalaya oriental et le nord-ouest de la Chine. Le genre Fagopyrum a huit espèces, qui sont toutes de l'Asie tempérée. Quinoa. — Chenopodium Quinoa^ Willdenow. Le Quinoa était une des bases de la nourriture des indigènes de la Nouvelle-Grenade, du Pérou et du Chili, dans les parties élevées et tempérées, à l'époque de la conquête. La culture en a continué dans ces pays, par habitude et à cause de l'abon- dance du produit. On a distingué de tout temps le Quinoa à feuillage coloré et le Quinoa à feuillage vert et graines blanches * , Celui-ci a été considéré par Moquin ^ comme une variété d'une espèce, mal connue, qu'on croit asiatique; mais j'estime avoir bien démontré que les deux Quinoa d'Amérique sont des races, probablement fort anciennes, d'une même espèce *. On peut soupçonner que la moins colorée, qui est en même temps la plus farineuse, est une dérivation de l'autre. Le Quinoa blanc donne une graine très recherchée à Lima, d'après les informations contenues dans le Botanical magazincy où l'on peut en voir une bonne figure (pi. 3641). Les feuilles sont un légume analogue à l'épinard ^. Aucun botaniste n'a mentionné le Quinoa dans un état spon- tané ou quasi spontané. L'ouvrage le plus récent et le plus complet sur un des pays dans lesquels on cultive l'espèce, la flore du Chili par Cl. Gay, n'en parle que comme d'une plante cultivée. Le Père Feuillée et Humboldt se sont exprimés de la même manière, en ce qui concerne le Pérou et la Nouvelle- Grenade. C'est peut-être à cause du peu d'apparence de la plante et de son aspect de mauvaise herbe des jardins que les collecteurs ont négligé d'en rapporter des échantillons sau- vages. Kiery. — Amarantus frumentaceusy Roxburgh. Plante annuelle, cultivée dans la péninsule indienne, pour sa petite graine farineuse, qui est dans quelques localités la prin- 1. Don, Prodv. fl, nepal,^ p. 74. 2. Molina, Hist. nat, du Chili, ja. 3. Moquin, dans Prodromus^ 13, sect. 1, p. 67. 4. A. de Candolle, Géogr, bot, raisonnée, p. 952. 5. Bon jardinier, 1880, p. 562. CHATAIGNIER 28S cipale nourriture des habitants *. Les champs de cette espèce, de couleur rouge ou dorée, produisent un très bel effet *. D'après ce que ditRoxburgh, le D' Buchanan l'avait « décou- « verte sur les collines de Mysore et Goimbatore », ce qui paraît indiquer un état sauvage. Jj'Amarantus speciosus^ cultivé dans les jardins et figuré dans le Botanical Magazine^ pi. 2227, parait la même espèce, Hamilton fa trouvé au Népaul ^. On cultive sur les pentes de l'Himalaya une variété, ou espèce voisine, appelée Amarantus Anardana, Wallich *, jusqu'à pré- sent mal définie par les botanistes. D'autres espèces sont employées comme légumes. Voir ci-des~ sus, page 80, Amarantus gangeticus. Châtaignier. — Castanea vulgaris, Lamarck. Le Châtaignier, de la famille des Gûpulifères, a une habitation naturelle assez étendue, mais disjointe. Il constitue des forêts ou des bois dans les pays montueux de la zone tempérée, de la mer Caspienne au Portugal. On l'a trouvé aussi dans les montagnes de TEdough en Algérie et, plus récemment, vers la frontière de Tu- nisie (lettre de M. Letourneux). Si Ton tient compte des variétés appelées Japonica et Americana, il existe aussi au Japon et dans la partie tempérée de l'Amérique septentrionale ^. On Ta semé ou planté dans plusieurs localités de l'Europe méridionale et occidentale, et maintenant il est difficile de savoir s'il y e^t spontané ou cultivé. La culture principale cependant consiste dans l'opération de greffer de bonnes variétés sur l'arbre de qualité médiocre. Dans ce but, on recherche surtout la variété qui donne les marrons^ c'est-à-dire les fruits contenant une seule graine, assez grosse, et non deux ou trois petites séparées par des membranes, comme cela se voit dans l'état naturel de l'espèce. Les Romains, du temps de Pline ^, distinguaient déjà huit variétés, mais on ne peut pas savoir, d'après le texte de cet auteur, s'ils possédaient le marron. Les meilleures châtaignes venaient de Sarde (Asie Mineure) et du pays napolitain. Olivier de Serres *', dans le xvi® siècle, vante les châtaignes Sardonne et Tuscanes, qui donnaient les marrons dits de Lyon ^. Il regarde 1. Roxburgh, F/om indicaj éd. 2, v. 3, p. 609; Wight, Icônes, pi. 720; Aitchison, Punjab, p. 130. 2. Madden, Tram, of the Edinb, bot. Soc, 5, p. 118. 3. Don, Prodr. fl. nepal.^ p. 76. 4. WaUich, List, n» 6903; Moquin, dans D C. Prodr., 13, sect. 2, p. 256. 5. Pour plus de détails, voir mon article dans le Prodromus, vol. 16, sect. 2, p. 114, et Boissier, Fl. orient., 4, p. 1175. 6. Pline, Hist. nat,, 1. 19, c. 23. 7. Olivier de Serres, Théâtre de Vagriculture, p. 114. 8. Aujourd'hui, les marrons de Lyon viennent surtout du Dauphiné et du Vivarais. On en récolte aussi dans le Var, au Luc (Gasparin, Traité d'agricult., 4, p. 744;. 284 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES ces variétés comme venant dltalie, et Targioni * nous apprend que le nom marrone ou marone était usité dans ce pays déjà au moyen âge (en 1170). Froment et formes ou espèces voisines. Les innombrables races de blé proprement dit, dont les grains se détachent naturellement à maturité de leur enveloppe, ont été classées par Vilmorin ' en quatre groupes, qui constituent suivant les auteurs des espèces distinctes ou des modifications du froment ordinaire. Je suis obligé de les distinguer pour l'étude de leur histoire, mais celle-ci, comme on le verra, appuie l'opinion d'une espèce unique ^. I. Froment ordinaire. — Tritlcum vulgare^ Villars. — Tri- ticum hybernum et TV. œstivum^ Linné. D'après les expériences de l'abbé Rozier et, plus tard, de Tessier, la distinction des blés d'automne et de mars n'a pas d'importance. « Tous les froments, dit ce dernier agronome *, suivant les pays, sont ou de mars ou d'automne. Ils passent tous, avec le temps, à l'état de blé d'automne ou de blé de mars, comme je m'en suis assuré. Il ne s'agit que de les y accoutumer peu à peu, en semant graduellement plus tard qu'on ne le fait les blés d'automne et plus tôt les blés de mars ». Le fait est que, dans le nombre immense des races de blé que l'on cultive, quel- ques-unes souffrent davantage des froids de l'hiver, et alors l'habitude s'est établie de les semer au printemps ^. Pour la ques- tion d'origine, nous n'avons guère à nous occuper de ces distinc- tions, d'autant plus que la plupart des races obtenues remontent à des temps très reculés. La culture du froment peut être qualifiée de préhistorique dans l'ancien monde. De très vieux monuments de l'Egypte, antérieurs à l'invasion des Pasteurs, et les livres hébreux mon- trent cette culture déjà établie, et, quand les Egyptiens ou les Grecs ont parlé de son origine, c'est en l'attribuant à des per- sonnages fabuleux, Isis, Gérés, et Triptolème ®. En Europe, les 1. Targioni, Cenni storici, p. iSO. 2. L. Vilmorin, Essai d'un catalogue méthodique et synonymigue des froments, Paris, 1850. 3. Les meilleures figures de ces formes principales de froment se trouvent dans Metzger, Europxi^che Cerealien, in-folio, Heidelberg, 1824; et dans Host, Graminex, in-fol., vol. 3. 4. Tessier, Dict, cCagric, 6, p. 198. 5. Loiseleur-Deslongchamps, Considérations sur les céréales, 1 vol. in-8«, p. 219. 6. Ces points d'érudition ont été traités d'une manière très savante et très judicieuse par quatre auteurs : Link, Ueber die altère Geschichte der Getreide Arten, dans AbhandL der Berlin, Akad., 1816, vol. 17, p. 1^; 1826, p. 67, et dans Die Urwelt und das Alterthum, deuxième édit, Berlin, 1834, p. 399; Reynier, Economie des Celtes et des Germains, 1818, FROMENT ORDINAIRE 38S plus anciens lacustres de la Suisse occidentale cultivaient un blé à petits grains que M. Heer * a décrit attentivement et figuré sous le nom de Triticum vulgare antiquorum. D'après un en- semble de divers faits, les premiers lacustres de Rohenhausen étaient au moins contemporains de la guerre de Troie et peut- être plus anciens. La culture de leur blé s'est maintenue en Suisse jusqu'à la conquête romaine, d'après des échantillons trouvés à Buchs. M. Regazzoni l'a découvert également dans les débris des lacustres de Varèze et M. Sordelli dans ceux de Lagozza, en Lombardie *. Unger a trouvé la même forme dans une brique de la pyramide de Dashur, en Egypte, qui date, selon lui, de l'année 3359 avant Jésus-Christ (Unger, Bot. Sti^eifzûge^ Vil; Ein Ziegelj etc., p. 9). Une autre variété [Triticum vulgare com- pactum muticum, Heer) était moins commune en Suisse, dans le premier âge de la pierre, mais on Fa trouvée plus souvent chez des lacustres moins anciens de la Suisse occidentale et d'Italie *. Enfin une troisième variété intermédiaire a été trouvée à Aggte- lek, en Hongrie, cultivée lors de l'âge de pierre *. Aucune n'est identique avec les blés cultivés de nos jours. On leur a substitué des formes plus avantageuses. Pour les Chinois, qui cultivaient le froment 2700 ans avant notre ère, c'était un don du ciel ^. Dans la cérémonie annuelle du semis de cinq graines instituée alors par l'empereur Shen- Nung ou Ghin-Nong, le froment est une des espèces, les autres étant le Riz, le Sorgho, le Setaria italica et le Soja. L'existence de noms diff'érents pour le blé dans les langues les plus anciennes confirme la notion d'une très grande anti- quité de culture. Il y a des noms chinois Mai, sanscrits Sumana et Gôdhûma, hébreu Chittahy égyptien Br^ guanche Y7nchen^ sans parler de plusieurs noms dans les langues dérivées du sanscrit primitif ni d'un nom basque Ogaia ou Okhaya, qui remonte peut-être aux Ibères ^, et de plusieurs noms finlandais, tartare, turc, etc. ', qui viennent probablement de noms toura- niens. Cette prodigieuse diversité s'expliquerait par une vaste habitation s'il s'agissait d'une plante sauvage très commune, mais le blé est dans des conditions tout opposées. On a de la p. 417; Dureau de La Malle, Ann, des se. nat.t vol. 9, 1826; et Loiseleur Deslongchamps, Considérations sur les céréales, 1842, paitie 1, p. 52. 1. 0. Heer, Pflanzen des Pfahlbauten^ p. 13, pi. 1, fig. 14-18. 2. Sordelli, Sulle viante délia torbiera di Lagozza, p. 31. 3. Heer, /. c. Sordelli, /. c. 4. Nyary, cité par Sordelli, /. c. 5. Bretschneider, Study and value ofchinese botanical works, p. 7 et 8. 6. Bretschneider, /. c; Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 328; RosenmûUer, Biblische Naturgesch, 1, p. 77; Pickering, Chronol. arrangement, p. 78 ; Webb et • Bertheiot, Canaries, part, Ethno» arajahie, p. 187; d'Abaoie, Notes mss. sur les noms basques; de Gharencey, necherches sur les noms basques, dans Actes Soc. philolog., 1*' mars 1869. 7. Nemnich, Lexicon, p. 1492. 286 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES peine à constater sa présence à l'état sauvage dans quelques points de l'Asie occidentale, comme nous allons le voir. S'il avait élé très répandu avant d'être mis en culture, il en serait resté des desdendants, çà et là, dans des pays éloignés. Les noms multiples des langues anciennes doivent donc tenir plutôt à l'ancienneté extrême de la culture dans les régions tempérées d'Asie, d'Europe et d'Afrique, ancienneté plus grande que celle des langues réputées les plus anciennes. Quelle était la patrie de l'espèce, avant sa mise en culture, dans l'immense zone qui s'étend de la Chine aux îles Canaries? On ne peut répondre à cette question que par deux moyens : 1° l'opinion des auteurs de l'antiquité ; 2"* la présence plus ou moins démontrée, du blé à l'état sauvage, dans tel ou tel pays. D'après le plus ancien de tous les historiens, Bérose, prêtre de Ghaldée, dont Hérodote a conservé des fragments, on voyait dans la Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate, le froment sauvage (Frumentum agreste) *. Les versets de la Bible sur l'abondance du blé dans le pays de Canaan, en Egypte, etc., ne prouvent rien, si ce n'est qu'on cultivait la plante et qu'elle produisait beaucoup. Strabon ^, né cinquante ans avant Jésus- Christ, dit que, d'après Aristobulus, dans le pays des 'Musicani (au bord de l'Indus par 25° lat.), il croissait spontanément un grain très semblable au froment. Il dit aussi * qu'en Hircanie (le Ma- zanderan actuel) le blé qui tombe des épis se semait de lui-même. Cela se voit un peu partout aujourd'hui, et l'auteur ne précise pas le point important de savoir si ces semis accidentels conti- nuaient sur place de génération en génération. D'après V Odys- sée * le blé croissait en Sicile sans le secours de l'homme. Que peut signifier ce mot d'un poète et encore d'un poète dont l'existence est contestée? Diodore de Sicile, au commence- ment de l'ère chrétienne, dit la même chose et mérite plus de confiance, puisqu'il était Sicilien. Cependant il peut bien s'être abusé sur la qualité spontanée, le blé étant cultivé généralement alors en Sicile. Un autre passage de Diodore ^ mentionne la tradition qu^Osiris trouva le blé et l'orge croissant au hasard parmi les autres plantes, à Nisa, et Dureau de La Malle a prouvé que cette ville était en Palestine. De tous ces témoignages, il me paraît que ceux de Bérose et Strabon, pour la Mésopotamie et l'Inde occidentale, sont les seuls ayant quelque valeur. Les cinq espèces de graines de la cérémonie instituée par l'empereur Chin-Nong sont regardées par les érudits chinois 1. G. Syncelli, Chronoqv.^ foL 1652, p. 28. 2. Strabon, éd. 1707, Vol. 2, p. 1017. 3. Ibid., vol. 1, p. 124, et 2, p. 776. 4. Odyssée, 1. 9, v. 109. 5. Diodore, traduction de Terasson, 2, p. 186, 190. FROMENT ORDINAIRE 287 comme natives de leur pays *, et le D' Bretschneider ajoute que les communications de la Chine avec TAsie occidentale datent seulement de l'ambassade de Chang-kien, dans le deuxième siècle avant Jésus-Christ. Il faudrait cependant une assertion plus positive pour croire le blé indigène en Chine, car une plante qui était cultivée dans l'Asie occidentale deux ou trois mille ans avant l'époque de Chin-Nong et dont les graines sont si faciles à transporter a pu s'introduire dans le nord de la €hine, par des voyageurs isolés et inconnus, de la même ma- nière que des noyaux d'abricot et de pèche ont probablement passé de Chine en Perse, dans les temps préhistoriques. Les botanistes ont constaté que le froment n'existe pas au- jourd'hui en Sicile à l'état sauvage *. Quelquefois il s'échappe hors des cultures, mais on ne l'a pas vu persister indéfiniment ^. La plante que les habitants appellent froment sauvage, Frumentu sarvaggiu^ qui couvre des districts non cultivés, est V^gilop» ovata, selon le témoignage de M. Inzença *. Un zélé collecteur, M. Balansa, croyait avoir trouvé le blé, au mont Sipyle, de l'Asie Mineure, « dans des circonstances où il était impossible de ne pas le croire spontané ^, » mais la plante qu'il a rapportée est un Epeautre, le Triticum monococcum^ d'après un botaniste très exact qui l'a examinée *. Avant lui, Olivier '^, étant sur la rive droite de l'Euphrate, au nord-ouest d'Anah, pays impropre à la culture, « trouva dans une sorte de ravin leJroment, l'orge et Pepeautre, » et il ajoute : « que nous avions déjà vus plusieurs fois en Mésopotamie. » D'après Linné ^, Heintzelmann avait trouvé le blé dans le pays des Baschkirs, mais personne n'a confirmé cette assertion, et aucun botaniste moderne n'a vu l'espèce vraiment spontanée autour du Caucase ou dans le nord de la Perse. M. de Bunge ^, dont l'attention avait été provoquée sur ce point, déclare qu'il n'a vu aucun indice faisant croire que les céréales soient origi- naires de ces pays. 11 ne paraît même pas que le blé ait une ten- dance, dans ces régions, à lever accidentellement hors des cul- tures. Je n'ai découvert aucune mention de spontanéité dans l'Inde septentrionale, la Chine ou la Mongolie. En résumé, il est remarquable que deux assertions aient été données de l'indigénat en Mésopotamie, à un intervalle de vingt- trois siècles, l'une jadis par Bérose et l'autre de nos jours par 1. Bretschneider, /. c, p. 15. 2. Parlatore, FI. ital., 1, p. 46 el 508. Son assertion est d'autant plu? digne d'attention qu'il était Sicilien. 3. Strobl, dans Flora, 1880. p. 348. 4. Inzenga, Annal, agricult. sicil, 5. Bull, de la Soc, bot. de Fra7ice, 1854, p. 108. €. J. Gay, Bull. Soc. bot. de France, 1860, p. 30. 7. Olivier, Voy. dans ÏEmpire o^^oman (1807), vol, 3, p. 460. 8 Linné, Sp. plant., ed 2, vol. 1, p. 127. 9. Bunge, Bull. Soc. bot. France, 1860, p. 29. 288 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Olivier. La région de l'Euphrate étant à peu près au milieu de la zone de culture qui s étendait autrefois de la Chine aux îles Canaries, il est infiniment probable qu'elle a été le point prin- cipal de l'habitation dans des temps préhistoriques très anciens. Peut-être cette habitation s'étendait-elle vers la Syrie, vu la ressemblance du climat ; mais à Test et à l'ouest de l'Asie occi- dentale le blé n'a probablement jamais été que cultivé, antérieu- rement, il est vrai, à toute civilisation connue. II. Gros blé, Petanielle ou Foulard. — Triticum turgidum et TV. composltum^ Linné. Parmi les noms vulgaires, très nombreux, des formes de cette catégorie, on remarque celui de Blé â^ Egypte. Il paraît qu'on le cultive beaucoup actuellement dans ce pays et dans toute la région du Nil. A.-P. de Gandolle * dit avoir reconnu ce blé parmi des graines tirées des cercueils de momies anciennes, mais il n'avait pas vu les épis. Unger * pense qu'il était cultivé par les an- ciens Egyptiens et n'en donne cependant aucune preuve basée sur des dessins ou des échantillons retrouvés. Le fait qu'on n'a pu attribuer à cette espèce aucun nom hébreu ou araméen ^ me paraît significatif. Il prouve au moins que les formes si éton- nantes, à épis rameux, appelées communément Blé de miracle, Blé d'abondance^ n'existaient pas encore dans les temps anciens, car elles n'auraient pas échappé à la connaissance des Israélites. On ne connaît pas davantage un nom sanscrit ou même des noms indiens modernes, et je ne découvre aucun nom persan. Les noms arabes que Delile * attribue à l'espèce concernent peut- être d'autres formes de blé. Il n'existe pas de nom berbère *. De cet ensemble il me paraît découler que les plantes réunies sous le nom de Triticum turgidum^ et stirtout leurs variétés à épis rameux, ne sont pas anciennes dans l'Afrique septentrio- nale ou dans l'Asie occidentale. . M. Oswald Heer *, dans son mémoire si curieux sur les plantes des lacustres de l'âge de pierre en Suisse, attribue an Tr, turgidum deux épis non ramifiés, l'un à barbes, l'autre à peu près sans barbes, dont il a publié des figures. Plus tard, dans une exploration des palafittesde Robenhausen, M. Messicommer ne l'a pas rencontré, quoique les provisions de grains y fussent très abondantes '. MM. Strœbel et Pigorini disent avoir trouvé « le blé à grano grosso duro » (TV. turgidum) dans les palafittes 1. De CandoUe, Physiol, bot. y 2, p. 696. 2. Unger, die Pflanzend. alten Egyptens,^, 31. 3. Voir RosenmûUer, Bibl, Naturgesch,^ et Lôw, Aramœische Pflanzen' natnen, 1881. 4. Delile, Plantes cuit, en Egypte^ P- 3; Flora Aigypt, illttstr., p. 5. 5. Dict français-berbère, publié par le gouyemement. 6. Heer, Pflanzen d, Pfcihlbauten,^^. 5» flg. 4; p. 52, fig. 20. 7. Messicommer, dans Flora, 186d, p. 320. BLÉ DE POLOGNE 289 du Pannesan *. Du reste, M. Heer * regarde cette forme comme une race du froment ordinaire, et M. Sordelli paraît incliner vers la même opinion. Fraas soupçonne que le Krithanias de Théophraste était le Triticum turgidum^ m'ais ceci est absolument incertain. D'après M. de Heldreich ', le Gros blé est d'introduction moderne en Grèce. Pline * a parlé brièvement d'un blé à épis rameux, don- nant cent grains, qui devait être notre Blé de miracle. Ainsi les documents historiques et linguistiques concourent à faire regarder les formes du Triticum turgidum comme des mo- difications du froment ordinaire, obtenues dans les cultures. La forme à épis rameux ne remonte peut-être pas beaucoup plus âiaut que 1 époque de Pline. Ces déductions seraient mises à néant si Ton découvrait le Triticum turgidum à l'état sauvage, ce qui n'est pas encore arrivé d'une manière certaine. Malgré G. Koch *^, personne n'ad- met qu'il croisse, hors des cultures, à Gonstantinople et dans l'Asie Mineure. L'herbier de M. Boissier, si riche en plantes d'Orient, n'en possède pas. Il est indiqué comme spontané en Egypte par MRf. Schweinfurth et Ascherson, mais c'est par suite d'une erreur typographique *. IIL Blé dur. — Triticum durum, Desfontaines. Cultivé depuis longtemps en Barbarie, dans le midi de la •Suisse et quelquefois ailleurs, il n'a jamais été trouvé à l'état sauvage. Dans les différentes provinces d'Espagne, il ne porte pas moins d'une Quinzaine de noms ', et aucun ne dérive du nom arabe Queman, usité en Algérie * et en Egypte ^. L'absence de noms dans plusieurs autres pays et surtout de noms originaux est bien frappante. C'est un indice de plus en faveur d'une dérivation du froment ordinaire, obtenue en Espagne et dans le nord de l'Afrique, à une époque inconnue, peut-être depuis l'ère chrétienne. IV. Blé de Pologne. — Triticum polonicum, Linné. Cet autre blé dur, à grains encore plus allongés, cultivé surtout dans l'Europe orientale, n'a pas été trouvé sauvage. 1. Cités d'après Sordelli, Notizie sull. Lagozza, p. 32. 2. Heer, /. c, p. 50. 3. Heldreich, Die Nutzpflanzen Griechenlands, p. 5. 4. Pline, Hist,, 1. 18, c. 10. 5. Koch, Linnsea, 21, p. 427. 6. Lettre de M. Ascherson, en 1881. 7. Dictionn. maniùsant des noms vulgab^es. 8. Debeaux, Catal. des plantes de Boghar, p. 110. 9. D'après Delile, /. c, le blé se nomme Qamh, et un blé corné, rouge, De Candolle. 19 290 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Il a, en allemand, un nom original, Ganer, Gommer^ Gûmmer *, et en d'autres langues des noms qui ne se rattachent qu'à des personnes ou à des pays desquels on avait tiré les semences. On ne peut douter que ce ne soit une forme obtenue dans les cul- tures, probablement dans l'Europe orientale, à une époque inconnue, peut-être assez moderne. Conclusion sur runité spécifique de ces races principaks. Nous venons de montrer que l'histoire et les noms vulgaires des grandes races de froments sont en faveur d'une dérivation, contemporaine de l'homme, probablement pas très ancienne, de la forme du blé ordinaire, peut-être du blé à petits grains cul- tivés jadis par les Egyptiens et par les lacustres de Suisse et d'Itahe. M. Alefeld^ était arrivé à l'unité spécifique des Triticum vulgare^ turgidum et durum au moyen de l'observation atten- tive de leurs formes cultivées dans des conditions semblables. Les expériences de M. Henri Vilmorin ^ sur les fécondations artificielles de ces blés conduisent au même résultat. Quoique l'auteur n'ait pas encore vu les produits de plusieurs généra- tions, il s'est assuré que les formes principales les plus distinctes se croisent sans peine et donnent des produits fertiles. Si la fécondation est prise pour une mesure du degré intime d'affinité qui motive le groupement d'individus en une seule espèce, on ne peut pas hésiter dans le cas actuel, surtout avec l'appui des considérations historiques dont j'ai parlé. Sur les prétendus Blés de momie. Avant de terminer cet article, je crois convenable de dire que jamais une graine quelconque sortie d'un cercueil de l'ancienne Egypte et semée par des horticulteurs scrupuleux n'a germé. Ce n'est pas que la chose soit impossible, car les graines se conser- vent d'autant mieux qu'elles sont plus à l'abri de l'air et des variations de température ou d'humidité, et les monuments égyptiens présentent assurément ces conditions ; mais, en fait,. les essais de semis de ces anciennes graines n'ont jamais réussi. L'expérience dont on a le plus parlé est celle du comte de Ster- berg, à Prague *. Il avait reçu des graines de blé qu'un voya- geur, digne de foi, assurait provenir d'un cercueil de momie. Deux de ces graines ont levé, disait-on; mais je me suis assuré qu'en Allemagne les personnes bien informées croient à quelque supercherie, soit des Arabes, qui glissent quelquefois des graines 1. Nemnich, Lexicon, p. 1488, 2. Alefeld, Botanische Zeitung, 1865, p. 9. 3. H. Vilmorin, Bulletin de la Société ()otanique de France, 1881, p. 35d. 4. Journal Flora, 1835, p. 4. l'épeautre 291 modernes dans les tombeaux (même du Maïs, plante améri- caine!), soit des employés de l'honorable comte de Sternberg. Les graines répandues dans le commerce sous le nom de Blé de momie n'ont été accompagnées d'aucune preuve quant à Tan- cienneté d'origine. Epeautre et formes ou espèces voisines ^ Louis Vilmorin *, à l'imitation de Seringe dans son excel- lent travail- sur les Céréales ^, a réuni en un groupe les blés dont les grains, à maturité, sont étroitement contenus dans leur enveloppe, ce qui oblige à faire une opération spéciale pour les en dégager, — caractère plus agricole que botanique. Il énumère ensuite les formes de ces blés vêtus^ sous trois noms, qui répondent à autant d'espèces de la plupart des botanistes. I. Epeautre, Grande Epeautre. — TriticumSpelta, Linné. L 'Epeautre n'est plus guère cultivé que dans le midi de l'Alle- magne et la Suisse allemande. Autrefois, il n'en était pas de même. Les descriptions de céréales par les auteurs grecs sont telle- ment brèves et insignifiantes qu'on peut toujours hésiter sur le sens des noms qu'ils emploient. Cependant, d'après les usages dont ils parlent, les érudits * estiment que les Grecs ont appelé l'Epeautre d'abord Olyra^ ensuite Zeia^ noms qui se trouvent dans Hérodote et Homère. Dioscoride ^ distingue deux sortes de Zela, qui paraissent répondre aux Triticum Spelta et Tr, mono- coccum. On croit que l'Epeautre était le Semen (grain par excel- lence) et le Far, de Pline, dont il dit que les Latins se sont nourris pendant 360 ans, avant de savoir confectionner du pain ®. Comme l'Epeautre n'a pas été trouvé chez les lacustres de Suisse ou d'Italie, et que les premiers cultivaient des formes voisines, appelées T7\ dicoccum et TV. monococcum ', il est possible que le Far des Latins fut plutôt une de celle-ci. L'existence du véritable Epeautre dans l'ancienne Egypte et dans les pays voisins me paraît encore plus douteuse. uOlyra des Egyptiens, dont parle Hérodote, n'était pas VOlyra des Grecs. Quelques auteurs ont supposé que c'était le riz, Oryza ®. Quant à l'Epeautre, c'est une plante qu'on ne cultive pas dans des pays aussi chauds. Les modernes, depuis Rauwolf jusqu'à nos jours, 1. Voir les planches de Metzger et de Host, dans les ouvrages cités tout à l'heure. 2. Essai d'un catalogue méthodique des froments^ Paris. 1850. 3. Seringe, Monographie des céréales de la Suisse^ in-8o, Berne, 1818. 4. Fraas, Synopsis Û, class.^ p. 307; Lenz, Botanik d. Alten^ p. 257. 5. Dioscorides, Mat, med.y 2, 111-115. 6. Pline, Hist,, 1. 18, c 7; Targioni, Cenni storici, p. 6. 7. Heer, /. c, p. 6; Unger, Pflanzen d, alten JEgypt.^ p. 32. 8. Delile, Plantes cultivées en Egypte, p. 5. \ 292 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES ne Font pas vue dans les cultures d'Egypte *. On ne Ta pas trouvée dans les monuments égyptiens. C'est ce qui m'avait fait supposer ^ que le mot hébreu Kussemeth, qui se trouve trois fois dans la Bible ^, ne devrait pas s'appliquer à l'Epeautre, con- trairement à l'opinion des hébraïsants *, J'avais présumé que c'était peut-être la forme voisine appelée TV. monococcum^ mais celle-ci n'est pas non plus cultivée en Egypte. L'Epeautre n'a pas de nom en sanscrit ni même dans les lan- gues modernes de l'Inde et en persan ^, à plus forte raison en chi- nois. Les noms européens, au contraire, sont nombreux et témoi- gnent d'une ancienne culture, surtout dans l'Europe orientale : Spelta en ancien saxon, d'où Epeautre; Dinkel en allemand moderne; Orkisz en polonais, jPoô/a en russe® sont des noms qui paraissent venir de racines bien différentes. Dans le midi de l'Europe, les noms sont plus rares. Il faut citer cependant un nom espagnol, des Asturies, Escandia ', mais je ne connais pas de nom basque. Les probabihtés historiques et surtout linguistiques sont en faveur d'une origine de l'Europe orientale tempérée et d'une partie voisine de l'Asie. Voyons si la plante a été découverte à l'état spontané. Olivier, dans un passage déjà cité ®, dit l'avoir trouvée plu- sieurs fois en Mésopotamie, en particulier sur la rive droite de l'Euphrate, au nord d'Anah, dans une localité impropre à la culture. Un autre botaniste, André Michaux, l'avait vue, en 1783, près de Hamadan, ville de la région tempérée de Perse. D'après Dureau de La Malle, il en avait envoyé des graines à Bosc, qui les ayant semées à Paris en avait obtenu l'Epeautre ordinaire; mais ceci me paraît douteux, car Lamarck en 1786 ® et Bosc lui- même, dans le Dictionnaire d'agriculture^ article Epeautre, pu- blié en 1809, n'en disent pas un mot. Les herbiers du Muséum, à Paris, ne contiennent aucun échantillon des céréales dont parle Olivier. par la culture, du froment ordinaire, ou serait sorti d'une 1. Reynier, Econ, des Eayptiens^ p. 337; Bureau de La Malle, Ann, se. nat., 9, p. 72; Schweinfurtn et Ascherson, /. c. Le Tr Spelta de Forskal n^est admis par aucun auteur subséquent. 2. Géogr. oot. raisonnée^ p. 933. 3. Exode, IX, 32; Esaie, XXVIII, 25; Ezéchiel, IV, 9. 4. Rosenmûller, Bibl. Alterlhumskunde, 4, p. 83; Second, trad. de V An- cien Test,, 1874. 5. Ad. Pictet,-le5 origines indo-européennes y éd. 2, voL i, p. 348. 6. Ad. Pictet, /. c. ; Nemmich, Lexicon, 7. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hi^tp., 1, p. 107. 8. Olivier, Voyage, 1807, voL 3, p. 460. 9. Lamarck, Dict» enqjcL^ 2, p. 560. LOCULAR 293 forme intermédiaire, à une époque préhistorique pas très an- cienne. Les expériences de M. H. Vilmorin * viennent à l'appui, car les croisements de TEpeautre par le Blé blanc velu et vice versa ont donné des « métis, dont la fertilité est complète, avec mélange des caractères des deux parents, ceux de PEpeautre ayant cependant quelque prépondérance '. II. Amidonier. — Triticum dlcoccum^ Schrank. — Triticum amyleum, Seringe. Cette forme {Emmer ou ^mer, des Allemands), cultivée sur- tout en Suisse pour l'amidon, supporte bien les hivers rigou- reux. Elle contient deux graines dans chaque épillet, comme le véritable Epeautre. M. Heer * rapporte à une variété du TV. dicoccum un épi trouvé, en mauvais état, dans la station lacustre de Wangen, en Suisse. M. Messikommer en a trouvé depuis à Robenhausen. On ne l'a jamais vu spontané. La rareté de noms vulgaires est frappante. Ces deux circonstances, et le peu de valeur des carac- tères botaniques propres à le distinguer du TV. Spelta, doivent le faire considérer comme une ancienne race cultivée de celui-ci. III. Locular, Engrain. — Triticum rnonococcum^ Linné. Le Locular^ Engrain commun ou Petit Epeautre^ Einkom des Allemands, se distingue des précédents par une seule graine dans Tépillet et par d'autres caractères, qui le font considérer par la majorité des botanistes comme une espèce véritablement distincte. Les expériences de M. H. Vilmorin appuient jusqu'à présent cette opinion, car il n'est pas parvenu à croiser le Triti- cum nionococcum avec les autres Epeautres ou froments. Cela peut tenir, comme il le remarque lui-même, à quelque détail dans la manière d'opérer. Il se propose de renouveler les tenta- tives, et réussira peut-être. En attendant, voyons si cette forme d'Epeautre est d'ancienne culture et si on Ta trouvée quelque part dans un état spontané. Le Locular s'accommode des sols les plus mauvais et les plus rocailleux. Il est peu productif, mais donne d'excellents gruaux. On le sème surtout dans les pays de montagnes, en Espagne, en France et dans l'Europe orientale, mais je ne le vois pas mentionné en Barbarie, en Egypte, dans l'Orient, ou dans l'Inde et en Chine. On a cru le reconnaître, d'après quelques mots, dans le Tiphai de Théophraste '. Dioscoride * est plus facile à invoquer, car il distingue deux sortes de Zeia^ l'une ayant deux graines, l'autre i. H. Vilmorin, BulL de la Soc. bot. de France, 1881, p. 858. 2. Heer, Pflanzen d. Pfahlbauten, fig., p. 5, fig. 23, et p. 15. 3. Fraas, Si/nopsis fl. class.y p. 307. 4. Dioscondes, Mat. med., 2, c. III, 155. 294 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES une seule. Celle-ci serait le Locular, Rien ne prouve qu'il fût ha- bituellement cultivé chez les Grecs et les Latins. Leurs descen- dants ne remploient pas aujourd'hui *. Il n'a pas de nom sanscrit, ni même persan ou arabe. J'ai émis jadis l'hypothèse que le Kussemeth des Hébreux pourrait se rapporter à cette plante, mais cela me parait maintenant difficile à soutenir. Marschall Bieberstein ^ avait indiqué le TV. monococcum spon- tané, au moins sous une forme particulière, en Grimée et dans le Gaucase oriental. Aucun botaniste n'a confirmé cette asser- tion. Steven ^, qui vivait en Grimée, déclare qu'il n'a jamais vu l'espèce autrement que cultivée par les Tartares. D'un autre côté, la plante que M. Balansa a récoltée, dans un état spontané, près du mont Sipyle, en Anatolie,est le TV. monococcum , d'après J. Gay *, lequel assimile à cette forme le Triticum bxoticum^ Boissier, spontané dans la plainne de Béotie ^ et en Servie ®. En admettant ces faits, le Triticum monococcum serait origi- naire de Servie, Grèce et Asie Mineure, et, comme on n'est pas parvenu à le croiser avec les autres Epeautres ou les froments, on a raison de l'appeler une espèce, dans le sens linnéen. Quant à la séparation des froments à grains libres et des Epeau- tres, elle serait antérieure aux données historiques et peut-être aux commencements de toute agriculture. Les froments se sei:?iient montrés les premiers, en Asie ; les Epeautres ensuite, plutôt dans l'Europe orientale et l'Anatolie. Enfin, parmi les Epeautres, le TV. monococcum serait la forme la plus ancienne, dont les autres se seraient éloignées, à la suite de plusieurs milliers d'années de culture et de sélection. OiPge à deux rangrs. — Hordeum distichon^ Linné. Les Orges sont au nombre des plus anciennes plantes cultivées. Gomme elles ont à peu près la même manière de vivre et les mêmes emplois, il ne faut pas s'attendre à trouver chez les au- teurs de l'antiquité et dans les langues vulgaires la précision qui permet de reconnaître les espèces admises par les botanistes. Dans beaucoup de cas, le nom Orge a été pris dans un sens vague 1. Heidreich, Nutzpflanzen d. Grichenlands , 2. M. BiebersteÎD, Flora tauro-caucasica, vol. 1, p. 85. 3. Steven, Verzeichniss taur. Halbinseln Pflanzen, p. 354. 4. Bull. Soc, boL de France^ 1860, p. 30. 5. Boissier, Diagnoseè^ sériel, vol. 2, fasc. 13, p. 69. 6. Balansa, 1854, n. 137, dans ÏHei^ôier Boissier^ où Ton voit aussi un échantillon trouvé dans les champs en Servie et une variété à barbes brunes envoyée par M. Pancic, croissant dans les prés de Servie. Le même botaniste de Belgrade vient de m 'envoyer des écnantillons spontanés de Servie que ie ne saurais distinguer du Tr. monococcum. II me certifie qu'on ne cultive pas celui-ci en Servie. M. Bentham m'écrit que le Tr. bœoticum, dont il a vu plusieurs échantillons d'Asie Mineure, est, selon lui, la monococcum. ORGE A DEUX RANGS 295 OU générique. C'est une difficulté dont nous devons tenir compte. Par exemple, les expressions de l'Ancien Testament, de Bérose, de Moïse de Ghorène, Pausanias, Marco Polo, et plus récemment d'Olivier, qui indiquent « Torge spontanée ou cultivée » dans tel ou tel pays, ne prouvent rien, parce qu'on ne sait pas de quelle espèce il s'agit. Même obscurité pour la Chine. Le D"^ Bret- schneider * dit que, d'après un ouvrage publié en l'an 100 de notre ère, les Chinois cultivaient une « Orge », mais il n^expli- que pas laquelle. A l'extrémité occidentale de l'ancien monde les Guanches cultivaient aussi de l'Orge dont on connaît le nom, pas l'espèce. L'Orge à deux rangs, sous sa forme ordinaire dans laquelle les grains sont couverts à maturité, a été trouvée sauvage dans l'Asie occidentale, savoir : dans l'Arabie Pétrée ^, autour du mont Sinaï ^, sur les ruines de Persépolis *, près de la mer Cas- pienne ^, entre Lenkoran et Baku, dans le désert de Chirvan et Awhasie, également au midi du Caucase ^ et en Turcomanie '^. Aucun auteur ne l'indique en Crimée, en Grèce, en Egypte ou à l'orient de la Perse. Willdenow ® l'indique à Samara, dans le sud-est de la Russie; ce que les auteurs plus récents ne confir- ment pas. La patrie actuelle est donc de la mer Rouge au Cau- case et à la mer Caspienne. D'après cela l'Orge à deux rangs devait être une des formes cultivées par les peuples sémitiques et touraniens. Cependant on ne Ta pas trouvée dans les monuments d'Egypte. Il semble que les Aryas ont dû la connaître, mais je n'en vois pas de preuve dans les noms vulgaires ou dans l'histoire. Théophraste ^ parle de l'Orge à deux rangs. Les lacustres de la Suisse orientale la cultivaient avant de posséder des métaux *^ ; mais l'Orge à six rangs était plus commune chez eux. La race dans laquelle le grain est nu à maturité {H. distichon nudurrij Linné), qu'on appelle en français de toutes sortes de noms absurdes, Orge à café, 0. du Pérou, etc., n'a jamais été trouvée sauvage. VOrge en éventail {Hordeum Zeocriton^ Linné) me paraît une forme cultivée de l'Orge à deux rangs. On ne la connaît pas à l'état 1. Bretschneider, On the study, etc.j p. 8. 2. Herbier Boissier, échantillon bien déterminé, par Reuter. 3. Figari et de Notaris, Agrostologiss xgypt. fragm., p. 18. 4. Plante très maigre, recueillie car Kotschy, n» 290, dont je possède un échantillon. M. Boissier l'a déterminée comme if. distichon, varietas, 5. G. -A. Meyer, Verzeichniss, p. 26, d'après des échantillons vus aussi par Ledebour, FI. ross., 4, p. 327. 6. Ledebour, L c. 7. Re^el, Descr. plant, nov., 1881, fasc. 8, p. 37. 8. Willdenow, Sp. plant. , 1, p. 473. 9. Theophrastes, Htst. plant, j I. 8, c. 4. 10. Heer, Pflanzen der PfahlbaïUen, p. 13; Messicommer, Flora bot. Zei- iung, 1869, p. 320. 296 ' PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES spontané. Elle n'a pas été trouvée dans les monuments égyp- tiens, ni dans les débris lacustres de Suisse, Savoie et Italie. Orge commune. — Hordeum vulgare, Linné. L'Orge commune, à quatre rangs, est mentionnée par Théo- phraste *, mais il parait que dans l'antiquité on la cultivait moins que celles à deux et surtout à six rangs. Elle n'a pas été trouvée dans les monuments égyptiens, ni- dans les débris des lacustres de Suisse, Savoie et Italie. Willdenow ^ dit qu'elle croît en Sicile et dans le sud-est de la Russie, à Samara; mais les flores modernes de ces pays ne le confirment nullement. On ne sait pas quelle Orge Olivier avait vue sauvage en Mésopotamie ; par conséquent, V Hordeum vul- gare n'a pas encore été trouvé à l'état spontané, d'une manière certaine. La multitude des noms vulgaires qu'on lui attribue ne signifie rien comme indication d'origine, car il est impossible de savoir dans la plupart des cas si ce sont des noms de l'Orge, en général, ou d'une Orge en particulier cultivée dans tel ou tel pays. Orge à six rangs. Escourgeon. — Hordeum hexastichouy Linné, C'était l'espèce le plus souvent cultivée dans l'antiquité. Non seulement les Grecs en ont parlé, mais encore elle a été trouvée dans les monuments les plus anciens de l'Egypte ^ et dans les restes des lacustres de Suisse (âge de pierre), de Savoie et d'Italie (âge de bronze) *. M. Heer a même distingué deux variétés dans l'espèce cultivée jadis en Suisse. L'une d'elles répond à l'orge à six rangs figurée sur les médailles de Métaponte, ville de l'Italie méridionale, six siècles avant J.-G. D'après Roxburgh ^, c'était la seule Orge cultivée dans l'Inde à la fin du siècle dernier. Il lui attribue le nom sanscrit Yuva^ devenu en bengali Juba, Adolphe Pictet ^ a étudié avec soin les noms sanscrits et des langues indo-européennes qui répondent au mot générique Orge, mais il n'a pas pu suivre dans les dé- tails ce qui concerne chacune des espèces. L'Orge a six rangs n'a pas été vue dans les conditions d'une plante sponfenée dont un botaniste aurait constaté l'espèce. Je^ ne l'ai pas trouvée dans l'herbier de M. Boissier, si riche en 1 Théophraste, Hist.^ L 8, c. 4. 2. Willdenow, Species plant., 1, p. 472. 3. TJnger, Pflanzen des alten MgyptenSy p. 33; Ein Ziegel der Dashur Pyramide, p. 109. 4. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, p. 5, fig. 2 et 3; p. 13, fig. 9; Flora bot.Zeitung, 1869, p. 320; ae Mortillet, d'après Perririj Etudes préhistoriques sur la Savoie, p. 23 ; Sordelli, Suite piante delta torbtera di Lagozza, p. 33.. 5. Roxburgh, F t. ind., éd. 1832, v. 1, p. 358. 6. Ad. Pictet, Origines indo-européennes y éd. 2, vol. 1, p. 333. SEIGLE 297 plantes d'Orient. Il est possible que les Orges sauvages men- tionnées par d'anciens auteurs et par Olivier aient été VHordeum hexastichon, mais on n'en a aucune preuve. Sur les Orges en général» Nous venons de voir que la seule forme trouvée aujourd'hui spontanée est la plus simple, la moins productive, VHordeum distickon^ dont la culture est préhistorique, comme celle de r^. hexastichon . Peut-être VH, vulgare est-il moins ancien de culture que les deux autres? On peut tirer de ces données deux hypothèses : 1° Une déri- vation des Orges à quatre et à six rangs de celle à deux rangs, dérivation qui remonterait aux cultures préhistoriques, anté- rieures à celles des anciens Egyptiens constructeurs des monu- ments. 2® Les Orges à quatre et à six rangs seraient des espèces jadis spontanées, éteintes depuis Tépoque historique. Il serait singulier; dans ce cas, qu'il n'en restât aucune trace dans les flores de la vaste région comprise entre l'Inde, la mer Noire et l'Abyssinie, où Ton est à peu près assuré de la culture, au moins de l'Orge à six rangs. Seigle. — Secale céréale^ Linné. Le Seigle n'est pas d'une culture très ancienne, si ce n'est peut-être en Russie et en Thrace. On ne l'a pas trouvé dans les monuments égyptiens, et il n'a pas de noms dans les langues sémitiques, même modernes. Il en est de même en sanscrit et dans les langues indiennes qui dérivent du sanscrit. Ces faits concordent avec la circonstance que le Seigle réussit mieux dans les pays septentrionaux que dans ceux du Midi, où généralement, à notre époque, il n'est pas cultivé. Le D"^ Bretschneider * pense qu'il est inconnu aux agriculteurs chinois. Il doute de l'assertion contraire d'un au- teur moderne et fait remarquer qu'une céréale mentionnée dans les mémoires de l'empereur Kanghi, qu'on peut soupçonner être cette espèce, signifie d'après son nom Blé apporté de Russie. Or le Seigle, dit-il, est cultivé beaucoup en Sibérie. Il n'en est pas question dans les flores japonaises. Les anciens Grecs ne le connaissaient pas. Le premier auteur qui l'ait mentionné dans l'empire romain est Pline 2, qui parle du Secale^ cultivé à Turin, au pied des Alpes, sous le nom de Asia, Galien % né en 131 de notre ère, l'avait vu cultivé, en Thrace et en Macédoine, sous le nom de Briza, Ces cultures paraissent peu anciennes, du moins en Italie, car on n'a pas 1. Bretschneider, Onstudy, etc. y p. 18, 44. 2. Pline, Hist., 1. 18, c. 16. 3. Galenus, De alimentis, 1, 13, cité d'après Lenz, Bot. d. Aliène p. 259. 298 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES trouvé de Seigle dans les débris des habitations lacustres du nord de ce pays, de Savoie et de Suisse, même à l'époque du bronze. M. Jetteles en a recueilli, près d'Olmutz, avec des instruments de ce métal, et M. Heer *, qui a vu les échantillons, en men- tionne d'autres, de l'époque romaine, en Suisse. A défaut de preuves archéologiques, les langues européennes montrent une ancienne connaissance du Seigle dans les pays germains, celtes et slaves. Le nom principal, selon Adolphe Pictet *, appartient aux peuples du nord de TEurope : anglo- saxon Ryge, Rig^ Scandinave Rûgr^ ancien allemand Jîo^gfo, an- cien slave Rujt^ Roji, polonais Rez, illyrien Raz^ etc. L'origine de ce nom, dit-il, doit remonter à une époque antérieure à la séparation des Germains et des Lithuano-Slaves. Le mot Secale des Latins se trouve sous une forme presque semblable chez les Bretons, Segal, et les Basques, Ceketa, Zekhalea; mais on ne sait pas si les Latins l'ont emprunté aux Gaulois et Ibères ou si inversement ces derniers ont reçu le nom des Romains. Cette seconde hypothèse parait probable, puisque les Gaulois cisalpins du temps de Pline se servaient d'un nom tout différent. Je vois aussi mentionnés un nom tartare, Aresch ^, et un nom ossète, Syl^ SU *, qui font présumer une ancienne culture à l'orient de l'Europe. Ainsi les données historiques et linguistiques montrent une origine probable des pays au nord du Danube, et une culture qui remonte à peine au delà de l'ère chrétienne pour l'empire romain, mais plus ancienne peut-être en Russie et en Tartarie. L'indication du Seigle spontané telle que la donnent plusieurs auteurs ne doit presque jamais être admise, car il est arrivé souvent qu'on a confondu avec le Secale céréale des espèces vivaces ou dont l'épi se brise facilement, que les botanistes mo- dernes ont distinguées avec raison ^. Beaucoup d'erreurs qui en provenaient ont été éliminées sur l'examen des échantillons originaux. D'autres peuvent être soupçonnées. Ainsi je ne sais ce qu'il faut penser des assertions de L. Ross, qui disait avoir trouvé le Seigle sauvage dans plusieurs localités de l'Anatolie *, et du voyageur russe, Ssaewerzoff, qui l'aurait vu dans le Tur- kestan \ Ce dernier fait est assez probable, mais on ne dit pas qu'un botaniste ait vérifié la plante. Kunth ^ avait déjà indiqué 1. Heer, Die Pflanzen der Ffahlbauten, p. 16. 2. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 344. 3. Nemnich, Lexicon Naturgesch, 4. Pictet, /. c. 5. Secale fragile, Bieberstein; S. anatolicum, Boissier; S. montanum, Gussone; S. viUosiim, Unné. J'ai expliqué dans la Géographie botanique, p. 936, les erreurs qui résultaient de cette confusion, lorsqu*on disait le Seigle spontané en Sicile, en Crète et quelquefois en Russie. 6. Flora, bot. Zeitung, 1850, p. 520. 7. Flora, bot, Zeitung, 1869, p. 93. S. Kunth, Enum., 1, p. 449. AVOINE ORDINAIRE ET AVOINE D'ORIENT 299 « le désert entre la mer Noire et la mer Caspienne », sans dire d'après quel voyageur ou quels échantillons. L herbier de M. Bois- sier ne m'a révélé aucun Secale céréale spontané, mais il m'a donné la persuasion qu'un voyageur doit facilement prendre une autre espèce de Seigle pour celle-ci et que les assertions doivent être vérifiées soigneusement. A défaut de preuves suffisantes pour des pieds spontanés j'ai fait valoir autrefois, dans ma Géographie botanique raisonnée, un argument de quelque valeuir. Le Secale céréale se sème hors des cultures et devient presque spontané dans les pays de l'em- pire d'Autriche *, ce qu'on ne voit guère ailleurs '. Ainsi dans la partie orientale de l'Europe, où l'histoire indique une culture ancienne, le Seigle trouve aujourd'hui les conditions les plus favo- rables pour vivre sans le secours de l'homme. On ne peut guère douter, d'après cet ensemble de faits, qu'il ne soit originaire de la région comprise entres les Alpes d'Autriche et le nord de la mer Caspienne. C'est d'autant plus probable que les cinq ou six autres espèces connues du genre Secale habitent l'Asie occiden- tale tempérée ou le sud-est de l'Europe. En admettant cette origine, les peuples aryens n'auraient pas connu l'espèce, comme la linguistique le montre déjà; mais dans leurs migrations vers l'ouest ils ont dû la renconlref ayant des noms divers, qu'ils auraient transportés çà et là. Avoine ordinaire et Avoine d'Orient. — Avena sativa, Linné, et Avena orientalis, Schreber. L'Avoine n'était pas cultivée chea^ les anciens Egyptiens et les Hébreux, mais aujourd'hui on la sème en Egypte '. Elle h'a pas de nom sanscrit, ni même dans les langues modernes de 1 Inde. Ce sont les Anglais qui la sèment quelquefois dans ee pays, pour en nourrir leurs chevaux *. La plus ancienne men- tion de l'Avoine en Chine est dans un ouvrage historique sur les années 618 à 907 de l'ère chrétienne; elle s'applique à la variété appelée par les botanistes Avena sativa nuaa ^, Les an- ciens Grecs connaissaient bien le genre Avoine, qu'ils appe- laient Bromos ^, comme les Latins l'appelaient Avena; mais ces noms s'appliquaient ordinairement aux espèces qu'on ne cultive pas et qui sont de mauvaises herbes mélangées avec les céréales. Rien ne prouve qu'ils aient cultivé l'Avoine ordinaire. La re- 1. Sadler, FI. pesth., 1, p. 80; Host, FL austr., i, p. 177; Baumgarten, FI. transylv.^ 3, p. 225 ; Neilreich, FL VTieWjp. 58 ; Visiani, FL dalmat., 1, p. 97 ; Farkas, FL croatica, p. 1288. 2. M. Strobi l'a vu cependant autour de l'Etna, dans les bois, par «uite de l'introduction dans la culture au xvm® siècle. {Œster. àot, zeit. 1881, p. 159.) 3. Schweinfurth et Ascherson, Beitràge zur Flora jrEthiopiens, p. 298. 4. Royle, ///., p. 419. 5. Bretschneider, On sttcdy, etc., p. 18, 44. 6. Fraas, Synopsis fl, class., p. 303; Lenz, Botanik der Alten, p. 243. 300 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES marque de Pline ^ que les Germains se nourrissaient de farine tirée de cette plante fait comprendre que les Romains ne la cultivaient pas. La culture de l'Avoine était donc pratiquée anciennement au nord de l'Italie et de la Grèce. Elle s'est propagée plus tard, et partiellement dans le midi de l'empire romain. Il est possible qu'elle fût plus ancienne dans l'Asie Mineure , car Galien * dit que TAvoine abondait en Mysie, au-dessus de Pergame ; qu'on la donnait aux chevaux et que les hommes s'en nourrissaient dans les années de disette. L'Asie Mineure avait reçu jadis une colonie gauloise. On a trouvé de l'Avoine dans les restes des habitations lacustres suisses de l'époque du bronze ^, et en Allemagne, près de Wittenberg, dans plusieurs tombeaux des premiers siècles de l'ère chrétienne ou un peu plus anciens *. Jusqu'à présent, les lacustres du nord de l'Italie n'en ont pas présenté, ce qui con- firme l'absence de culture de l'espèce dans le temps de la répu- blique romaine. Les noms prouvent encore une ancienne existence au nord et à l'ouest des Alpes et sur les confins de l'Europe, vers le Caucase et la Tartarie. Le plus répandu de ces noms est indiqué par le latin Avenu, l'ancien slave Ovisu, Ovesu^ Ovsa, le russe Ovesu, le lithuanien Awiza^ le letton Ausas, l'ostiaque Abis *. L'anglais Oats vient, d'après Ad. Pictet, de l'anglo-saxon Ata ou Ate, Le nom basque ôlèa ou Oloa ® fait présumer une culture très ancienne par les Ibères. Les noms celtiques diffèrent des autres ' : irlandais, Coirce^ Cuî'rce, Corca; armoricain Kerch, Les noms tartare Sulu^ géor- gien Kari, hongrois Zab, croate Zob^ esthonien Kaer et autres sont indiqués par Nemnich * comme s'appliquant au mot géné- rique Avoine, mais il n'est pas probable qu'il y eût des noms aussi variés s'il ne s'agissait pas d'une espèce cultivée. Gomme singularité, je note un nom berbère Zekkoum ^, quoique rien ne puisse faire présumer une ancienne culture en Afrique. Tout ce qui précède montre combien était fausse l'opinion que l'Avoine est originaire de Tile de Juan Fernandez, opinion qui régnait dans le siècle dernier *^ et qui parait venir d'une asser- tion du navigateur Anson **. Ce n'est pas dans l'hémisphère 1. Pline, HisL,\. 18, c. 17. 2. Galenus, De alimentis, 1. c. 12. 3. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, p. 6, fig. 24. 4. Lenz, /. c, p. 245. 5. Ad. Pictet, Les oriçines indo-européennes y éd. 2, vol. 1, p. 350. 6. Notes communiquées par M. Clos. 7. Ad. Pictet, /. c. 8. Nemnich, Polyglott, Lexicon Naturgesch., p. 548. 9. Dict. français 'berbère^ publié par le gouvernement français. 10. Linné, Species, p. 118; Lamarck, Dict. enc, l,p.431. 11. Phillips, Cuit, veget.j 2, p. 4. AVOINE ORDINAIRE ET AVOINE D'ORIENT 301 austral qu'ils faut chercher la patrie de l'espèce, mais évidem- ment dans les pays de Thémisphère boréal où on l'a cultivée anciennement. Voyons si elle s'y trouve encore dans un état spontané. L'Avoine se sème dans les décombres, au bord des chemins et près des endroits cultivés, plus facilement que les autres céréales, et se maintient quelquefois de manière à sembler spon- tanée. Cette remarque a été faite dans des localités très éloi- gnées, comme l'Algérie et le Japon, Paris et le nord de la Chine *. Ce genre de faits doit nous rendre sceptiques sur l'Avoine que Bové dit avoir trouvée dans le désert du mont Sinaï. On a pré- tendu aussi ' que le voyageur Olivier avait vu l'Avoine sauvage en Perse, mais il n'en parle pas dans son ouvrage. D'ailleurs plusieurs espèces annuelles qui ressemblent beaucoup à l'Avoine ordinaire peuvent tromper un voyageur. Je ne puis découvrir ni dans les livres ni dans les herbiers l'existence de pieds vraiment spontanés, soit en Asie, soit en Europe, et M. Bentham m'a certifié qu'il n'y en a pas dans les riches herbiers de Kew; mais certainement, comme pour les formes dont je parlerai tout à l'heure, la condition quasi spontanée ou quasi naturalisée est plus fréquente dans les Etats autrichiens, de Dalmatie en Tran- sylvanie ^, que nulle part ailleurs. C'est une indication de l'origine, à ajouter aux probabilités historiques et linguistiques en faveur de l'Europe orientale tempérée. li'Avena strigosa^ Schreber, parait une forme de l'Avoine ordinaire, d'après des expériences de culture dont parle M. Ben- tham, en ajoutant, il est vrai, qu'elles méritent confirmation *. On peut voir une bonne figure ae cette plante dans Host, Icônes Graminum austriacorum^ 2, pi. 56, qui est intéressante à comparer avec la pi. 59 de VA, sativa. Du reste, VAvena strigosa n'a pas été trouvée à Tétat spontané. Elle est en Europe dans les champs abandonnés, ce qui appuie l'hypothèse d'une forme dérivée, par suite de la culture. UAvena orientaliSy Schreber, dont les épillets penchent d'un seul côté, est aussi cultivée en Europe depuis la fin du xviii® siècle. On ne la connaît pas à l'état spontané. Mélangée souvent avec l'Avoine ordinaire, elle se distingue au premier coup d'œil. Les noms qu'elle porte en Allemagne, Avoine de Turquie ou de Hongrie, montrent une introduction moderne venant de l'est. Host en a donné une excellente figure [Gram, austr,, 1, pi. 44). 1. Munby, CataL Alger, ^ éd. 2, p. 36; Franchet et Savatier. Enum, plant, Jap,^ 2, p. 175 ; Gosson; FI, Paris^ 2. p. 637; Bunge, Enum, chin., p. 71, pour la variété nuda, 2. Lamarck, Dict, enq/cl,, 1, p. 331. 3. Visiani, FI, dalmat., 1, p. 69; Host, FI, austr.^ 1, p. 133; Neilreich, FI, Wien., p. 85; Baiimgarten, Ènum, Transylv,, 3, p. 259; Farkas^F/. croatica, p. 1277. 4. Bentham, Handbook ofbritish flora, éd. 4, p. 544. 302 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Toutes ces Avoines étant cultivées sans qu'on ait découvert ni les unes ni les autres à l'état vraiment spontané, il est bien pro- bable qu'elles proviennent d'une seule forme préhistorique, aont la patrie était l'Europe tempérée orientale et la Tartarie. Millet commun. — Panicum mïliaceum^ Linné. La culture de cette Graminée est préhistorique dans le midi de l'Europe, en Egypte et en Asie. Les Grecs en ont parlé sous le nom de Kegchros et les Latins sous celui de Milium *. Les lacustres suisses, à l'époque de la pierre, faisaient grand usage du Millet ^. On Ta trouvé aussi dans les restea des palafittes du lac de Varèse en Italie ^. Comme on ne retrouve pas ailleurs des échantillons de ces anciens temps, il est impossible de savoir ouei était le Panicum ou le Sorghum mentionné parlas auteurs latms, dont les habitants de la Gaule, de la Pannônie et autres pays se nourrissaient. • Unger * compte le P, miliaceum parmi les espèces de l'an- cienne Egypte, mais il ne paraît pas qu'il en eût des preuves positives , car il n'a indiqué ni monument ou dessin ni graine trouvée dans les tombeaux. On n'a pas non plus de preuves ma- térielles d'ancienne culture en Mésopotamie, dans llnde et en Chine. Pour ce dernier pays, la question s'est élevée de savoir si le Shuy une des cinq céréales que les empereurs sèment en grande cérémonie chaque année, est le Panicum miliaceum, une espèce voi- sine, ou le Sorgho ; mais il paraît que le sens du mot Shu a varié, et que jadis on semait peut-être le Sorgho ^. Les botanistes anglo-indiens ® attribuent à l'espèce actuelle deux noms sanscrits, Unoo (prononcez Ounou) et Vreehib-heda (pro- noncez Vrikib'keda), quoique le nom moaerne hindou et bengali et le nom telinga Worga soient tout autrçs, Cheena (prononcez China] . Si les noms sanscrits sont réels, ils indiquent une ancienne culture dans l'Inde. On ne connaît pas de nom hébreu ni berbère ' ; mais il y a des noms arabes, Doknn^ usité en Egypte, et Kosjaejô en Arabie ^ Les noms européens sont variés. Outre les deux noms grec et latin, il y a un nom vieux slave, Proso ®, conservé en Russie et en Pologne, un nom vieux allemand, Hirsi, et un nom lithua- nien, Sora *°. L'absence de noms celtiques est remarquable. Il 1. Les passages de Théophraste, Gaton et autres sont traduits dans Lenz, Botanik aei^ Alteriy p. 232. 2. Heer, Pflanzen der Pfahlbaulen, p. 17. 3. Regazzoni, Riv, arch.prov. di Como, 1880, fasc. 7. 4. Unger, Pflanzen des alien jEgyptens,^, 34. 5. Bretschneider, Study and value of chinese bot, v)orks, p. 7, 8, 45. 6. Roxburgh, FI, ind.,ed. 1832, p. 310; Piddington, Index, 7. RosenmûUer, biôl. AUerth.; Dictionn. français-berbère. 8. Delile, FI, ssgypt,, p. 3; Forskal, Arao , av. 9. Ad. Pictet, Origines indo-européennes y éd. 2, v. 1, p. 351. 10. Ad. Pictet, /. c. MILLET — PANIC D'ITALIE 30» semble que Tespèce aurait été cultivée spécialement dans l'Eu- rope orientale et se serait répandue vers l'ouest à la fin de la domination gauloise. Voyons si elle est spontanée quelque part. Linné * disait qu'elle habite dans l'Inde, et la plupart des au- teurs le répètent; mais les botanistes anglo-indiens * l'indiquent toujours comme cultivée. Elle n'est pas dans les flores du Japon. Au nord de la Chine, M. de Bunge l'a vue seulement cultivée ^ et M. Maximowicz près de l'Ussuri, au bord des prés et dans des locali- tés voisines des habitations chinoises *. D'après Ledebour ^, elle est presque spontanée dans la Sibérie altaïque et la Russie moyenne, et spontanée au midi du Caucase et dans le pays de Talysch. Pour cette dernière localité il cite Hohenaker. Celui-ci cependant dit « presque spontanée » ®.En Crimée, où elle fournit le pain des Tartares, on la trouve çà et là presque spontanée % ce qui arrive également dans le midi de la France, en Italie et en Au- triche ®. Elle n'est pas spontanée en Grèce ®, et personne ne l'a trouvée en Perse, ou en Syrie. Forskal et Delile 1 ont indiquée en Egypte; mais M. Ascherson ne l'admet pas *°, et Forskal l'in- dique en Arabie ". L'espèce pourrait s'être naturalisée dans ces régions, à la suite d'une culture fréquente, depuis les anciens Egyptiens. Cependant la qualité spontanée est si douteuse ailleurs que la probabilité est bien pour une origine égypto-arabique. Panic d'Italie ou Millet à grappe. — Panicum italicum^ Linné. — • Setaria italica^ Beau vois. La culture de cette espèce a été une des plus répandues dans les parties tempérées de l'ancien monde, à l'époque préhisto- rique. Ses graines servaient à la nourriture de l'homme, tandis que maintenant on les donne surtout aux oiseaux. En Chine, c'est une des cinq plantes que l'empereur doit semer chaque année dans une cérémonie publique, selon les ordres donnés par Chen-nung, 2700 ans avant Jésus-Christ ". Le nom ordinaire est S'fao-wîi (petit grain), et le nom plus ancien était Ku,, mais celui-ci parait s'être appliqué aussi à une espèce bien dif- 1. Linné, Species plant, 1, p. 86. 2. Roxburgh, /. c; Aitchison, Punjab, p. 159. 3. Bunçe, Enumer.^ n. 400. 4. Maximowicz, PnmitÛB Amur.^ p. 330. 5. Ledebour, FI. ross., 4, p. 469. 6. Hohenacker, Plant. Talysch,^ E,* ^^' 7. Steven, Verzeichniss Halbins, Taur,, p. 371. 8. Mutel, F/, franc., k, p. 20; Parlatore, F/. HaL, 1, p. 122; Visiani^ FI. dalmat., 1, p. 60; Neilreich, FI. Nied. Œsterr., p. 32. 9. HelÔTeich,rfutzpfl. Griechenl., p. 3; Pflanzen Attisch. Ebene, p. 516. 10. M. Ascherson m avertit dans une lettre que, dans VAufzàhlung, on a omis par erreur le mot cuit, après le Panicum miliaceum. 11. Forskal, FI. arab., p. civ. 12. Bretschneidcr, On thestudy and value ofchinese bot. works, p. 7, 8. 304 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES férente *. Pickering dit l'avoir reconnue dans deux dessins de Tancienne Egypte ^, et qu'elle est cultivée aujourd'hui sous le nom de Dokn^ mais c'est le nom du Panicum miliaceum. 11 est donc très douteux que les anciens Egyptiens l'aient cultivée. On Va trouvée dans les débris des habitations lacustres de Suisse, dès l'époque de pierre, et à plus forte raison chez les lacustres de l'époque subséquente en Savoie ^. Les anciens Grecs et les Latins n'en ont pas parlé, ou du moins on n'a pas pu le certifier d'après ce qu'ils disent de plusieurs Panicum ou Milium. De nos jours, l'espèce est rarement cultivée dans le midi de l'Europe ; elle ne l'est pas du tout en Grèce * par exemple, et je ne la vois pas indiquée en Egypte, mais elle est fréquente dans l'Asie méridionale ^. On attribue à cette Gr aminée des noms sanscrits Kungoo (pro- noncez Koungou) et Priyungoo {Priyoungou)^ dont le premier •js'est conservé en bengali ®. Piddington mentionne dans son Index plusieurs autres noms des langues indiennes. Ainslies ' indique un nom persan, Arzun^ et un nom arabe; mais celui-ci est attribué ordinairement au Panicum miliaceum. Il n'y a pas de 'nom hébreu, et la plante n'est pas mentionnée dans les ouvrages de botanique sur l'Egypte et TArabie. Les noms européens n'ont aucune valeur historique. Ils ne sont pas originaux et se rap- portent communément à la transmission de l'espèce ou à sa culture dans tel ou tel pays. Le nom spécifique italicum en est un exemple assez absurde, la plante n'étant guère cultivée et point du tout spontanée en Italie. Rumphius la dit spontanée dans les îles de la Sonde, sans être bien affirmatif ®. Linné est parti probablement de cette base pour exagérer et même avancer une erreur , en disant : « Habite les Indes ^. » Elle n'est certainement pas des Indes occidentales. Bien plus, Roxburgh assure qu'il ne l'a jamais vue sauvage dans l'Inde. Les Graminées de la flore de sir J. Hooker n'ont pas encore paru ; mais, par exemple, Aitchison *® indique l'espèce comme uniquement cultivée dans le nord-ouest de l'Inde. La plante d'Australie que Rob. Brown avait dit être celte espèce appartient à une autre ".Au Japon, le P, italicum paraît 1. Bretschneider, /. c.,p. 9. 2. D'après Unger, /. c, p. 34. 3. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, p. 3, fig. 7; p. 17, fig. 28, 29; Perrin, Etudes préhîstor. sur la Savoie, p. 22. 4. Heidreich, Nutzpftanz. Griechenlands. 5. Roxburgh, FL ind., éd. 1832, vol. 1, p. 302; Rumphius, Amboyn,, 5, p. 202, t. 75. 6. Roxburgh, L c, 7. Ainslies, Mat. med. ind., 1, p. 226. 8. Obcurritiu Baleya, etc. (Rumph., 5, p. 202). 9. Habitat in Indiis (Linné, 5/>., 1, p. 83). 10. Aitchison, CataL of Punjabj p. 162. 11. Bentham, Flora austral,, 7, p. 493. SORGHO COMMUN 305 être spontané, du moins sous la forme appelée germanica par divers auteurs * et les Chinois regardent les cinq céréales de la cérémonie annuelle comme originaires de leur pays. Cependant MM. de Bunge, dans le nord de la Chine, et Maximowicz, dans la région du fleuve Amur, n'ont vu l'espèce que cultivée en grand et toujours sous la forme de la variété germanica ^. Pour la Perse ^, la région du Caucase et l'Europe, je ne vois dans les flores que l'indication de plante cultivée, ou cultivée et s'échap- pant quelquefois hors des cultures dans les décombres, les bords de chemins, les terrains sablonneux, etc. *. L'ensemble des documents historiques, linguistiques et bota- niques me fait croire que l'espèce existait, avant toute culture, il y a des milliers d'années, en Chine, au Japon et dans l'archipel indien. La culture doit s'être répandue anciennement vers l'ouest, puisque l'on connaît des noms sanscrits, mais il ne paraît pas qu'elle se soit propagée vers l'Arabie, la Syrie et la Grèce, et c'est probablement par la Russie et l'Autriche qu'elle est arrivée, de bonne heure, chez les lacustres de l'âge de pierre en Suisse. Sorg^ho commun. — Holcus Sorghum^ Linné. — Andropogon S or g hum ^ Bcotero. — Sorghum vulgare, Persoon. Les botanistes ne sont pas d'accord sur la distinction de plusieurs des espèces de Sorgho et même sur les genres à établir dans cette division des Graminées. Un bon travail monogra- phique serait désirable, ici comme pour les Panicées. En atten- dant, je donnerai quelques renseignements sur les principales espèces, à cause de leur extrême importance pour la nourriture de l'homme, l'élève des volailles, et comme fourrages. Prenons pour type de l'espèce le Sorgho cultivé en Europe, tel qu'il est figuré, par Host, dans ses Gramineœ austriacde (4, pi. 2). C'est une des plantes le plus habituellement cultivées {)ar les Egyptiens modernes, sous le nom de Dourra^ dans 'Afrique équatoriale, l'Inde, et la Chine ^. Elle est si productive dans les pays chauds que d'immenses populations de l'ancien monde s'en nourrissent. Linné et tous les auteurs, même nos contemporains, disent u'elle est de l'Inde; mais, dans la première édition de la flore e Roxburgh. publiée en 1820, ce savant, qu'on aurait bien fait de consulter, affirme qu'il ne l'a pas vue autrement que cultivée. Il fait la même remarque pour les formes voisines (bicolor^ sac- a 1. Franchet et Savatier, Enum, Japon», 2, ç. 262. 2. Bunge, Enum., n. 399; Maximowicz, Pfimitix Amur», p. 330. 3. Buhse, Aufzàhlung, p. 232. 4. Voir Parlatore, FI. itaL, 1, p. 113; Mutel, F/./rawp., 4, p. 20, etc., etc. 5. Delile, Plantes cultivées en Egypte, p. 7; Roxbargh, FL ind,, éd. 1832, V. 1, p. 269; Aitchisoii, CataL Punjab,^. 175; Bretschneider, On value, etc., p. 9. De Candolle. 20 306 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES charatus^ etc.), qu'on regarde souvent comme de simples va- riétés. Aitchison n'a vu aussi le Sorgho que cultivé. L'absence de nom sanscrit rend également l'origine indienne très douteuse. Bretschneider, de son côté, dit le Sorgho indigène en Chine, quoique les anciens auteurs chinois, selon lui, n'en aient pas parlé. Il est vrai qu'il cite le nom, vulgaire à Péking, de Kao-liang (haut Millet), qui s'applique aussi à VHolcus saccharatus^ pour lequel il convient mieux. Le Sorgho n'a pas été trouvé dans les restes des palafîttes de Suisse et d'Italie. Les Grecs n'en ont pas parlé. La phrase de Pline * sur un Milium introduit de son temps de l'Inde en Italie a fait croire qu'il s'agissait du Sorgho, mais c'était une plante plus élevée, peut-être VHolcus saccharatus. Le Sorgho n'a pas été trouvé en nature et d'une manière certaine dans les tombeaux de l'ancienne Egypte. Le D' Hannerd a cru le reconnaître d'après quelques graines écrasées que Rosellini avait rapportées de Thèbes ^; mais le conservateur des antiquités égyptiennes du Masée britannique, M. Birch, a déclaré plus récemment qu'on n'a pas découvert l'espèce dans les anciens tombeaux *. Pickering dit en avoir reconnu des feuilles, mêlées avec celles du Papyrus. Il dit aussi en avoir vu des peintures, et Lepsius a figuré des dessins qu'il prend, ainsi que Unger et Wilkinson, pbur le Durra des cultures modernes *. La taille et la forme de l'épi sont bien du Sorgho. Il est possible que cette espèce soit le Dochan, men- tionné une fois dans l'Ancien Testament ^ comme une céréale avec laquelle on faisait du pain. Cependant le mot arabe actuel Dochn s applique au Sorgho sucré. Les noms vulgaires ne m'ont rien appris, à cause de leur sens ou parce que souvent le même nom a été appliqué à différents Panicum et Sorghum. Je ne puis en découvrir aucun qui soit certain dans les langues anciennes de l'Inde ou de TAsie occi- dentale, ce qui fait présumer une introduction antérieure de peu de siècles à l'ère chrétienne. Aucun botaniste n'a mentionné le Durra comme spontané en Egypte ou en Arabie. Une forme analogue est sauvage dans l'Afrique équatoriale; mais R. Brown n'a pas pu la déterminer exactement ^, et la flore de l'Afrique tropicale qui se publie à Kew ne contient pas encore l'article des Graminées. Il reste donc uniquement l'assertion du D»" Bretschneider que le Sorgho, de grande taille, est indigène en Chine. Si c'est bien l'espèce, elle 1. Pliae, Hlst,, 1. 18, c. 7. 2. Cité par Unger, Die Pflanzen des alten Egyptens, p. 34. 3. S. Birch, dans Wilkinson, Manners and customs of ancient Eouptians, 1878, vol. 2, p. 427. '^ 4. Les dessins de Lepsius sont reproduits dans Unger, /. c, et dans Wilkinson, 1. c. 0. Ezechiel, 4, 9. 0. Brown, Bot. of Congo, p. 54. SORGHO SUCRÉ 307 se serait répandue tardivement vers Pouest. Mais les anciens Egyptiens la possédaient, et Ton se demande alors comment ils l'auraient reçue de Chine sans que les peuples intermédiaires en aient eu connaissance? Il est plus facile de comprendre Tindi- génat dans l'Afrique équatoriale, avec transmission préhisto- rique en Egypte, dans l'Inde et finalement en Chine, où la culture ne parait pas très ancienne, car le premier ouvrage qui en parle date du iv^ siècle de notre ère. A l'appui d'une origine africaine, je citerai l'observation de Schmidt ^ que l'espèce abonde dans l'île San Antonio de l'ar- chipel du Gap -Vert, dans des localités rocailleuses. Il la croit « complètement naturalisée », ce qui peut-être cache une véri- table origine. Sorgho sucré. — Holcus saccharatus^ Linné. — Andropogon saccharatus, Roxburgh. — Sorghum saccharatum, Persoon. Cette espèce, plus haute que le Sorgho ordinaire, et à pani- cule diffuse ^, est cultivée dans les pays tropicaux pour le grain, qui ne vaut cependant pas celui du Sorgho ordinaire, et dans les régions moins chaudes comme fourrage, ou même pour le sucre assez abondant que renferme la tige. Les Chinois en tirent de l'alcool, mais non du sucre. L^opinion des botanistes et du public la fait venir de l'Inde; mais, d'après Roxburgh, elle est seulement cultivée dans cette région. Il en est de même aux îles de la Sonde, où le Battari est bien Pespèce actuelle. C'est le Kao-liang (grand Millet) des €hinois. On ne le dit pas spontané en Chine. Il n'est pas mentionné dans les auteurs plus anciens que l'ère chrétienne ^. D'après ces divers témoignages et l'absence de tout nom sanscrit, l'origine asiatique me parait une illusion. La plante est cultivée maintenant en Egypte moins que le Sorgho ordinaire, et en Arabie, sous le nom de Dochna ou Vochn. Aucun botaniste ne l'a vue spontanée dans ces pays *. On n'a pas de preuve que les anciens Egyptiens Paient cultivée. Hérodote ^ a parlé d'un Millet en arbre, des plaines d'Assyrie. Ce pourrait être l'espèce actuelle, mais comment le prouver? Les Grecs et les Latins n'en avaient pas connaissance, du moins avant Pépoque de l'empire romain, mais il est possible que ce fût le Millet, haut de sept pieds, dont Pline fait mention ^ comme ayant été introduit de l'Inde, de son vivant. 1. Schmidt, Beitrdge zur Flora capverdischen Insein, p. 158. 2. Voir Host, Gramineœ aiLStriacœ, vol. 4, pi. 4. 3. Roxburgh, FI. ind. éd. 2, vol. 1, p. 271 ; Kumphius, Amboin., 5, p. 194, pi. 75, fig. 1; Miqiiel, FI. indo-batava, 3, p. 503; Bretschneider, On the value, etc., p. 9 et 46; Loureiro, FI. cochincn., 2, p. 792. 4. Forskal, Delile, Schweinfurth et Ascherson, /. c. 5. Hérodote, 1. 1, c. 193. 6. Pline, Hist., 1. 18, c. 7. Ce pourrait être aussi la variété ou espèce ap- pelée bicolor. 308 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Probablement il faut chercher l'origine dans l'Afrique inter- tropicale, où l'espèce est généralement cultivée. Sir W. Hooker* cite des échantillons des bords du fleuve Nun, qui étaient peut- être sauvages. La publication prochaine des Graminées dans la Flore de 1 Afrique tropicale jettera probablement du jour sur cette question. L'expansion de la culture de l'Afrique intérieure à l'Egypte, depuis les Pharaons, à l'Arabie, l'archipel indien, et, après l'époque du sanscrit, à l'Inde, enfin à la Gnine, vers le commen- cement de notre ère, concorderait avec les indications historiques et n*est pas difficile à admettre. L'hypothèse inverse, d'une trans- mission de l'est à l'ouest, présente une foule d'objections. Plusieurs autres formes de Sorgho sont cultivées en Asie et en Afrique, par exemple le cernuus, à épis penchés, dont parle Roxburgh et que Prosper Alpin avait vu en Egypte; le bicolor^ qui par sa taille ressemble au saccharatus; et les niger, rubenSj qui paraissent encore plus des variétés de culture. Aucune n'a été trouvée sauvage, et il est probable qu'un monographe les rattacherait comme de simples dérivations aux espèces sus-men- tionnées. Goracan. — Eleusine Coracana^ Gœrtner. Gette Graminée annuelle, qui ressemble aux Millets, est cul- tivée surtout dans l'Inde et l'archipel indien. Elle l'est aussi en Egypte * et en Abyssinie ^ ; mais le silence de beaucoup de botanistes qui ont parlé des plantes de l'Afrique intérieure ou occidentale fait présumer que la culture en est peu répandue sur ce continent. Au Japon * elle s'échappe quelquefois hors des endroits où on la cultive. Les graines mûrissent dans le midi de l'Europe ; mais la plante y est sans mérite, excepté comme fourrage ^. Aucun auteur ne dit l'avoir trouvée à l'état spontané, en Asie ou en Afrique. Roxburgh ^, le plus attentif à ces sortes de ques- tions, après avoir parlé de sa culture, ajoute ; « Je ne l'ai jamais vue sauvage. » Il distingue, sous le nom à' Eleusine strie ta^ une forme encore plus fréquemment cultivée dans l'Inde, qui parait une simple variété du Coracana^ et qu'il n'a également pas rencontrée hors des cultures. La patrie nous sera indiquée par d'autres moyens. Et d'abord les espèces du genre Eleusine sont plus nombreuses dans l'Asie méridionale que dans les autres régions tropicales. 1. W. Hooker, Niger Flora. 2. Schweinfurth et Ascherson, Aufzahlunq, p. 299. 3. Bon jardinier, 1880, p. 585. 4. Franchet et Savatier, Enum, plant Japon., 2, p. 172. 5. Bon jardinier, ibid. 6. Boxburgh, Flora indica, éd. 2, vol. 1, p. 343. RIZ 309 Outre la plante cultivée, Royle ^ mentionne d'autres espèces dont les habitants pauvres de l'Inde recueillent les graines dans la campagne. D'après VIndex de Piddington, il y a un nom sanscrit, Bajika, et plusieurs autres noms dans les langues modernes de Tlnde. Celui de Coracana vient du nom usité à Ceylan, Kourakhan ^. Dans Tarchipel indien, les noms paraissent moins nombreux et moins originaux. En Egypte, la culture de cette espèce ne peut pas être ancienne. Les monuments de l'antiquité n'en indiquent aucune trace. Les auteurs gréco-romains, qui connaissaient le pays, n'en ont pas parlé, ni plus tard Prosper Alpin, Forskal, Delile. Il faut arriver à un ouvrage tout récent, comme celui de MM. Schweinfurth et Ascherson, pour trouver l'espèce mentionnée, etje ne puis même découvrir un nom arabe *. Ainsi toutes les probabilités botaniques, historiques et linguis- tiques concourent à démontrer une origine indienne. La flore de l'Inde anglaise, dont les Graminées n'ont pas encore paru, nous dira peut-être si l'on a trouvé la plante spon- tanée dans des explorations récentes. On cultive en Abyssinie une espèce très voisine, Eleusine Tocussa^ Fresenius *, plante fort peu connue, qui est peut-être originaire d'Afrique. Riz. — Oryza satïva, Linné. Dans la cérémonie instituée par l'empereur Chin-Nong, 2800 ans avant Jésus-Christ, le Riz joue le rôle principal. C'est l'em- pereur régnant qui doit le semer lui-même, tandis que les quatre autres espèces sont ou peuvent être semées par les princes de sa famille ^. Les cinq espèces sont regardées par les Chinois comme indigènes, et il faut convenir que c'est bien probable pour le riz, vu son emploi général et ancien, dans un pays coupé de canaux et de rivières, si favorable aux plantes aquatiques. Les botanistes n'ont pas assez herborisé en Chine pour qu'on sache jusqu'à quel point le Riz s'y trouve hors des cultures ; mais Loureiro ^ 1 a vu dans les marais de la Gochinchine. Rumphius et les auteurs modernes sur l'archipel indien l'in- diquent seulement comme cultivé. La multitude cfes noms et des variétés fait présumer une très ancienne culture. Dans l'Inde 1. Royle, ///. Himal. plants, 2. Thwaites, Enum. plant. ZeyL, p. 371. 3. Plusieurs des synonymes et le nom arabe dans Linné, Delile, etc., s'appliquent au Dactyloctenium œgyptiacum, Willdenow, soit Eleusine ssgyptiaca, de quelques auteurs, qu'on ne cultive pas. 4. Fresenius, Catal. sem, horti Franco f., 1834; Beitrage zur Flora Abyssin,, p. 141. 5. Stanislas Julien, dans Loiseleur, Consid, sur les céréales, part. 1, p. 29 ; Bretschneider, On the study and value of botanical chinese works, p. 8 et 9. 6. Loureiro, FI. cochinch., 1, p. 267. 310 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES britannique, elle date au moins de Tinvasion des Aryas, puisque le Riz a des noms en sanscrit, Vrlhl, Arunya S d'où viennent plusieurs noms des langues modernes de Tlnde, et Oruza/on Oruzon des anciens Grecs, Bouz ou Arous des Arabes. Théo- f^hraste ^ a parlé du Riz comme cultivé dans l'Inde. Les Grecs 'avaient connu par l'expédition d'Alexandre. « D'après Aristo- bule, dit Strabon ^, le Riz croit dans la Bactriane, la Babylonie, la Suside, » et il ajoute : « Nous dirons, nous, dans la basse Syrie aussi. » Plus loin, il note que les Indiens s'en nourrissent et en tirent une sorte de vin. Ces assertions, douteuses peut-être pour la Bactriane, montrent une culture bien établie au moins depuis le temps d'Alexandre (400 ans avant Jésus-Christ) dans la région de l'Euphrate, et depuis le commencement de notre ère dans les endroits chauds et arrosés de la Syrie. L'Ancien Tes- tament n'a pas parlé du Riz; mais un auteur toujours exact et judicieux, L. Reynier *, a relevé dans les livres du Talmud plu- sieurs passages relatifs à sa culture. On est conduit par ces faits à supposer que les Indiens ont employé le Riz après les Chinois, et qu'il s'est répandu vers l'Euphrate encore plus tard, anté- rieurement cependant à l'invasion des Aryas dans l'Inde. Depuis l'existence de cette culture en Babylonie, il s'est écoulé plus de mille ans jusqu'au transport en Syrie, et l'introduction en Egypte a suivi celle-ci, de deux ou trois siècles probablement. En effet, il n'y a aucune indication du Riz dans les graines ou les peintures de l'ancienne Egypte ^. Strabon, qui avait vu ce pays, comme la Syrie, ne dit pas que le Riz fût cultivé de son temps en Egypte, mais que les Garamantes ^ le cultivaient, et ce peuple est consi- déré comme ayant habité une oasis au midi de Garthage* L'avaient-ils reçu de Syrie? C'est possible. En tout cas, l'Egypte ne pouvait pas tarder à posséder une culture si bien appropriée à ses conditions particuUères d'arrosement. Les Arsdbes ont introduit l'espèce en Espagne, comme l'indique le nom espagnol Ai'roz. Les premières cultures de Riz en Italie datent de 1468, près de Pise '^. Celles de la Louisiane sont modernes. Lorsque j'ai présumé la culture moins ancienne dans l'Inde qu'en Chine , je n'ai pas entendu que la plante n'y fût pas spontanée. Elle appartient à une famille où les habitations des 1. Piddington, Index; Heho, Culturpflanzen, éd. 3, p. 437. 2. Theopnrastes, Hist.j 1. 4, c. 4, 10. 3. Strabon, Géographie^ trad. de Tardieu, 1. 13, c. 1, § 18: L lii, c. 1, § 53. 4. Reynier, Economie des Arabes et des Juifs (1820), p. 450; Economie publique et rurale des Egyptiens et des Carthaginois (1823), p. 324. p-* wa. 5. Ûnger n'en cite aucune. M. S. Birch, en 1878, a mis une note dans l'ouvrage do Wilkinson, Mayiners and customs of the ancient Egyptians, 2, p. 402, pour dire : « Ou n'a aucune preuve de la culture du riz, dont on n'a pas trouvé de graines. » 6. Reynier^ l. c. 7. Targiom, Cenni, p. 24. MAÏS 311 espèces sont étendues, et en outre les plantes aquatiques ont ordinairement de plus vastes habitations que les autres. Le Riz existait peut-être avant toute culture dans l'Asie méridionale, de la Chine au Bengale, comme l'indique la diversité des noms dans les langues monosyllabiques des peuples entre l'Inde et la Chine *. On l'a trouvé hors des cultures dans plusieurs localités de l'Inde. Roxburgh * l'affirme. Il raconte que le Riz sauvage, appelé Newaree par les Telingas, croit en abondance aux bords des lacs dans le pays des Gircars. Le grain en est recherhé par les riches Indous; mais on ne le sème pas, parce qu'il est peu productif. Roxburgh ne doute pas que ce ne soit la plante origi- nelle. Thomson ^ a recueilli un Riz sauvage à Moradabad, dans la province de Dehli. Les raisons historiques appuient l'idée que ces échantillons sont indigènes. Sans cela, on pourrait les sup- poser un effet de la culture habituelle de l'espèce, d'autant plus qu'on a des exemples de la facilité avec laquelle le Riz se sème et se naturalise dans les pays chauds et humides *. Toutefois la combinaison des indices historiques et des probabilités botani- ques tend à faire admettre pour l'Inde une existence antérieure à la culture. Maïs. — Zea Mays^ Linné. « Le Maïs est originaire d'Amérique et n'a été introduit dans l'ancien monde que depuis la découverte du nouveau. Je regarde ces deux assertions comme positives, malgré l'opinion contraire de quelques auteurs et le doute émis par le célèbre agronome Bonafous, auquel nous devons le traité le plus complet sur le Maïs ^. » C'est ainsi que je m'exprimais en 1855, après avoir déjà combattu l'idée de Bonafous au moment de la publication de son ouvrage ®. Les preuves se sont renforcées depuis, en fa- veur de l'origine américaine. Cependant on a fait des tentatives dans un sens opposé, et, comme le nom de Blé de Turquie entre- tient une erreur, il est bon de reprendre la discussion avec de nouveaux documents. Personne ne conteste que le Maïs était inconnu en Europe du temps de l'empire romain, mais on a prétendu qu'il avait été apporté d'Orient, au moyen âge. L'argument principal reposait sur une charte du xiii® siècle, publiée par Molinari '^, d'aprèf^ 1. Crawfurd, dans Journal of botany, 1866, p. 324. 2. Roxburgh, FI ind., éd. 1832, v. 2, p. 200. 3. D'après Aitchison, CataL Punjab, p. 157. 4. Nées, dans Martius, FI. brasiL, iii-8% 2, p. 518; Baker, FI. of Mauri- tius, ^. 458. 5. Bonafous, Hist. nût. agric. et économique du Maïs, un vol. in-folio, Paris et Turin, 1836. 6. A. de Gandolle, Bibliothèque universelle de Genève^ août 1836; Géogr. bot, 7'aisonnée, p. 942. 7. Molinari, Sto?na d'Incisa, Asti, 1810. 312 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES laquelle deux croisés, compagnons d^armes de Boniface III, mar- quis de Monferrat, auraient donné en 1204, à la ville d'Incisa, un morceau de la vraie croix plus une bourse contenant une sorte de grains de couleur d'or et en partie blancs, inconnus dans le pays, qu'ils rapportaient d'Anatolie, où ils s'appelaient Meliga, etc. L'historien des croisades, Michaux, et ensuite Daru et de Sismondi, ont beaucoup parlé de cette charte ; mais le bo- taniste Delile, ainsi que Targioni-Tozzetti et Bonafous lui-même ont pensé qu'il s'agissait de quelque Sorgho et non du Maïs. Ces vieilles discussions sont devenues risibles, car M. le comte Riant * a découvert que la charte d'Incisa est une pure fabrication d'un imposteur du siècle actuel I Je cite cet exemple pour montrer combien les érudits, qui ne sont pas naturalistes, peuvent se tromper dans l'interprétation des noms de plantes, et aussi com- bien il est dangereux dans les questions historiques de s'appuyer sur une preuve isolée. ' Les noms de Blé de Turquie, Blé turc donnés au Maïs dans presque toutes les langues modernes d'Europe ne démontrent pas mieux que la charte dlncisa une origine orientale. Ce sont des noms aussi faux que celui du Coq d'Inde, en anglais Turkey^ donné à un oiseau venu d'Amérique. Le Maïs a été appelé en Lorraine en dans les Vosges Blé de Borne, en Toscane Blé de Si- cile, en Sicile Blé d'Inde, dans les Pyrénées Blé d'Espagne^ en Provence Blé de Barbarie ou de Guinée, Les Turcs le nomment Blé d'Egypte, et les Egyptiens Dourah de Syrie, Dans ce dernier cas, cela prouve au moins qu'il n'est ni d'Egypte ni de Syrie. Le nom si répandu de Blé de Turquie date du xvi® siècle. II est venu d'une erreur sur l'origine de la plante, entretenue peut- être par les houppes qui terminent les épis de Maïs, qu'on aurait comparées à la barbe des Turcs, ou par la vigueur de la plante, qui motivait une expression analogue à celle de « fort comme un Turc ». Le premier botaniste chez lequel on trouve le nom de Blé turc est Ruellius ^ en 1536. Bock ou Tragus ', en 1552, après avoir donné une figure de l'espèce, qu'il nomme Frumen- tum turcicum, Welschkorn des Allemands, ayant appris par des marchands qu^elle venait de l'Inde, eut l'idée malheureuse de supposer que c'était un certain Typha de Bactriane, dont les anciens avaient parlé vaguement. Dodoens en 1583, Camerarius en 1588 et Matthiole * rectifièrent ces erreurs et affirmèrent positivement l'origine américaine. Ils adoptèrent le nom de May s, qu'ils savaient américain. 1. Rianl, La charte d'Incisa, broch. in-8», 1877, tirée à part de la Revue des questions historiques. 2. Ruelliu?, De natura stirpium, p. 428 : « Hanc quoDiam nostrorum setate e Graecia vel Asia venerit Turcicum f?nimentum nominant. » Fuch- sius, p. 824, répète cette phrase, en 1543. 3. Tragus, Stirpium, etc., éd. 1552, p. 650. 4. Dodoens, Pemptades, p. 509; Camerarius, Ilort,. p. 94; Matthiole, éd. 1570, p. 305. MAÏS 313 Nous avons vu (p. 291) que le Zea des Grecs était l'Epeautre. Bien certainement les anciens n'ont pas connu le Maïs. Les voya- geurs * qui décrivirent les premiers les productions du nouveau monde furent très surpris à sa vue, preuve évidente qu'ils ne l'avaient pas connu en Europe. Hernandez ^, parti d'Europe en 1571, suivant les uns, en 1593, suivant d'autres^, ne savait pas qu'à Seville, dès l'année 1500, on avait reçu beaucoup de graines de Maïs pour le mettre en culture. Le fait, attesté par Fée, qui avait vu les registres de la municipalité *, montre bien l'origine américaine, en raison de laquelle Hernandez trouvait le nom de blé de Turquie très mauvais. On dira, peut-être, que le Maïs, nouveau pour l'Europe au XVI® siècle, existait quelque part en Asie ou en Afrique avant la découverte de l'Amérique? Voyons ce qu'il faut en penser. Le célèbre orientaliste d'Herbelot ^ avait accumulé plusieurs erreurs, relevées par Bonafous et moi-même, au sujet d'un pas- sage de l'historien persan Mirkoud, du xv® siècle, sur une céréale que Rous, fils de Japhet, aurait semée sur les bords de la mer Caspienne et qui serait le Blé de Turquie des modernes. Il ne vaut pas la peine de s'arrêter à ces assertions d'un savant qui n'avait pas eu l'idée de consulter les ouvrages des botanistes de son époque ou antérieurs. Ce qui est plus important, c'est le silence absolu, au sujet du Maïs, des voyageurs qui ont visité l'Asie et l'Afrique avant la découverte de l'Amérique ; c'est aussi l'absence de nom hébreu ou sanscrit pour cette plante ; et enfin que les monuments de l'ancienne Egypte n'en présentent aucun échantillon ou dessin ^. Rifaud, il est vrai, a trouvé une fois un épi de Maïs dans un cercueil de Thèbes, mais on croit que c'est l'effet de quelque supercherie d'Arabe. Si le Maïs avait existé dans l'ancienne Egypte, il se verrait dans tous les monu- ments et aurait été lié à des idées religieuses, comme les autres plantes remarquables. Une espèce aussi facile à cultiver se serait répandue dans les pays voisins. La culture n'aurait pas été aban- donnée, et nous voyons, au contraire, que Prosper Alpin, visitant l'Egypte en 1592, n'en a pas parlé, et que Forskal \ à la fin du XVIII® siècle, mentionnait le Maïs comme encore peu cultivé en Egypte, où il n'avait pas reçu un nom distinct des Sorghos. Ebn Baithar, médecin arabe du xiii* siècle, qui avait parcouru les pays situés entre l'Espagne et la Perse, n'indique aucune plante qu on puisse supposer le Mais. 1. P. Martyr, Èrcilla, Jean de Lery, etc., de 1516 à 1578. 2. Hernandez, Thés, mexic, p. 242. 3. Lasègue, Miùsée Delessert^ p. 467. 4. Fée, Souvenirs de la guerre d'Espagne, p. 128. 5. Bibliothèque orientale^ Paris, 1697, au mot Rous. 6. Kuntb, Ann. se. nat., sér. 1, vol. 8, p. 418 ; Raspail, ibid. ; Unger, Pflanzen des alten JEgyptens; A. Braun, Pflanzenreste xgypt Mus. in Berlin; Wilkinson, Manners and customs of ancient Egyptians. 7. Forskal, p. LUI. 314 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES J. Crawfurd*, après avoir vu le Maïs généralement cultivé dans rarchipel indien, sous un nom, Jarung^ qui lui paraissait indi- gène, a cru Tespèce originaire de ces îles. Mais alors comment Rumphius n'en aurait- il pas dit un mot? Le silence d'un pareil auteur fait présumer une introduction depuis le xvii® siècle. Sur le continent indien, le Maïs était si peu répandu dans le siècle dernier, que Roxburgh * écrivait dans sa flore, publiée longtemps après avoir été rédigée : « Cultivé dans différentes parties de l'Inde dans les jardins et seulement comme objet de luxe; mais nulle part sur le continent indien comme objet de culture en grand. » Nous avons vu qu'il n'y a pas de nom sanscrit. En Chine, le Maïs est fréquemment cultivé aujourd'hui, en particulier , autour de Péking , depuis plusieurs générations d'hommes ^, quoique la plupart des voyageurs du siècle dernier n'en aient fait aucune mention. Le D"" Bretschneider, dans son opuscule de 1870, n'hésitait pas à dire que le Maïs n'est pas originaire de Chine ; mais quelques mots de sa lettre de 1881 me font penser qu'il attribue maintenant de l'importance à un ancien auteur chinois dont Bonafous et après lui MM. Hance et Mayers ont beaucoup parlé. Il s'agit de l'ouvrage de Li-chi-Tchin intitulé Phen-thsao-Kang-Mou , ou Pên-tsao-kung-mu , espèce de traité d'histoire naturelle, que M. Bretschneider * dit être de la fm du XVI® siècle. Bonafous précise davantage. Selon lui, il a été terminé en 1578. L'édition qu'il en avait vue, dans la biblio- thèque Huzard, est de 1637. Elle contient la figure du Maïs^ avec le caractère chinois. Cette planche est copiée dans l'ouvrage de Bonafous, au commencement du chapitre sur la patrie du Maïs. Il est évident qu'elle représente la plante. Le D»* Hance ^ parait s'être appuyé sur des recherches de M. Mayers, d'après lesquelles d'anciens auteurs chinois prétendent que le Maïs aurait été im- porté de Sifan (Mongolie inférieure, à l'ouest de la Chine), long- temps avant la fin du quinzième siècle, à une date inconnue. Le mémoire contient une copie de la figure du Pên-tsa-kung-mu, auquel il attribue la date de 1597. L'importation par la Mongolie est tellement invraisemblable qu'il ne vaut pas la peine d'en parler, et, quant à l'assertion principale de l'auteur chinois, il faut remarquer les dates ou in- certaines ou tardives qui sont indiquées. L'ouvrage a été ter- miné en 1578, selon Bonafous, et selon Mayers en 1597. Si cela est vrai, surtout si la seconde de ces dates est certaine, on peut admettre que le Maïs aurait été apporté en Chine depuis la dé- 1. Crawfurd, History of thc indian archipelago, Edinburgh, 1820, vol. i: Journal of bot., 1866, p. 3i6. 2. Roxburgh, Flora indica, éd. de 1832, vol. 3, p. 568. 3. Bretschneider, On study and value, etc. y p. 7, 18. 4. Bretschneider, l. c, p. 50. 5. L'article est dans le Pharmaceuti cal journal de 1870. Je ne le connais que par un court extrait, dans Seemann, Journal of botany, 1871, p. 62. MAÏS 315 couverte de F Amérique. Les Portugais sont venus à Java en 1496 *, c'est-à-dire quatre années après la découverte de TAmé- rique, et en Chine dès Tannée 1516 ^. Le voyage de xMagellan de TAmérique australe aux îles Philippines a eu lieu en 1520. Pendant les 58 ou 77 années entre 1516 et les dates attribuées aux éditions de l'ouvrage chinois, des graines de Maïs ont pu être portées en Chine par des voyageurs venant d'Amérique ou d'Europe. Le D' Bretschneider m'écrivait récemment que les Chinois n'ont point eu connaissance du nouveau monde avant les Européens, et que les terres situées à l'orient de leur pays, dont il est quelquefois question dans leurs anciens ouvrages, étaient le Japon. Il avait déjà cité l'opinion d'un savant chinois que l'introduction du Maïs près de Peking date des derniers temps de la dynastie Ming, laquelle a fini en 1614. Voilà une date qui s'accorde avec les autres probabilités. L'introduction au Japon est probablement plus tardive, puis- que Kaempfer n'a pas mentionné l'espèce ^. D'après cet ensemble de faits, le Maïs n'était pas de l'ancien monde. Il s'y est répandu rapidement après la découverte de l'Amérique, et cette rapidité même achève de prouver que, s'il avait existé quelque part, en Asie ou en Afrique, il y aurait joué depuis des milliers d'années un rôle très important. Nous allons voir en Amérique des faits qui contrastent avec ceux-ci. Au moment de la découverte de ce nouveau continent, le Maïs était une des bases de son agriculture, depuis la région de la Plata jusqu'aux Etats-Unis. Il avait des noms dans toutes les lan- gues *. Les indigènes le semaient autour de leurs demeures tem- poraires, quand ils ne formaient pas une population agglomérée. Les sépultures appelées mounds des indigènes de l'Amérique du Nord antérieurs à ceux de notre temps, les tombeaux des Incas, les catacombes du Pérou renferment des épis ou des grains de Maïs, de même que les monuments de l'ancienne Egypte des grains d'Orge, de blé ou de Millet. Au Mexique, une déesse qui portait un nom dérivé de celui du Maïs (Cinteutl, de Cintli), était comme la Gérés des Grecs, car elle recevait les prémices de la récolte du Maïs, comme la déesse grecque de nos céréales. A Gusco, les vierges du soleil préparaient du pain de Maïs pour les sacrifices. Rien ne montre mieux l'antiquité et la généralité de la culture d'une plante que cette fusion intime avec les usages religieux d'anciens habitants. Il ne faut cependant pas attribuer à ces indications en Amérique la même importance que dans notre ancien monde. La civilisation des Péruviens, sous les 1. Rumphius, Amboyn,, vol. 5, p. 525. 2. Malte-Brun, Géographie, 1, p. 493. 3. Une plante gravée sur une ancienne arme que Siebold avait prise pour le Maïs est un Sorgho, d'après Rein, cité par Wittmack, Ueb. antiken Mais. 4. Voir Martius, Beitràge zur Ethnographie Amerika's, p. 127. 316 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Incas, et celle des Toltecs et Atztecs au Mexique ne remontent pas à l'antiquité extraordinaire des civilisations de la Chine, de la Ghaldée et de l'Egypte. Elle date tout au plus des commen- cements de l'ère chrétienne ; mais la culture du Maïs est plus ancienne que les monuments , d'après toutes les variétés de Tespèce qui s'y trouvaient et leur dispersion dans des régions fort éloignées. Voici une preuve plus remarquable d'ancienneté découverte par Darwin. Cet illustre savant a trouvé des épis de Maïs et 18 espèces de coquilles de notre époque enfouis dans le terrain d'une plage du Pérou, qui est mamtenant à 85 pieds au moins au-dessus de la mer *. Ce Maïs n'était peut-être pas cultivé, mais dans ce cas ce serait encore plus intéressant comme indication (le l'origine de l'espèce. Quoique l'Amérique ait été explorée par un grand nombre de botanistes, aucun n'a rencontré le Maïs dans les conditions d'une plante sauvage. Auguste de Saint-Hilaire * avait cru reconnaître le type spon- tané dans une forme singulière dont chaque grain est caché en dedans de sa bâle ou bractée. On la connaît à Buenos-Ayres, sous le nom de Pinsigallo. C'est le ZeaMays tunicata de Saint- Hilaire, que Bonafous a figuré dans sa planche 5 bis^ sous le nom de Zea cryjotosperma, Lindley ^ en a aussi donné une des- cription et une figure, d'après des graines venues, disait-on, des montagnes Rocheuses, origine qui n'est pas confirmée par les flores récemment publiées de Californie. Un jeune Guarany, né dans le Paraguay ou sur ses frontières, avait reconnu ce Maïs et dit à Saint-Hilaire qu'il croissait dans les forêts humides de son pays. Gomme preuve d'indigénat, c'est très insuffisant. Au- cun voyageur, à ma connaissance, n'a vu cette plante au Pa- raguay ou au Brésil. Mais, ce qui est bien intéressant, on l'a cultivée en Europe, et il a été constaté qu'elle passe fréquem- ment à l'état ordinaire du Maïs. Lindley lavait observé après deux au trois années seulement de culture, et le professeur von Radie a obtenu d'un même semis 225 épis de la forme tunicata et 105 de forme ordinaire, à grains nus*. Evidemment cette forme, qu'on pouvait croire une véritable espèce, mais dont la patrie était cependant douteuse, est à peine une race. C'est une des innombrables variétés, plus ou moins héréditaires, dont les bo- tanistes les plus accrédités ne font qu'une seule espèce, à cause de leur peu de fixité et des transitions qu'elles présentent fré- quemment. Sur l'état du Zea Mays et sur son habitation en Amérique, 1. Darwin, Variations of animais and plants under domestication^ 1, p. 320. 2. A. de Saint-Hilaire, Ann. se. nat., 16, p. 143. 3. Lindley, Journal of the hortic. Society , 4, p. 114. 4. Je cite ces faits d'après Wittmack, Ueber antiken Maïs ans Nord und Sud Amerika, p. 87, dans Berlin, anthropolog. Ges., 10 nov. 1879. MAÏS 317 avant que l'homme se fût mis à le cultiver, on ne peut faire que des conjectures. Je les énoncerai, selon ma manière de voir, parce qu'elles conduisent pourtant à certaines indications pro- bables. Je remarque d'abord que le Maïs est une plante singulière- \^ ment dépourvue de moyens de dispersion et de protection. Les graines se détachent difficilement de l'épi, qui est lui-même enveloppé. Elles n'ont aucune aigrette ou aile dont le vent puisse s'emparer. Enfin, quand l'homme ne recueille pas Tépi, elles tombent enchâssées dans leur gangue, appelée rafle, et alors les rongeurs et autres animaux doivent les détruire en qualité, d'autant mieux qu'elles ne sont pas assez dures pour traverser intactes les voies digestives. Probablement, une espèce aussi mal conformée devenait de plus en plus rare, dans quelque région limitée, et allait s'éteindre, lorsqu'une tribu errante de sauvages, s'étant aperçue de ses qualités nutritives, l'a sauvée de sa perte en la cultivant. Je crois d'autant plus à une habitation naturelle restreinte que l'espèce est unique, c'est-à-dire qu'elle constitue ce qu'on appelle un genre monotype. Evidemment les genres de Êeu d'espèces et surtout les monotypes ont, en moyenne, une abitation plus étroite que les autres. La paléontologie ap- prendra peut-être un jour s'il a existé en Amérique plusieurs Zea ou Graminées analogues, dont notre Maïs serait le dernier. Au temps actuel le genre Zea^ non seulement est monotype, mais encore est assez isolé dans sa famille. On peut mettre à côté de lui un seul genre, Euchkena^ de Schrader, dont une espèce est au Mexique et l'autre à Guatemala, mais c'est un genre bien particulier et sans transitions avec le Zea. M. Wittmack a fait des recherches curieuses pour deviner quelle variété du Maïs représente, avec une certaine probabilité, la forme d'une époque antérieure aux cultures. Dans ce but, il a comparé des épis et des grains extraits des Mounds de l'Améri- que du Nord, et des tombeaux du Pérou. Si ces monuments avaient montré une seule forme de Maïs, le résultat aurait été significatif; mais il s'est trouvé plusieurs variétés diff'érentes, soit dans les Mounds, soit au Pérou. Il ne faut pas s'en étonner. Ces monuments ne sont pas très anciens. Le cimetière d'Ancon, au Pérou, dont M. Wittmack a obtenu les meilleurs échan- tillons, est à peu près contemporain de la découverte de l'Amé- rique *. Or, à cette époque, le nombre des variétés était déjà considérable, selon tous les auteurs, ce qui prouve une culture beaucoup plus ancienne. Des expériences dans lesquelles on sèmerait, plusieurs années l. Rochebnine, Rechercher ethnographiques sur les sépultures péruvienne,s d*Ancon, d'après un extrait par Wittmack, dans Uhlwonn, Bot. Centrai- blatt, 1880, p. 1633, où l'on voit que le cimetière a servi avant et depuis la découverte de l'Amérique. 318 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES de suite, des variétés de Maïs, dans des terrains non cultivés, montreraient peut-être un retour à quelque forme commune, qu'on pourrait alors considérer comme la souche. Rien de pareil n'a été fait. On a seulement observé que les variétés sont peu stables, malgré leur grande diversité. ^ Quant à Thabitation de la forme primitive inconnue, voici les raisonnements qui peuvent la faire entrevoir jusqu'à un certain point. Les populations agglomérées n'ont pu se former que dans les pays où se trouvaient naturellement des espèces nutritives faciles à cultiver. La pomme de terre, la batate et le maïs ont joué sans doute ce rôle en Amérique, et les grandes popula- tions de cette partie du monde s'étant montrées d'abord dans les régions situées à une certaine élévation, du Chili au Mexique, c'est là probablement que se trouvait le Maïs sauvage. Il ne faut pas chercher dans les régions basses, telles que le Paraguay, les bords du fleuve des Amazones, ou les terres chaudes de la Guyane, de Panama et du Mexique, puisque leurs habitants étaient jadis moins nombreux. D'ailleurs les forêts ne sont nulle- ment favorables aux plantes annuelles, et le Maïs ne prospère que médiocrement dans les contrées chaudes et humides où l'on cultive le Manioc *. D'un autre côté, sa transmission, de proche en proche, est plus facile à comprendre si le point de départ est supposé au centre que si on le place à l'une des extrémités de l'étendue dans laquelle on cultivait l'espèce du temps des Incas et des Toltecs, ou plu- tôt des Mayas, Nahuas et Ghibchasqui les ont précédés. Les mi- grations des peuples n'ont pas marché régulièrement du nord au midi ou du midi au nord. On sait qu'il y en a eu dans des sens divers, selon les époques et les pays *. Les anciens Péruviens avaient à peine connaissance des Mexicains et vice versa^ comme le prouvent leurs croyances et des usages extrêmement difiTé- rents. Pour qu'ils aient cultivé de bonne heure, les uns et les autres, le Maïs, il faut supposer un point de départ intermé- diaire ou à peu près. J'imagine que la Nouvelle-Grenade répond assez bien à ces conditions. Le peuple appelé Chibcha, qui occu- pait le plateau de Bogota lors de la conquête par les Espagnols et se regardait comme autochtone, était cultivateur. Il jouissait d'un certain degré de civilisation, attesté par des monuments que l'on commence à explorer. C'est peut-être lui qui possédait le Maïs et en avait commencé la culture. Il touchait d'un côté aux P éruviens, encore peu civilisés, et de l'autre aux Mayas, qui 1. Saffot, Culture des céréales de la Guyane française {Journal de la Soc. centr. d'hortic. de France, 1872, p. 94). 2. M. de Nadaillac, dans son ouvrage intitulé Les premiers hommes et les temps préhistoriques, donne un abrégé du peu que ron sait aujourd'hui sur ces migrations et en général sur les anciens peuples d'Amérique. Voir en particulier le vol. 2, chap. 9. PAVOT 319 occupaient l'Amérique centrale et le Yucatan. Ceux-ci eurent souvent des conflits du côté du nord avec les Nahuas, prédé- cesseurs au Mexique des Toltecs et des Aztecs. Une tradition porte que Nahualt, chef des Nahuas, enseignait la culture du Maïs *. Je n'ose pas espérer qu*on découvre du Maïs sauvage, quoi- que son habitation préculturale fût probablement si petite que les botanistes ne Tout peut-être pas encore rencontrée. L'espèce est tellement distincte de toutes les autres et si apparente que les indigènes ou des colons peu instruits l'auraient remarquée et en auraient parlé. La certitude sur l'origine viendra plutôt de découvertes archéologiques. Si Ton étudie un plus grand nombre d'anciens monuments dans toutes les parties de l'Amérique, si l'on parvient à déchiffrer les inscriptions hiéroglyphiques de quelques-uns d'entre eux, et si l'on arrive à connaître les dates des migrations et des faits économiques, notre hypothèse sera justifiée, modifiée ou renversée. Article 9. — Graines «ervant à dlTers asag^es. Pavot. — Papnver somniferum^ Linné. On cultive le Pavot ordinairement pour l'huile, dite huile d^œillctte, produite par les graines, et quelquefois, surtout en Asie, pour le suc, qu'on extrait en incisant les capsules et qui fournit l'opium. La forme cultivée depuis des siècles s'échappe facilement hors des cultures, ou se naturalise à peu près dans certaines localités du midi de l'Europe *. On ne peut pas dire qu'elle existe à l'état vraiment sauvage, mais les botanistes s'accordent à la consi- dérer comme une modification du Pavot appelé Papaver seti- gerunij qui est spontané dans la région de la mer Méditerranée, notamment en Espagne, en Algérie, en Corse, en Sicile, en Grèce et dans l'île de Chypre. On ne l'a pas rencontré dans l'Asie orientale ^ ; par conséquent, si c'est bien l'origine de la forme cultivée, la culture doit avoir commencé en Europe ou dans l'Afrique septentrionale. A l'appui de cette réflextion, il se trouve que les lacustres de l'âge de pierre, en Suisse, cultivaient un Pavot qui se rapproche plus du P. setigerum que du somniferum, M. Heer * n'a pas pu découvrir ses feuilles, lïiais la capsule est surmontée de huit stig- 1. De Nadaillac, 2, p. 69, qui cite Touvrage classique de Bancroft, Tke native races of the Pacific staies. 2. Willkomm et Lange, Prodr. fl. hisp.y 3, p. 872. 3. Boissier, FL orient.; Tchihatcheff, Asie Mineure; Ledebour, Fl. rossica, et autres. 4. Heer, Pflanzen der Pfahlbaiiten, p. 32, fig. 65, 66. 320 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES mates, comme dans le setigerum, et non de 10 à 12, comme dans le Pavot cultivé. Cette dernière forme, inconnue dans la nature, paraît donc s'être manifestée plus tard, dans les temps histori- ques. On cultive encore le P. setigerum dans le nord de la France, conjointement avec le somniferum^ pour Thuile d'oeillette *. Les anciens Grecs connaissaient très bien le Pavot cultivé. Homère, Théophraste et Dioscoride en ont parlé. Ils n'igno- raient pas les propriétés somnifères du suc , et Dioscoride - mentionne déjà la variété à graines blanches. Les Romains cul- tivaient le Pavot avant l'époque républicaine, comme le prouve l'anecdote sur Tarquin. Ils en mêlaient les graines avec la farine dans la panification. Les Egyptiens, du temps de Pline ^, se servaient du suc de pavot comme médicament, mais nous n'avons aucune preuve que cette plante ait été cultivée en Egypte plus anciennement *. Dans le moyen âge ^ et aujourd'hui, c'est une des principales cul- tures de ce pays, en particulier pour l'opium. Les livres hé- breux ne mentionnent pas l'espèce. D'un autre côté, il existe un ou deux noms sanscrits. Piddigton indique Chosa et Adolphe Pictet Khaskhasa^ qui se retrouve, dit-il, dans le persan Chash- châsh^ Tarménien Chashchash et l'arabe ^. Un autre nom persan est Kouknar ^. Ces noms et d'autres que je pourrais citer, très différents du Maikôn (My)îctov) des Grecs, sont un indice de • l'ancienneté d'une culture répandue en Europe et dans l'Asie occidentale. Si l'espèce a été cultivée, dans un temps préhisto- rique, d'abord en Grèce, comme cela paraît probable, elle a pu se répandre vers l'est avant l'invasion des Aryens dans l'Inde ; mais il est singulier qu'on n'ait pas de preuve de son extension en Palestine et en Egypte avant l'époque romaine. Il est possi- ble encore qu'en Europe on ait cultivé premièrement la forme sauvage appelée Papaver setigerum^ usitée par les lacustres de Suisse, et que la forme des cultures actuelles soit venue de l'Asie Mineure, où l'espèce était cultivée il y a au moins trois mille ans. Ce qui peut le faire supposer, c'est l'existence du nom grec Maikôn, en dorien Makon, dans plusieurs langues slaves et des peuples au midi du Caucase, sous la forme de Mack *. La culture du Pavot a augmenté, de nos jours, dans l'Inde, à cause de l'exportation de l'opium en Chine, mais les Chinois 1. De Lanessan, dans la traduction de Flûckiger et Hanbury, Histoire des drogues d*oriqine végétale, 1, p. 129. 2. Dioscorides, Hùt» plant., l. 4, c. 65. 3. Pline, Hist. plant,, 1. 20, c. 18. 4. Unger, Die Pflanze ab Erregungs und Betaûbimgsmittel, p. 47; Die Pflanzen des alten JEgyptens, p. 50. 5. Ebn Baithar, trad. ailein., 1, p. 64. 6. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, éd. 3, vol. 1, p. 366. 7. Ainslies, Mat. med. indica^ 1, p. 326. 8. Nemnich, Polygl. Lexicon, p. 848. PAVOT 321 cesseront bientôt de chagriner les Anglais en leur achetant ce poison, car ils se mettent à le produire avec ardeur. Plus de la moitié de leur territoire cultive actuellement le Pavot*. L'espèce n'est nullement spontanée dans les régions orientales de l'Asie, et même, pour ce qui est de la Chine, la culture n'en est pas an- cienne ^. Le nom Opium ^ appliqué au médicament tiré de la capsule, remonte aux auteurs grecs et latins. Dioscoride écrivait Opos (Otcoç). Les Arabes en ont fait Afiun ^ et l'ont propagé dans l'Orient, jusqu'en Chine. MM. Fliickiger et Hanbury * ont donné des détails très développés et intéressants sur l'extraction, le commerce et l'emploi de l'opium dans tous les pays, en particulier en Chine. Cependant je présume que nos lecteurs liront avec plaisir les fragments qui suivent de lettres de M. le D"" Bretschneider, datées de Péking, 23 août 1881, 28 janvier et 18 juin 1882. Elles don- nent les renseignements les plus certains que les livres chinois, bien interprétés, puissent fournir. « L'auteur du Pent-sao-kang-mou, qui écrivait en 1552 et 1578, donne quelques détails concernant le a-fou-yong (c'est Afioun, Opium), drogue étrangère produite par une espèce de Ying sou à fleurs rouges dans le pays de Tien fang (l'Arabie) et employée récemment comme médicament en Chine. Du temps de la dynastie précédente (mongole, 1280-1368), on n'avait pas beaucoup entendu parler du a-fou-yong. L'auteur chinois donne quelques détails sur l'extraction de l'Opium dans son pays natal, mais ne dit pas qu'il soit aussi produit en Chine. Il ne parle pas non plus de l'habitude de le fumer. — Dans le Descriptive Dictionary of the Indian Islands by Crawfurd, p. 312, je trouve le passage suivant : « The earliest account we bave of the use of Opium, not only from the Archipelago, but also for India and China, is by the faithful and intelligent Barbosa ^. He writes the word amfiam^ and in his account of Malacca, enume- rates it among the articles brought by the Moorish and gentile merchants of Western India, to exchange for the cargos of Chi- nese junks. » c( Il est difficile de fixer d'une façon exacte l'époque à laquelle les Chinois commencèrent à fumer l'Opium et à cultiver le Pavot qui le produit. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de confusion à propos de cette question, et pas seulement les auteurs euro- péens, mais aussi les Chinois de nos jours appliquent le nom de 1. Martin, dans Bull. Soc. d'acclimatation, 1872, p. 200. 2. Sir J. Hooker, Flora of hritish India, 1, p. 117 ; Bretschneider, Study and value, etc., 47. 3. Ebn Baithar, 1, p. 64. 4. Flûckiger et Hanbury, Histoire des drogues d'origine végétale^ traduc- tion française, 2 vol. in-8, 1878, vol. 1, p. 97-130. 5. Barbosa publia son ouvrage en 1516. De Candolle. 21 322 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Ying sou aussi bien au P, somnifeimm qu'au P. Rhœas. Le P, somniferum^ à présent, est largement cultivé dans toutes les provinces de Tempire chinois et aussi en Mantchourie et en Mon- golie. Williamson \JourneyH in North China, Manckuria^ Mon- golia, 1868, 2, p. 65) Ta vu cultivé partout en Mantchourie. On lui racontait que la culture du Pavot rapporte deux fois plus que celle des céréales. Potanin, voyageur russe, qui visita en 1876 la Mongolie septentrionale, a vu d'immenses plantations de Pavot dans la vallée de Kiran (entre 47° et 48» lat.). Cela effraie beaucoup le gouvernement chinois et encore plus les An- glais, qui craignent la concurrence du « native opium ». « Vous n'ignorez pas probablement que dans l'Inde et en Perse on mange l'opium, mais on ne le fume pas. L'habitude de fumer cette drogue paraîtrait une invention chinoise et qui n'est pas ancienne. Rien ne prouve que les Chinois aient fumé l'opium avant le milieu du siècle passé. Les missionnaires jé- suites en Chine aux dix-septième et dix-huitième siècles n'en parlent pas. Seul le Père d'Incarville dit, en 1750, que la vente de l'opium est défendue, parce que souvent on en fait usage pour s'empoisonner. « Deux édits défendant de fumer l'opium datent d'avant 1730, et un autre, de 1796, parle des progrès du vice en question. Don Sinibaldo de Mas, qui a publié en 1858 un très bon livre sur la Chine, pays qu'il avait habité pendant de longues années en qualité de ministre d'Espagne, prétend que les Chinois ont pris cette habitude du peuple d'Assam, dans le pays où on le fumait depuis longtemps. » Une aussi mauvaise habitude est faite pour se répandre, comme l'absinthe et le tabac. Elle s'introduit peu à peu dans- les pays qui ont des rapports fréquents avec la Chine. Souhai- tons qu'elle ne gagne pas une proportion aussi forte que chez les habitants d'Amoy, par exemple, où les fumeurs d'opium consti- ti tuent le chiffre de 15 à 20 0/0 de la population adulte *. Rocou. — Bixa Oreliana^ Linné. La matière tinctoriale appelée Rocou en français, Arnotto en anglais, se tire d'une pulpe de la partie extérieure des graines. Les habitants des Antilles, de l'isthme de Darien et du Brésil s'en servaient, à l'époque de la découverte de l'Amérique, pour se teindre le corps en rouge, et les Mexicains pour diverses pein- tures *. Le Bixa, petit arbre de la famille des Bixacées, croît naturel- lement aux Antilles ^ et sur une grande partie du continent amé- 1. Hughes, Trade Report, cité dans Flûckiger et Hanbury. 2. Sloane, Jamaica, 2, p. 53. 3. Sloane, ibid. ; Clos, Ann, se. nat., série 4, vol. 8, p. 260 ; Grisebachr FI. ofbrit. W. India islands, p. 20. COTONNIER HERBACÉ 323 ricain, entre les tropiques. Les herbiers et les flores abondent en indications de localités , mais ordinairement on ne dit pas si Tespèce était cultivée, spontanée ou naturalisée. Je remarque cependant l'assertion de l'indigénat, par Seemann pour la côte nord-ouest du Mexique et Panama, par M. Triana à la Nouvelle- Grenade, par M. Meyer dans la Guyane hollandaise, et par Piso et Glaussen au Brésil *. Avec une habitation aussi vaste, il n'est pas surprenant que les noms de l'espèce aient été nombreux dans les langues américaines. Celui des Brésiliens, f/^rwcw, est l'origine de Rocou, Il n'était pas bien nécessaire de planter cet arbre pour en obtenir le produit ; cependant Piso raconte que les Brésiliens, au xvi® siècle, ne se contentaient pas des pieds sauvages, et à la Jamaïque, dans le xvii« siècle, les plantations de Rocou étaient communes. C'est une des premières espèces transportées d'Amé- rique dans le midi de l'Asie et en Afrique. Elle s'est naturalisée quelquefois au point que Roxburgh ^ l'avait crue aborigène dans l'Inde. Cotonnier herbacé. — Gossypium herbaceum^ Linné. Lorsque je cherchais, en 1855, l'origine des cotonniers cul- tivés ^, il régnait une grande incertitude sur la distinction des espèces. Depuis cette époque, il a paru en Italie deux excellents ouvrages sur lesquels on peut s'appuyer, l'un de Parlatore *, ancien directeur du jardin botanique de Florence, l'autre de M. le sénateur Todaro ^, de Palerme. Ces deux ouvrages sont accompagnés de planches coloriées magnifiques. Pour les co- tonniers cultivés, on ne peut rien désirer de mieux. D'un autre côté, la connaissance des véritables espèces, j'entends de celles qui existent dans la nature, à l'état spontané, n'a pas fait les progrès qu'on pouvait espérer. Cependant la définition des espèces est assez précise dans les publications du D^ Masters ^. Je la sui- vrai donc de préférence. L'auteur se rapproche des idées de Parlatore, qui admettait sept espèces bien connues et deux douteuses, tandis que M. Todaro en compte 54, dont deux seu- lement douteuses, donnant ainsi pour espèces des formes dis- 1. Seemann, Bot, of Herald^ p. 79, 268 ; Triana et Planchon, Prodt\ fi, novo-granat,, p. 94 ; Meyer, Essequebo , p. 202 ; Piso, Hi$t, nat, Brasil,, éd. 1648, p. 65 ; Glaussen^ dans Clos, l. c, 2. Roxburgh, Flora indica, 2, p. 581 ; Oliver, Flora of tropical Africa, 1, p. 114. 3. Géographie botanique raisonnée^ p. 971. 4. Parlatore, Le specie dei coioni, texte in-4, planches in-folio, Fi- renze, 1866. 5. Todaro, Reiazione délia coliura dei cotoni in Italia seguita da una mo- nografia dei génère Gossypium, texte grand in-8 , planches in-foUo, Rome et Palerme, 1877-78 ; ouvrage précédé de plusieurs autres moins étendus, dont Parlatore avait eu connaissance. 6. Masters, dans Oliver, Flcyra of tropical Africa, p. 210 ; et dans sir J. Hooker, Flora ofbritish India, 1, p. 346. 324 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES tinctes par quelque caractère, mais nées et conservées dans les cultures. Les noms vulgaires des Cotonniers ne peuvent être d'aucun secours. Ils risquent même de tromper complètement sur les origines. Tel coton dit de Siam vient quelquefois d'Amérique; tel autre est appelé coton du Brésil ou d'Ava selon la fantaisie ou la croyance erronée des cultivateurs. Parlons d'abord du Gossypium herbaceum , espèce ancienne des cultures asiatiques, la plus répandue maintenant en Europe et aux Etats-Unis. Dans les pays chauds, d'où elle provient, sa tige dure quelques années ; mais, hors des tropiques, elle devient annuelle, par l'effet du froid des hivers. Sa fleur est ordinaire- ment jaune, avec un fond rouge. Son coton est jaune ou blanc, selon les variétés. Parlatore a examiné plusieurs échantillons d'herbiers spon- tanés et en a cultivé d'autres provenant d'individus sauvages dans la péninsule indienne. Il admet en outre l'indigénat dans le pays des Birmans et l'archipel indien, d'après des échantillons de collecteurs qui n'ont peut-être pas assez vérifié la qualité de plante sauvage. M. Masters regarde comme certainement spontané, dans le Sindh, une forme qu'il a appelée Gossypium Stocksii, laquelle, dit-il, est probablement l'état sauvage du Gossypium herbaceum et des autres Cotonniers cultivés dans l'Inde depuis longtemps. M. Todaro, qui n'est pas disposé à réunir beaucoup de formes en une seule espèce, admet cependant l'identité de celle-ci et du G. herbaceum ordinaire. La couleur jaune du coton serait donc l'état naturel de l'espèce. La graine ne présente pas le duvet court qui existe entre les poils allongés dans le G. herbaceum cultivé. La culture a probablement étendu l'habitation de l'espèce hors du pays primitif. C'est le cas, je suppose, pour les îles de la Sonde et la péninsule malaise, où certains individus paraissent plus ou moins spontanés. Kurz ^, dans sa flore de Burma, men- tionne le G. herbaceum^ à coton jaune ou blanc, comme cultivé, et en même temps comme sauvage dans les endroits déserts et les terrains négligés. Le Cotonnier herbacé se nomme Kapase en bengali, Kapas en hindoustani, ce qui montre que le mot sanscrit Karpassi ré- Eond bien à l'espèce ^. La culture s'en était répandue de bonne eure dans la Bactriane, où les Grecs l'avaient remarquée lors de l'expédition d'Alexandre. Théophraste^ en parle d'une ma- nière qui ne peut laisser aucun doute. Le Cotonnier en arbre de l'île de Tylos, dans le golfe Persique, dont il fait mention plus 1. Kurz, Forest flora of british Burma^ 1, p. 129. 2. Piddington, index. 3. Theophrastes, HisL planL, 1. 4, c. 5. COTONNIER ARBORESCENT 325 loin *, était probablement aussi le Gossypium herbaceum^ car Tylos n'est pas éloigné de llnde, et sous un climat aussi chaud le Cotonnier herbacé est un arbuste. L'introduction d'un Cotonnier quelconque en Chine a un lieu seulement au ix^ ou xe siècle de notre ère ", ce qui fait présumer une habitation jadis peu étendue du G. herhaceum au midi et à l'orient de l'Inde. La connaissance et peut-être la culture du Cotonnier asiatique s'était propagée dans le monde gréco-romain après l'expédition d'Alexandrç, mais avant les premiers siècles de l'ère chrétienne. Si le Byssos des Grecs était le Cotonnier, comme le pensent la plupart des érudits, on le cultivait en Grèce, à Elis, d'après Pau- sanias et Pline ' ; mais Curtius et C, Ritter * considèrent le mot Byssos comme un terme général exprimant des fils, et selon eux il s'agissait dans ce cas d'un lin de grande finesse. Il est évident que la culture du Cotonnier ou manquait, ou n'était pas com- mune chez les anciens. Or, d'après son utilité, elle serait devenue fréquente si elle avait été introduite dans une seule localité de la Grèce, par exemple. Ce sont les Arabes qui l'ont propagée plus tard autour de la mer Méditerranée, comme l'indique le nom Qutn ou Kutn ^, qui a passé dans les langues modernes du midi de l'Europe, sous la forme de Cotone, Coton, Algodon. Eben el Awan, de Séville, qui vivait dans le xii* siècle, décrit la culture telle qu'on la pratiquait de son temps en Sicile, en Espa- gne et dans l'Orient ^. Le Gossypium herhaceum est l'espèce la plus cultivée aux Etats- Unis '. Elle a été probablement apportée d'Europe. C'était une culture nouvelle il y a cent ans, car on confisqua à Liverpool, en 1774, un ballot de coton venant de l'Amérique septentrionale, par le motif que le Cotonnier, disait-on, n'y croissait pas ®. Le coton à longue soie (See istand) est celui d'une autre espèce, américaine, dont je parlerai tout à l'heure. Cotonnier arborescent. — Gossypium arboreum, Linné. Il est d'une taille plus élevée et d'une durée plus grande que le Cotonnier herbacé ; les lobes de la feuille sont plus étroits, et des bractées moins laciniées ou entières. La fleur est ordinaire- 1. Theophrastes, Hist. 'plant., 1. 4, c. 9. 2. Bretsclineider, Study and value of chinese botanical works, p. 7. 3. Pausanias, 1. 5, c. 5; 1. 6, c. 26; Pline, 1. 19, c. 1. Voir Braudes, Baumwolle, p. 96. 4. C. Ritter, Die oeooraphische Verbreitung der Baumwolle, p. 25. 5. Il est impossible die ne pas remarquer la ressemblance de ce nom avec celui du lin en arabe, Kattan ou Kittan; c'est un exemple de la confusion qui se fait dans les noms lorsqu'il existe des analogies entre les produits. 6. De Lasteyrie, Du Cotonnier , p. 290. 7. Torrey et Asa Gray, Flora of North America^ 1, p. 230 ; Darlington, Agricultural botany, p. 16. 8. Schouw, Naturschilderungen, p. 152. 326 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES tnent rosée, avec un fond rouge. Le coton est toujours blanc. D'après les botanistes anglo- indiens, cette espèce n'est pas dans rinde, comme on l'avait cru, et même elle y est rarement cultivée. Sa patrie est l'Afrique intertropicale. On Ta vue spon- tanée dans la Guinée supérieure, TAbyssinie, le Sennar et la haute Egypte *. Un si grand nombre de collecteurs l'ont rap- portée de ces divers pays qu'on ne peut guère en douter, mais la culture a tellement répandu et mêlé cette espèce avec les au- tres qu'on l'a décrite sous plusieurs noms, dans les ouvrages sur l'Asie méridionale. Parlatore avait attribué au G. arboreum des échantillons asia- tiques du G. herbaceum et une plante, très peu connue, que Forskal avait rencontrée en Arabie. Il soupçonnait, d'après cela, que les anciens avaient eu connaissance du G . arboreum aussi bien que du G, herbaceum. A présent qu'on distingue mieux ces deux espèces et qu'on sait l'origine de Tune et de l'autre, ce n'est pas probable. Ils ont connu le Cotonnier herbacé par l'Inde et la Perse, tandis que l'arborescent n'a pu arriver à eux que par l'Egypte. Parlatore lui-même en a fourni une preuve des plus intéressantes. Jusqu'à, son travail de 1866, on ne savait pas bien à quelle espèce appartenaient les graines de Cotonnier que Rosellini a trouvées dans un vase des monuments de l'an- cienne Thèbes ^. Ces graines sont au musée de Florence. Par- latore les a examinées avec soin et déclare qu'elles appartiennent au Gossypium arboreum ^. Rosellini affirme qu'il n'a pas pu être victime d'une fraude, attendu qu'il a ouvert, le premier, le tom- beau et le vase. Après lui, aucun archéologue n'a vu ou lu des indices de Cotonniers dans les temps anciens de la civilisation égyptienne. Comment serait-il arrivé qu'une plante aussi appa- rente, remarquable par ses fleurs et ses graines, n'eût été ni figurée, ni décrite, ni conservée habituellement dans les tom- beaux si elle était cultivée? Comment Hérodote, Théophraste etDioscoride n'en auraient-ils pas parlé à l'occasion de l'Egypte? Les bandes avec lesquelles toutes les momies sont enveloppées, et qu'on supposait autrefois de coton, sont uniquement de lin, d'après Thomson et une foule d'observateurs habitués à manier le microscope . Je conclus de là que, si les graines trouvées par Rosellini étaient véritablement antiques, elles devaient être une rareté, une exception aux coutumes, peut-être le produit d'un arbre cultivé dans un jardin, ou encore elles pouvaient venir de la haute Egypte, pays où nous savons que le Cotonnier ar- borescentest sauvage. Pline*n'a pas dit que le Cotonnier ^t cultivé 1. Master, dans Oliver, Flora of tivpkal Africa, p. 214 ; flooker, FL ef hrit, India, 1, p. 347 ; Schweinfurth et Asciierson, Aufzàklung., p. a«5 (sous le nom de Gossypium nigrum); Parlatore, Specie M Cotoni, p. 25. 2. Rosellini, Monum. délia Egizia^ p. 2; Mim, civ.y 1, p. 61. 3. Parlatore, Specie dei Cotoni, p. 16. 4. Pline, lUst. plant., 1. 19, c. 1. COTONNIER ARBORESCENT 327 dans la basse Egypte ; mais voici la traduction du passage très remarquable, de lui, qu'on cite souvent : « La partie supérieure de l'Egypte, du coté de T Arabie, produit un arbuste appelé par quelques-uns Gossipion et par plusieurs autres Xylon^ ce qui a fait appeler xylina les fils qu'on en obtient. Il est petit et porte un fruit, semblable à celui de la noix barbue, dont on tisse la laine extraite de l'intérieur. Aucune ne lui est comparable pour la blancheur et la mollesse. » Pline ajoute : « Les vêtements qu'on en fait sont les plus recherchés par les prêtres égyptiens. » Peut-être le coton des- tiné à cet usage était-il envoyé de la Haute Egypte, ou bien l'auteur, qui n'avait pas vu la fabrication et ne possédait pas nos microscopes, s'est-il trompé sur la nature des vêtements sacerdotaux, comme nos contemporains qui ont manié des cen- taines d'enveloppes de momies avant de se douter qu'elles n'étaient pas de coton. Chez les Juifs, les robes des prêtres de- vaient, d'après la règle, être en lin, et il n'est pas probable que l'usage à cet égard fût différent de celui des Egyptiens. Pollux S né un siècle après Pline et en Egypte, s'exprime clairement sur le Cotonnier, dont les fils étaient employés par ses compatriotes; mais il ne dit pas d'où l'arbuste était origi- nau*e, et l'on ne peut pas savoir si c'était le Gossypium arboreum ou Vkerbaceum, On ne voit même pas si la plante était cultivée dans la basse Egypte ou si l'on recevait le coton de la région située au midi. Malgré ces doutes, on peut soupçonner qu'un •Cotonnier, probablement celui de la haute Egypte, s'était intro- duit récemment dans le Delta. L'espèce que Prosper Alpin avait vue cultivée en Egypte au xvi® siècle était le Cotonnier arbores- cent. Les Arabes et ensuite les Européens ont préféré et ont transporté en divers pays le Cotonnier herbacé , plutôt que l'arborescent, qui donne un moins bon produit et demande plus de chaleur. Dans ce qui précède, au sujet des deux Cotonniers de l'ancien monde, je me suis servi le moins possible d'arguments tirés des noms grecs, tels que puacro;, . Jonas, IV, 6 ; Pickering, Chronol. hist, of plants, p. 225, écrit Kykwyn, 342 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES est bon de noter l'origine du nom Castor et Castor-oil des An- glais, comme une preuve de leur manière d'accepter sans examen et de dénaturer quelquefois des noms. Il paraît que dans le siècle dernier, à la Jamaïque, où Ton cultivait beaucoup le Ricin, on Tavait confondu avec un arbuste complètement différent, le Vitex Agnus castus, appelé Aano casto par les Por- tugais et les Espagnols. De Casto ^ les planteurs anglais et le commerce de Londres ont fait Castor *. Noyer. — Juglans regia, Linné. Il y a quelques années, on connaissait le noyer, à l'état sau- vage, en Arménie, dans la région au midi du Caucase et de la mer Caspienne, dans les montagnes du nord et du nord-est de l'Inde et le pays des Birmans ^. L'indigénat au midi du Caucase et en Arménie, nié par G. Koch ', est prouvé par plusieurs voyageurs. On a constaté depuis l'existence spontanée au Japon *, ce qui rend assez probable que l'espèce est aussi dans le nord de la Chine, comme Loureiro et M. de Bunge l'avaient dit ^, sans préciser suffisamment la qualité spontanée. Récem- ment, M. de Heldreich ® a mis hors de doute que le Noyer abonde, à l'état sauvage, dans les montagnes de la Grèce, ce qui s'ac- corde avec des passages de Théophraste "' qu'on avait négligés. Enfin, M. HeufTel l'a vu, sauvage également, dans les montagnes du Banat *. L'habitation actuelle, hors des cultures, s'étend donc de l'Eu- rope tempérée orientale jusqu'au Japon. Elle a été une fois plus occidentale en Europe, car on a trouvé des feuilles de notre Noyer dans les tufs quaternaires de Pro- vence ^. Il existait beaucoup d'espèces de Juglans dans notre hémisphère, aux époques dites tertiaires et quaternaires; main- tenant elles sont réduites à une dixaine au plus, distribuées dans l'Amérique septentrionale et l'Asie tempérée. L'emploi des fruits du Noyer et la plantation de l'arbre ont pu commencer dans plusieurs des pays où se trouvait l'espèce, et l'agriculture a étendu, graduellement mais faiblement, son habi- 1. Hiickiker et Hanbury, Histoire des drogues, trad. française, 2, p. 320. 2. C. de Candolle, Prodr.^ 16, sect. 2, p. 136; Tchihatcheflf, Asie Mineure, 1, p. 172; Ledebour, FI. ross.^i^ p. 507; Roxburgh, FL iiid., 3, p. 630: Boissier, FI. orient., 4, p. 1160; Brandis, Forest flora of India, p. 498; Kurz, Forest fl. of brit, Burma, p. 390. 3. C. Koch, Dendrologie, 1, p. 584. 4. Franchet et Savatier, Enum. plant. Jap., 1, p. 453. 5. Loureiro, Fl. coch., p. 702; Bunge, Enum., p. 62. 6. De Heldreich, Verhandl. bot. Vereins Brandenburg, fur 1879, p. 147. 7. Theophrastes, Hist. plant. ^ 1. 3, c. 3, 6. Ces passages et autres des an- ciens sont cités et interprétés par M. Heldreich, mieux que par Hehn et autres érudits. 8. Heuffel, Abhandl. zool. bot. Ges. in Wien, 1853, p. 194. 9. De Saporta, 33" session du Congrès scienti^que de France» NOYER 343 tatîon artificielle. Le Noyer n'est pas un de ces arbres qui se sèment et se naturalisent avec facilité. La nature de ses graines s'y oppose peut-être, et d'ailleurs il lui faut des climats où il ne gèle pas beaucoup et d'une chaleur modérée. Il ne dépasse guère la limite septentrionale de la vigne et s'avance beaucoup moins qu'elle au midi. Les Grecs, habitués à l'huile d'olive, ont négligé plus ou moins le Noyer, jusqu'à ce qu'ils aient reçu de Perse une meilleure variété, dite du roi, Karuon basilikon * ou Persikon *. Les Romains ont cultivé le Noyer dès l'époque de leurs rois; ils le regardaient comme d'origine persane ^. On connaît leur vieux usage de jeter des noix dans la célébration des noces. L'archéologie a confirmé ces détails. Les seules noix qu'on ait trouvées jusqu'à présent sous les habitations des lacustres de Suisse, Savoie ou Italie se réduisent à une localité des environs de Parme, appelée Fontinellato, dans une couche de l'époque du fer *. Or ce métal, très rare du temps de la guerre de Troie, n'a dû entrer dans les usages de la population agricole d'Italie qu'au V* ou vi® siècle avant J.-C, époque à laquelle au delà des Alpes on ne connaissait peut-être pas même le bronze. Dans la station de Lagozza, les fruits du noyer ont été trouvés dans une couche tout à fait supérieure et nullement ancienne du sol ^. Evidemment les Noyers d'Italie, de Suisse et de France ne des- cendent pas des individus fossiles des tufs quaternaires dont j'ai parlé. Il est impossible de savoir à quelle époque on a commencé de planter le Noyer dans l'Inde, Ce doit être anciennement, car il existe un nom sanscrit Ahschôda^ Akhoda ou Akhôta. Les auteurs chinois disent que le Noyer a été introduit chez eux, du Thibet, sous la dynastie Han, par Ghang-Kien, vers l'année 140-150 avant J.-G. ^. Il s'agissait peut-être d'une variété perfectionnée. D'ailleurs il est probable, d'après les documents actuels des botanistes, que le Noyer spontané est rare dans le nord de la Ghine et qu'il manque peut-être dans la partie orientale. La date de la culture au Japon est inconnue. Le Noyer et les noix ont reçu chez d'anciens peuples une infi- nité de noms, sur lesquels la science et l'imagination des lin- guistes se sont déployées % mais l'origine de l'espèce est trop claire pour que nous ayons à nous en occuper. 1. Dioscorides, 1. 1, c. 176. 2. Pline, Hist. plant, ^ 1. 15, c. 22. 3. Pline, Ibid. 4. Heer, Pflanzen der Pfahlhauten^ p. 31. 5. Sordelli, Sulie piante délia torbiera, etc., p. 39. 6. Bretschneider, On the study and value, etc, p. 16, et lettre du 23 août 1881. 7. Ad. Pictet, Les origines indo-européennes, éd. 2, vol. 1, p. 289; Hehn, Culturpflanzen und Haùsthiere, éd. 3, p. 341. 344 PLAINTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES Arec. — Arec a Catechu, Linné. On cultive beaucoup ce palmier dans le pays où l'usage de mâcher le bétel est répandu, c'est-à-dire dans toute TAsie méri- dionale. La noix, ou plutôt l'amande qui forme la partie princi- pale de la graine contenue dans le fruit, est ce qu'on recherche, pour le goût aromatique. Coupée par fragments, mêlée à de la chaux et enveloppée d'une feuille de poivrier bétel, c'est un excitant agréable, qui fait saliver et noircit les dents à la satis- faction des indigènes. L'auteur du principal ouvrage sur les palmiers, de Martius S s'exprime ainsi sur l'origine de l'espèce : « La patrie n'est pas cer- taine (non constat) ; c'est probablement l'île de Sunda. » Voyons s'il est possible d'affirmer quelque chose, en recourant surtout aux auteurs modernes. Sur le continent de l'Inde anglaise, à Geylan et la Cochinchine, l'espèce est toujours indiquée comme cultivée ^. De même pour les îles de la Sonde, Moluques, etc., au midi de l'Asie. Blume ', dans son bel ouvrage intitulé Bumphia, dit que la patrie est la presqu'île de Malacca, Siam et les îles voisines. Il ne parait cependant pas avoir vu les pieds indigènes dont il parle. Le Dr Bretschneider * croît que l'espèce est originaire dé l'archipel malais, principalement de Sumatra, car, dit-il, ces îles et les Philippines sont les seules localités où on la trouve sauvage. Le premier de ces faits n'est pas confirmé par Miquel, ni le second par Blanco ^, qui résidait aux Philippines. L'opinion de Blume paraît la plus probable, mais on peut encore dire avec de Mar- tius : la patrie n'est pas constatée. L'existence d'une multitude de noms malais, Pinang , Jambe^ etc., et d'un nom sanscrit, Gouvaka, de même que des variétés fort nombreuses, montrent l'ancienneté de la culture. Les Chinois l'ont reçue, en l'an iH avant J.-C, des pays méri- dionaux, sous le nom malais écrit Pln-lang. Le nom telinga Arek est l'origine du nom botanique Areca. Elaeis de Guinée. — Elaeis guineensis^ Jacquin. Les voyageurs qui ont visité la côte de Guinée dans la pre- mière moitié du xvi® siècle ® remarquaient déjà ce Palmier, dont les nègres tiraient de l'huile en exprimant la partie charnue du 1. Martius, Hist. nat. Palmarum, in-folio, vol. 3, p. 170 (publié sans date précise, mais avant 1851). 2. Roxburgh, FL ind,, 3, p. 616 ; Brandis, Forest flora of India, p. 551 ; Kurz, Forest flotta of ôritish Burma, p. 537; Thwaites, Enum, Zeylan., p. 327 ; Loureiro, FI. cochinch., p. 695. 3. Blume, Rumphia, 2, p. 67 ; Miquel, FI. indo-batava, 3, p. 9 ; Suppl. de Sumatra^ p. 253. 4. Bretschneider, Value and study^ p. 28. 5. Blanco, Flora de FilipinaSy éd. 2. 6. Da Mosto, dans Ramusio, 1, p. 104, cité par R. Brown. COCOTIER 345 fruit. C'est un arbre indigène sur toute la côte *. On le plante aussi, et l'exportation de l'huile, dite de Palme {Palm oil des Anglais), est l'objet d'un grand commerce. Comme il se présente également à l'état sauvage dans le Bré- sil et peut-être à la Guyane ^, un doute s'était élevé sur la véri- table origine. On pouvait d'autant mieux la supposer américaine que la seule espèce constituant, avec celle-ci, le genre Elaeis^ est de la Nouvelle-Grenade ^. Robert Brown cependant, et les au- teurs qui se sont le plus occupés de la famille des Palmiers, sont unanimes à considérer V Elaeis guineensis comme introduit en Amérique, par les nègres et les négriers, lorsqu'ils passaient de la côte de Guinée à la cÔte opposée américaine. Beaucoup de faits appuient cette opinion. Les premiers botanistes qui ont visité le Brésil, comme Piso et Marcgraf, n'ont pas parlé de TElaeis. Il se trouve seulement sur le littoral, de Rio-de- Janeiro à Tembouchure des Amazones, jamais dans l'intérieur. Il est souvent cultivé ou avec l'apparence d'une espèce échappée des plantations. Sloane *, qui avait exploré la Jamaïque dans le XVII® siècle et avait examiné en Europe des fruits venant d'Afrique, raconte qu'on avait introduit cet arbre, de son temps, de Guinée dans une plantation qu'il désigne. Il s'est naturalisé depuis dans quelques localités des Antilles ^. Cocotier. — Cocos nucifera^ Linné. Le Cocotier est peut-être de tous les arbres des pays intertro- picaux celui qui donne les produits les plus variés. Son bois et ses fibres sont utilisés de plusieurs manières. La sève, extraite de la partie inférieure de l'inflorescence, donne une boisson al- coolique très recherchée. La coque du fruit sert de vase; le lait de la graine avant maturité est une boisson agréable; enfin l'amande contient une forte proportion d'huile. Il n'est pas sur- prenant qu'on ait semé et transporté, le plus possible, un arbre aussi précieux. D'ailleurs sa dispersion est aidée par des causes naturelles. Les noix de coco, grâce à leur enveloppe fibreuse, peuvent flotter dans l'eau salée sans que la partie vivante de la graine en soit atteinte. De là résulte une possibilité de transports à de grandes distances par les courants et une naturalisation sur les côtes, quand la température est favorable. Malheureusement cet arbre exige un climat chaud et humide, tel qu'on le trouve 1. R. Brown, Botany of CongOy p. 55. 2. Martius, Hist, nat. Palmarum^ 2, p. 62 ; Drude, dans Flora brasiL, fasc. 85, p. 457. Je ne vois pas d'auteur qui affirme la qualité spontanée à la Guyane, comme de Martius le fait pour le Brésil. 3. Elaeis melanocarpa, Gaertner. Le fruit contient également de l'huile; mais il ne paraît cas qu'on cultive l'espèce, le nombre des plantes oléagi- neuses étant considérable en tous pays. 4. Sloane, Naiwal hist07*y of Jamaica^ 2, p. H3. 5. Grisebach, Flora of britisn W, India islands, p. 522. 346 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES seulement entre les tropiques ou dans des localités voisines un peu exceptionnelles. En outre, il ne réussit pas loin de la mer. Le Cocotier abonde sur le littoral des régions chaudes de l'Asie des îles au midi de ce continent, et dans les pays analogues en Afrique et en Amérique, mais on peut affirmer qu'il date d'une introduction de moins de trois cents ans au Brésil, aux Antilles et sur la côte occidentale d'Afrique. Pour le Brésil, Piso et Marcgraf * semblent admettre une ori- gine étrangère, sans le dire positivement. De Martius, qui a pu- blié sur les Palmiers un ouvrage très important ^ et a parcouru les provinces de Bahia, Pernambouc et autres, où le Cocotier abonde, ne dit pas qu'il y soit spontané. Ce sont les missionnai- res qui l'ont introduit à la Guyane ^. Sloane ^ le dit d'origine étrangère aux Antilles. Un vieux auteur du xvi® siècle, Martyr, cité par lui, parle de cette introduction. Elle a eu lieu probable- ment peu d'années après la découverte de l'Amérique, car Joseph Acosta * avait vu le Cocotier à Porto-Rico, dans le xvi« siècle. D'après de Martius, ce sont les Portugais qui l'ont introduit sur la côte de Guinée. Beaucoup de voyageurs ne l'ont pas même mentionné dans cette région, où il joue apparemment un petit rôle. Plus commun sur la côte orientale et à Madagascar, il n'est pourtant pas nommé dans plusieurs ouvrages sur les plantes du Zanzibar, les Seychelles, Maurice, etc., peut-être parce qu'on Ta considéré comme cultivé dans cette région. Evidemment le Cocotier ne peut-être originaire ni d'Afrique ni de la partie orientale de l'Amérique intertropicale. Ces pays étant éliminés, il reste la côte occidentale de l'Amérique tropi- cale, les îles de la mer Pacifique, l'archipel Indien et le midi du continent asiatique , où l'arbre abonde, avec toute l'apparence d'être plus ou moins spontané et d'ancienne existence. Les navigateurs Dampier et Vancouver ^ l'ont trouvé au com- mencement du xvii« siècle, constituant des forêts, dans les îles près de Panama, non sur la terre ferme, et dans l'île des Cocos, située à 300 milles anglais du continent dans la mer Pacifique. A cette époque, ces îles n'étaient pas habitées. On a trouvé plus tard le Cocotier sur la côte occidentale, du Mexique au Pérou, mais en général les auteurs n'affirment pas qu'il y fût spontané, à l'exception cependant de Seemann ', qui a vu le Cocotier à la fois sauvage et cultivé dans l'isthme de Panama. D'après Her- !. Piso. BrasiLf p. 65 ; Marcgraf, p. 138. 2 ^ ius, Histoiia naturalis Palmarum, 3 vol. in-folio. Voir vol. 2, n. • ^ ?, suppl., p. 102. -n, 2, p. 9. n^* oax Indes, traduction française^ 1598, p. 178. f*" *4. 1705, p. 186; Vancouver, éa. française, nat Palm,, 1, p. 188. », p. 204. COCOTIER 347 nandez *, au xvi® siècle, les Mexicains l'appelaient Coyolli, mot qui n'a pas l'apparence d'un nom indigène. Oviedo *, qui écrivait en 1526, dès les premiers temps de la conquête du Mexique, dit que le Cocotier abondait sur la côte de la mer Pacifique, dans la province du cacique Chiman, et il décrit clairement l'espèce. Gela ne prouve pas la qualité d'arbre spontané. Dans l'Asie méridionale, surtout dans les îles, le Gocotief se montre à l'état sauvage ou cultivé. Plus les îles sont petites, bas- ses et sous l'influence de l'atmosphère marine, plus les Cocotiers prédominent et attirent l'attention des voyageurs. Quelques-unes en ont tiré leur nom, entre autres deux îles près de celles d'Anda- man, et une près de Sumatra. Le Cocotier, avec toutes les apparences d'un ancien état spon- tané, se trouvant en Asie et dans l'Amérique occidentale, la question de l'origine est obscure. D'excellents auteurs l'ont ré- solue d'une façon différente. De Martius regarde comme probable un transport, par les courants, des îles situées à l'ouest de l'Amé- rique centrale à celles de l'archipel asiatique. J'inclinais autre- fois ® vers la même hypothèse, admise depuis sans discussion par Grisebach *; mais les botanistes du xvii® siècle regardaient sou- vent l'espèce comme asiatique, et Seemann ^, après un examen attentif, se déclare indécis. Je donnerai le pour et le contre sur chacune des hypothèses. En faveur d'une origine américaine, on peut dire : 1° Les onze autres espèces du genre Cocos sont d'Amérique, et même toutes celles que Martius connaissait bien sont du Brésil ^. M. Drude % qui s'occupe beaucoup des Palmiers, a écrit un ar- ticle pour soutenir que chaque genre de cette famille est propre à l'ancien ou au nouveau monde, excepté le genre Elaeis, et en- core il soupçonne le transport de TE. Guineensis d'Amérique en Afrique, ce qui n'est pas du tout probable (voir ci-dessus, p. 344). La force de cet argument est un peu atténuée par la circon- stance que le Cocos nucifera est un arbre du littoral et des lieux humides, tandis que les autres espèces vivent dans des conditions différentes, fréquemment loin ae la mer ou des rivières. Les plantes maritimes, de marais ou d'endroits humides ont en gé- néral une habitation plus vaste que leurs congénères. 2° Les vents alizés de la mer Pacifique, au sud et encore plu& 1. Hernandez, Thésaurus mexic, p. 71. Il attribue le même nom, p. 75, au Cocotier croissant aux îles Philippines. 2. Oviedo, traduction de Ramusio, 3, p. 53. 3. A. de CandoUe, Géogr, bot. rais., p. 976. 4. Grisebach, Végétation der Erde, p. 11, 323. 5. Seemann, Flora Vitiensis, p. 275. 6. Le Coco dit des Maldives appartient au ^enre Lodoicea. Le Coco ma- millaris, Blanco, des Philippines, est une variété du Cocos nucifera cultiv«^^. 7. Drude, dans Bot. Zeitung, 1876, p. 801, et Flora àrasiliensisj fasc. 85, p. 405. 348 PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES au nord de Téquateur, poussent les corps flottants d'Amérique en Asie, contrairement à la direction des principaux courants *. On sait d'ailleurs, par l'arrivée imprévue sur différentes côtes des bouteilles contenant des avis, que le hasard joue un grand rôle dans ces transports. Les arguments en faveur de l'origine asiatique, ou contre l'ori- gine américaine, sont les suivants : 1® Un courant sous les 3-5® lat. N. porte directement des îles de l'archipel indien à Panama ^, Il y a bien au nord et au midi d'autres courants en sens opposé, mais ils proviennent de régions trop froides pour le Cocotier et ne touchent pas à l'Amé- rique centrale où on le suppose indigène d'ancienne date. 2° Les habitants des îles asiatiques ont été des navigateurs beaucoup plus hardis que les Indiens d'Amérique. Il est très possible que des pirogues, contenant des noix de coco en pro- vision, aient été jetées par les tempêtes ou par de fausses manœu- vres des archipels d'Asie sur les lies ou sur la côte occidentale d'Amérique. L'inverse est infiniment peu probable. 3® L'habitation, depuis trois siècles, est bien plus vaste en Asie qu'en Amérique , et avant cette époque la différence était plus grande, car nous savons que le Cocotier n'était pas ancien dans l'orient de l'Amérique tropicale. 4** Les peuples de l'Asie insulaire possèdent un nombre im- mense de variétés de cet arbre, ce qui fait présumer une culture très ancienne. Blume, dans son Rumphia^ énumère 48 variétés de Java ou des îles voisines et 39 des îles Philippines. Rien de sem- blable n'a été constaté en Amérique. 5» Les emplois du Cocotier sont également plus variés et plus habituels en Asie. C'est à peine si les indigènes d'Amérique sa- vaient l'utiliser autrement que pour le lait et l'amande du fruit, sans en tirer de l'huile. 6° Les noms vulgaires, très nombreux et originaux en Asie, comme nous le verrons plus loin, sont rares et d'origine souvent européenne en Amérique. 7° Il n'est pas probable que les anciens Mexicains et habitants de l'Amérique centrale eussent négligé de répandre le Cocotier dans plusieurs directions s'il avait existé depuis une époque très reculée sur leur continent. Le peu de largeur de l'isthme de Pa- nama aurait facilité le transport d'une côte à l'autre, et l'espèce se serait vite établie aux Antilles, à la Guyane, etc., comme elle s'est naturalisée à la Jamaïque, Antigua ^ et ailleurs depuis la découverte de l'Amérique. 8° Si le Cocotier, en Amérique, remontait à des temps géologi- ques plus anciens que les dépôts pliocènes ou même éocènes en 1. Stieler, Hand Atlas, éd. 1867, carte 3. 2. Stieler, ib.^ carie 9. 3. Grisebach, Flora of british W, ïndia islands, p. 522. COCOTIER 349 Europe, oh Taurait probablement trouvé sur toutes les côtes et îles orientales et occidentales, assez uniformément. 9° Nous ne pouvons avoir aucune date ancienne sur l'existence du Cocotier en Amérique; mais sa présence en Asie, il y a trois ou quatre mille ans, est constatée par plusieurs noms sanscrits. Piddington, dans son Index, n'en cite qu'un, Narikela. C'est le plus sûr, car il se retrouve dans les langues modernes de l'Inde. Les érudits en comptent une dizaine, qui, d'après leur significa- tion, paraissent s'appliquer à l'espèce ou à son fruit ^ Narikela a passé, avec modification, en arabe et en persan *. On le trouve même à 0- Taïti sous la forme de Ari ou Haari *, concurremment avec un nom malais. 10** Les Malais ont un nom très répandu dans l'archipel, Ka- lâpa, Klâpa, Klôpo, A Sumatra et Nicobar, on trouve le nom Njîor Nieor, aux Philippines Nio^, à Bali Niuh, Njo, à Tahiti Niun^ et dans d'autres îles Nu, Nidju, Ni, même à Madagascar IVun-niu *. Les Chinois disent Fe, soit Ye-tsu (arbre Fe). Avec le nom sans- crit principal, cela constitue quatre racines difl'érentes, qui font présumer une existence ancienne en Asie. Cependant l'unifor- mité de nomenclature dans l'archipel jusqu'à Taïti et Mada- gascar indique un transport par les hommes depuis l'existence des langues connues. Le nom chinois signifie : tête du roi de Yûe. Il remonte à une légende ridicule dont parle le D"^ Bretschneider ^. La première mention du Cocotier, d'après ce savant, se trouve dans un poème du II*' siècle avant Jésus-Christ; mais les descriptions plus recon- naissables sont dans les ouvrages postérieurs au ix« siècle de l'ère chrétienne. Il est vrai que les anciens écrivains connais- saient à peine le midi de la Chine, seule partie de l'empire où le Cocotier puisse vivre. Malgré les noms sanscrits, l'existence du Cocotier dans l'île de Ceylan, où il est bien établi sur le littoral, date d'une époque à peu près historique. Près de Point-de-Galle, nous dit Seemann^, on voit gravée sur un rocher la figure d'un prince indigène Kot- tah Raya, auquel on attribue la découverte des emplois du Co- cotier, inconnu avant lui, et la plus vieille chronique de Ceylan, le Marawansa^ ne parle pas de cet arbre, bien qu'elle cite minu- tieusement les fruits importés par divers princes. Remarquons aussi que les anciens Grecs et Egyptiens, malgré leurs rapports avec l'Inde et Ceylan, n'ont eu connaissance de la noix de coco 1. M. Eugène Fournier m'a indiqué par exemple : Drdapala (à fruit dur), Palakecara (à fruit chevelu), Jalakajka (réservoir d'eau), etc. 2. Blume, Rumphia, 3, p. 82. 3. Forster, De plantis esciilentis, p. 48 ; Nadeaud, Enum. des plantes de Tahiti, p. 41. 4. Blume, Ibid. 5. Bretschneider, Study and value, etc, p. 24. 6. Seemann, Flora Vitiensis, p. 276. aSO PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES que tardivement, comme d'une curiosité indienne. Apollonius de ïyane l'avait vu dans FHindustan, au commencement de l'ère chrétienne *. D'après ces faits, l'habitation la plus ancienne en Asie serait dans l'archipel plutôt que sur le continent ou à Ceylan; et, en Amérique, dans les îles à l'ouest de Panama. Que faut-il penser de ces indications variées et contradictoires? J'ai cru jadis que les arguments en faveur de l'Amérique occi- dentale étaient les plus forts. Maintenant, avec plus de rensei- f^nements et plus d'expérience dans ces sortes de questions, j'in- cline à l'idée d'une origine de l'archipel indien. L'extension vers la Chine, Ceylan et l'Inde continentale ne date pas de plus de trois ou quatre mille ans, mais les transports par mer sur les côtes d'Amérique et d'Afrique remontent peut- être à des temps plus anciens, quoique postérieurs aux époques dans lesquelles existaient des conditions géographiques et phy- siques différentes de celles d'aujourd'hui. 1. J^ckering, Chronoloyical arrangement, p. 428. TROISIÈME PARTIE RÉSUMÉ ET CO]«CLUSIO]«S CHAPITRE PREMIER TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCES AVEC l'iNDICATION DE LEUR ORIGINE ET DE L'ÉPOQUE DE LEUR MISE EN CULTURE * Le tableau qui suit renferme quelques espèces dont le détail n'a pas été donné dans ce qui précède, par le motif que leur origine est bien connue et leur importance médiocre. Espèces originaires det l'ancien monde. CULTIVÉES POUR LA PARTIE SOUTERRAI.NE Noms el durée. Date. Origine. Radis. Raphanus sativus. ®. B Asie occidentale tempérée. Cran. Cochlearia Armoracia. Tj:!, G Europe orientale tempérée. Rave. Brassica Râpa. (2). A Europe, Sibérie occidentale (?). Navet. Brassica Napus. 2;. A Europe, Sibérie occidentale (?). Carotte. Daucus Carota. 2). B Europe, Asie occid. tempérée (?). Panais. Pastinaca sativa. (2). G Europe moyenne et méridionale. Cerfeuil bulbeux. Chœrophyllum C Europe moyenne. Caucase, bulbosum. (2). 1. Les signes de durée sont : ® plante annuelle, (2) bisannuelle, T/ï vi- vace, 5 arbrisseau, 5 arbuste, 5 petit arbre, ^ grand arbre. Les lettres indiquent l'époque certaine ou probable de la mise en cul- ture, savoir : Vour les espèces de Vancien monde. — A, une espèce cultivée depuis plus de quatre mille ans (d'après les anciens historiens, les monuments de l'ancienne Egypte, les ouvrages chinois, et les indices botaniques ou lin- guistiques). — D, cultivée depuis plus de deux mille ans (indiquée dans Théopnraste, ou trouvée dans les restes des lacustres, ou d'une date connue des anciens, ou présentant des indices variés, comme d'avoir des noms hé- breux ou sanscrits). — G, cultivée depuis moins de deux mille ans (citée par Dioscoride, non par Théopbraste, vue dans les dessins de Pompeia, introduite à une date connue, etc.) Pour les espèces américaines. — D, culture très ancienne en Amérique (d'après sa grande extension et le nombre des variétés). — E, espèce cul- tivée avant la découverte de l'Amérique, sans offrir des indices aune très grande ancienneté de culture. — F, espèce mise en culture depuis la dé- couverte de FAmérique. 3S2 TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCES Nomg et durée. Date. Origine. Chervis. Sium Sisarum. ^. C Sibérie altaïque, Perse septentrion. Garance. Rubia tinctorum. !^. B Asie occid. tempérée, sud-est de l'Europe. Salsifls.Tragopogonporrifolium.(2).C{?) Sud-est de l'Europe, Algérie. Scorzonère. Scorzonera hispanica. G Sud-ouest de l'Europe. Midi du Caucase. Raiponce.CampanulaRapuncuIus.(2).C Europe tempérée et méridionale. i Légume. B Canaries, région de la Méditerra- Bette. Beta vulg. (2), ^. j née, Asie occid. tempérée. ( Betterave. B Dérivée dans la culture. Ail. Allium sativum. !^. B Désert des Kirghis, dans TAsie occidentale tempérée. Oignon. Allium Cepa. {2). A Perse, Afghanistan, Belouchistan, Palestine (?). Ciboule. Allium flstulosum. ^. G Sibérie (du pays des Kirghis au Baïcal). Echalotte. Allium ascalonicum. '^, C Modification du Cepa (?). Inconnu spontané. Rocambole. Allium Scorodopra- C Europe tempérée. sum. '^, Ciboulette. Allium Schœnopra - C(?) Europe tempérée et sept., Sibérie, sum. T^, Kamtchatka . Amérique sept. (lac Huron). Colocase. Colocasia antiquorum. ^. B Inde. Archipel indien. Polynésie. Alocase. Alocasia macrorhiza. !^. f?) Ceylan.Archipel indien. Polynésie. Konjak. Amorphophallus Konjak. (?) Japon (?). Ignames. Dioscorea sativa. ^. B(?) Asie mérid. [spécialement Mala- bar (?), Ceyian (?), Java (?)]. — Dioscorea Batatas. '^, B(?) Chine (?). — Dioscorea japonica. ^. (?) Japon (?). — Dioscorea alata. !^. (?) Archipel asiatique oriental. CULTIVÉES POUR LES TIGES OU LES FEUILLES 1° Légumes. Chou.Brassicaoleracea. ®, (2),5' A Europe. Chou de Chine. Brassica chinen- (?) Chine (?), Japon (?). sis. (2). Cresson de fontaine. Nasturtium (?) Europe, Asie septentrionale. officinale. ^. Cresson alénois. Lepidium sati- B Perse (?). vum. ®. Sea-Kale. Crambe maritima. ']^, C Europe occidentale tempérée. Pourpier. Portulaca oleracea. ®. A De l'Himalaya occid. à la Russie mérid. et la Grèce. Tetragone étalée. Tetragonia ex- C Nouvelle-Zélande et Nouvelle- pansa. ®. Hollande. Céleri. Apium graveolens. (2). B Europe temp. et mérid., Afrique sept., Asie occidentale. Cerfeuil. Anthriscuscerefolium.®. C Sud-Est de la Russie, Asie occi- dentale tempérée. LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE 353 Noms et durée. Date. Origine. Persil. Petroselinum sativum. (2). C Europe mérid., Algérie, Liban. Ache. Smyrnium Olus-atrum. @. G Europe mérid., Algérie, Asie occi- dentale tempérée. Maclie. Valerianella olitoria. ®. G Sardaigne, Sicile. rarHnn Tvnarfl Par- ( ^^''^^"- ^ Europe méridionale, Afrique sep- ^n^^^hVr^ 7^ tentrionale, Ganaries, Madère, dunculus. (2). ip, ^ Artichaut. G Dérivé du Gardon. Laitue. Lactuca Scariola. ®. (2). B Europe mérid., Afrique septen- trionale, Asie occidentale. Chicorée sauvage. Gichorium Inty- G Europe, Afrique septentr., Asie bus. Tjf. occidentale tempérée. Ghicorée Endive. Gichorium Endi- G Région de la Méditerranée, Gau- via. ®. case, Turkestan. Epinard. Spinacia oleracea. ®. G Perse (?). Arroche. Atriplex hortensis. ®. G Europe septentrionale et Sibérie. Brède de Malabar. Amarantus gan- (?) Afrique tropicale — Inde (?). geticus. ®. Oseille. Rumex acetosa. Tf^, (?) Europe. Asie septentrionale, mon- tagnes de rinde. Patience. Rumex Patientia. TJf, (?) Turquie d'Europe. Perse. Asperge. Asparagus offlcinalis. TJf. B Europe, Asie occid. tempérée. Poireau. Alliumampeloprasum.îjî'. B Région de la Méditerranée. 20 Fourrages, Luzerne. Medicago sativa. !^. B Asie occidentale tempérée. Sainfoin. Onobrychis sativa. !^. G Europe tempérée. Midi du Gaucase. Sulla. Hedysarum coronarium. !^. G Région de la Méditerranée centrale et occidentale. Trèfle. Trifolium pratense. 7^, G Europe, Algérie, Asie occidentale tempérée. Trèfle hybride. Trifolium hybri- G Europe tempérée. dum. ®. Trèfle incarnat. Trifolium incar- G Europe méridionale. natum. ®. Trèfle d'Alexandrie. Trifolium G Syrie, Anatolie. alexandrinum. ®. Ers. Ervum Ervilia. ®. B Région de la Méditerranée (?) Vesce. Vicia sativa. ®. B Europe, Algérie. Midi du Gaucase. Jarosse. Lathyrus Gicera. ®. B De l'Espagne et l'Algérie à la Grèce. Gesse. Lathyrus sativus. ®. B Midi du Gaucase (?). Gesse Ochrus. Lathyrus Ochrus.®. B Italie. Espagne. Fenu-grec, Trigonella fœnum-grse- B N.-E. de l'Inde et Asie occiden- cum. ®. taie tempérée. Serradelle. Ornithopus sativus. ®.B(?) Portugal, midi de l'Espagne, Al- gérie. Lupuline. Medicago lupulina.® . (2). G Europe. Afrique sept. (?). Asie tem- pérée. Spergule. Spergula arvensis. ®. B(?) Europe. Herbe de Guinée. Panicum maxi-G(?) Afrique intertropicale. mum. !^. De Gandolle. 23 354 TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCES 3» Emplois divers. Noms et durée. Date. Origine. Thé. Thea sinensis. 5- A Assam, Chine, Mandschourie. Lin anciennement cultivé. Linum A Région de la Méditerranée. angustifolium. î^. ©. ®. Lin actuellement cultivé. Linum A(?)^sie occidentale (?). Dérivé du usitatissimum. ®. précédent (?). Jute. Gorchorus capsularis. ®. G(?)Java. Geylan. Jute. Gorchorus olitorius. ®. G(?) Nord-ouest de l'Inde. Geylan. Sumac. Rhus Goriaria. 5- G Région de la Méditerranée. Asie occidentale tempérée. Gat. Gelastrus edulis. 5- (?) Abyssinie — Arabie (?). Indigotier des teinturiers. Indigo- B Inde (?). fera tinctoria. J. Indigotier argenté. Indigofera ar- (?) Abyssinie, Nubie, Gordofan, Sen- gentea. 5* naar — Inde (?). Henné. Lawsonia alba. 5« A Asie occid. tropicale. Nubie (?). Eucalyptus globulus. ^, G Nouvelle-Hollande. Gannelier. Ginnamomum zeylani- G Geylan. Inde. cum. 5- Ramié (Ghina grass). Bœhmeria (?) Ghine. Japon. nivea. T^, 5- Ghanvre. Gannabis sativa. ®. A Daourie. Sibérie. Mûrier blanc. Morus alba. 5- A(?)lnde. Mongolie. Mûrier noir. Morus nigra. 5- B(?) Arménie, Perse septentrionale. Ganne à sucre. Saccharum offici- B Gochinchine (?), sud-ouest de la narum. ']^, Ghine (?). CULTIVÉES POUR LES FLEURS OU LEURS ENVELOPPES. Giroflier. Garyophyllus aromati- (?) Moluques. eus. 5- Houblon. Humulus Lupulus. ^. G Europe, Asie occident, tempérée, Sibérie. Garthame.Garthamustinctorius.®. A Arabie (?). Safran. Grocus sativus. !^. A Italie méridionale, Grèce, Asie Mineure (?). CULTIVÉES POUR LES FRUITS Pompelmouse. Gitrus decumana. ,5- B lies de la mer Pacifique à Test de Java. Gédratier, Citronnier. Gitrus me- B Inde. dica. 5« Oranger Bigaradier. Gitrus Au- B Est de l'Inde. rantium Bigaradia. 5- Oranger doux. Gitrus Aurantium G Ghine et Gochinchine. sinense. 5* Mandarine. Gitrus nobilis. 5- (?) Ghine et Gochinchine. Mangostan. Garcinia Mangosta- (?) Iles de la Sonde. Péninsule ma- na. 5. laise. Gombo. Hibiscus esculentus. ®. G Afrique tropicale. LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE 385 Noms et durée. Date. Origine. Vigne. Vitis vinifera. 5- A Asie occidentale tempérée, région de la Méditerranée. Jujubier commun. Zizyphus vul- B Chine. garis. 5. Jujubier Lotus. Zizyphus Lotus. 5- (?) D'Egypte au Maroc. Jujubier de l'Inde. Zizyphus Ju-A(?)Pays des Birmans, Inde. juba. 5. Manguier. Mangifera indica. 5- A(?)Inde. Evi. Spondias dulcis. 5- (?) Iles de la Société, des Amis, Fidji. Framboisier. Rubus idœus. 5- G Europe et Asie tempérées. Fraisier ordinaire. Fragaria ves- C Europe et Asie occid. tempérées. ca. ^. Amérique sept, à l'est. Cerisier des oiseaux. Prunus B Asie occident, tempérée, Europe avium. J. tempérée. Cerisier commun. Prunus Cera- B De la Caspienne à l'Anatolie occi- sus. 5- dentale. Prunier domestique. Prunus do- B Anatolie, midi du Caucase, Perse mestica. 5* septentrionale. Prunier proprement dit. Prunus (?) Europe mérid., Arménie, midi du insititia. 5- Caucase, Talysch. Abricotier. Prunus Armeniaca. 5- A Chine. Amandier. Amygdalus commu- A Région de la Méditerranée, Asie nis. 5- occidentale tempérée. Pêcher. Amygdalus Persica. 5- A Chine. Poirier commun. Pyrus commu- A Europe et Asie tempérées. nis. ;5- Poirier de Chine. Pyrus sinensis. 5- (?) Mongolie, Mandschourie. Pommier. Pyrus Malus. 5- A Europe, Anatolie, midi du Caucase. Cognassier. Cydonia vulgaris. 5» A Perse septentrion., midi du Cau- case, Anatolie. Bibassier. Eriobotrya japonica. 5- (?) Japon. Grenadier. Punica Granatum. ^, A Perse, Afghanistan, Belouchistan. Pomme-rose. Jambosa vulgaris. 5» B Archipel indien , Cochinchine , Birma, nord-est de Tlnde. Jamalac. Jambosa malaccensis. 5- B Archipel indien, Malacca. Gourde. Cucurbita Lagenaria. ®. C Inde, Moluques — Abyssinie. Potiron. Cucurbita maxima. ®. C(?) Guinée. Melon. Cucumis Melo. ®. C Inde. Belouchistan — Guinée. Pastèque. Citrullus vulgaris. ®. A Afrique intertropicale. Concombre. Cucumis sativus. ®. A Inde. Concombre Anguria. Cucumis An- C(?) Afrique intertropicale (?). guria. ®. *^ Benincasa. Benincasa hispida. ®. (?) Japon. Java. Luffa cylindrique. Luffa cylin- C Inde. drica. ®. Luffa anguleux. Luffa acutangula. C Inde. Archipel indien. ®. Trichosanthes serpent. Trichosan- C Inde (?). thés anguina. ®. Liane Joliffe. Joliffia (ou Telfai-C(?j Zanzibar. ria). ^. Groseillier à maquereaux, Ribes C Europe temp., Afrique sept., Cau- Grossularia. 5. case, Himalaya occid. 386 TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCES Noms et durée. Date. Origine. Groseillier rouge. Ribes rubrum. 5. C Europe sept, et temp., Sibérie, Caucase, Himalaya — Nord-est des Etats-Unis. Groseillier noir. Ribes nigrum. 5. G Europe sept, et moyenne, Armé- nie, Sibéria, Mandschourie, Hi- malaya occid. Kaki. Diospyros Kaki. 5- P) Japon, Chine sept. (?). Diospyros Lotus. 5- (^) Chine, Inde, Afghanistan, Perse, Arménie, Anatolie. Olivier. Olea europœa. 5- A Syrie, Anatolie mérid. et îles voi- sines. Aubergine. Solanum Melongena. ® . A Inde. Figuier. Ficus Carica. 5- ^ Région moyenne et mérid. de la mer Méditerranée (de la Syrie aux Canaries). Arbre à pain. Artocarpus incisa. ^, (?) Iles de la Sonde. Jacquier. Artocarpus integrifolia. J. B(?) Inde. Dattier. Phœnix dactylifera. 3» A. Asie occid. et Afrique occid. (de FEuphrate aux Canarie ). Bananier. Musa sapientum. 5- ^ Asie méridionale. Elœis guineensis. 5- (?) Guinée. CULTIVÉES POUR LES GRAINES lo Nutritives, Li-Tschi. Nephelium Lit-chi. 5- (?) Chine méridion. Cochinchine (?). Longan. Nephelium Longana. 5« (?) Inde. Pegu. Ramboutan . Nephelium lappa- (?) Inde. Pegu. ceum. 5. Pistachier. Pistacia vera. 5» C Syrie. Fève. Faba vulgaris. ®. A Midi de la mer Caspienne (?). Lentille. Ervum Lens. ®. A Asie occid. tempérée, Grèce, Italie. Pois chiche. Cicer arietinum. ®. A Midi du Caucase et de la mer Caspienne. Lupin. Lupinus albus. ®. B Sicile.Macédoine. Midi du Caucase. Termis. Lupinus Termis. ®. A De la Corse à la Syrie. Pois gris. Pisum arvense. ®. C(?) Italie. Pois des jardins. Pisum sativum.®. B Du midi du Caucase à la Perse (?). Inde septentrionale (?). Soja. Dolichos Soja. ®. A Cochinchine. Japon. Java. Cajan. Cajanus indiens. 5* C Afrique équatoriale. Caroubier. Ceratonia Siliqua. 3- A(?)Côte méridion. d'Anatolie, Syrie Cyrénaïque (?). Haricot à feuille d'Aconit. Phaseo- C Inde. lus aconitifolius. ®. Haricot trilobé. Phaseolus trilo- B Inde. Afrique tropicale. bus. ^. ®. Mungo. Phaseolus Mungo. ®. B(?) Inde. Lablab. Phaseolus Lablab. ^. ®. B Inde. Lubia. Phaseolus Lubia. ®. C Asie occidentale (?). Voandzou. Voandzeia subterra- (?) Afrique in ter tropicale. nea. ®. LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE 357 Noms et durée. Date. Origine. Sarrasin. Fagopyrum esculen- C Mandschourie, Sibérie centrale. tum. ®. Sarrasin de Tartarie. Fagopyrum C Tartarie, Sibérie jusqu'en Daou- tataricum. ®. rie. . Sarrasin émarginé. Fagopyrum (?) Cliine occid. Himalaya oriental. emarginatum. ®. Kiery.Amarantusfrumentaceus.®. (?) Inde. Châtaignier. Castaneavulgaris. S' (?) Du Portugal à la mer Caspienne. Algérie orientale. — Variétés ; Japon, Amérique septentrion. Froment. Triticum vulgare , et A Région de TEuphrate. variétés (?). ®. Epeautre. Triticum Spelta. ®. A Dérivé du précédent (?). Locular. Triticum monococcum.®. (?) Servie, Grèce, Anatolie (si Ton admet l'identité avec le Tr. bœo- ticum). Orge à deux rangs. Hordeum di- A Asie occidentale tempérée. stichon. ®. Orge commune (à quatre rangs). (?) Dérivé du précédent (?). Hordeum vulgare. ®. Orge à six rangs. Hordeum hexa- A Dérivé du précédent (?). stichon. ®. Seigle. Secale céréale. ®. B Europe orientale tempérée (?). Avoine ordinaire. Avena sativa. ®. B Europe orientale tempérée (?). Avoine d'Orient. Avena orienta- C(?) Asie occidentale (?). lis. ®. Millet commun. Panicum milia- A Egypte. Arabie. ceum. ®. Panic d'Italie. Panicum italicum.®. A Chine. Japon. Archipel indien (?). Sorgho. Holcus Sorghum. ®. A Afrique tropicale (?). Sorgho sucré. Holcus sacchara- (?) Afrique tropicale (?). tus. ®. Coracan. Eleusine Coracana. ®. B Inde. Riz. Oryza sativa. ®. A Inde. Chine méridionale (?). 2<> Emplois divers. Pavot. Papaver somniferum. ®. B Dérivé du P. setiferum , de la région méditerranéenne. Sinapis alba. ®. B Europe temp. et mérid., Afrique sept., Asie occid. temp. Sinapis nigra. ®. B Mêmes régions. ' Cameline. Camelina sativa. ®. B(?) Europe temp. Caucase. Sibérie. Cotonnier herbacé. Gossypium her- B Inde. baceum. 5. ®. Cotonnier arborescent. Gossypium B(?) Haute Egypte. arboreum. 5» Caféier d'Arabie. Coffea arabica. ^^ C Afrique tropicale (Mozambique, Abyssinie, Guinée). Caféier de Libérie. CoflTea liberi- C Guinée, Angola. ca. ,5. Sésame. Sesamum indicum. ®. A Iles de la Sonde. Muscadier. Myristica fragrans. 5» ^ Moluques. 388 TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCES Noms et durée. Date. Origine. Ricin commun. Ricinus commu- A Abyssinie, Sennaar, Cordofan. Noyer. Juglans regia. ,5. (?) Europe tempérée orient, Asie tempérée. Poivrier noir. Piper nigrum. 5- B Inde. Poivrier long. Piper longum. 5- B Inde. Poivrier officinal. Piper offlcina- B Archipel indien. rum. 5- Poivrier Bétel. Piper Betle. 5* B Archipel indien. Arec. Areca Gatechu. 5- B Archipel indien. Cocotier. Cocos nucifera. ^. (?) Archipel indien (?). Polynésie (?). Espèces originaires d'Amérique. CULTIVÉES POUR LA PARTIE SOUTERRAINE Arracacha. Arracachaesculenta.!^. E Nouvelle-Grenade (?). Topinambour. Helianthus tubero- E(?) Amérique sept. (Indiana.) sus. ^. Pomme de terre. Solanum tubero- E Chili. Pérou (?). sum. ^. Batate. Convolvulus Batatas. 7^. D Amérique tropicale (où ?). Manioc. Manihot utilissima. 5» E Brésil oriental intertropical. Arrow -root. Maranta arundina- (?) Amérique tropicale (continen- cea. 'j^. taie ?). CULTIVÉES POUR LES TIGES OU LES FEUILLES Maté. Ilex paraguariensis. 5. D Paraguay et Brésil occidental. Coca. Erythroxylon Coca. 5. D Pérou oriental, Bolivie orientale. Quinquina Calisaya. Cinchona Ca- F Bolivie, Pérou méridional. lisaya. 5. Quinquina officinal. Cinchona offi- F Equateur (province de Loxa). cinalis. 5* Quinquina rouge. Cinchona succi- F Equateur (province de Cuenca). rubra. 5- Tabac ordinaire. Nicotiana Taba- D Equateur. Pays adjacents (?). cum. ®. Tabac rustique. Nicotiana rusti- E Mexique(?). Texas (?).Californie(?). ca. ®. Maguay. Agave americana. 5- E Mexique (?). CULTIVÉES POUR LES FRUITS Pomme canelle. Anona squamo- (?) Antilles. sa. 5. Corossol. Anona muricata. 5- (?) Antilles. Cœur de bœuf. Anona reticulata. 5. (?) Antilles. Nouvelle-Grenade. Gherimolia. Anona Cherimolia. 5. E Equateur. Pérou (î). Abricotier d'Améi'ique. Mammea (?) Antilles, americana. ,5. LEUR ORIGINE ET LEUR MISE EN CULTURE 359 Noms et durée. Date. Origine. Pommier d'Acajou. Amacardium (?) Amérique intertropicale. occidentale. 5« Fraisier de Virginie. Fragaria vir- F Amérique sept, tempérée. ginica. Tff. Fraisier du Chili. Fragaria chi- F Chili. loensis. Tjf, Goyavier. Psidium Guayava. 5- E Amérique tropicale continentale. Courge Pepon, Citrouille. Cucurbita E Amérique septentr. tempérée. Pepo et Melopepo. ®. Figue d'Inde. Opuntia Ficus-in- E Mexique. dica. 5- Chayotte. Sechium edule. ®. E Mexique (?). Amérique centrale. Caïnitier. Chrysophyllum Gaini- E Antilles. Panama. to. 5. Caïmito. Lucuma Caimito. ,5« E Pérou. Mammeï. Lucuma mammosa. 5* E Région de l'Orénoque. Sapotillier. Sapota Achras. 5- E Gampèche, isthme de Panama, Venezuela. Persimmon. Diospyros virgini- F États-Unis orientaux. ca. 5. Piment annuel. Capsicum an- E Brésil (?). nuum. ®. Piment arbrisseau. Capsicum fru- E* Du Pérou oriental à Bahia. tescens. 5- Tomate. Lycopersicum esculen- E Pérou. tum. ®. Avocatier. Persea gratissima. J. E Mexique. Papayer. Papaya vulgaris. 5- E Antilles. Amérique centrale. Ananas. Ananassa sativa. Tff, E Mexique, Amérique centrale. Pa- nama, Nouvelle-Grenade, Guya- ne (?), Bahia (?). CULTIVÉES POUR LES GRAINES 1° Nutritives. Cacaoyer. Theobroma Cacao. 5- D Région des Amazones, de l'Oré- noque. Panama (?). Yucatan (?). Haricot courbé. Phaseolus luna- E Brésil. tus. ^. Quinoa. Chenopodium Quinoa. ®. E Nouvelle-Grenade (?). Pérou (?). Chili (?). Maïs. Zea Mays. ®. D Nouvelle-Grenade (?). 2" De divers emplois, Rocou. Bixa Orellana. 5- D Amérique intertropicale. Cotonnier des Barbades. Gossy- (?) Nouvelle-Grenade (?). Mexique (?). pium barbadense. 5- Antilles (?). Arachide. Arachis hyjjogœa. ®. E Brésil (?). Madia. Madia sativa. ®. E Chili — Californie. 360 TABLEAU GÉNÉRAL DES ESPÈCES CRYPTOGAME CULTIVEE POUR TOUTE LA PLANTE Champignon des couches. Agari- G Hémisphère boréal, eus campestris. Tf^. Espèces d'une origine complètement inconnue ou incertaine. Haricot commun. Phaseolus vulgaris. ®. Courge musquée. Cucurbita moschata. ®. Courge à feuilles de figuier. Cucurbita flcifolia. î^. \ CHAPITRE II OBSERVATIONS GENERALES ET CONCLUSIONS Article t. — Régions d'on sont sorties les plantes cnltiTées Au commencement du xix^ siècle, on ignorait encore Torigine de la plupart des espèces cultivées. Linné ne s'était donné au- cune peine pour la découvrir, et les auteurs subséquents n'avaient fait que copier les expressions vagues ou erronées dont il s'était servi pour indiquer leurs habitations. Alexandre de Humboldt exprimait donc le véritable état de la science en 1807 lorsqu'il disait : « L'origine, la première patrie des végétaux les ^,,,a>^^^ plus utiles à l'homme et qui le suivent depuis les époques les ^j.„.,5ij^ plus reculées, est un secret aussi impénétrable que la demeure ^ de tous les animaux domestiques Nous^ne savons pas quelle ^fvJrS région a produit spontanément le froment', l'orge, l'avoine et le seigle. Les plantes qui constituent la richesse naturelle de tous ^^ les habitants des tropiques, le Bananier, le Carica Papaya, le Manihot et le Maïs n'ont jamais été trouvés dans l'état sauvage. La pomme de terre présente le même phénomène *. » Aujourd'hui, si quelques-unes des espèces cultivées n'ont pas encore été vues dans un état spontané, il n'en est pas de même de l'immense majorité. Nous savons au moins, le plus souvent, de quels pays elles sont originaires. Cela résultait déjà de mon travail de 1855, que les recherches actuelles plus étendues con- firment presque toujours. Celles-ci ont porté sur 247 espèces * cultivées soit en grand par les agriculteurs, soit dans les jardins potagers ou fruitiers. J'aurais pu en ajouter quelques-unes rare- ment cultivées, ou mal connues, ou dont la culture a été aban- 1. Essai sur la géographie des plantes^ p. 28. 2. En comptant deux ou trois formes qui sont plutôt des races très dis- tinctes.. 362 OBSERVATIONS GÉNÉRALES donnée; mais les résultats statistiques auraient été sensiblement les mêmes. Sur les 247 espèces que j'ai étudiées, l'ancien monde en a fourni 199, l'Amérique 45, et 3 sont encore douteuses à cet égard. Aucune espèce n'était commune aux parties tropicales ou australes des deux mondes avant d'être mises en culture. L'A/- lium Schœnoprasum^ le Fraisier (Fragaria vesca), le Groseillier {Bibes rubrum), le Châtaignier {Castanea vulgaris) et le Cham- pignon de couches (Agaricus campestris) étaient communs aux régions septentrionales de l'ancien et du nouveau monde. Je les ai comptés comme de l'ancien monde, parce que c'est là qu'est leur habitation principale, et qu'on a commencé de les cultiver. Un très grand nombre d'espèces sont originaires à la fois d'Europe et de l'Asie occidentale, d'Europe et de Sibérie, de la région méditerranéenne et de l'Asie occidentale, de l'Inde et de l'Archipel asiatique, des Antilles et du Mexique, de ces deux ré- gions et de la Colombie, du Pérou et du Brésil, ou du Pérou et de la Colombie, etc., etc. On pourrait les compter dans le tableau. C'est une preuve de l'impossibilité de subdiviser les continents et de classer les îles en régions naturelles bien définies. Quel que soit le mode de division, il y aura toujours des espèces communes à deux, trois ou quatre régions, et d'autres cantonnées dans une petite partie d'un seul pays. Les mêmes faits se présentent pour les espèces non cultivées. Une chose vaut la peine d'être notée : c'est l'absence ou l'ex- trême rareté de plantes cultivées originaires de certains pays. Par exemple, aucune n'est venue des régions arctiques ou an- tarctiques, dont les flores, il est vrai, se composent d'un petit nombre d'espèces. Les Etats-Unis, malgré leur vaste territoire, qui fera vivre bientôt des centaines de millions d'hommes, ne présentaient, en fait de plantes nutritives, dignes d'être culti- vées, que le Topinambour et des Courges. Le Zizania aqiiatica, que les indigènes récoltaient à l'état sauvage, est une Graminée trop inférieure à nos céréales et au Riz pour qu'il valût la peine de la semer. Ils avaient quelques bulbes et baies comestibles, mais ils n'ont pas essayé de les cultiver, ayant reçu de bonne heure le Maïs, qui valait infiniment mieux. La Patagonie et le Cap n'ont pas fourni une seule espèce. La Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande ont donné un arbre, Eucalyptus globulus^ et un légume, peu nourrissant, le Tetra- gonia. Leurs flores manquaient essentiellement de Graminées, analogues aux céréales, de Légumineuses à graines comestibles, et de Crucifères à racines charnues *. Dans la partie tropicale et humide de la Nouvelle-Hollande, on a trouvé le Riz et VAloca' sia macrorhiza sauvages, ou peut-être naturalisés; mais la plus 1. Voir la liste des plantes utiles d'Australie, par sir J. Hooker, Flora TasmanniXy p. ex, et Bentham, Flora atislraliensis, 7, p. 130, 156. OBSERVATIONS GÉNÉRALES 363 grande partie du pays soufFre trop de la sécheresse pour que ces espèces aient pu s'y répandre. En général, les régions australes avaient fort peu de plantes annuelles, et, dans leur nombre si restreint, aucune n'offrait des avantages évidents. Or, les espèces annuelles sont les plus faciles à cultiver. Elles ont joué un grand rôle dans les anciennes cul- tures des autres pays. En définitive, la distribution originelle des espèces cultivées était extrêmement inégale. Elle n'avait de rapport ni avec les be- soins de rhomme ni avec l'étendue des territoires. Article 2. — IVombre et nature des espèces cultiTées depnis des époqnes dllfér entes. On doit considérer comme d'une culture très ancienne les es- pèces marquées A dans le tableau de la page 351. Elles sont au nombre de 44. Quelques-unes des espèces marquées B sont pro- bablement aussi anciennes, sans qu'on ait pu le constater. Enfin les cinq espèces américaines marquées D sont probablement d'une ancienneté de culture à peu près aussi grande que celles de la catégorie A ou que les plus vieilles de la catégorie B. Gomrqja^Qja.j )Ouvait le prévû lr^ les e§pLè.ce&-A.,sont surtûuLdes plantes ppuTYues de racines, fruits ou^raines^£ro|ires à la nour- riture 3^ Jl>omnae7"Tîerinent, .ens^^ ayant des fruits agréables au_gqïïï, ou textil ej, tinctoriales, oléifères, ou doTfifânt dés"l5oïssons" ëxciTà'nTes par infusion ou fermenta- tiqn. Elles présentent seulement deux légumes verts et n'ont pas un seul fourrage. Les familles qui prédominent sont les Crucifères, Légumineuses et Graminées. Le nombre des espèces annuelles est de 22 sur 44, soit 50 0/0. Dans les cinq espèces américaines marquées D, il y en a deux annuelles. Dans la catégorie A se trouvent trois espèces bisan- nuelles, et D n'en a aucune. Dans l'ensemble des Phanérogames, les espèces annuelles ne dépassent pas 15 0/0, et les bisannuelles s'élèvent ai ou au plus 2 0/0. Il est clair qu'au début de la ci- vilisation les plantes dont le produit ne se fait pas attendre sont celles qu'on recherche le plus. Elles offrent d'ailleurs l'avan- tage qu'on peut répandre et multiplier leur culture, soit à cause de l'abondance des graines, soit parce qu'on cultive la même espèce en été dans le nord et en hiver ou toute l'année dans les pays tropicaux. Les plantes vivaces sont bien rares dans les catégories A et D. Elles ne s*élèvent pas à plus de deux, soit 4 0/0, à moins qu'on ne veuille ajouter le Brassica oleracea et la forme du Lin, ordinairement vivace (Z. angustifolium), que cultivaient 364 OBSERVATIONS GÉNÉRALES VAOrf'^^ les lacustres suisses. Dans la nature, les espèces vivaces con- stituent à peu près 40 0/0 des Phanérogames *. A et D renferment 20 espèces ligneuses, sur 49, soit près de 41 0/0. Dans l'ensemble des Phanérogames, elles entrent pour environ 43 0/0. [ Ainsi, les premiers cultivateurs ont employé surtout des l plantes annuelles ou bisannuelles, un peu moins de plantes li-| 4-gneuses, et beaucoup moins encore d espèces vivacesrtTès dif- r iférences doivent tenir à la facilité des cultures, combinée avec lia proportion d'espèces évidemment utiles de chacune des 1 xlivisions. Les espèces de l'ancien monde marquées B sont cultivées depuis plus de 2000 ans, mais quelques-unes appartiennent peut- être à la catégorie A sans qu'on le sache. Les américaines mar- quées E étaient cultivées avant Christophe Colomb, depuis peut- être plus de 2000 ans. Beaucoup d'autres espèces marquées d'un(?) dans les tableaux datent probablement aussi d'une épo- que ancienne ; mais, comme elles existent surtout dans des pays sans littérature et sans aucun document archéologique, on ignore leur histoire. Il est inutile d'insister sur des catégories aussi douteuses; au contraire, les plantes qu'on sait avoir été cultivées dans l'ancien monde depuis moins de 2000 ans, ou en Amérique depuis l'époque de la découverte, méritent d'être comparées avec les plantes très anciennement cultivées. Ces espèces, de culture moderne, s'élèvent à 61 de l'ancien monde, marquées G, et 6 d'Amérique, marquées F; en tout 67. Classées selon leur durée, elles comptent 37 0/0 annuelles, 7 à 8 0/0 bisannuelles, 33 0/0 vivaces et 22 à 23 0/0 ligneuses. La proportion des annuelles ou bisannuelles est encore ici plus forte que pour l'ensemble des végétaux, mais elle est moins grande que parmi les espèces de culture très ancienne. Les proportions de plantes vivaces ou ligneuses sont moindres que dans le règne végétal tout entier, mais elles sont plus élevées que parmi les espèces A, de culture très ancienne. Les plantes cultivées depuis moins de deux mille ans sont surtout de^JÙDouxages^airtifi^id que les anciens connaissaient à peine; ensuite queîquês~'BïïIbes, légumes, plantes officinales (Cinchonas), plantes à fruits comestibles, ou à graines nutritives (Sarrasins), ou aromatiques (Caféier), etc. Les hommes n'ont pas découvert depuis 2000 ans et cultivé une seule espèce qui puisse /rivaliser avec le Maïs, le Riz, la Balate, la Pomme de terre, /l'Arbre à pain, le Dattier, les Céréales, les Millets, les Sorghos, y le Bananier, le Soja. Celles-ci remontent à trois, quatre ou 1 1 cinq mille ans, peut-être même, dans certains cas, à six mille 1. Les proportions que j'indique pour l'ensemble des Phanérogames sont basées sur un calcul approximatif, fait au mo]^en des deux cents premières Sages du Nomenclator de Steudel. Elles sont justifiées par la comparaison e quelques flores. ^v. OBSERVATIONS GÉNÉRALES 365 ans. Pendant la durée de la civilisation gréco-romaine et depuis, les espèces mises en culture répondent presque toutes à des besoins plus variés ou plus raffinés. Il s'est fait aussi un grand travail d'extension des espèces anciennes d'un pays à l'autre, et en même temps de sélection de variétés meilleures survenues dans chaque espèce. Les introductions depuis deux mille ans ont eu lieu d'une façon très irrégulière et intermittente. Je ne pourrais pas citer une seule espèce mise en culture depuis cette date par les Chi- nois, ces grands cultivateurs des temps anciens. Les peuples de l'Asie méridionaleou occidentale ont innové, dans une certaine mesure, en cultivant les Sarrasins, plusieurs Gucurbitacées, quelques AUium, etc. En Europe, les Romains, et, dans le moyen âge, divers peuples, ont introduit la culture de certains légumes ou fruits et celle de plusieurs fourrages. En Afrique, un petit nombre de cultures ont commencé alors, isolément. Lors- que les voyages de Vasco de Gama et Christophe Colomb sont survenus, l'effet produit a été une diffusion rapide des espèces déjà cultivées dans l'un ou l'autre hémisphère. Les transports ont continué pendant trois siècles, sans qu'on se soit occupé sérieusement de cultures nouvelles. Dans les deux ou trois cents ans qui ont précédé la découverte de l'Amérique et les deux cents qui ont suivi, le nombre des espèces cultivées est resté presque complètement stationnaire. Les Fraisiers d'Amérique, le Diospyros virginianaj le Sea-Kale {Cramhe maritima) et le Tetragonia ex- pansa, introduits dans le xviii® siècle, n'ont guère eu d'impor- tance. Il faut arriver au milieu du siècle actuel pour constater de nouvelles cultures de quelque valeur au point de vue uti- Utaire. Je rappellerai VEucalyptus globulus d'Australie et les Cinchonas de PAmérique méridionale. Le mode d'introduction de ces dernières espèces montre le changement énorme qui s'est fait dans les moyens de transport. Précédemment, la culture d'une plante commençait dans le pays où elle existait, tandis que l'Eucalyptus d'Australie a été planté et semé d'abord en Algérie, et les Cinchonas d'Amérique, dans l'Asie méridionale. Jusqu'à l'époque actuelle, les jardins botani- que ou d'amateurs avaient répandu des espèces déjà cultivées quelque part. Maintenant ils introduisent des cultures absolu- ment nouvelles. Le jardin royal de Kew se distingue sous ce rapport, et d'autres jardins botaniques ou des sociétés d'accli- matation, en Angleterre et ailleurs, font des tentatives analo- gues. Il est probable que les pays tropicaux en profiteront lar- gement d'ici à un siècle. Les autres y trouveront aussi leur avantage, vu les facilités croissantes pour le transport des denrées. Lorsqu'une espèce a été répandue dans les cultures, il est rare, et peut-être même sans exemple, qu'on l'abandonne complè- tement. Elle continue plutôt d'être cultivée çà et là dans des 366 OBSERVATIONS GÉNÉRALES pays arriérés ou dont le climat lui est particulièrement favora- ble. J'ai laissé de côté dans mes recherches quelques-unes de ces espèces à peu près abandonnées, comme le Pastel {Isatis tinctoria)^ la Mauve {Malva sylvestris), légume usité chez les Romains, certaines plantes officinales fort employées autrefois, comme le Fenouil, le Cumin, la Nigelle, etc., mais il est certain qu'on les cultive encore partiellement. La concurrence des espèces fait que la culture de chacune aug- mente ou diminue. En outre, les plantes tinctoriales et officina- les sont fortement menacées par les découvertes des chimistes. Le Pastel, la Garance, l'Indigo, la Menthe et plusieurs simples doivent céder devant l'invasion des produits chimiques. Il est possible qu'on parvienne à faire de l'huile , du sucre , de la fécule, comme on fait déjà du miel, du beurre et des gelées, sans se servir des êtres organisés. Rien ne changerait plus les conditions agricoles du monde que la fabrication, par exemple, de la fécule, au moyen de ses éléments connus et inorgani- ques. Dans l'état actuel des sciences, il y a encore des produits qu'on demandera, je présume, de plus en plus au règne végétal : ce sont les matières textiles, le tannin, le caoutchouc, la gutta- percha et certaines épices. A mesure qu'on détruit les forêts d'où on les tire et que ces matières seront en même temps plus de- mandées, on sera plus tenté de mettre en culture certaines espèces. Elles appartiennent généralement aux flores des pays tropi- caux. C'est aussi dans ces régions, en particulier dans l'Améri- que méridionale, qu'on aura l'idée de cultiver certains arbres fruitiers, par exemple de la famille des Anonacées, dont les indigènes et les botanistes connaissent déjà le mérite. On aug- mentera probablement les fourrages et les arbres forestiers de nature à vivre dans des pays chauds et secs. Les additions ne seront pas nombreuses dans les régions tempérées, ni surtout dans les régions froides. D'après ces données et ces aperçus, il est probable qu'à la fin du XIX® siècle les hommes cultiveront en grand et pour leur uti- lité environ 300 espèces. C'est une petite proportion des 120 ou 140 000 du règne végétal; mais dans l'autre règne, la propor- tion des êtres soumis à l'homme est bien plus faible. Il n'y a peut-être pas plus de 200 espèces d'animaux domestiqués ou simplement élevés pour notre usage, et le règne animal compte des millions d'espèces. Dans la grande classe des Mollusques, on élève l'huître, et dans celle des Articulés, qui compte dix fois plus d'espèces que le règne végétal, on peut citer l'abeille et deux ou trois insectes produisant de la soie. Sans doute le nom- bre des espèces animales ou végétales qu'on peut élever ou cultiver pour son plaisir ou par curiosité est immense : témoins les ménageries et les jardins zoologiques ou botaniques; mais OBSERVATIONS GÉNÉRALES 367 je ne parle ici que des plantes et des animaux utiles, d'un em- ploi général et habituel. Article 3. — Plante» cnltlTées qu'on connaît on ne connaît pas à Tétat saoTag^e. La science est parvenue à constater Torigine géographique de presque toutes les espèces cultivées, mais elle a fait moins de progrès dans la connaissance de ces espèces à Tétat spon- tané, c'est-à-dire sauvages, loin des cultures et des habitations. Il y a des espèces qu'on n'a pas trouvées dans cet état et d'au- tres pour lesquelles les conditions d'identité spécifique ou de véritable spontanéité sont douteuses. Dans rénumération qui suit, j'ai classé les espèces en catégo- ries d'après le degré de certitude sur la qualité spontanée et la nature des doutes, lorsqu'il en existe *. I. Espèces spontanées, c'est-à-dire sauvages, vues par plusieurs bota- nistes loin des habitations et des cultures, avec toutes les apparences de plantes indigènes, et sous une forme identique avec Tune des variétés cultivées. — Ce sont les espèces qui ne sont pas énumérées ci-dessous. Leur nombre est de 169 Parmi ces 169 espèces, 31 appartiennent aux catégories marquées A ou D, de culture très ancienne ; 56 sont cultivées depuis moins de 2000 ans (G), et les autres sont d'une date moyenne ou inconnue. II. Vues et récoltées dans les mêmes conditions, mais par un seul botaniste et dans une seule localité 3 Cucurbita maxima, Faba vulgaris, ^icotiana Tabacum, III. Vues et mentionnées, mais non récoltées, dans les mêmes condi- tions, par un ou deux auteurs non botanistes, plus ou moins anciens, qui peuvent s'être trompés 2 Carthamus tinctorius, Trittcum vulgare. IV. Récoltées sauvages, par des botanistes, dans plusieurs localités, sous une forme légèrement différente de celles qu'on cultive, mais que la plupart des auteurs n'hésitent pas à classer dans l'espèce... ^ Olea europœa^ Oryza sativa, Solanum tuberosum, Vitis vinifera. V. Sauvages, récoltées par des botanistes, dans plusieurs localités, sous des formes considérées par quelques auteurs comme devant constituer des espèces différentes, tandis que d'autres les traitent comme des variétés 45 AUium Ampeloprasum Porrum , Gichorium Endivia var *. Crocus j^ sativus var., Cucumis Melo ', Cucurbita Pepo, Helianthus tuberosus, ^ Lactuca Scariola saliva, Linum usitatissimum aunnum^ Lycopersicum esculentum, Papaver somniferum, Pyrus nivalis var., Ribes Grossu- laria *, Solanum Melongena, Spinacia oleracea var *, Triticum mo- nococcum. 1. Les espèces en italiques sont de culture très ancienne (A ou D); celles marquées * sont cultivées depuis moins de deux mille ans (G ou F). 368 OBSERVATIONS GÉNÉRALES VI. Subspontanées, c'est-à-dire presque sauvages, semblables à Tune des formes cultivées, mais avec la chance que ce soient des plantes échappées des cultures, d'après les circonstances locales .... 24 Agave americana, Amarantus gangeticus, Amygdalus Persica, Areca Catechu, Avena orientalis *, Avena saliva, Cajanus indicus *, Cicer arietinum, Ciirus decumana, Cucurbita moschata, Dioscorea japonica, Ervum Ervilia, Ervum Lens^ Fagopyrum emarginatum, Gossypium barbadense, Holcus saccharatus, Holcus Sorghum, Indigofera tinctoria, Lepidium sativum, Maranta arundinacea, Nicotiana rustica, Panicum muiaceuniy Raphanus sativus, Spergula arvensis. VII. Subspontanées comme les précédentes, mais ayant une forme assez différente des variétés cultivées pour que la majorité des auteurs les considèrent comme des espèces distinctes 3 Allium ascalonicum * (forme de i'^l. Cepa.?), Allium Scorodoprasum * (forme de l'A. sativum?), Secale céréale (forme de Tun des Secale vivaces?). VIII. Non découvertes dans un état sauvage, ni même dans un état subspontané, issues peut-être depuis le commencement des cultures d'espèces cultivées, mais trop différentes pour n'être pas appelées ordinairement des espèces 3 Hordeum hexastichon (dérivé de VH. distichon ?), Hordeum vulgare (dé- rivé de YH. distichon ?), Triticum Spelta (dénvé du T. vulgare ?). IX. Non découvertes dans un état sauvage, ni même subspontané, mais originaires de pays qui ne sont pas suffisamment explorés, et qu'on soupçonne devoir être plus tard réunies à des espèces sauvages encore mal connues de ces pays 6 Arachis hypogaea, Caryophyllus aromaticus, Convolvolus Batatas, Do- lichos Lubia *, Maninot utilissima, Phaseolus vulgÉU^is. X. Non découvertes dans un état sauvage, ni même subspontané, mais originaires de pays qui ne sont pas suffisamment explorés, ou de pays de même nature qu'on ne peut pas préciser, plus distinctes que les précédentes des espèces connues 18 Amorphophallus Konjak, Arracacha esculenta, Brassica chinensis, Cap- sicum annuum, Chenopodium Quinoa, Citrus nobilis, Cucurbita fici- folia, Dioscorea data, Dioscorea Batatas, Dioscorea saliva, Eleusîne Coracana, Lucuma mammosa, Nephelium Litchi, Pisum sativum *, Saccharum officinarum, Sechium edule, Trichosanlhes angoina *, Zea Maïs. Total 2i7 D'après ces chiffres, il y a 193 espèces reconnues sauvages, 27 douteuses, en tant que subspontanées, et 27 qu'on n'a pas trouvées sauvages. Il est permis de croire qu'on découvrira tôt ou tard ces der- nières, si ce n'est sous une des formes cultivées, au moins sous une forme voisine, appelée espèce ou variété, selon l'idée de chaque auteur. Il faudra pour y parvenir que les pays tropicaux aient été mieux explorés, que les collecteurs aient fait plus d'at- tention aux localités et qu'on ait publié beaucoup de flores des pays actuellement mal connus et de bonnes monographies de OBSERVATIONS GÉNÉRALES 369 certains genres, en s'appuyant sur les caractères qui varient le moins dans la culture. Quelques espèces originaires de pays assez bien explorés et impossibles à confondre avec d'autres, parce qu'elles sont uni- ques chacune dans son genre, n'ont pas été trouvées à l'état sau- vage, ou Font été une fois seulement, ce qui peut faire présumer qu'elles sont éteintes dans la nature, ou en voie d'extinction. Je veux parler du Maïs et de la Fève (voir p. 311 et 253). J'indique aussi, dans l'article 4, d'autres plantes qui paraissent en voie d'extinction depuis quelques milliers d'années. Ces dernières appartiennent à des genres nombreux en espèces, ce qui rend l'hypothèse moins vraisemblable *; mais, d'un autre côté, elles se montrent rarement loin des cultures, et on ne les voit guère se naturaliser, — j'entends devenir sauvages, — ce qui montre une certaine faiblesse ou trop de facilité à devenir la proie d'ani- maux et de parasites. Les 67 espèces mises en culture depuis moins de 2000 ans (G, F) se trouvent toutes à l'état sauvage excepté onze marquées *, qu'on n'a pas rencontrées ou sur lesquelles on a des doutes. C'est une proportion de 83 0/0. Ce qui est plus singulier, la grande majorité des espèces cul- tivées depuis plus de 4000 ans (A), ou en Amérique depuis 3 ou 4000 (D), existent encore sauvages, dans un état identique avec l'une des formes cultivées. Leur nombre est de 31, sur 49, c'est-à- dire 63 0/0. Si l'on ajoute celles des catégories II, III, IV et V, la proportion est de 81 à 82 0/0. Dans les catégories IX et X, on ne compte plus que deux de ces espèces très anciennes de cul- ture, soit 4 0/0, et ce sont deux espèces qui n'existent peut-être plus comme plantes spontanées. Je croyais, à priori, qu'un beaucoup plus grand nombre des espèces cultivées depuis plus de 4000 ans auraient dévié de leur état ancien, à un degré tel qu'on ne pourrait plus les recon- naître parmi les plantes spontanées. Il paraît, au contraire, que les formes antérieures à la culture se sont ordinairement con- servées à côté de celles que les cultivateurs obtenaient et pro- pageaient de siècle en siècle. On peut expliquer ceci par deux causes : l**La période de 4000 ans est courte relativement à la durée de la plupart des formes spécifiques dans les plantes phanérogames. 2» Les espèces cultivées reçoivent, hors des cultures, des renforts incessants par les graines que l'homme, les oiseaux et divers agents naturels dispersent ou transportent de mille manières. Les naturalisations ainsi produites confon- dent souvent les pieds issus de plantes sauvages, avec ceux issus de plantes cultivées, d'autant mieux qu'ils se fécondent mutuellement, puisqu'ils sont de même espèce. Ce fait est clai- 1. Par des raisons que je ne puis développer ici, les genres monotypes sont ordinairement en voie d'extinction. De Candolle. 24 J 370 OBSERVATIONS GÉNÉRALES remenl démontré quand il s'agit d'une espèce de l'ancien monde cultivée en Amérique, dans les jardins, et qui s'établit plus tard en masse dans la campagne ou les forêts, comme le Gardon à Buenos-Ayres et les Orangers dans plusieurs contrées amé- ricaines. La culture étend les habitations. Elle supplée aux dé- ficits que peut avoir la reproduction naturelle des espèces. Ouelques-unes cependant font exception, et il vaut la peine d'en parler dans un article spécial. Article 4. — Plantes ealtiTées qai sont en Toie d'extinction on éteinte» lior» des cnltores. Les espèces auxquelles je viens de faire allusion présentent trois caractères assez remarquables : 1** Elles n'ont pas été découvertes à l'état sauvage, ou ne l'ont été qu'une fois ou deux, souvent même d'une manière con- testable, bien que les régions d'où elles sont sorties aient été visitées par plusieurs botanistes. 2** Elles n'ont pas la faculté de se semer et de se propager indéfiniment hors des terrains cultivés. En d'autres termes elles tie dépassent pas en pareil cas la condition de plantes adventives. 3** On ne peut pas soupçonner qu'elles sont issues, depuis 'époque historique, de certaines espèces voisines. Ces trois caractères se trouvent réunis dans les espèces sui- vantes : Fève IFaba vulgnris). Tabac (Nicotiana Tabacum). Pois cniche (Cice)^ arietinum) Froment (Triiicum vulgare). Ërs {Ervum Ervilia), Maïs (Zea Mays). LenUUe (Erwm Lens). Il faudrait ajouter la Batate {Convolvulus Batatas)^ si les •espèces voisines étaient mieux connues comme distinctes, et le Carthame {Carthamus tinctorius)^ si l'intérieur de l'Arabie avait été exploré et qu'on n'y eût pas trouvé cette plante indiquée jadis par un auteur arabe. Toutes ces espèces, et probablement d'autres de pays peu connus ou de genres mal étudiés, paraissent en voie d'extmction ou éteintes. A supposer que la culture cessât dans le monde, elles disparaîtraient, tandis que la majorité des autres plantes cultivées se seraient naturalisées quelque part et resteraient à l'état sauvage. Les sept espèces mentionnées tout à l'heure, excepté le Tabac, ont des graines remplies de fécule, qui sont recherchées par les oiseaux, les rongeurs et divers insectes, sans pouvoir traverser intactes leurs voies digestives. C'est probablement la cause, unique ou principale, de leur infériorité dans la lutte pour l'existence. Ainsi, mes recherches sur les plantes cultivées montrent que OBSERVATIONS GÉNÉRALES 371 certaines espèces végétales sont en voie d'extinction ou éteintes depuis Tépoque historique, et cela, non dans de petites îles, mais sur de vastes continents, sans qu'on ait constaté des modifications de climat. C'est un résultat important pour l'his- toire des règnes organisés, à toutes les époques. Article 5. — Réflexions diverse». Je mentionnerai sommairement les suivantes : 1° Les plantes mises en culture n'appartiennent pas à une ca- tégorie particulière, car elles se classent dans cinquante et une familles différentes. Ce sont toutes cependant des Phanéro- games, excepté le Champignon des couches {Agaricus campestris) . 2® Les caractères qui ont le plus varié dans la culture sont, eh commençant par les plus variables : A, la grosseur, la forme et la couleur des parties charnues, quelle que soit leur situation (racine, bulbe, tubercule, fruit ou graine), et l'abondance de la fécule, du sucre et autres matériaux, qui se déposent dans ces parties; — B, l'abondance des graines, qui est souvent inverse du développement des parties charnues de la plante ; — G, la forme, la grandeur ou la pubescence des organes floraux qui persistent autour des fruits ou des graines; — D, la rapidité des phénomènes de végétation, de laquelle résulte souvent la qualité de plante ligneuse ou herbacée et de plante vivace, bisan- nuelle ou annuelle. Les tiges, feuilles et fleurs varient peu dans les plantes cul- tivées pour ces organes. Ce sont les dernières formations de chaque pousse annuelle ou bisannuelle qui varient le pl«s; en d'autres termes, les résultats de la végétation varient plus que les organes qui en sont la cause. 3° Je n'ai pas aperçu le moindre indice d'une adaptation au froid. Quand la culture d'une espèce avance vers le nord (Maïs, Lin, Tabac, etc.), cela s'explique par la production de variétés hâtives qui ont pu mûrir avant la saison froide, ou par Tusage de cultiver dans le nord, en été, des espèces qu'on sème dans le midi en hiver. L'étude des limites boréales des espèces spon- tanées m'avait conduit jadis au même résultat, car elles n'ont pas changé depuis les temps historiques, bien que les graines soient portées fréquemment et continuellement au nord de chaque li- mite. Il faut, parait-il, pour une modification permettant de supporter des degrés plus intenses de froid, des périodes beaucoup plus longues que 4 ou oOOO ans, ou des changements de forme et de durée. 4° Les classifications de variétés faites par les agriculteurs et horticulteurs reposent ordinairement sur les caractères qui va- rient le plus (forme, grosseur, couleur, saveur des parties char- nues, barbes des épis, etc.). Les botanistes se trompent quand ils 372 OBSERVATIONS GÉNÉRALES suivent cette voie. Ils devraient consulter les caractères, plus fixes, des organes pour lesquels on ne cultive pas les espèces. 5° Une espèce non cultivée étant un groupe de formes plus ou moins analogues, parmi lesquelles on peut distinguer souvent des groupes subordonnés (races, variétés, sous-variétés), il a pu arriver qu'on ait mis en culture deux ou plusieurs de ces formes un peu différentes. C'est ce qui a dû se passer surtout quand l'habitation d'une espèce est vaste, et plus encore quand elle est disjointe. Le premier cas est probablement celui des Choux ( Bi^assica) j du. Lin, du Cerisier des Oiseaux {Prunus avium), du Poi- rier commun, etc. Le second s'est présenté probablement pour la Gourde, le Melon et le Haricot trilobé, qui existaient à la fois dans rinde et l'Afrique, avant la culture. 6*^ On ne connaît pas de caractère distinctif entre une plante naturalisée issue, depuis quelques générations, de pieds culti- vés, et une plante sauvage issue de pieds anciennement sauvages. Toutefois, dans la transition de plante cultivée à plante spon- tanée, les traits particuliers qui se propagent par la greffe dans les cultures ne se conservent pas de semis. Par exemple, TOlivier devenu sauvage est à l'état à^Oleaster, le Poirier a des fruits moins gros, le Châtaignier marron donne un fruit tout ordi- naire. Du reste, on n'a pas encore observé suffisamment, de gé- nération en génération, les formes naturalisées d'espèces sorties des cultures. M. Sagot ^ l'a fait pour la vigne. Il serait intéres- sant de comparer de la même manière avec leurs formes cul- tivées les Citrus, le Persica et le Cardon naturalisés en Amé- rique, loin de leur pays d'origine, de même que l'Agave et la Figue d'Inde sauvages en Amérique avec leurs variétés naturali- sées dans l'ancien monde. On saurait exactement ce qui per- siste après un état temporaire de culture. 7° Une espèce peut avoir eu avant la culture une habitation restreinte et occuper ensuite une immense étendue comme plante cultivée et quelquefois naturalisée. 8° Dans l'histore des végétaux cultivés, je n'ai aperçu aucun indice de communications entre les peuples de l'ancien et du nouveau monde avant la découverte de l'Amérique par Colomb. Les Scandinaves, ,qui avaient poussé leurs excursions jusque dans le nord des Etats-Unis, et les Basques du moyen âge, qui avaient suivi des baleines peut-être jusqu'en Amérique, ne pa- raissent pas avoir transporté une seule espèce cultivée. Le cou- rant du Gulf-Stream n'a produit également aucun effet. Entre l'Amérique et l'Asie, deux transports de plantes utiles ont peut- être eu lieu, l'un par l'homme (Batate), l'autre par Thomme ou par la mer (Cocotier). 1. Sagot, Sur une vigne sauvage croissant en abondance dans les bois au- tour de Belley. FIN. INDEX iV. B. — Toutes les espèces sont reproduites dans le tableau des pages 351-359, sans qu'on l'ait indiqué ici. Il en est de même de celles men- tionnées dans les pages 360-372. Abricotier. 171 Abricotier d'Amérique 150 Ache 72 Agaricus campestris 359 Agave americana 13S AU 50 Alligator pear 232 Allium Ampeloprasum, Porrum 81 — Ascalonicum 55 — Cepa 52 — fistulosum 54 — sativum 50 — Schœnoprasum 57 — Scorodoprasum 56 Alocasia macrorhiza 60 Amandier 174 Amarantus, div. esp 80 — frumentaceus 282 — gangeticus 80 Amidonier 293 Amorphophallus Konjak 61 — Rivieri .... 61 Amygdalus communis 174 — Persica 176 Anacardium occidentale 158 Ananas 248 Andropogon saccharatus 307 — Sorghum 305 Anona Cherimolia 138 — muricata.. 137 — reticulata 138 — squamosa 133 Anthriscus Cerefolium 71 Apium graveolens Jl Arachide, Arachis hypogœa MO Arbre à pain 2'3S Arec, Areca 344 Armeniaca vulgaris 171 Arracacha esculenta 32 Arroche 353 Arrow-rool 64 Artichaut 73 Artocarpus incisa 238 — integrifolia 239 Arum esculentum. . , 58 — macrorhizon 60 Asparagus offîcinalis 353 Asperge , 353 Atriplex hortensis 353 Aubergine 229 Avena. . ..^ 299 Avocatier 232 Avoines 299 Bananier 242 Batatas edulis, Batate 42 Baumweichsel Ifô Benincasa 213 Beta vulgaris 46 Bette , Betterave 46 Bibassier 355 Bisaille 262 Bixa Orellana 328 Blé de momie 290 — de Pologne 289 — de Tartarie 281 — de Turquie 311 — dur 289 — noir : 279 Bœhmeria nivea 116 Brassica campestris 39 — chinensis 352 — Napus 29 — oleracea 29, 66 — Râpa 29 Brède de Malabar 80 Bromelia Ananas \ 248 Bullocks heart 138 Cacaoyer 250 Caféier 333 Caféier de Libérie 336 Caïmito 227 Caïnitier 227 Cajan, Cajanus indiens 266 Calebasse 195 Cameline 357 Campanula Rapunculus 352 Cannabis sativa 117 Canne à sucre '. ... 122 Cannelier 116 Capsicum...- 229, 230 Cardon 73 Carica Papaya 233 374 INDEX Carotte 351 Caroubier 268 Garthame, Carthamus tinctorius 130 Garyophyllus aromaticus 128 Cassis 222 Castanea vulgaris , 283 Cat, Catha edulis 106 Cédratier 141 Celastrus edulis 106 Céleri 71 Cerasus vulgaris 165 Ceratonia Siliqua 268 Cerfeuil 71 Cerisier commun 165 — des oiseaux 163 Champignon des couches 359 Chanvre 117 Châtaignier 283 Chayote 217 Chenopodium Quinoa 282 Cherimolia 138 Chervis 31 Chicorée 77 China grass 116 Chou 66 Chou de Chine. 352 Choux-raves 29 Chrysophyllum Caïnito 227 Ciboule : . . . 54 Ciboulette 57 Cicer arietinum 258 Cichorium Endivia 77 Cinchona 358 Cinnamomum zeylanicum 1 16 Citronnier 139, 141 Citrouille 200 Citrus 139 Citrus Aurantium 144 — decumana 140 — medica , 141 — nobilis 149 CitruUus vulgaris 209 Civette 57 Coca 107 Cochlearia Ârmoracia 26 Cocos nucifera. Cocotier 345 Cœur de bœuf 138 Coffea arabica 333 — liberica 336 Cojjnassier , 188 Coiocasia antiquorum 58 Concombre 210 Concombre Anguria 212 Convolvolus Batatas 42 Côracan 357 Cdrchorus 103 Corossol 137 Cotonnier arborescent 325 — des Barbades 328 — herbacé 323 Cougourde 195 Courge à feuilles de figuier 205 — melonée musquée 204 — Pépon 200 Crambe maritima 352 Cran, Cranson 26 Cresson alénois 68 — de fontaine 352 Crocus sativus 132 Cucumis Auguria 212 — Melo 205 — sativus 210 Cucurbita Citrullus 209" — ficifolia 205 ^ Lagenaria 195 — maxima 199 — Melopepo, pepo 200 — moscnata ,... 204 Curcuma angustifolia 65 Custard apple 138 Cydonia vulgaris 188 Cynara Cardunculus 73 — Scolymus 73 Cytisus Cajan 266 Dattier 240 Daucus Carota 351 Dioscorea, div. esp 61 Diospyros Kaki 356- — Lotus 35& — virginica 359 Dolichos Lablab 277 — Lubia 278- — Soja 264 Doucette 73^ Echalote 55 Ela;is guineensis 344 Eleusine Coracana 357 Endive 77 Engrain 293 Epeautre 291 Epinard 78 Eriobotrya japonica 355 Ers, Ervum Ervilia © — Lens 257 Erythroxylon Coca 107 Escourgeon 296 Esparcette 8^ Eucalyptus globulus 354 Eugenia Jambos 191 — malaccensis 192 Evi 161 Faba vulgaris 253 Fagopyrum 27^ — emarginatum 281 — tataricum 281 Fenu grec 8^ Fève 253 Ficus Carica 235 Figue d'Inde 218 Figuier 235 Fragaria chiloensis 163 — vesca 161 — virginiana 163 Fraisier 161 Fraisier du Chili 163 — de Virginie 163 Framboisier 355 Froments 284 • Garance 33 Garcinia Mangostana 149 Garousse 87 Gesse 8S Gesse Ochrus 89 Gessotte 87 Giroflier 12» Glycine Soja 264 — subterranea 278 Gombo 150 Gossypium arboreum 325 — barbadense 328 — hcrbaceum • 323 Hadfsarum > ttdiaalhai li Hordeum distichon Fitroidu Hinihi Fi^in regia. — de l'Inde., . KleiT.. LaUiynia I [illet 1 grappe 30:i cûfflmim, . , . , , SM [omordioa ojUndrica ÎH m Inppïoeum. iiithopDa iitlunocaipus. . Pipavar satigetum. Papnya ïulgaria, Pap Palienea 376 INDEX Persica vulgaris 176 Persil , 72 Persimmon 359 Pétanielle 288 Petit pois 262 Petroselinum sativum 72 Pflauenbaum 170 Phaseolus aconitifolius 276 — inamœnus 275 — lunatus 275 — Mungo 277 — trilobus 277 — vulgaris 270 Phaenix dactylifera 240 Piments 229 Piper Betle 357 — longum 357 — nigrum 357 — officinarum 357 Pistache de terre 320 Pistachier, Pistacia vera 252 Pisum arvense 262 — Ochrus 89 — sativum 262 Poireau 81 Poirée • 86 Poirier de Chine 186 — commun..... 183 — sauger 185 Pois chiche 258 — des champs 262 — des jardins 262 — gris 262 Poivre de Cayenne '. , 229 Poivrier Bétel 357 — long ,357 — noir 357 — officinal 357 Polygonum emarginatum 281 — Fagopyrum 279 — tataricum 281 Pomme cannelle 133 yPomme d'amour 231 Pomme de terre 36 Pomme rose 191 Pommier 186 Pommier d'Acajou 158 Pompelmouse 140 Porreau 81 Portulaca oleracea 69 Potiron 199 Poulard 288 Pourpier 69 Pruniers 168 Prunier domestique 169 — proprement dit 170 Prunus Amygdalus 174 — Armeniaca 171 — avium 163 — Cerasus 165 — domestica 169 — insititia 170 — Persica 176 Psidium Guayava 193 Punica Granatum 189 Pyrus communis 183 — Malus 186 — nivalis 185 — sinensis , 186 Quinoa 282 Quinquina 358 Radis Raifort Raifort sauvage Raiponce Ramboutan Ramié Raphanus Raphanistrum. Raphanus sativus Raves Rhus Coriaria Ribes Grossularia — nigrum .... — rubrum . . . . — Uva-crispa. Ricin, Ricinus. . . Rocambole Rocou Rubia tinctorum. Rubus Idseus. . . . Rumex acetosa.. — Patientia. Rutabaga Saccharum officinarum Safran Sainfoin Sainfoin d'Espagne Salsifis Salsifis d'Espagne Sapota Achras Sapotillier Sarrasin Sarrasin de Tartarie — émarginé Sauerkischen Scandix Cerefolium Scorzonère d'Espagne Scorzonera hispanica Sea-Kale Secale céréale Sechium edule Seigle Serradelle Sésame, Sesamum Setaria italica Shaddock, Sinapis alba — nigra Sium Sisarum Smyrnium Olus-atrum Soja Solanum, div. esp 39, — esculentum — Melongena — tuberosum Sorgho commun — sucré Sorghum saccharatum — vulgare Sour Cherry Sour sop Spargoule Spergula arvensis Spergule Spinacia oleracea Spondias dulcis Sugar apple Sulla Susskirschbaum Sumac , Sweet Potatoe Sweet sop , 23 23 26 352 252 116 25 23 28 106 219 222 220 219 339 56 322 33 355 353 353 29 122 132 83 83 35 35 228 228 279 281 281 165 71 35 34 352 297 217 297 90 337 303 140 357 .357 31 72 264 42 229 229 36 305 307 307 303 165 137 90 91 91 78 161 133 83 163 106 42 133 INDEX 377 Tabac 111 Telfairia 355 Termis 261 Tetragone, Tetragonia expansa 71 Thé, Thea sinensis 93 Theobroma Cacao 250 Tomate 231 Topinambour 34 Tragopogon porrifolium 35 Trèûe 84 Trèfle d'Alexandrie 85 — Farouch 84 — hybride 353 — incarnat 84 Trichosanthes 217 Trifolium alexandrinum 85 — hybridum 353 — incarnatum 84 — pratense 84 Trigonella Fœnum-graecum 89 Triticum compositum 288 — dicoccum 293 — durum 289 Triticum monococcum 293 — polonicum 289 — turgidum 288 — vulgare 284 Turnep 29 Valerianel|a olitoria 73 vesce 86 Vicia Ervilia 85 — Faba 253 — sativa 86 Vigne 151 Vitis vinifera 151 Voandzeia. , 278 Voandzou 278 Zea Mays 311 Zizania aquatica 361 Ziziphus jujuba 156 — Lotus 156 — vulgaris 154 Zwetschen 169 FIN DE L INDEX. TABLE DES MATIÈRES PREMIÈRE PARTIE 3îotioiis préliminairefs et méthodes employées. Chapitre premier. De quelle manière et à quelles époques la culture a commencé dans divers pays 1 Chapitre II. Méthodes pour découvrir ou constater l'origine des espèces.,, 6 § 1. Réflexions générales 6 § 2. Botanique 6 § 3. Archéologie et paléontologie 11 § 4. Histoire 12 § 5. Linguistique 15 § 6. Nécessité de combiner les différentes méthodes 20 DEUXIÈME PARTIE Étude des espèces an point de vue de leur origine 9 des premiers temps de leur culture et des principaux faits de leur dispersion. Chapitre premier. Plantes cultivées pour leurs parties souterraines, telles que racines, bulbes ou tubercules 23 Chapitre II. Plantes cultivées pour leurs tiges ou leurs feuilles 66 Article 1 . Légumes 66 Article 2. Fourrages » 81 Article 3. Emplois divers des tiges ou des feuilles 93 Chapitre III. Plantes cultivées pour les fleurs ou les organes qui les enveloppent. 128 Chapitre IV. Plantes cultivées pour leurs fruits 133 Chapitre V. Plantes cultivées pour leurs graines 250 Article 1. Graines nutritives. 250 Article 2. Graines servant à divers usages 319 TROISIÈME PARTIE Résumé et conclusions. Chapitre premier. Tableau général des espèces, avec ^indication de leur origine et de Vépoque de leur mise en culture 351 Chapitre II. Observations générales et conclusions 361 Article 1. Régions d'où sont sorties les plantes cultivées 361 Article 2. Nombre et nature des espèces cultivées depuis des épo- ques différentes 363 Article 3. Plantes cultivées qu'on connaît ou ne connaît pas à l'état sauvage 367 Article 4. Plantes cultivées en voie d'extinction ou éteintes hors des cultures 370 Article 5. Réflexions diverses 371 GouLOMMiERS. — Typ. Paul BRODARD.